Ligne directrice : Évaluation pré-commercialisation de l'hépatotoxicité des produits de santé

Avis

Le 18 avril 2012

Notre référence : 12-104742-88

Publication de la ligne directrice : Évaluation pré-commercialisation de l'hépatotoxicité des produits de santé

Santé Canada a le plaisir d'annoncer la publication de la ligne directrice initulée Évaluation pré-commercialisation de l'hépatotoxicité des produits de santé. Une version ébauche de cette ligne directrice était publiée pour consultation le 16 février 2011. Il y avait 125 commentaires reçus et des modifications ont été incorporées le cas échéant.

Ce document a pour objectif de fournir des lignes directrices à l'intention des promoteurs pour faciliter la détection, l'évaluation, l'atténuation et la déclaration de l'hépatotoxicité des produits de santé à usage humain avant l'autorisation de mise en marché, conformément au Règlement sur les aliments et drogues. Lorsque la version finale de la ligne directrice sera publiée, on s'attend à ce que le respect de celle-ci permette l'utilisation sûre et efficace des médicaments par les professionnels de la santé, les patients et les consommateurs.

Cette ligne directrice s'applique aux produits pharmaceutiques à usage humain, aux produits réglementés uniquement comme des produits de santé naturels assujettis aux dispositions du Règlement sur les produits de santé naturels, ainsi qu'aux produits pharmaceutiques radioactifs et aux produits biologiques énumérés aux annexes C et D de la Loi sur les aliments et drogues. Elle ne s'applique pas aux désinfectants ni aux médicaments à usage vétérinaire.

L'élaboration de cette ligne directrice est le résultat d'un processus exhaustif d'examen de la littérature scientifique, des pratiques cliniques actuelles et d'autres méthodes utilisées par les organismes de réglementation pour évaluer l'hépatotoxicité des produits de santé.

Pour plus d'informations sur l'évaluation pré-commercialisation de l'hépatotoxicité des produits de santé, visiter la page "Contactez-nous".

Avant-propos

Les lignes directrices sont des documents destinés à guider l'industrie et les professionnels de la santé sur la façon de se conformer aux lois et règlements en vigueur. Les lignes directrices fournissent également aux membres du personnel des renseignements concernant la façon de mettre en oeuvre le mandat et les objectifs de Santé Canada de manière juste, uniforme et efficace.

Les lignes directrices sont des outils administratifs n'ayant pas force de loi, ce qui permet une certaine souplesse d'approche. Les principes et les pratiques énoncés dans le présent document pourraient être remplacés par d'autres approches, à condition que celles-ci s'appuient sur une justification scientifique adéquate. Il faut tout d'abord discuter des autres approches avec les représentants du programme concerné pour s'assurer qu'elles respectent les exigences des lois et des règlements applicables.

Dans la foulée de ce qui précède, il importe également de mentionner que Santé Canada se réserve le droit de demander des renseignements ou du matériel supplémentaire, ou de définir des conditions dont il n'est pas explicitement question dans la présente ligne directrice afin que le Ministère puisse être en mesure d'évaluer adéquatement l'innocuité, l'efficacité ou la qualité d'un produit thérapeutique donné. Santé Canada s'engage à justifier de telles demandes et à documenter clairement ses décisions.

Le présent document devrait être lu en parallèle avec l'avis d'accompagnement et les sections pertinentes des autres lignes directrices qui s'appliquent.

Table des matières

1. Introduction

L'hépatotoxicité causée par l'exposition à un médicament ou à un autre agent non infectieux est une blessure ou des dommages au foie qui peuvent être associés à une déficience de la fonction hépatique (Navarro et Senior, 2006). L'hépatotoxicité médicamenteuse constitue l'une des causes les plus fréquentes d'arrêt de la mise au point d'un médicament, une raison importante pour ne pas en autoriser la mise en marché ou pour en restreindre l'usage et le principal motif pour retirer une autorisation de mise en marché déjà accordée à un produit. Par conséquent, l'hépatotoxicité médicamenteuse constitue une grande préoccupation au cours des phases de découverte, mise au point à post-autorisation d'un produit.

1.1. Objectifs

Le présent document vise à exposer les éléments à prendre en compte pour satisfaire aux exigences de détection, d'évaluation, d'atténuation et de déclaration de l'hépatotoxicité causée par les produits de santé à usage humain (produits biologiques, dispositifs médicaux, produits de santé naturels, produits pharmaceutiques et produits radiopharmaceutiques) utilisés seuls et avec d'autres produits de santé, des aliments ou d'autres xénobiotiques avant l'autorisation de mise en marché par Santé Canada.

1.2. Énoncés de politique

Le présent document devrait être utilisé en parallèle avec d'autres lignes directrices non cliniques et cliniques pour le développement et l'exécution d'une évaluation des risques et dans la préparation des rapport de l'hépatotoxicité d'un produit avant l'autorisation de mise en marché. Il renferme des suggestions, qui ne constituent pas des exigences, à l'intention des personnes qui s'occupent de la recherche, de la production de rapports et de l'évaluation réglementaire entourant les produits de santé.

Santé Canada reconnaît que la méthode d'étude d'un produit donné ou d'évaluation des risques qu'il comporte dépend de multiples facteurs, notamment les propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques du produit, les indications visées par la demande d'autorisation de même que les diverses posologies et voies d'administration. Comme les méthodes susceptibles d'être utilisées pour l'évaluation de l'hépatotoxicité évoluent rapidement, il est recommandé de consulter régulièrement les publications scientifiques pour connaître l'évolution des pratiques exemplaires du domaine en matière de recherche et d'évaluation des risques.

1.3. Portée et application

La portée de ce document se limite à l'hépatotoxicité induite par les produits de santé à usage humain réglementés aux termes de la Loi sur les aliments et drogues, employés seuls ou avec d'autres produits, des aliments ou d'autres xénobiotiques avant l'autorisation de mise en marché.

Le Groupe consultatif scientifique sur l'hépatotoxicité externe a déterminé que les principes généraux utilisés pour l'évaluation de l'hépatotoxicité des médicaments peuvent s'étendre à tous les produits de santé réglementés aux termes de la Loi sur les aliments et drogues.

1.4 Abréviations et définitions

1.4.1 Abréviations communs
ALT
alanine aminotransférase (anciennement connue sous le nom de transaminase glutamique pyruvique sérique, ou SGPT)
AST
aspartate aminotransférase (anciennement connue sous le nom de transaminase glutamique oxalo-acétique sérique, ou SGOT)
BC
bilirubine conjuguée (direct)
BT
bilirubine totale (somme de la bilirubine sérique conjuguée et non conjuguée)
ICH
L'International Conference on Harmonisation
GGT
γ-glutamyl transférase (aussi connue sous le nom de γ-glutamyltranspeptidase ou gamma-GT)
INR
rapport international normalisé
LSN
limite supérieure de l'intervalle de référence normal
PA
phosphatase alcaline
PSN
produit de santé naturel
RI
réaction indésirable à un médicament (inclut les réactions indésirables associées aux drogues)
1.4.2 Définitions

Effet indésirable grave - réaction nocive et non intentionnelle à un produit de santé qui est provoquée par toute dose de celui-ci et qui nécessite ou prolonge l'hospitalisation, entraîne une malformation congénitale ou une invalidité ou incapacité persistante ou importante, met la vie en danger ou entraîne la mort ou la survenue d'un problème de santé majeur (ICH E2A). Les obligations réglementaires en matière de déclaration sont corrélées au caractère grave de l'effet, et non à la sévérité de celui-ci.

Enzymes - pour les besoins de la présente ligne directrice, le terme enzymes désigne l'alanine aminotransférase (ALT), l'aspartate aminotransférase (AST), la phosphatase alcaline (PA) et la γ-glutamyl transférase (GGT).

Événement indésirable - tout fait médical fâcheux se manifestant chez un patient à la suite de l'administration d'un produit de santé sans lien de causalité obligatoire avec ce traitement. Un événement indésirable peut donc correspondre à un signe défavorable et non intentionnel (par exemple, un résultat de laboratoire anormal), à un symptôme ou à une maladie temporellement associés à l'utilisation d'un médicament, qu'ils soient ou non considérés comme liés à ce produit.

Sévérité - définit l'intensité comme légère, modérée ou sévère (ICH E2A) ou selon une classification par grades de 1 à 5, conformément aux Common Terminology Criteria for Adverse Events (CTCAE), version 4.0, publiés le 28 mai 2009 (v4.03 : 14 juin 2010), U.S. DEPARTMENT OF HEALTH AND HUMAN SERVICES, National Institutes of Health, National Cancer Institute.

Insuffisance hépatique - manifestation clinique d'une lésion hépatique grave et soudaine; terme générique qui englobe à la fois l'insuffisance hépatique fulminante (dans les huit semaines suivant l'apparition des symptômes) et subfulminante (tardive) chez une personne dont le foie était sain auparavant. L'intervalle entre l'ictère et l'encéphalopathie détermine la subdivision des cas selon les trois catégories suivantes : hyperaiguë, aiguë ou subaiguë (Bernuau et coll., 1986; Bernal et coll., 2010).

Réaction idiosyncrasique - réaction individuelle d'un sujet incapable de s'adapter aux doses habituelles d'un produit ou de les tolérer, alors qu'elles peuvent être sans danger pour les autres, et qu'il est impossible de prévoir d'après les propriétés pharmacocinétiques ou pharmacodynamiques connues du stimulus.

Réaction indésirable - réaction nocive et non intentionnelle à un produit, qui comprend la « réaction indésirable à une drogue », selon la définition du Règlement sur les aliments et drogues, et la « réaction indésirable », selon la définition du Règlement sur les produits de santé naturels (Règlement sur les aliments et drogues), Partie C : Drogues et C.01.001. Règlement sur les produits de santé naturels, Interprétation, C.R.C., DORS/2003-196.

Résultat anormal à un test hépatique - tout résultat de test hépatique dépassant la limite supérieure de l'intervalle de référence normal (LSN) pour une population donnée.

Xénobiotique - composé étranger qui n'est pas produit par l'organisme humain; cette catégorie comprend les contaminants environnementaux et les produits de santé et leurs métabolites.

2. Conseils sur la mise en oeuvre de la directive

2.1 Contexte

Il n'y a pas de critères diagnostiques définitifs pour établir l'hépatotoxicité induite par les produits de santé, qui est définie comme l'apparition de lésions hépatiques à la suite de la prise d'un produit de santé, car ses manifestations peuvent s'apparenter à celles de toute maladie hépatique connue (Lee et Senior, 2005). L'hépatotoxicité peut résulter de l'action directe du produit xénobiotique, ou peut découler indirectement des interactions avec des aliments ou des xénobiotiques. Des facteurs de nature intrinsèque ou extrinsèque peuvent modifier les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de ce stimulus et, ce faisant, le profil d'innocuité (ICH E5(R1), www.ich.org/LOB/media/MEDIA481.pdf). Tous ces facteurs peuvent entraîner une variabilité géographique considérable de la fréquence et de la cause des lésions, qui dépend des différences dans les facteurs intrinsèques et extrinsèques ainsi que de la disponibilité et des habitudes d'ordonnance des produits de santé. Les polymorphismes génétiques qui influent sur les voies métaboliques et les voies de transport peuvent modifier la concentration locale du produit ou de ses métabolites réactifs au niveau cellulaire, qui peuvent former des complexes covalents ou agir directement (Andrade et coll., 2009; Daly, 2010). La présence d'une autre affection qui nuit au fonctionnement d'une ou de plusieurs voies métaboliques ou voies de régulation peut également accroître la susceptibilité du sujet (voir la section 2.2.2). L'hépatotoxicité induite par un produit de santé peut se manifester sous la forme d'une toxicité hépatique prévisible dépendante de la dose ou d'une réaction idiosyncrasique inattendue. Il existe donc une relation complexe entre le patient, le stimulus et la maladie, qui peut moduler la réponse individuelle et le risque d'hépatotoxicité. Le diagnostic de l'hépatotoxicité induite par un produit de santé repose sur l'exclusion de plusieurs éléments comme les antécédents médicaux (facteurs de risque spécifiques, exclusion d'autres diagnostics), le tableau clinique (délai d'apparition des symptômes, ictère ou anomalie de laboratoire objective, et processus de rétablissement), les résultats de laboratoire et l'évolution ultérieure de la maladie (caractéristiques cliniques).

La détection des lésions hépatiques rares induites par un produit de santé se fonde habituellement sur une évaluation valide de la causalité et sur la participation d'un nombre suffisant de sujets à l'essai clinique. L'effectif des essais cliniques doit correspondre au triple de l'incidence, environ, pour exclure la possibilité qu'un événement indésirable se soit produit par hasard avec un intervalle de confiance à 95 %. Ainsi, un effectif de 30 000 sujets serait nécessaire à la détection d'une réaction dont l'incidence est de 1 pour 10 000 (très rare). Comme les essais de phase III portent généralement sur moins de 3 000 patients, bon nombre de produits sont approuvés à la suite de ce type d'essais sans qu'un seul cas de lésion hépatique ait été observé. L'absence de cas d'hépatotoxicité dans les essais cliniques ne peut alors offrir qu'une valeur prédictive limitée de l'hépatotoxicité possible du produit. Les propriétés biochimiques, les propriétés métaboliques et les voies de transport d'un produit de santé, y compris les données in vitro et les données précliniques in vivo concernant la fonction hépatique, doivent être prises en considération dans l'évaluation de son potentiel hépatotoxique.

2.1.1 Lésion hépatique

Le foie est un organe multifonctionnel complexe. Les lésions hépatiques peuvent résulter de lésions directes des hépatocytes ou de lésions des cellules des canalicules biliaires, de l'épithélium des sinusoïdes ou des cellules de Kupffer, qui altèrent la fonction hépatique ou endommagent indirectement les hépatocytes (Lee et Senior, 2005). Le foie possède des propriétés régénératrices importantes et une grande résilience qui facilitent son adaptation à de nombreux agents; une atteinte hépatique ne conduit donc pas obligatoirement à une perte de fonction observable. On doit cependant se préoccuper des risques d'altération fonctionnelle.

Les lésions hépatiques englobent un large éventail de manifestations cliniques et pathologiques, et divers mécanismes peuvent provoquer des manifestations allant de l'élévation asymptomatique des taux enzymatiques à une dysfonction sévère (Assis et Navarro, 2009). L'élévation de l'activité enzymatique au-delà des limites supérieures de la normale, ou, en cas d'hépatopathie, au-delà des valeurs de référence, pourrait évoquer l'apparition ou la progression d'une atteinte hépatique, respectivement. Il est donc nécessaire de rechercher la cause d'une telle élévation. Les élévations au-delà des valeurs de référence individuelles (valeurs obtenues avant le début du traitement médicamenteux) doivent aussi être analysées, particulièrement chez les sujets présentant une hépatopathie sous-jacente. De plus amples directives concernant la fréquence et la durée du suivi en de pareilles circonstances sont présentées à la section 2.4.2. La physiopathologie des lésions hépatiques induites par les produits de santé varie selon le produit en cause et peut dans de nombreux cas ne pas être entièrement élucidée.

Les lésions hépatiques peuvent se manifester à n'importe quel moment pendant le continuum suivant l'exposition, que ce soit durant les premiers jours, au bout de plusieurs semaines ou, mois fréquemment, après quelques mois. Un produit, ou une classe de produits, peut présenter un profil lésionnel particulier (par exemple, délai d'apparition, tendances des valeurs biochimiques anormales, évolution clinique, gravité relative ou vitesse du rétablissement), mais ce n'est pas toujours le cas (renseignements adaptés de Fontana et coll., 2010).

Les lésions hépatocellulaires peuvent aussi apparaître à la suite d'une infection bactérienne ou virale, d'une infestation parasitaire ou d'une exposition à un produit de santé ou à un autre xénobiotique. La lésion hépatocellulaire entraînant une nécrose hépatique est le processus pathogène le plus courant d'effet potentiellement mortel, et elle est habituellement mise en évidence par une augmentation de l'activité des aminotransférases sériques, de l'alanine aminotransférase (ALT) et de l'aspartate aminotransférase (AST). La hausse de l'ALT est généralement supérieure à celle de l'AST; cependant, en l'absence d'une modification de la créatine kinase ou d'autres marqueurs musculaires, une hausse de l'AST supérieure à celle de l'ALT peut parfois être observée en cas de consommation d'alcool.

Les lésions cholestatiques se manifestent par un arrêt ou une suppression du flux biliaire, qui peuvent être associés à un état pathologique ou à une obstruction ou une sténose des conduits biliaires, entre autres. La cholestase peut être intrahépatique ou extrahépatique. La cholestase intrahépatique est le plus souvent attribuable à l'exposition à des produits de santé ou à des toxines, ou encore à l'hépatite virale; moins fréquemment, elle peut aussi être associée à une hépatopathie alcoolique, une hémochromatose, une cirrhose biliaire primitive, une cholangite sclérosante primitive, une stéatose hépatique ou une maladie de Wilson, entre autres. La cholestase extrahépatique est pour sa part souvent attribuable à des calculs biliaires ou à un cancer du pancréas; elle peut aussi être associée à une cholangite aiguë, à des pseudokystes du pancréas, à une cholangite sclérosante primitive, à des sténoses secondaires à une chirurgie antérieure ou à d'autres cancers, entre autres. La lésion cholestatique est couramment détectée par une élévation de l'activité de la phosphatase alcaline (PA) et de la γ-glutamyl transférase (GGT) de même que par une élévation de la bilirubine. La cholestase est en général réversible et est associée à un faible taux de mortalité et de morbidité; souvent, donc, il s'agit d'un problème de gravité moindre. La cholestase induite par des agents spécifiques comme la terbinafine semble cependant être plutôt chronique, peut-être en raison de la demi-vie terminale très longue de ce produit. Comme l'ALT, l'AST, la PA et la GGT ne sont pas exclusivement associées aux hépatocytes ou à l'épithélium biliaire, l'interprétation de l'ensemble du bilan hépatique (y compris le dosage de la bilirubine) est nécessaire au diagnostic des lésions hépatiques. De plus, une hausse de l'activité sérique ou plasmatique de la PA et de la GGT pourrait ne pas être liée à des lésions cellulaires, mais plutôt à l'induction de l'activité enzymatique par le produit de santé (par exemple, le phénobarbital).

Parfois, les patrons des lésions hépatiques sont parfois mixtes. Les trois profils peuvent s'observer pour un même produit en raison de la grande variabilité des réponses (Fontana et coll., 2010). Le phénotype clinique n'est pas nécessairement propre à une classe, des produits sans homologie structurale pouvant présenter un phénotype similaire.

Déterminant quel processus pathogène prédominant est responsable pour les lésions hépatiques évidentes en évaluant les ratios relatifs entre différent épreuves de marqueurs biochimiques est un vrai défi. Les ratios entre deux épreuves biochimiques peuvent être présentés; cependant, la fiabilité des fourchettes de ratios pour établir les profils lésionnels n'a pas été évaluée de manière prospective, en particulier parce que les ratios peuvent changer selon que l'on utilise pour la détermination les taux mesurés à l'apparition de la maladie ou à son point culminant.

Le mécanisme immunologique de l'hépatotoxicité peut comporter la formation d'un complexe covalent entre le produit ou un métabolite réactif et une protéine cellulaire. Ce complexe peut ensuite être présenté aux lymphocytes T, par un processus impliquant le complexe majeur d'histocompatibilité (CMH), et engendrer une réponse localisée inappropriée des lymphocytes T. La lésion mitochondriale peut se développer par une ou plusieurs voies, telles la phosphorylation oxydative, détectée par une déplétion sévère en adénosine triphosphate (ATP) mitochondriale, l'interférence du métabolisme lipidique normal, et peut être mise en évidence par la présence d'une acidose lactique et d'une stéatose microvésiculaire; une altération de l'activité enzymatique des complexes II-IV de la chaîne respiratoire dans les leucocytes du sang périphérique, la superoxyde dismutase à manganèse (SOD2) et la glutathion peroxydase (GPx1), qui participent à la gestion du stress oxydatif mitochondrial (Apostolova et coll., 2010; Berger et coll., 2010; De Bus et coll., 2010; Jones et coll., 2010; Lucena et coll., 2010; Pessayre et coll., 2010). La lésion mitochondriale peut entraîner une nécrose ou une apoptose des cellules du foie. Ces deux phénomènes peuvent déclencher une hépatite cytolytique qui évolue en hépatite fulminante mortelle chez certains patients. Parmi les autres réponses, notons la stéatose microvésiculaire étendue, l'hypoglycémie, le coma et la mort. Des formes moins sévères et plus longues de dysfonction mitochondriale d'origine médicamenteuse peuvent également engendrer une stéatose macrovacuolaire pouvant évoluer vers une stéatohépatite, puis une cirrhose.

2.1.2 Fonction hépatique

La fonction hépatique approprié est essentielle envers la majorité des fonctions homéostatiques dans le corps. L'état de ces fonctions peut être évalué en mesurant des paramètres biologiques tels que la bilirubine totale (BT), la bilirubine conjuguée directe (BC), l'albumine sérique (Zimmerman, 1999) et l'allongement du temps de prothrombine. Parce que le foie est un organe multifonctionnel, il est possible d'utiliser d'autres biomarqueurs fonctionnels. Bien que les paramètres biologiques anormaux constituent souvent le premier signe de maladie hépatique, des résultats d'analyse normaux ou légèrement anormaux n'excluent pas la possibilité de survenue d'une maladie grave ou d'une cirrhose.

Sur le plan clinique, l'insuffisance hépatique aiguë est un syndrome de dysfonction hépatique systémique à évolution rapide compliqué d'une coagulopathie et, à un stade avancé, d'une encéphalopathie hépatique. L'insuffisance hépatique aiguë se divise habituellement en deux sous-catégories : 1) l'insuffisance hépatique fulminante, dans laquelle l'encéphalopathie hépatique se manifeste dans les huit semaines suivant le déclenchement de la maladie (ou deux semaines après l'apparition de l'ictère) et 2) l'insuffisance hépatique subfulminante, dans laquelle l'encéphalopathie hépatique survient de huit semaines à six mois après l'apparition de la maladie (ou deux semaines à trois mois après l'apparition de l'ictère). L'insuffisance hépatique fulminante d'origine médicamenteuse est dans 50 pour cent des cas attribuable à un surdosage d'acétaminophène. L'insuffisance hépatique subfulminante a quant à elle souvent pour cause une hépatotoxicité médicamenteuse ou des facteurs indéterminés (Friedman et Keeffe, 2004).

L'insuffisance hépatique aiguë survient chez environ 10 pour cent des patients présentant des lésions hépatocellulaires associées à un ictère. Les lésions cholestatiques associées à un ictère sont pour leur part moins susceptibles d'entraîner une insuffisance hépatique aiguë. Tout produit de santé causant des lésions hépatocellulaires associées à un ictère au cours de sa mise au point et des essais cliniques pré-commercialisation risque fort d'être à l'origine de cas d'insuffisance hépatique aiguë après sa commercialisation; des précautions supplémentaires s'imposent donc avant l'approbation (Lee, 2003). On estime que les réactions indésirables aux produits représentent de 2 à 5 % de tous les cas d'ictère observés chez les patients hospitalisés, 40 % des hépatites chez les patients de plus de 50 ans et jusqu'à 25 % des cas d'insuffisance hépatique fulminante (Friedman et Keeffe, 2004 ).

Lors d'une insuffisance hépatique chronique, il y a typiquement une progression de lésion hépatique menant aux signes de stade terminal et des symptômes comme une cirrhose avancée et le tableau clinique suivant : ascite réfractaire, malnutrition, hémorragies variqueuses, encéphalopathie réfractaire, coagulopathie réfractaire, malaise et fatigue, avec augmentation de la bilirubine, diminution de l'albumine et hausse du taux normalisé international (INR).

2.1.3 Loi de Hy

La loi de Hy, aussi appelée règle de Hy, peut être employée afin d'estimer la gravité des cas de même que la probabilité qu'un produit de santé soit associé à une augmentation de l'incidence des cas d'hépatotoxicité grave. La loi de Hy est fondée sur la présence concomitante de lésions hépatiques, d'une diminution de la fonction hépatique et d'une absence de lésions de source non médicamenteuse (Kaplowitz et DeLeve, 2003; Zimmerman, 1999). Les paramètres d'origine de la loi de Hy chez les patients traités par rapport aux sujets de comparaison ont été étendus au fil des années pour inclure des paramètres additionnels, mais exige que les trois critères suivants soient satisfaits :

  1. lésions : taux d'ALT ou d'AST > 3 × la LSN; et
  2. fonction : BT > 2 × la LSN (un autre marqueur clinique de la fonction, par exemple un INR > 1,5 × la LSN, peut être acceptable si le changement est cliniquement significatif, en absence d'une obstruction) sans que la PA soit > 2 × la LSN; et
  3. vérification clinique visant à s'assurer que l'effet est induit par un produit de santé et non pas par une maladie ou une autre cause de lésion.

Limitations : L'élévation de l'activité sérique de l'ALT possède une bonne sensibilité mais une spécificité mitigée en ce qui concerne les lésions hépatiques; le dosage de la BT est quant à lui plus spécifique, mais peu sensible pour la détermination de l'altération fonctionnelle hépatique (Senior 2006). Cependant, ensemble, ces deux dosages permettent de cibler les sujets susceptibles de présenter des signes d'hépatotoxicité grave. Le degré d'élévation de l'ALT permettant le mieux de prédire une lésion hépatique grave n'est pas encore entièrement établi, et il reste encore à déterminer si le degré de variation de cette transaminase peut constituer un facteur prédictif de l'hépatotoxicité. Il a été mis en évidence qu'une activité de la PA > 2 × la LSN peut être observée chez le tiers des cas ayant le potentiel de satisfaire aux critères de Hy et peut être associée avec l'apparition subséquente d'une insuffisance hépatique. Parfois, une association d'un R (c'est-à-dire, ALT [× LSN]/PA [× LSN]) ≥ 5 et d'une bilirubine totale ≥ 2 × la LSN au moment du pic d'activité de l'ALT peut être considérée comme un meilleur critère de Hy, plus prédictif. De plus, il reste encore à établir si l'apparition d'un ictère clinique ou si l'élévation de la bilirubine sérique devrait faire partie de l'ensemble des résultats anormaux servant de facteur prédictif (Lewis, 2006).

Malgré ses limitations, un seul cas d'hépatotoxicité induite par un produit de santé satisfaisant à la règle de Hy tiré de la base de données d'une étude d'un essai clinique devrait être considéré comme signe potentiel d'hépatotoxicité du produit; plus d'un cas justifie un examen approfondi des risques et avantages du produit.

2.2 Détection de l'hépatotoxicité

Pour les produits en développement, des essais non cliniques sur les animaux sont essentiels pour le dépistage précoce du potentiel hépatotoxique. Ses essais non cliniques avec les essais contrôlés chez l'humain permettent de repérer et d'éliminer la plupart des produits nettement hépatotoxiques. Il n'existe aucune méthode fiable permettant de prévoir ou d'atténuer le risque de nature idiosyncrasique. Il est cependant recommandé d'évaluer la structure chimique et les voies de biotransformation du produit de santé afin d'en déterminer la tendance à former des métabolites ou des produits intermédiaires réactifs. Un suivi serré des bilans hépatiques est aussi recommandé lorsque des signes hépatiques sont détectés. Il est nécessaire de se pencher sur les différences liées à la dose, au temps, à l'espèce et au modèle pour évaluer les effets potentiels du produit de santé sur l'expression et la fonction des enzymes et des transporteurs métaboliques. Les études de toxicité chez l'animal ont permis de détecter les lésions hépatiques dose-dépendantes, mais elles ne comportent qu'une valeur limitée en ce qui concerne la prédiction des lésions hépatiques idiosyncrasiques chez l'humain.

Les études non cliniques devraient viser les trois objectifs suivants :

  1. identifier les signaux d'une toxicité hépatique dans les études pharmacologiques et toxicologiques courantes qui permettent de détecter les changements et leur ampleur, avec une évaluation pathologique et histopathologique et des observations in vivo;
  2. déterminer les marges d'innocuité pour l'exposition humaine en fournissant une dose sans effet nocif observé (DSENO) de toxicité hépatique, soit pour le niveau de dose ou pour l'exposition systémique, et fournir les renseignements à l'appui de la possibilité de suivi et du caractère réversible; et
  3. lorsque c'est possible, définir un mécanisme ou une pathogenèse de la toxicité afin d'améliorer la prévision de l'innocuité clinique.

Il faut tenir compte des différences entre espèces en ce qui concerne l'élimination, la cible et les mécanismes biopathologiques lorsqu'il s'agit d'interpréter les résultats non cliniques et d'évaluer dans quelle mesure ils s'appliquent à l'humain. Il est généralement admis que l'utilité d'élucider le ou les mécanismes responsables de la toxicité hépatique augmente avec le stade d'évolution des espèces animales (rongeur < non-rongeur < primate non humain) chez qui des signes de toxicité hépatique ou des réactions histopathologiques indésirables ont été observés. En général, il peut y avoir moins de 60 % de concordance entre l'hépatotoxicité induite par un produit de santé chez les humains et les animaux qui pourraient approcher des niveaux aussi bas que 40 % (Greaves et al., 2004, Olson et al., 2000). Dans un examen rétrospectif complet des données publiées, la concordance entre une observation non clinique et un événement hépatotoxique clinique était la plus faible avec un rongeur seulement; elle augmentait lorsque l'observation avait été faite sur un non-rongeur seulement; et elle était la plus forte lorsque les deux modèles présentaient le même résultat (EMA 2010).

Les techniques histopathologiques et de pathologie clinique habituelles, telles que décrites dans les lignes directrices existantes (c'est-à-dire ICH M3 (R2), 2009), constituent les méthodes les plus fiables d'évaluation de l'hépatotoxicité dans les études toxicologiques in vivo classiques. Le bilan clinique réalisé pour surveiller l'apparition de lésions hépatocellulaires devrait comprendre un dosage de l'ALT et de l'AST de même que, chez certaines espèces, un dosage de l'alcool déshydrogénase (ADH), de la glutamate déshydrogénase (GLDH) ou de la sorbitol déshydrogénase (SD), les voies métaboliques concernées pouvant varier d'une espèce à l'autre. En outre, au moins deux des paramètres suivants associés aux lésions hépatobiliaires doivent être mesurés : PA, GGT, 5'-nucléotidase (5NT) et bilirubine totale. Une connaissance des limites de chaque paramètre est nécessaire à l'interprétation des changements.

Étant donné que les signes cliniques, les modifications des paramètres biologiques et les changements microscopiques sont souvent transitoires, il faudrait procéder aux évaluations à divers intervalles pour déterminer l'effet de différentes durées d'exposition. Lorsque les données biologiques ou les évaluations histologiques indiquent des changements hépatiques, il y aurait lieu de réaliser des études sur le mécanisme d'action au moyen de séries d'échantillons de sang, d'urine ou de tissus, y compris des échantillons prélevés chez des personnes traitées asymptomatiques appariées, afin de déterminer le mécanisme d'action et le risque d'hépatotoxicité chez l'humain. Il faudrait évaluer, conformément aux lignes directrices appropriées relatives à la pré-commercialisation, les signes cliniques ainsi que les données biochimiques et histologiques choisis pour les études in vivo afin de mieux comprendre l'aspect mécaniste d'une possible hépatotoxicité observée dans les études in vitro et en approfondir l'étude.

Pour faciliter l'élucidation des mécanismes en cause et la caractérisation des différences entre sous-populations associées à une hépatotoxicité, les études in vitro peuvent comprendre l'étude des polymorphismes génétiques pharmacodynamiques et pharmacocinétiques pertinents; l'étude de l'expression et des fonctions des voies métaboliques, voies de transport et régulateurs nucléaires principaux et pertinents des phases I et II; des analyses de protéomique; et des analyses de métabolomique (y compris des analyses biologiques et l'analyse de la ou des substances mères et des métabolites). Ces études pourraient déterminer si le profil pharmacocinétique des substances mères et de leurs métabolites, seuls et en présence d'autres produits de santé ou d'autres xénobiotiques, s'est modifié, surtout si l'on observe la formation de métabolites nouveaux ou uniques. Les voies immunologiques et inflammatoires ainsi que les voies des récepteurs pourraient également être analysées.

2.3 Évaluation de l'hépatotoxicité

La nature complexe de l'hépatotoxicité induite par un produit exige de tenir compte de divers facteurs comme le temps, la présence d'une maladie du foie concomitante et/ou préexistante, l'utilisation concomitante d'autres produits de santé, l'exclusion des autres causes possibles des lésions hépatiques de même que la réponse à l'arrêt du médicament et, le cas échéant, à la reprise du traitement.

L'hépathopathie induite par un produit de santé n'est pas nécessairement une maladie unique; il s'agit plutôt d'une réaction multifactorielle à un large éventail d'entités chimiques, seules ou combinées. Le profil de risque peut lui aussi présenter une grande diversité et peut varier en fonction de facteurs comme l'âge, le sexe, l'origine ethnique et les maladies concomitantes.

Les premières manifestations cliniques d'une lésion induite par un produit sont souvent non spécifiques. Les symptômes généraux comme les malaises, l'anorexie et la fatigue peuvent être sévères et précéder de loin l'ictère. Le diagnostic d'hépatotoxicité liée à un produit est un diagnostic d'exclusion, les autres causes de la maladie devant être envisagées puis exclues au moyen des résultats cliniques, radiologiques, histologiques, biochimiques et/ou sérologiques.

Il n'existe aucune norme diagnostique de référence pour évaluer l'hépatotoxicité, et la fiabilité de l'évaluation dépend souvent de l'expérience ou de l'opinion scientifique des chercheurs concernés. L'évaluation de l'hépatotoxicité nécessite un examen clinique complet du patient et l'exclusion systématique de toute autre explication potentielle des anomalies hépatiques, comme on le décrit ci-dessous. Lorsque c'est possible, le patient devrait être vu par un gastro-entérologue ou un hépatologue d'expérience, les cas pouvant s'avérer très complexes. Un certain nombre de méthodes d'évaluation de l'hépatotoxicité chez un sujet ont été proposées; elles comprennent sans s'y limiter la Clinical Diagnostic Scale (Aithal et coll., 2000), l'échelle CIOMS/RUCAM (CIOMS = Conseil des organisations internationales des sciences médicales) [Danan et Benichou, 1993], les échelles de Maria et Victorino (Maria et Victorino, 1997), la Naranjo Adverse Drug Reactions Probability Scale (Naranjo et coll., 1981) et l'algorithme de causalité de l'OMS (http://www.who-umc.org/graphics/4409.pdf). Voir aussi la section 2.0.3. sur la loi de Hy.

Lors de l'évaluation de l'hépatotoxicité induite par un produit, d'autres facteurs et maladies qui peuvent évoquer une hépatopathie induite par un produit de santé ou accroître la sensibilité à une telle hépatopathie peuvent agir comme facteurs de confusion. Il peut ainsi s'avérer nécessaire d'effectuer des analyses visant à éliminer ces facteurs de confusion, qui comprennent sans s'y limiter :

  • la stéatohépatite non alcoolique (NASH);
  • l'iritis de Gilbert;
  • une coaffection (y compris le virus de l'immunodéficienne humaine [VIH], les phénomènes paranéoplasiques, les métastases, l'hépatite virale A, B, C ou E);
  • la consommation d'alcool et de drogues illicites (facteur de confusion important en ce qui concerne le risque et la gravité de l'hépatotoxicité);
  • une anomalie biliaire (y compris une obstruction ou une infection);
  • une maladie auto-immune ou l'immunosuppression;
  • une anomalie hémodynamique (hypertension pulmonaire, insuffisance cardiaque, choc cardiovasculaire, coronaropathie et insuffisance rénale);
  • un trouble génétique et métabolique;
  • le diabète et l'obésité;
  • la grossesse;
  • un traitement simultané ou antérieur par un autre produit de santé (par exemple, anti-infectieux, anticonvulsivant ou anti-inflammatoire [particulièrement le paracétamol]) et les produits de santé nature;
  • les interactions aliments-médicaments susceptibles de modifier la pharmacocinétique;
  • la non-observance du traitement;
  • une exposition environnementale ou professionnelle à des xénobiotiques, y compris des polluants; et
  • certains agents toxiques comme Amanita sp. (champignon).
2.3.1 Pathologie morphologique

Les lésions histologiques non spécifiques peuvent évoquer une hépatopathie médicamenteuse; toutefois, il est nécessaire d'écarter les autres étiologies possibles (par exemple, hépatite virale ou auto-immune). Les lésions histologiques non spécifiques comprennent généralement : l'hépatite, la nécrose hépatocellulaire, des granulomes, des infiltrats de cellules inflammatoires, une répartition zonale des lésions, la dégénérescence hépatique, l'apoptose, la cholestase, la stéatose, des lésions vasculaires et la néoplasie. Ces changements ne s'excluent pas mutuellement et il est possible d'observer plus d'un type de lésions. En outre, le même médicament peut être à l'origine de différents profils de lésions hépatiques chez différents patients, et la sévérité de l'atteinte n'est pas toujours proportionnelle à l'état clinique du patient ni à l'importance des anomalies observées dans le dosage des enzymes hépatiques. Si les altérations histologiques ne peuvent être attribuées à un processus morbide ou à une réponse adaptative, une lésion hépatique induite par un produit devrait être envisagée.

Les changements dans la taille du foie ou les altérations macroscopiques de la couleur, de la texture ou de l'anatomie peuvent signer une atteinte hépatique, mais une évaluation microscopique, c'est-à-dire une biopsie du foie, s'impose pour évaluer les changements structuraux (tableau 1). D'autres évaluations peuvent être effectuées : pathologie ultrastructurale, morphométrie, colorations histologiques spéciales et détection d'anticorps. Le type de lésions cellulaires, la présence d'infiltrats cellulaires et la présence de cellules nécrotiques et/ou apoptotiques doivent tous être évalués. Tout changement morphopathologique de niveau « minimal à léger » ou au-delà est habituellement considéré comme un effet indésirable, mais il peut être attribuable à une réponse adaptative ou à d'autres causes de lésions hépatiques (par exemple, l'alcool) ou de maladie du foie (par exemple, une infection virale). Aucun patron morphologique observé à la biopsie hépatique ne permet à lui seul de confirmer le diagnostic de lésion hépatique induite par un produit de santé.

2.3.2 Évaluation clinique

Dans les essais cliniques, l'observation d'une fréquence accrue d'un ou de plusieurs effets indésirables dans un groupe de traitement peut signaler une hépatotoxicité potentielle, même si l'effet indésirable a été jugé non attribuable au produit de santé à l'échelle individuelle (sauf en présence d'une autre étiologie avérée, par exemple, en cas de séroconversion d'une hépatite virale). Il faut procéder à des comparaisons minutieuses des signes cliniques et à des évaluations en laboratoire entre le groupe témoin et de traitement, ainsi qu'entre les doses dans les groupes de traitement. Tout comme les moyennes du groupe, la fréquence et l'ampleur des variations entre les phases de pré-traitement et de traitement devraient aussi être comparées entre les groupes de traitement.

Une fréquence accrue de taux enzymatiques ou de paramètres hépatiques élevés peut évoquer un plus grand risque d'hépatotoxicité grave. Toute tendance à l'augmentation mise en évidence par les bilans hépatiques périodiques peut être indicatrice de lésions hépatiques ou d'une altération fonctionnelle, par rapport aux témoins, et revêt une plus grande importance que la valeur ou la fréquence réelles. Cependant, tout signe d'une hausse de la fréquence commande un examen approfondi visant à déterminer la signification clinique de celle-ci. Cette nécessité était par exemple évidente dans le cas de la troglitazone, pour laquelle une élévation de l'ALT au-delà de 3 × la LSN a été observée chez 1,9 % des sujets, comparativement à 0,6 % des témoins. Ainsi, il n'existe aucun seuil prédéterminé (par exemple, 2 %) au-delà duquel il conviendrait de mener un examen supplémentaire ou de déclarer une hépatotoxicité. Il est parfois difficile de distinguer les élévations significatives des élévations asymptomatiques réversibles de l'ALT et de l'AST (tolérance) [Lewis, 2006]. Cependant, bien qu'une tolérance associée à l'absence d'une hyperbilirubinémie ne soit pas prédictive d'une hépatotoxicité grave, il importe de ne pas ignorer cet indicateur de lésions transitoires lors d'un essai clinique.

La reprise du traitement chez un sujet ou un patient qui a été retiré d'un essai clinique pose un risque d'effet indésirable grave, et elle ne devrait pas être envisagée en présence de signes d'une réaction immune. Cependant, la reprise du traitement peut être envisagée, si elle est jumelée à un suivi serré du patient, lorsque aucun autre traitement n'est disponible ou lorsque les éléments au dossier permettent d'écarter la possibilité de lésions sévères. Après consultation du comité d'examen de l'établissement et obtention de son approbation, le traitement pourra être repris chez le patient consentant préalablement informé des risques potentiels. La réadministration pourrait n'entraîner aucune réaction en raison d'une variation de la dose et de l'usage concomitant ou de l'absence d'usage concomitant d'autres produits de santé, de même qu'en raison d'autres facteurs intrinsèques ou extrinsèques comme l'état de santé au moment de la reprise du traitement; ainsi, un résultat négatif pourrait n'avoir qu'une valeur limitée dans la détermination de la causalité.

2.3.2.1 Déclaration

Les rapports d'hépatotoxicité devraient comprendre les éléments d'information clés concernant les aspects suivants :

  • antécédents d'exposition au produit de santé ou à un produit similaire;
  • information sur la possibilité de contamination ou d'adultération du produit;
  • caractéristiques intrinsèques et extrinsèques du patient (par exemple régime et habitudes alimentaires, y compris la consommation récente d'aliments saisonniers, autres produits de santé, l'usage de tabac et d'alcool, les antécédents médicaux, l'origine ethnique ou raciale, les données pharmacogénomiques, maladie concomitante et auto-immunité, etc.);
  • fréquence de la surveillance, intervalle écoulé entre l'administration du produit, l'obtention des premiers résultats de laboratoire anormaux et l'obtention des résultats des séries d'épreuves ultérieures;
  • nombre de sujets ou de patients dont les résultats de laboratoire dépassaient le seuil établi, nombre de sujets dont les résultats sont revenus à la normale et tout rapport (national ou international) de cas d'hépatotoxicité observés pendant les essais cliniques (peu importe les conclusions tirées sur la causalité), y compris les renseignements sur la sévérité et le traitement et sur l'évolution de l'atteinte et ses séquelles;
  • résultats de l'arrêt du traitement et de toute reprise du traitement, y compris les renseignements sur le moment de celle-ci et la dose administrée.

2.4 Stratégies d'atténuation des risques liés aux essais cliniques

Les stratégies d'atténuation des risques d'hépatotoxicité durant la mise au point clinique peuvent comprendre les éléments suivants, sans toutefois s'y limiter :

  • critères d'inclusion et d'exclusion appropriés;
  • surveillance;
  • réduction de la dose préétablie, interruption et/ou retrait;
  • communication prompte des renseignements pertinents aux chercheurs et aux sujets.

Ces stratégies, en particulier la surveillance efficace et le retrait précoce, pourraient empêcher de déceler une hépatotoxicité pendant l'essai clinique et ne pas permettre de déterminer si un produit est susceptible de satisfaire aux critères de la loi de Hy. Il est souhaitable de mener une évaluation clinique supplémentaire pour déterminer la progression d'hépatotoxicité chez les patients qui ont été retirés prématurément, ce qui peut comprendre une surveillance clinique plus serrée (par exemple, dosage plus fréquent des enzymes hépatiques sériques).

2.4.1 Inclusion et exclusion des sujets

L'inclusion ou l'exclusion de sujets sains ou de patients présentant une hépatopathie doit être fondée sur le profil de risque ainsi que sur les avantages potentiels du produit et être justifiée pour chaque essai.

Pour les produits non soupçonnés de causer des lésions du foie, mais dont l'aire sous la courbe (ASC) concentration-temps ne peut être maintenue dans une fourchette souhaitable sans que la fonction hépatique ne soit normale, les valeurs chez les sujets sains devraient être < 2 × la LSN pour l'ALT et l'AST et < la LSN pour la BT au moment du recrutement. Pour les produits dont on sait ou soupçonne qu'ils sont toxiques pour le foie, un critère d'admissibilité acceptable pourrait être un maximum de 1,5 × la LSN pour l'ALT et l'AST et un maximum de 1,5 × la LSN pour la BT.

Il serait bon d'inclure des sujets présentant une atteinte hépatique légère à modérée (ALT < 3 × la LSN et BT < 1,5 × la LSN) dans certains essais cliniques de phase II et de phase III, car cela permettrait d'évaluer la tolérance au produit chez cette population avant l'autorisation de mise en marché. Pour les patients porteurs de métastases hépatiques, le jugement clinique est acceptable. Les patients gravement malades ne sont habituellement pas inclus dans les études de phase II, mais peuvent l'être s'ils font partie de la population cible pour le produit. Les valeurs au recrutement chez ces sujets doivent être évaluées individuellement, étant donné que les limites des taux de transaminases seraient arbitraires. Une poussée ou une complication de la maladie sous-jacente peut faire obstacle à la surveillance et à l'évaluation de la causalité dans le cas de ces sujets.

2.4.2 Surveillance

La fréquence et la durée de la surveillance au cours d'un essai clinique devraient dépendre de la durée, du profil de risque du produit et de la population à l'étude. Une surveillance moins fréquente serait acceptable si l'exposition systémique est extrêmement faible, comme dans le cas des gouttes ophtalmiques, pommades et bronchodilatateurs, ou si des essais d'envergure réalisés précédemment ont établi que le risque est moindre.

À titre indicatif, dans le cas des produits dont on suppose qu'ils ne présentent aucune hépatotoxicité, il pourrait être approprié de réaliser un bilan hépatique toutes les deux à quatre semaines au cours des essais de phase I et II, puis tous les deux ou trois mois lors des essais cliniques de plus longue durée, à moins que des signes d'hépatotoxicité n'apparaissent.

Chez les sujets atteints d'une maladie hépatique connue, et dans les cas où le produit ou une classe de produit est un produit hépatotoxique avéré ou présumé, la surveillance devrait être adaptée à chaque essai en fonction de la nature de la maladie et du produit de santé.

Toute mise en évidence d'une élévation > 3 × la LSN pour l'ALT sérique ou > 2 × la LSN pour la BT commande un nouveau dosage de l'ALT, de l'AST, de la PA et de la BT dans les 48 à 72 heures. Si le nouveau résultat du dosage de l'ALT ou de la BT reste inchangé ou indique une diminution de l'activité, la surveillance devrait se poursuivre à intervalles d'une semaine jusqu'à ce que les résultats soient acceptables ou reviennent à la normale. À l'opposé, si le résultat indique une nouvelle élévation de l'un des paramètres, le sujet doit immédiatement être mis sous observation étroite. Si cela est impossible, la prise du médicament devrait être interrompue.

2.4.3 Retrait

La décision de procéder au retrait d'un médicament dans un essai clinique peut se fonder sur une approche prudente selon laquelle l'importance de la valeur absolue des enzyme ou de BT est moindre que celles du taux et de la direction du changement de l'activité des enzymes sériques changeant beaucoup plus rapidement que les indicateurs fonctionnels, comme la BT ou l'INR :

Un retrait devrait être considéré si :

  • ALT et AST > 5 × la LSN et en hausse;
  • ALT et AST restent > 5 × la LSN, et les taux de BT sont stables pendant plus de deux semaines;
  • les symptômes cliniques s'aggravent sans autre explication valable; ou
  • le produit satisfait à la loi de Hy (section 2.0.3).

2.5 Autres activités d'atténuation des risques

Si le rapport risque-avantage n'est pas clair ou si l'avantage d'un produit jugé hépatoxique dépasse ce risque, l'autorisation peut être assortie d'exigences relatives à des activités de réduction des risques parmi les suivantes :

  • matériel éducatif supplémentaire à l'intention du patient et du professionnel de la santé;
  • restrictions en ce qui concerne les personnes autorisées à prescrire ou à délivrer le produit;
  • conditions d'utilisation particulières;
  • consentement éclairé requis; et/ou
  • tenue de registres des patients.

Il y a lieu d'envisager de communiquer les risques dans les sections appropriées de la monographie canadienne du produit préalablement à l'autorisation. La communication des risques peut également comporter la distribution d'un document spécifique de communication des risques. Le lecteur trouvera plus de précisions sur ces options à l'annexe B du Guideline on Risk Management Systems for Medicinal Products for Human Use (référence : EMEA/CHMP/96268/2005).

3. Renseignements supplémentaires

L'hépatotoxicité est un domaine émergent. Santé Canada pourrait mettre à jour ses lignes directrices pour tenir compte des nouvelles données scientifiques, des pratiques exemplaires et de l'expérience acquise.

Les questions concernant la présentation des renseignements sur l'hépatotoxicité à Santé Canada devraient être adressées à :

Pour les produits pharmaceutiques :
Santé Canada
Direction des produits thérapeutiques
Division de la gestion de projets réglementaires
Bureau de transformation des processus opérationnels
101, promenade du pré Tunney
Ottawa (Ontario) K1A 0K9
Indice de l'adresse : 0202D2
Téléphone : 613-954-6481
Télécopieur : 613-952-9310
Courriel : RPM_Division-GPR_Division@hc-sc.gc.ca

Pour les produits biologiques :
Santé Canada
Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques
Centre des politiques et des affaires réglementaires
Division des affaires réglementaires
200, promenade du pré Tunney
Ottawa (Ontario) K1A 0K9
Indice de l'adresse : 0701A
Téléphone : 613-957-1722
Télécopieur : 613-941-1708
Courriel : dpbtg_bar@hc-sc.gc.ca

Pour les produits de santé naturels :
Santé Canada
Direction des produits de santé naturels
Tour Qualicum A
2936, chemin Baseline
Ottawa (Ontario) K1A 0K9 (courrier : K2H 1B3)
Télécopieur : 613-948-6810
Courriel : NNHPD_DPSNSO@hc-sc.gc.ca

4. Bibliographie

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4.1 Autres lignes directrices

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  • European Medicines Agency, Reflection paper on non-medicinal evaluation of drug-induced liver injury (DILI), EMEA/CHMP/SWP/150115/2006, adopted 24 June 2010.
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  • Food and Drug Administration Warning Concept paper, Premarketing Evaluation of Drug-Induced Liver Injury, January 2007.
  • Food and Drug Administration, Guidance for Industry, Drug-Induced Liver Injury: Premarketing Clinical Evaluation, July 2009.
Tableau 1 - Paramètres couramment examinés pour l'évaluation de l'hépatotoxicité
Paramètre Éléments Moments de prélèvement Avantages
Pathologie clinique Biochimie clinique*
  • Enzymes hépatiques : ALT, AST
  • Indicateurs de cholestase : bilirubine, PA, GGT
  • Indicateurs de fonction : albumine, azote uréique
  • Indicateur de métabolisme : électrolytes, équilibre acide-base, glucose, triglycérides, cholestérol
  • Autres données biologiques courantes : hémogramme, leucogramme, coagulogramme, analyse d'urine
À intervalles durant toutes les phases de l'étude, mais plus fréquemment au début
  • Certains changements hépatiques ne peuvent être détectés qu'à l'aide de paramètres de pathologie clinique, en particulier les données biochimiques qui concernent les enzymes hépatiques.
  • Complémentaire à l'histopathologie
Pathologie morphologique Histopathologie
Pathologie macroscopique
Poids du foie
Au terme de l'étude
(possibilité de nécropsie intérimaire)
  • Indispensable pour détecter certains changements hépatiques
  • Indispensable pour déterminer la pathogenèse ou le mécanisme du changement
  • Complémentaire à la pathologie clinique
Phase active Observations cliniques
Poids corporel
Consommation alimentaire
Tout au long de la phase active Ne permet pas en soi de détecter des changements hépatiques précis, mais fournit des données complémentaires et une indication des conséquences cliniques des changements hépatiques, inclut l'accumulation du substrat mère et du ou des métabolites
Expression Métabolisme et transport : inhibition/induction Tous
  • Fournit des données complémentaires pour les observations de pathologie morphologique
  • Indispensable pour déterminer certaines interactions potentielles chez l'humain

*Les paramètres biochimiques énumérés sont des exemples pertinents, mais ils ne constituent pas une liste exhaustive des paramètres mesurables. Ce tableau est tiré et adapté d'un document de la Food and Drug Administration des États-unis (FDA) (2000a).

Annexe A - Enzymes et autres paramètres biochimiques

Alanine aminotransférase (ALT)

Les concentrations les plus importantes d'ALT sont observées dans les hépatocytes; toutefois, l'ALT peut aussi être présente en moindre quantité dans les muscles squelettiques et l'épithélium intestinal. On estime que l'ALT est un indicateur plus sensible et plus spécifique de l'inflammation du foie et de la nécrose des hépatocytes que ne l'est l'AST. Les concentrations plasmatiques d'ALT augmentent très rapidement chez les patients ayant une atteinte aiguë des hépatocytes. La valeur numérique absolue de la hausse de l'ALT n'est pas directement proportionnelle au degré d'atteinte hépatique, mais la valeur arbitraire de 3 × la LSN peut toujours être considérée comme étant anormale en cas de persistance. C'est la tendance de la valeur, plutôt que la valeur numérique elle-même (sauf si elle est extrêmement élevée, par exemple, 10 × la LSN) qui est habituellement bien corrélée avec le développement de la maladie. Si l'atteinte hépatique est due à une obstruction biliaire, l'ALT augmente plus lentement et s'accompagne habituellement d'une hausse de la PA et de la GGT.

Aspartate aminotransférase (AST)

Présente dans de nombreux types de tissu (foie, muscles squelettiques, coeur, rein, cerveau, globules rouges, poumon et pancréas), l'AST peut augmenter même en l'absence de lésion hépatique. La hausse de l'AST est habituellement moins forte que celle de l'ALT et peut évoquer, sans nécessairement signer, une lésion induite par l'alcool.

Phosphatase alcaline (PA)

Le dosage de la PA constitue une épreuve diagnostique non spécifique, car le taux de PA peut s'élever pour d'autres raisons qu'une atteinte hépatique (par exemple, atteinte osseuse, rénale ou mammaire, etc.). Une valeur élevée indique habituellement une atteinte ou une obstruction des canaux biliaires ou encore une affection associée à une hausse de l'activité de l'enzyme dans le tissu osseux. Si les valeurs d'autres paramètres hépatiques tels la bilirubine, l'AST ou l'ALT sont également élevées, la PA provient habituellement du foie. En cas de hausse concomitante des taux de GGT ou de 5' nucléotidase, un taux élevé de PA est probablement attribuable à une pathologie du foie. Si le taux de l'une ou l'autre de ces enzymes est normal, l'augmentation de la PA est probablement due à une maladie des os.

γ-glutamyltransférase (GGT)

Bien que présente dans de nombreux organes, la GGT se trouve en concentrations particulièrement élevées dans les cellules épithéliales qui tapissent les canalicules biliaires. Elle constitue un indicateur très sensible mais non spécifique de maladie hépato-biliaire. On observe des taux élevés de GGT dans d'autres affections, notamment l'insuffisance rénale, l'infarctus du myocarde, les pancréatopathies, l'alcoolisme et le diabète sucré. En clinique, on l'utilise surtout pour exclure l'origine osseuse des taux sériques élevés de phosphatase alcaline.

Bilirubine

Le dosage de la bilirubine constitue l'épreuve la plus commune d'évaluation de la fonction hépatique. Il a été observé que les mesures de la bilirubine conjuguée (BC) sont rarement obtenues et que la bilirubine directe est surestimée (Navarro et Senior, 2006). Une élévation de la bilirubine totale ou de la bilirubine non conjuguée peut être un signe d'anémie hémolytique, falciforme ou pernicieuse ou d'une hémolyse post-transfusionnelle. L'élévation de la bilirubine conjuguée évoque quant à elle une obstruction des conduits hépatiques ou biliaires, une hépatite, un traumatisme hépatique, une cirrhose, une réaction à un médicament ou un alcoolisme de longue date. Une hyperbilirubinémie consécutive à la prise de certains médicaments peut se produire en raison de l'inhibition de l'activité de l'UDP-glucuronosyltransférase 1A1 (UGT1A1) par ceux-ci. Cette élévation concerne principalement la bilirubine non conjuguée, et elle n'est pas associée à la présence de lésions hépatiques ni aux indicateurs des lésions hépatobiliaires. En cas d'hyperbilirubinémie, il convient de déterminer si l'augmentation est due à la BC afin de différencier la cholestase d'une lésion hépatocellulaire. Il y a lieu de doser la PA pour la même raison. Une hausse de l'INR peut précéder une augmentation du taux sérique de BT. Le dosage de la BT est utile, mais si l'augmentation est due à une toxicité hépatique, elle s'accompagne normalement d'une hausse beaucoup plus rapide de l'ALT. Si l'hyperbilirubinémie résulte d'une obstruction biliaire, l'ALT augmentera plus lentement (dans un délai de quelques jours à quelques semaines ou mois) et s'accompagnera d'une élévation de la PA et de la GGT; le risque d'insuffisance hépatique aiguë catastrophique est nettement moins élevée dans ce cas. Si l'hyperbilirubinémie est le résultat d'une hémolyse, il faut recourir à d'autres méthodes diagnostiques pour le confirmer.

Temps de prothrombine et rapport international normalisé (INR)

La plupart des facteurs de coagulation sont synthétisés par le foie, notamment les facteurs I (fibrinogène), II (prothrombine), V, VII, IX et X, et leur demi-vie est beaucoup plus courte que celle de l'albumine. Le temps de prothrombine est utile pour évaluer la gravité et le pronostic d'une maladie hépatique aiguë. Un déficit en un ou plusieurs des facteurs produits par le foie entraîne un allongement du temps de prothrombine. Dans la maladie cholestatique, l'allongement peut résulter d'une carence en vitamine K. Outre une maladie hépatocellulaire et une carence en vitamine K, l'allongement du temps de prothrombine peut s'expliquer par une coagulopathie de consommation, un déficit congénital en facteur de coagulation ou un médicament qui antagonise le complexe prothrombinique. La carence en vitamine K peut être exclue si l'administration de 10 mg de vitamine K corrige ou améliore le temps de prothrombine dans les 24 heures. Cela indique que la fonction hépatique de synthèse est intacte. Un allongement important du temps de prothrombine non corrigé par une perfusion de vitamine K est de mauvais augure chez les patients atteints d'une maladie hépatique fulminante.

Acides biliaires

Les acides biliaires sont synthétisés dans le foie à partir du cholestérol, conjugués à la glycine ou la taurine et excrétés dans la bile. Ils facilitent la digestion et l'absorption des graisses dans l'intestin grêle. Ils sont recyclés dans la circulation entéro-hépatique; les acides biliaires secondaires se forment sous l'action des bactéries intestinales. Des taux élevés d'acides biliaires sériques marquent une dysfonction hépato-biliaire. Des taux normaux d'acides biliaires en présence d'une hyperbilirubinémie sont évocateurs d'une hémolyse ou de l'iritis de Gilbert.

Les taux sériques totaux d'acides biliaires servent d'indicateur de la fonction hépatique dans différents types d'hépatotoxicité d'origine chimique. Le dosage permet de diagnostiquer la dysfonction hépatocellulaire (davantage que la mesure de l'ALT), mais il ne permet pas un diagnostic définitif de la nature de l'hépatotoxicité. L'utilisation de cette épreuve progresse rapidement et son évaluation pourra s'avérer importante dans l'avenir. D'autres travaux expérimentaux pourraient être envisagés afin d'étudier d'autres caractéristiques de l'insuffisance hépatique, par exemple l'encéphalopathie, la diminution de l'albumine ou la diminution des facteurs de coagulation, etc.

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