ARCHIVÉE - Document d'information sur la proposition de réinscription de la saccharine à titre d'additif alimentaire au Canada


Résumé :

Au cours des années 1970, des résultats d'études ont permis de présumer que le sacharrinate de sodium constituait un carcinogène pour les rats de laboratoire. C'est sur cette base que la saccharine a été retirée de la liste des additifs alimentaires autorisés au Canada, bien que l'accès restreint à la saccharine comme édulcorant de table ait été maintenu. Depuis ce temps, les résultats de nouvelles études permettent de présumer que l'effet carcinogène qu'exerce le saccharinate de sodium chez le rat n'est pas transposable chez l'humain. Le Comité mixte d'experts des additifs alimentaires (JECFA) ainsi que le Comité scientifique de l'alimentation humaine de l'Union européenne ont établi un apport quotidien admissible (AQA) de saccharinate de sodium. Les scientifiques de Santé Canada ont conclu à l'établissement dans AQA comparable. Le Centre international de recherche sur le cancer (IARC) a mené une évaluation exhaustive du potentiel carcinogène de la saccharine chez l'humain et a conclu que désormais, le saccharinate de sodium ne peut plus être considéré comme « possiblement carcinogène pour les humains ». En mai 2000, le National Toxicology Program (NTP) des États-Unis a aussi retiré la saccharine de sa liste de substances chimiques suspectées de causer le cancer en précisant que les données sur le pouvoir carcinogène de celle-ci chez les rongeurs sont insuffisantes pour inscrire cette substance chimique à titre de substance dont « l'effet carcinogène chez l'humain est raisonnablement prévisible ».

La Direction des aliments de santé Canada a reçu une demande de réinscription de la saccharine sur la liste des additifs alimentaires autorisés au Canada, et ce, afin que celle-ci puisse être utilisée dans une variété d'aliments au Canada.

Objectif et portée du document d'information

L'objectif du présent document consiste à fournir des renseignements de base, de même qu'un résumé des données probantes utilisées par les scientifiques de Santé Canada au soutien de la proposition de réinscrire la saccharine sur la liste des additifs alimentaires autorisés au Canada. Le document d'information a déjà été partagé avec les groupes concernés, notamment aux associations de santé publique, aux ministères fédéraux, aux associations de consommateurs, aux associations sectorielles de l'alimentation, aux associations médicales, aux associations professionnelles et aux fabricants du domaine alimentaire, avant la prépublication (dans la Partie I de la Gazette du Canada) d'une annexe de modifications comportant la réinscription de la saccharine et de ses sels à la liste des additifs alimentaires autorisés pour certaines catégories d'aliments.

Contexte

Vers la fin des années 1970, sur la base d'études expérimentales chez l'animal, on a cru que la saccharine était potentiellement carcinogène pour l'humain et celle-ci a été retirée de la liste du Règlement sur les aliments et drogues permettant de l'utiliser comme édulcorant. Par conséquent, au Canada, l'utilisation de la saccharine comme additif dans les aliments et dans les boissons a été interdite, de même que la vente de produits contenant cette substance. En l'absence d'édulcorants de rechange pendant cette période d'interdiction, et pour satisfaire aux besoins des personnes devant réduire leur apport calorique pour des motifs médicaux ou autres, la vente de la saccharine en tant qu'édulcorant de table a été maintenue en faisant l'objet d'exigences strictes en matière d'étiquetage et de lieux de vente. La position ministérielle établie à l'époque est toujours en vigueur aujourd'hui. Sur le plan international, l'utilisation de la saccharine dans les aliments et les boissons est permise aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans plusieurs pays asiatiques, dont le Japon.

Situation actuelle

La Direction des aliments de santé Canada a reçu une demande du Calorie Control Council d'Atlanta, en Géorgie, pour réinscrire la saccharine sur la liste des additifs alimentaires autorisés au Canada. Les produits et les taux d'utilisation faisant l'objet de la demande sont fondés sur les habitudes d'utilisation actuelles aux États-Unis.

Tableau 1 - Taux (mg/kg) maximaux de saccharine demandés

Menthes pour l'haleine 1 500 Liqueurs 1 200
Fruits en conserve 100 Boissons gazeuses 300
Gomme à mâcher 500 Édulcorants de table BPF*
Desserts congelés 25 Garnitures de crème fouettée 900
Fruits en garniture 900 Confitures et gelées 200

*BPF signifie Bonnes pratiques de fabrication. Les sachets d'édulcorant de table contiendraient environ de 40 mg à 50 mg de saccharine, ce qui équivaut à l'effet édulcorant de deux cuillerées à thé de sucre.

L'innocuité du saccharinate de sodium chez l'humain

Les résultats d'une évaluation dans le cadre de laquelle l'exposition à vie des rats a été élargie pour inclure leur vie foetale et leur période d'allaitement par le lait maternel ont démontré qu'une exposition variant de 5 % à 7,5 % de saccharine dans l'alimentation pouvait provoquer l'apparition de tumeurs vésicales bénignes et malignes chez les rats, et ce, tant chez les mâles que chez les femelles. Le rat mâle s'est révélé plus susceptible d'être atteint de tumeurs que le rat femelle.

Les résultats d'une étude subséquente chez les rats a démontré qu'en ce qui a trait à l'apparition de tumeurs, la période d'exposition la plus critique au saccharinate de sodium débutait à la naissance, par l'exposition à cette substance dans le lait maternel. Les résultats de cette étude ont aussi révélé qu'aucune augmentation de l'incidence des tumeurs n'a été constatée dans le cadre d'une exposition à des concentrations inférieures à 3 % dans l'alimentation.

Les scientifiques qui interprètent les effets sur la santé humaine du cancer provoqué par la consommation de saccharinate de sodium chez les rats se sont appuyés dans leurs travaux sur d'autres études dans les domaines de la pharmacocinétique (l'étude de l'absorption et de la distribution d'une substance dans l'organisme, ainsi que de son métabolisme et de son élimination); de la génotoxicité (l'étude des effets indésirables sur l'ADN); du modèle initiation-promotion (l'étude et la prédiction visant à établir si une substance est carcinogène en soi ou si celle-ci crée des conditions propices à la formation du cancer); et de l'épidémiologie (l'étude des populations pour déterminer les relations de cause à effet en matière de santé).

Les observations suivantes ont été réalisées :

  • En matière de prédiction de l'effet carcinogène potentiel d'une substance, la liaison de celle-ci à l'ADN constitue un aspect important. À cet égard, les résultats d'études ont démontré que la saccharine ne se lie pas à l'ADN. Par conséquent, la disponibilité de ces données probantes soutient l'innocuité de la saccharine.
  • Pour provoquer l'apparition de tumeurs vésicales chez les rats, des doses extrêmement élevées de saccharinate de sodium dès la naissance ou du moins, au cours des cinq à six premières semaines de vie, ont été nécessaires. Des doses élevées de certains acides organiques faisant partie d'une alimentation normale ou qui se trouvent naturellement dans l'organisme ont provoqué les mêmes modifications de la muqueuse vésicale chez le rat. Par exemple, dans le cadre d'études du même type, on a constaté que des doses élevées d'ascorbate de sodium (vitamine C) ont aussi provoqué des tumeurs vésicales chez les rats.
  • Les résultats de travaux récents ont démontré que la formation de dépôts de cristaux dans l'urine du rat est associée à l'apparition ultérieure du cancer vésical chez les rats. La formation de ce dépôt urinaire entraînant la modification de la muqueuse vésicale et la formation de tumeurs dépend des propriétés naturelles de l'urine des rats ou des propriétés de leur urine induites par l'administration expérimentale de doses élevées de saccharinate de sodium. La conjoncture nécessaire à la formation de dépôts urinaires chez les rats ne se présente pas chez les humains ni chez d'autres espèces (la souris et le singe). Les résultats d'études chez les rats indiquent également que lorsque les conditions expérimentales sont modifiées pour prévenir la formation du dépôt, aucun changement vésical n'est observé en réaction à la consommation de saccharine.

Ces renseignements permettent de présumer que l'effet carcinogène du saccharinate de sodium chez les rats n'est pas transposable chez les humains, ce qui permet d'affirmer avec assurance que le saccharinate de sodium peut être consommé sans danger par les humains.

Ainsi, il est possible d'établir un apport quotidien admissible (AQA) de saccharine chez l'humain, et ce, sur la base des modifications réversibles et non carcinogènes (l'augmentation de la diurèse et l'altération de la capacité de transformation des aliments) observées chez le rat soumis à des concentrations alimentaires élevées de celle-ci. Un AQA est la quantité estimée d'une substance pouvant être ingérée quotidiennement la vie durant sans provoquer de risque appréciable pour la santé. L'AQA de saccharinate de sodium, tel qu'établi à 5mg/kg de poids corporel, est de 100 fois inférieur à la dose la plus élevée consommée par les rats sans qu'aucun effet transposable sur la santé humaine n'ait pu être observé. Ceci comprend une évaluation de l'innocuité chez les enfants puisque dans le cadre de l'étude utilisée pour établir l'AQA, les rats ont été exposés à du saccharinate de sodium pendant leur vie entière.

Des inquiétudes ont été exprimées à l'effet que plusieurs questions préoccupantes n'ont pas été abordées de façon satisfaisante dans le cadre de l'évaluation du risque associé à la consommation de saccharinate de sodium. Parmi celles-ci, notons celle liée aux fait que la saccharine a provoqué l'apparition de tumeurs chez les rats ailleurs que dans la vessie, que l'apparition de tumeurs a été provoquée chez d'autres espèces animales que le rat et que les études épidémiologiques ont indiqué un risque plus élevé de cancer de la vessie chez certains sous-groupes de la population consommant de la saccharine. À la suite d'un examen minutieux de ces questions, il a été conclu que l'apparition de tumeurs vésicales chez les rats ayant reçu au minimum 3 % de saccharinate de sodium dans leur alimentation depuis la naissance a constitué le seul effet constant et reproductible dans le cadre de l'expérience, lequel ne s'est pas révélé transposable chez les humains. En raison des insuffisances constatées dans les données disponibles, aucune conclusion générale n'a pu être établie sur la base des études épidémiologiques à l'égard d'un risque plus élevé entraîné par la consommation de saccharine chez des sous-groupes de la population humaine adulte.

Comparaison sur le plan international

Depuis le retrait de la saccharine de la liste des additifs alimentaires autorisés au Canada, le Comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires (JECFA) a réexaminé à plusieurs reprises les données toxicologiques sur la saccharine. En 1993, ce Comité a conclu que « sur la base des données réexaminées jusqu'à ce jour, il serait inapproprié de considérer les tumeurs vésicales dont l'apparition a été provoquée chez les rats mâles par la consommation de saccharinate de sodium comme étant transposables dans le cadre de l'évaluation d'un danger toxicologique chez les humains » et dans le cadre de sa 41e réunion ayant eu lieu en 1993, un AQA de 0 mg à 5 mg/kg de poids corporel a été établi en matière de consommation de saccharine et de ses sels.

En juin 1995, le Comité scientifique de l'alimentation humaine de l'Union européenne a réexaminé les données disponibles sur la saccharine et a autorisé un AQA de saccharinate de sodium de 0 mg à 5 mg/kg de poids corporel (de 0 mg à 3,8 mg/kg de poids corporel sous forme de saccharine acide)

En octobre 1998, sur la base d'une réévaluation de données animales, le Centre international de recherche sur le cancer (IARC) a fait passer la saccharine de la catégorie des substances carcinogènes IIB (possiblement carcinogènes pour les humains) à la catégorie de substances carcinogènes III (inclassables sur le plan de l'effet carcinogène chez les humains) Cette catégorie regroupe les substances pour lesquelles des données probantes étayées et constantes démontrent que le mécanisme de l'effet carcinogène chez les animaux de laboratoire ne fonctionne pas chez les humains ou démontrent qu'aucun risque carcinogène n'a pu être prédit pour les humains.

En mai 2000, le National Toxicology Program des États-Unis (NTP) a rayé la saccharine de sa liste de substances chimiques suspectées de causer le cancer en précisant que les résultats de nouvelles études n'ont révélé aucune association évidente entre la saccharine et le cancer chez les humains.

Exposition alimentaire

Les scientifiques de Santé Canada ont calculé l'apport quotidien admissible de saccharine sur la base des données de consommation des aliments pertinents, de même que les limites tolérables. Selon ces calculs, il est improbable que les apports en saccharine issus des utilisations proposées excèdent l'AQA généralement adopté de 5 mg/kg de poids corporel.

Cette conclusion est appuyée par les résultats d'études de consommation réalisées dans des pays tels que l'Australie, le Danemark, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis où l'utilisation de la saccharine pour la préparation des aliments est permise. Si la proposition de réinscrire la saccharine à la liste des additifs alimentaires est approuvée et après qu'une période suffisamment longue pour que les produits énumérés dans le tableau 1 parviennent à une pénétration maximale du marché, le Calorie Control Council a convenu de réaliser une étude de surveillance de la consommation pour déterminer les apports réels en saccharine au sein de la population canadienne.

Étiquetage

Un régime d'étiquetage pour plusieurs édulcorants concentrés a déjà été établi dans le titre 1 du Règlement sur les aliments et drogues. Le régime d'étiquetage exige que la présence de l'édulcorant soit clairement indiquée sur l'emballage de l'aliment et ce régime procure aux consommateurs les renseignements requis pour prendre des décisions éclairées à l'égard de la consommation d'édulcorants. Un tel régime d'étiquetage serait aussi conçu pour la saccharine dans le titre 1 des règlements.

Recommandation

La force probantes des données toxicologiques et l'absence d'association épidémiologique permettent de présumer que les effets qu'exerce la saccharine chez les rats ne sont pas transposables chez les humains. Par conséquent, la réinscription au Règlement sur les aliments et drogues de la saccharine à titre d'édulcorant dans les catégories d'aliments proposées est envisagée. La modification du tableau IX de l'article B16 du Règlement sur les aliments et drogues est recommandée conformément au tableau 2 ci-dessous afin de permettre l'utilisation de la saccharine et de ses sels de calcium, de potassium et de sodium dans les catégories suivantes et aux taux indiqués.

Tableau 2 :
Ajout proposé au Tableau IX de l'article B.16 100
Article Colonne 1
Additif
Colonne II
Permis dans ou sur
Colonne III
Limites de tolérance
S.1 Saccharine et ses sels de calcium, de potassium et de sodium (1) Rafraîchisseurs d'haleine (1) 1 500 ppm, calculées sous forme de saccharine
    (2) Fruits en conserve, à l'exception de ceux normalisés dans cette Partie (2) 100 ppm, calculées sous forme de saccharine
    (3) Gomme à mâcher (3) 2 500 ppm, calculées sous forme de saccharine
    (4) Desserts congelés (4) 25 ppm, calculées sous forme de saccharine
    (5) Fruits de garniture, garnitures fouettées et pour desserts (5) 900 ppm, calculées sous forme de saccharine
    (6) Liqueurs, à l'exception de celles normalisées dans cette Partie (6) 1200 ppm, calculées sous forme de saccharine
    (7) Boissons gazeuses (7) 300 ppm, calculées sous forme de saccharine
    (8) Confitures, gelées et marmelades à l'exception de celles normalisés dans cette Partie (8) 200 ppm, calculées sous forme de saccharine
    (9) Édulcorants de table (9) Bonne pratique de fabrication

Les emballages d'édulcorants de table contiendraient approximativement de 40 à 50 mg de saccharine dont l'effet édulcorant équivaut à deux cuillerées à thé de sucre.

Enfin, l'application à la saccharine du régime d'étiquetage apparaissant au titre 1 des règlements à l'égard des édulcorants concentrés est recommandée.

Renseignements supplémentaires

Des renseignements supplémentaires sur cette proposition peuvent être obtenus en présentant une demande à la Direction des aliments, Direction des produits de santé et des aliments (DPSA) par courriel : bcs-bipc@hc-sc.gc.ca ou par la poste à :

Chef
Division de l'évaluation du danger des produits chimiques pour la santé
Bureau d'innocuité des produits chimiques
Direction des aliments, Direction des produits de santé et des aliments
(DSPA)
251, promenade Sir Frederick Banting Driveway
Indice de l'adresse : 2201B1
Ottawa, Ontario, Canada
K1A 0K9

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