Page 4 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique - protozoaires entériques : Giardia et Cryptosporidium
Partie II. Science et considérations techniques
Giardia se trouve principalement dans les fèces d'humains et d'animaux, particulièrement celles des bovins. On a montré que la giardiase était endémique chez les humains et chez plus de 40 espèces d'animaux, les taux de prévalence allant de 1 à 100 % (Olson et coll., 2004; Pond et coll., 2004; Thompson, 2004; Thompson et Monis, 2004). Le tableau 3 présente un résumé de la prévalence de Giardia chez les humains et certains animaux d'élevage et fait ressortir les taux élevés de giardiase chez les bovins. Les kystes de Giardia sont excrétés en grande quantité dans les matières fécales des personnes et des animaux infectés (symptomatiques et asymptomatiques). Il semble, par exemple, que les bovins infectés excrètent jusqu'à un million (106) de kystes par gramme de fèces (O'Handley et coll., 1999; Ralston et coll., 2003; O'Handley et Olson, 2006). Les kystes se dispersent facilement dans l'environnement et sont transmissibles par la voie fécale-orale. Les fèces de castor, de chien, de rat musqué et de cheval sont également des sources de Giardia, notamment de l'espèce de G. lamblia d'origine humaine (Davies et Hibler, 1979; Hewlett et coll., 1982; Erlandsen et Bemrick, 1988; Erlandsen et coll., 1988; Traub et coll., 2004, 2005; Eligio-García et coll., 2005). Le parasite Giardia peut aussi être présent dans les fèces d'ours, d'oiseaux, de chats et d'autres animaux, mais on ignore si ces souches sont pathogènes pour l'humain (voir la section 5.1.3).
Espèces | Prévalence (%) |
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Notes de bas de page du Tableau 1
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Humains | 1-5 |
Bovins | 10-100 |
Porcs | 1-20 |
On trouve fréquemment des kystes de Giardia dans les eaux usées et les eaux de surface et parfois dans l'eau potable. Lors d'une étude menée dans 72 municipalités du Canada entre 1991 et 1995, Wallis et coll. (1996) ont constaté que des échantillons d'eaux d'égout brutes, d'eau brute et d'eau traitée contenaient, respectivement, 72,6 %, 21 % et 18,2 % de kystes de Giardia. Le tableau 4 donne un aperçu de certaines études qui se sont penchées sur la présence de Giardia dans les eaux de surface au Canada. Les concentrations de Giardia dans les eaux de surface variaient généralement de 2 à 200 kystes/100 L. On a fait état de concentrations aussi élevées que 8 700 kystes/100 L, lesquelles ont été associées à un ruissellement printanier exceptionnel, ce qui a mis en évidence l'importance de réaliser un échantillonnage lorsque survient un événement particulier (voir la section 7.0; Gammie et coll., 2000). La plage de concentrations habituelles indiquée ci-dessus correspond aux concentrations minimales notées durant une revue internationale (Dechesne et Soyeux, 2007). Dechesne et Soyeux (2007) ont découvert que les concentrations de Giardia dans les sources d'eau partout en Amérique du Nord et en Europe variaient de 0,02 à 100 kystes/L, les concentrations les plus élevées ayant été notées aux Pays-Bas. On a aussi recueilli des données de surveillance de la qualité de neuf sources d'eau en Europe (France, Allemagne, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni) et d'une source d'eau en Australie. Dans l'ensemble, Giardia a fréquemment été détectée à des concentrations relativement faibles qui variaient de 0,01 à 40 kystes/L. Une recherche précédente réalisée par Medema et coll. (2003) a révélé que, en général, les concentrations de kystes dans les eaux usées brutes et les eaux usées traitées d'origine domestique (c.-à-d. provenant d'un effluent secondaire) variaient respectivement de 5 000 à 50 000 kystes/L et de 50 à 500 kystes/L
Province | Endroit/bassin versant | Unité de mesure | Concentration de Giardia (kystes/100 L)Tableau 1 note de bas de page c | Référence |
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Notes de bas de page du Tableau 1
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Alberta | Non disponible | Échantillon unique | 494 | LeChevallier et coll., 1991a |
Alberta | Rivière North Saskatchewan, Edmonton | Moyenne géométrique annuelle | 8 à 193 | Gammie et coll., 2000 |
Maximum | 2 500Tableau 1 note de bas de page d | |||
Alberta | Rivière North Saskatchewan, Edmonton | Moyenne géométrique annuelle | 98 | EPCOR, 2005 |
Maximum | 8 700 | |||
Colombie-Britannique | District d'irrigation Black Mountain | Moyenne géométrique | 60,4 | Ong et coll., 1996 |
District d'irrigation Vernon | 3,8 | |||
District d'irrigation Black Mountain | Plage | 4,6 à 1 880 | ||
District d'irrigation Vernon | 2 à 114 | |||
Colombie-Britannique | Seymour | Moyenne | 3,2 | Metro Vancouver, 2009 |
Capilano | 6,3 | |||
Coquitlam | 3,8 | |||
Seymour | Maximum | 8,0 | ||
Capilano | 20,0 | |||
Coquitlam | 12,0 | |||
Ontario | Grand River | Médiane | 71 | Van Dyke et coll., 2006 |
Maximum | 486 | |||
Ontario | Rivière Outaouais | Moyenne | 16,8 | Douglas, 2009 |
Québec | Usine de traitement ROS, rivière des Mille-Isles, Montréal | Moyenne géométrique | 1 376 | Payment et Franco, 1993 |
Usine de traitement STE, rivière des Mille-Isles, Montréal | 336 | |||
Usine de traitement REP, rivière l'Assomption, Montréal | 7,23 | |||
Québec | Fleuve St-Laurent | Moyenne géométrique | 200 | Payment et coll., 2000 |
On évalue rarement la présence de Giardia dans l'eau traitée au Canada. Les analyses réalisées ont généralement révélé l'absence de kystes ou leur présence en très faibles concentrations (Payment et Franco, 1993; Ong et coll., 1996; Wallis et coll., 1996, 1998; EPCOR, 2005; Douglas, 2009), exception faite de certains cas. En 1997, après qu'un important ruissellement printanier s'est produit à Edmonton, en Alberta, on a noté la présence de 34 kystes/1000 L dans l'eau traitée (Gammie et coll., 2000). Des kystes ont aussi été détectés dans l'eau traitée provenant de sources d'approvisionnement en eau de surface non filtrée (Payment et Franco, 1993; Wallis et coll., 1996).
Les kystes de Giardia peuvent survivre dans l'environnement pendant de longues périodes. Ils peuvent survivre dans l'eau pendant des semaines, voire des mois (et possiblement plus longtemps) en fonction de certains facteurs, notamment les caractéristiques propres de la souche et de l'eau comme la température. L'effet de la température sur les taux de survie de Giardia a fait l'objet de nombreuses études. En général, plus la température augmente, plus la période de survie diminue. Par exemple, Bingham et coll. (1979) ont constaté que des kystes de Giardia pouvaient survivre jusqu'à 77 jours dans l'eau de robinet à 8 °C, comparativement à 4 jours à une température de 37 °C. DeRegnier et coll. (1989) ont fait état d'un effet semblable dans les eaux fluviales et lacustres. Cet effet de la température est, en partie, responsable des concentrations maximales de Giardia qui sont rapportées durant les mois d'hiver (Isaac-Renton et coll., 1996; Ong et coll., 1996). L'exposition aux rayons UV abrège également la survie de Giardia. Une analyse détaillée des effets des rayons UV sur Giardia figure à la section 7.1.4.
On suppose généralement que la viabilité des kystes de Giardia présents dans l'eau est élevée, mais les données de surveillance laissent penser le contraire. Les kystes présents dans les eaux de surface sont souvent morts, comme le montre l'exclusion d'un colorant, l'iodure de propidium (IP) (Wallis et coll., 1995). Les faits observés par LeChevallier et coll. (1991b) portent également à croire que la plupart des kystes présents dans l'eau sont non viables : des 46 kystes isolés qui étaient présents dans l'eau potable, 40 présentaient une morphologie « de type non viable » (c.-à-d. déformation ou rétrécissement du cytoplasme). Les études ont fréquemment révélé la présence de kystes vides (« fantômes »), particulièrement dans les eaux usées.
La transmission de Giardia se fait le plus souvent de personne à personne (Pond et coll., 2004; Thompson, 2004). Les personnes contractent l'infection par voie fécale-orale, soit directement (c.-à-d. par un contact avec les selles d'une personne contaminée, comme un enfant dans une garderie) ou indirectement (c.-à-d. par ingestion d'eau potable, d'eau utilisée à des fins récréatives ou, plus rarement, d'aliments contaminé(e)s). Les animaux peuvent aussi jouer un rôle important dans la transmission zoonotique de Giardia, bien qu'on ne sache pas très bien dans quelle proportion. On a constaté que les bovins étaient porteurs de l'espèce de Giardia (assemblage A) infectieuse pour les humains, tout comme les chiens et les chats. Des génotypes de Giardia (assemblage A) ont aussi été détectés chez des animaux sauvages, dont le castor et le cerf.
Bien qu'on dispose de certaines preuves appuyant la transmission zoonotique de Giardia, la plupart de celles-ci sont indirectes ou limitées par des contrôles inadéquats. Par conséquent, on ignore à quelle fréquence et dans quelles circonstances survient la transmission zoonotique. Dans l'ensemble, ces données semblent indiquer que, la plupart du temps, les animaux ne constituent pas la source initiale d'infection de Giardia pour les humains, mais qu'ils permettraient la multiplication des génotypes zoonotiques présents dans d'autres sources (p. ex. l'eau contaminée). À titre d'exemple, le génotype de Giardia que l'on trouve chez les animaux d'élevage (assemblage E) est prédominant chez les bovins; ces derniers sont toutefois susceptibles d'être infectés par les génotypes (zoonotiques) de l'espèce de Giardia infectieux pour les humains. Il est probable que les génotypes zoonotiques de Giardia sont transmis aux bovins par les éleveurs de bétail et (ou) des sources d'eau contaminées. Étant donné que les fèces des veaux infectés par Giardia contiennent habituellement de 105 à 106 kystes par gramme, ces animaux pourraient jouer un rôle important dans la transmission de Giardia.
Le rôle que les animaux sauvages jouent dans la transmission zoonotique de Giardia est également obscur. Bien que les animaux sauvages, y compris les castors, puissent être infectés par G. lamblia d'origine humaine (Davies et Hibler, 1979; Hewlett et coll., 1982; Erlandsen et Bemrick, 1988; Erlandsen et coll., 1988; Traub et coll., 2004, 2005; Eligio-García et coll., 2005) et qu'ils aient été associés à des éclosions de giardiase d'origine hydrique (Kirner et coll., 1978; Lopez et coll., 1980; Lippy, 1981; Isaac-Renton et coll., 1993), les données épidémiologiques et moléculaires ne confirment pas la théorie selon laquelle la transmission zoonotique par les animaux sauvages constitue un risque important d'infection pour les humains (Hoque et coll., 2003; Stuart et coll., 2003; Berrilli et coll., 2004; Thompson, 2004; Hunter et Thompson, 2005; Ryan et coll., 2005a). Cependant, les données portent à croire que les génotypes de Giardia infectieux pour les humains sont transmis aux animaux sauvages par des sources contaminées par les eaux usées. À mesure que la pression démographique et les activités humaines s'intensifient dans les bassins versants, le potentiel de contamination fécale des sources d'eau augmente; de plus, il faut toujours prendre en considération la possibilité d'une contamination par les eaux usées. Erlandsen et Bemrick (1988) ont conclu que les kystes de Giardia présents dans l'eau pouvaient provenir de nombreuses sources et que les études épidémiologiques qui se concentrent sur les castors pouvaient passer à côté d'importantes sources de contamination par les kystes. On a constaté que certaines éclosions d'origine hydrique étaient imputables à une contamination par des eaux usées (Wallis et coll., 1998). Ongerth et coll. (1995) ont montré qu'il existait un lien statistiquement significatif entre une importante utilisation d'eau par les humains à des fins domestiques et récréatives et la prévalence de Giardia chez les animaux et dans les eaux de surface. On sait que le castor et le rat musqué peuvent être infectés par l'espèce de Giardia d'origine humaine (Erlandsen et coll., 1988) et que ces animaux sont fréquemment exposés à des eaux usées brutes ou partiellement traitées au Canada. L'utilisation des méthodes de génotypage a fourni de nouvelles preuves de l'existence de ce lien. Il est donc probable que les animaux sauvages et d'autres animaux puissent jouer le rôle de réservoirs infectieux de Giardia pour les humains en ingérant de l'eau contaminée par des eaux usées et qu'à leur tour, ils accroissent les concentrations de kystes de Giardia dans l'eau. Si des animaux infectés vivent en amont ou à proximité étroite des prises d'eau des usines de traitement d'eau potable, ils pourraient jouer un rôle important dans la transmission de Giardia par voie hydrique. Par conséquent, la gestion des bassins versants pour surveiller les rejets d'eaux usées et les populations de mammifères aquatiques à proximité des prises d'eau est importante pour prévenir les maladies.
Comme c'est le cas pour les animaux d'élevage et les animaux sauvages, on ignore le rôle que les animaux domestiques jouent dans la transmission zoonotique de Giardia. Bien que les chiens et les chats soient susceptibles d'être infectés par des génotypes zoonotiques de Giardia, peu d'études ont fourni des preuves directes de transmission entre eux et les humains (Eligio-García et coll., 2005; Shukla et coll., 2006; Thompson et coll., 2008).
Giardia est le protozoaire entérique le plus souvent signalé en Amérique du Nord et partout dans le monde (Farthing, 1989; Adam, 1991). L'Organisation mondiale de la santé (OMS, 1996) estime l'incidence mondiale de la giardiase à 200 millions de cas par année. Au Canada, un peu plus de 4 000 cas confirmés de giardiase ont été déclarés en 2004. Ce chiffre représente une diminution importante par rapport aux 9 543 cas déclarés en 1989. Les taux d'incidence ont diminué de la même façon au cours de cette période (de 34,98 à 13,08 cas pour 100 000 personnes) (ASPC, 2007).
Giardia constitue une cause fréquente d'éclosions de maladies infectieuses d'origine hydrique au Canada et ailleurs dans le monde (Hrudey et Hrudey, 2004). Entre 1974 et 2001, Giardia a été l'agent étiologique le plus souvent associé aux éclosions de maladies infectieuses liées à l'eau potable au Canada (Schuster et coll., 2005). Giardia a été associée à 51 des 138 éclosions pour lesquelles des agents étiologiques ont été identifiés. Les systèmes publics d'approvisionnement en eau potable étaient à l'origine de la plupart (38/51; 75 %) de ces éclosions de giardiase; une description de plusieurs de ces éclosions est fournie à l'annexe E. Il semble que la contamination des sources d'eau par des eaux d'égout et un traitement inadéquat (p.ex. filtration absente ou mauvaise, dépendence sur la chloration seulement) soient des facteurs contributifs importants (Schuster et coll., 2005). Il aurait été possible d'éviter la plupart de ces éclosions grâce à l'adotion et la mise en œuvre de stratégies de protection des sources d'eau adéquates (p.ex. gestion des eaux usées) et à l'utilisation d'un traitement approprié fondé sur les caractéristiques de la source d'eau. On n'a rapporté aucune éclosion depuis 2001, en grande partie grâce aux leçons apprises par tous les secteurs de compétence au Canada après les contaminations de Walkerton et de North Battleford et les recommandations découlant des enquêtes ultérieures. Toutes les provinces et tous les territoires ont adopté des approches exhaustives, comprenant des stratégies de protection des sources d'eau, basées sur l'approche de la source au robinet élaborée par le Conseil canadien des ministres de l'environnement en collaboration avec le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable (CCME, 2004).
Aux États-Unis, des éclosions ont été signalées dans 48 États (Craun, 1979; Lin, 1985; Moore et coll., 1993; Jakubowski, 1994; CDC, 2004; Craun et coll., 2010). Giardia était l'agent étiologique le souvent associé aux éclosions d'origine hydrique aux États-Unis entre 1971 et 2006, comptant pour 16 % des éclosions (Craun et coll., 2010). Dans une revue internationale sur les éclosions d'origine hydrique imputables à des protozoaires, G. lamblia était en cause dans 40,6 % des 325 éclosions signalées de 1954 à 2002 (Karanis et coll., 2007). La plus importante éclosion rapportée de Giardia liée à l'eau potable a eu lieu en Norvège en 2004 (Roberston et coll., 2006)
Les humains et les autres animaux, particulièrement les bovins, sont des réservoirs importants de Cryptosporidium. Des cas de cryptosporidiose chez les humains ont été signalés dans plus de 90 pays de six continents (Fayer et coll., 2000; Dillingham et coll., 2002). Les taux relevés de prévalence de la cryptosporidiose chez les humains varient de 1 à 20 % (voir le tableau 5), et les taux les plus élevés ont été déclarés dans les pays en développement (Caprioli et coll., 1989; Zu et coll., 1992; Mølbak et coll., 1993; Nimri et Batchoun, 1994; Dillingham et coll., 2002; Cacciò et Pozio, 2006). Les animaux d'élevage, plus particulièrement les bovins, sont une source importante de C. parvum (voir le tableau 5). Dans une analyse réalisée chez des animaux de ferme au Canada, on a détecté la présence de Cryptosporidium dans des échantillons de fèces de bovins (20 %), de moutons (24 %), de porcs (11 %) et de chevaux (17 %) (Olson et coll., 1997). La présence d'oocystes était plus fréquente chez les veaux que chez les animaux adultes; inversement, elle s'est avérée plus fréquente chez les porcs et les chevaux adultes que chez leurs petits. Les veaux infectés peuvent excréter jusqu'à 107 oocystes par gramme de fèces (Smith et Rose, 1990); ils constituent donc une source importante de Cryptosporidium dans les eaux de surface (voir la section 5.2.2). Les ongulés sauvages (animaux à sabots) et les rongeurs ne sont pas une source importante de Cryptosporidium infectieux pour les humains (Roach et coll., 1993; Ong et coll., 1996).
Espèces | Prévalence (%) |
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Notes de bas de page du Tableau 1
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Humains | 1-20 |
Bovins | 1-100 |
Porcs | 1-10 |
Les oocystes se dispersent facilement dans l'environnement et sont transmissibles par la voie fécale-orale. La transmission de Cryptosporidium se fait le plus souvent de personne à personne. L'eau potable, l'eau utilisée à des fins récréatives et (ou) les aliments contaminé(e)s sont des mécanismes importants pour la transmission de Cryptosporidium.Le contact avec des animaux, particulièrement les animaux d'élevage, semble aussi être une voie importante de transmission. Une analyse plus détaillée de la transmission zoonotique figure à la section 5.2.3.
On trouve généralement des oocystes de Cryptosporidium dans les eaux usées et les eaux de surface, et parfois dans l'eau traitée. Dans le cadre d'une étude menée dans 72 municipalités du Canada entre 1991 et 1995, Wallis et coll. (1996) ont constaté que des échantillons d'eaux d'égout brutes, d'eau brute et d'eau traitée contenaient, respectivement, 6,1 %, 4,5 % et 3,5 % d'oocystes de Cryptosporidium. Le tableau 6 présente certaines études qui se sont penchées sur la présence de Cryptosporidium dans les eaux de surface au Canada. Les concentrations de Cryptosporidium dans les eaux de surface variaient généralement de 1 à 100 oocystes/100 L. On a fait état de concentrations aussi élevées que 10 300 oocystes/100 L, lesquelles ont été associées à un ruissellement printanier exceptionnel, mettant en évidence l'importance de réaliser un échantillonnage lorsque survient un événement particulier (voir la section 7.0) (Gammie et coll., 2000).
Province | Endroit/bassin versant | Unité de mesure | Concentration de Cryptosporidium (oocystes/100 L)Tableau 1 note de bas de page c | Référence |
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Notes de bas de page du Tableau 1
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Alberta | Non disponible | Échantillon unique | 34 | LeChevallier et coll., 1991a |
Alberta | Rivière North Saskatchewan, Edmonton | Moyenne géométrique annuelle | 6 à 83 | Gammie et coll., 2000 |
Maximum | 10 300Tableau 1 note de bas de page d | |||
Alberta | Rivière North Saskatchewan, Edmonton | Moyenne géométrique annuelle | 9 | EPCOR, 2005 |
Maximum | 69 | |||
Colombie-Britannique | District d'irrigation Black Mountain | Moyenne géométrique | 3,5 | Ong et coll., 1996 |
District d'irrigation Vernon | 9,2 | |||
District d'irrigation Black Mountain | Plage | 1,7 à 44,3 | ||
District d'irrigation Vernon | 4,8 à 51,4 | |||
Colombie-Britannique | Seymour | Moyenne | 0,0 | Metro Vancouver, 2009 |
Capilano | 2,4 | |||
Coquitlam | 2,0 | |||
Seymour | Maximum | 0,0 | ||
Capilano | 4,0 | |||
Coquitlam | 2,0 | |||
Ontario | Grand River | Médiane | 15 | Van Dyke et coll., 2006 |
Maximum | 186 | |||
Ontario | Rivière Outaouais | Moyenne | 6,2 | Douglas, 2009 |
Québec | Usine de traitement ROS, rivière des Mille-Isles, Montréal | Moyenne géométrique | 742 | Payment et Franco, 1993 |
Usine de traitement STE, rivière des Mille-Isles, Montréal | < 2 | |||
Usine de traitement REP, rivière l'Assomption, Montréal | < 2 | |||
Québec | Fleuve St-Laurent | Moyenne géométrique | 14 | Payment et coll., 2000 |
Une revue internationale des données sur la qualité des sources d'eau a révélé que les concentrations de Cryptosporidium dans les sources d'eau en Amérique du Nord et en Europe variaient considérablement (Dechesne et Soyeux, 2007). Les concentrations de Cryptosporidium variaient de 0,006 à 250 oocystes/L. Dans le cadre de cette initiative, on a recueilli des données de surveillance de la qualité de neuf sources d'eau en Europe (France, Allemagne, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni) et d'une source d'eau en Australie. Dans l'ensemble, Cryptosporidium a fréquemment été détecté à des concentrations relativement faibles, qui variaient de 0,05 à 4,6 oocystes/L. Une recherche précédente réalisée par Medema et coll. (2003) a révélé que les concentrations d'oocystes dans les eaux usées brutes et les eaux usées traitées d'origine domestique (c.-à-d. provenant d'un effluent secondaire) variaient respectivement de 1 000 à 10 000 oocystes/L et de 10 à 1 000 oocystes/L.
On sait peu de choses sur la présence de Cryptosporidium dans les eaux souterraines au Canada. Des études menées aux États-Unis et ailleurs dans le monde ont fait état de la présence occasionnelle d'oocystes dans les eaux souterraines, mais ont précisé que les concentrations d'oocystes étaient faibles (Hancock et coll., 1998; Moulton-Hancock et coll., 2000; Gaut et coll., 2008).
On évalue rarement la présence de Cryptosporidium dans l'eau traitée au Canada. Les analyses réalisées ont généralement révélé l'absence d'oocystes ou leur présence en très faibles concentrations (Payment et Franco, 1993; Ong et coll., 1996; Wallis et coll., 1996; EPCOR, 2005; Douglas, 2009), exception faite de certains cas (Gammie et coll., 2000). Des oocystes ont aussi été détectés dans l'eau traitée provenant de sources d'approvisionnement en eau de surface non filtrée (Wallis et coll., 1996) et après la survenue d'événements de contamination grave. Par exemple, en 1997, après qu'un important ruissellement printanier s'est produit à Edmonton, en Alberta, on a noté la présence de 80 oocystes/1000 L dans l'eau traitée (Gammie et coll., 2000).
Il a été établi qu'en laboratoire les oocystes de Cryptosporidium survivaient dans les eaux froides (4 °C) pendant une période pouvant atteindre 18 mois (AWWA, 1988). Robertson et coll. (1992) ont mentionné que les oocystes de C. parvum pouvaient résister à divers stress environnementaux, y compris la congélation (viabilité fortement réduite) et l'exposition à l'eau de mer. De façon générale, la durée de survie des oocystes diminue avec une augmentation de la température (Pokomy et coll., 2002; Li et coll., 2010).
Bien que l'on suppose généralement que la plupart des oocystes dans l'eau sont viables, les données de surveillance laissent penser le contraire. Smith et coll. (1993) ont constaté que la viabilité des oocystes dans les eaux de surface était souvent très faible. Une étude plus récente réalisée par LeChevallier et coll. (2003) a révélé que 37 % des oocystes détectés dans les eaux naturelles étaient infectieux. Il faut toutefois insister sur le fait que même des concentrations faibles d'oocystes viables sont couramment retrouvées dans l'eau brute, elle ne représentent peut-être pas un risque immédiat pour la santé publique; il s'agit plutôt de l'arrivée soudaine et rapide d'un grand nombre d'oocystes dans les sources d'eau qui surcharge les barrières de traitement de l'eau potable et qui est probablement à l'origine du risque accru d'infection associé à la transmission par l'eau potable. Des événements environnementaux, comme les inondations ou de fortes pluies, peuvent entraîner l'augmentation rapide des concentrations d'oocystes dans un secteur en particulier d'un bassin versant.
On a aussi fait état de la faible viabilité des oocystes dans les eaux filtrées. Une enquête réalisée par LeChevallier et coll. (1991b) a montré que, dans les eaux filtrées, 21 oocystes sur 23 avaient une morphologie « de type non viable » (c.-à-d. absence de sporozoïtes et déformation ou rétrécissement du cytoplasme).
Le contact direct avec des animaux d'élevage et le contact indirect avec des eaux contaminées par des matières fécales sont des voies importantes de transmission de Cryptosporidium (Fayer et coll., 2000; Robertson et coll., 2002; Stantic-Pavlinic et coll., 2003; Roy et coll., 2004; Hunter et Thompson, 2005). Les bovins constituent une source importante de C. parvum dans les eaux de surface. Par exemple, un examen hebdomadaire d'échantillons d'eau d'un ruisseau, prélevés durant une période de 10 mois en amont et en aval d'une exploitation bovine en Colombie-Britannique, a révélé que les concentrations d'oocystes étaient nettement plus élevées en aval du ruisseau (moyenne géométrique de 13,3 oocystes/100 L, plage de 1,4 à 300 oocystes/100 L) comparativement à celles en amont (moyenne géométrique de 5,6/100 L, plage de 0,5 à 34,4 oocystes/100 L) (Ong et coll., 1996). On a observé un pic important des concentrations d'oocystes dans les échantillons prélevés en aval du ruisseau après la mise bas à la fin de février. Durant une éclosion confirmée de cryptosporidiose d'origine hydrique survenue en Colombie-Britannique, on a détecté des oocystes dans 70 % des échantillons de fèces bovines prélevés dans le bassin versant, près de la prise d'eau du réservoir (Ong et coll., 1997).
Les oiseaux aquatiques peuvent également constituer des sources de Cryptosporidium. Graczyk et coll. (1998) ont démontré que les oocystes de Cryptosporidium étaient infectieux pour les souris même après avoir utilisé le canard comme premier hôte. Cependant, un examen histologique des appareils respiratoire et digestif des oiseaux, réalisé sept jours après l'inoculation, a montré que les protozoaires étaient incapables d'infecter les oiseaux. Dans le cadre d'une étude antérieure (Graczyk et coll., 1996), les auteurs ont constaté que les fèces de bernaches migratrices du Canada contenaient des oocystes de Cryptosporidium dans sept des neuf sites étudiés dans la Baie de Chesapeake. Les oocystes présents dans trois de ces sites se sont révélés infectieux pour les souris. Selon celles-ci et d'autres études (Graczyk et coll., 2008; Quah et coll., 2011), il semble que les oiseaux aquatiques peuvent être infectés par des oocystes de Cryptosporidium présents dans leur habitat et qu'ils peuvent les transporter et les déposer dans l'environnement, y compris dans les sources d'approvisionnement en eau potable.
Cryptosporidium est l'un des protozoaires entériques le plus souvent signalé en Amérique du Nord et partout dans le monde. Au Canada, plus de 550 cas confirmés de cryptosporidiose ont été déclarés en 2004; un nombre semblable de cas (c.-à-d. 623 cas) a été signalé en 2000. Les taux d'incidence ont augmenté au cours de cette période, passant de 1,85 (en 2000) à 2,67 cas (en 2004) par 100 000 personnes (ASPC, 2007).
Cryptosporidium parvum et C. hominis sont les principales espèces responsables de la cryptosporidiose chez les humains; C. hominis semble être plus répandu en Amérique du Nord et du Sud, en Australie et en Afrique, tandis que C. parvum cause davantage d'infections en Europe (McLauchlin et coll., 2000; Guyot et coll., 2001; Lowery et coll., 2001b; Yagita et coll., 2001; Ryan et coll., 2003; Learmonth et coll., 2004).
Des éclosions de cryptosporidiose d'origine hydrique ont été déclarées dans de nombreux pays, dont le Canada (Fayer, 2004; Joachim, 2004; Smith et coll., 2006). Entre 1974 et 2001, Cryptosporidium a été le troisième agent étiologique le plus souvent associé aux éclosions de maladies infectieuses liées à l'eau potable au Canada; 12 des 138 éclosions pour lesquelles on a identifié des agents étiologiques lui ont été imputées (Schuster et coll., 2005). Les systèmes publics d'approvisionnement en eau potable étaient à l'origine de la plupart (11/12; 92 %) de ces éclosions de cryptosporidiose; une description de plusieurs de ces éclosions est fournie à l'annexe E. Il semble que la contamination des sources d'eau par des eaux d'égout et un traitement inadéquat (p.ex. filtration absente ou mauvaise, dépendence sur la chloration seulement) soient des facteurs contributifs importants (Schuster et coll., 2005). Il aurait été possible d'éviter la plupart de ces éclosions grâce à l'adotion et la mise en œuvre de stratégies de protection des sources d'eau adéquates (p.ex. gestion des eaux usées) et à l'utilisation d'un traitement approprié fondé sur les caractéristiques de la source d'eau. On n'a rapporté aucune éclosion depuis 2001, en grande partie grâce aux leçons apprises par tous les secteurs de compétence au Canada après les contaminations de Walkerton et de North Battleford et les recommandations découlant des enquêtes ultérieures. Toutes les provinces et tous les territoires ont adopté des approches exhaustives, comprenant des stratégies de protection des sources d'eau, basées sur l'approche de la source au robinet élaborée par le Conseil canadien des ministres de l'environnement en collaboration avec le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable (CCME, 2004).
De 1984 à 2000, aux États-Unis, 10 éclosions ont été associées à la présence de Cryptosporidium dans l'eau potable; 421 000 cas de cryptosporidiose ont été déclarés, dont la plupart (403 000) ont été associés à l'éclosion survenue à Milwaukee en 1993 (U.S. EPA, 2006a). En 2001 et 2002, les U.S. Centers for Disease Control and Prevention ont rapporté 17 éclosions de maladies liées à l'eau potable; une d'entre elles seulement était imputable à Cryptosporidium (CDC, 2004). Cryptosporidium était le deuxième agent infectieux le plus souvent associé aux éclosions d'origine hydrique aux États-Unis entre 1991 et 2002, comptant pour 7 % des éclosions (Craun et coll., 2006). Dix-neuf éclosions ont été déclarées au Royaume-Uni (Craun et coll., 1998). Dans une revue internationale sur les éclosions d'origine hydrique causées par des protozoaires, Cryptosporidium était en cause dans 50,6 % des 325 éclosions signalées de 1954 à 2002 (Karanis et coll., 2007). Les taux d'attaque étaient généralement élevés, variant de 26 à 40 %; plusieurs milliers de personnes ont été atteintes. De plus, plusieurs éclosions ont été associées aux piscines, aux piscines à vagues et aux lacs.
Les microorganismes indicateurs régulièrement surveillés au Canada dans le cadre de l'approche à barrières multiples « de la source au robinet » pour évaluer la qualité de l'eau potable sont E. coli et les coliformes totaux. La présence d'E. coli dans l'eau indiqueune contamination fécale récente et conséquemment une possibilité accrue de risque à la santé, qu'on ait observé ou non des organismes pathogènes précis comme les protozoaires entériques. Cependant, l'absence d'E. coli n'indique pas forcément que les protozoaires entériques sont aussi absents. Les coliformes totaux ne sont pas propres aux matières fécales et ne peuvent donc pas être utilisés pour révéler une contamination fécale (ni la présence potentielle de pathogènes entériques). On les utilise plutôt pour révéler des problèmes généraux liés à la qualité de l'eau. Les documents techniques des recommandations sur E. coli et les coliformes totaux (Santé Canada, 2006a,b) renferment plus de détails sur le rôle d'E. coli et des coliformes totaux dans la gestion de la qualité de l'eau.
Comparativement aux protozoaires, E. coli et les membres du groupe des coliformes ne survivent pas aussi longtemps dans l'environnement (Edberg et coll., 2000) et sont plus sensibles à de nombreux désinfectants couramment utilisés dans l'industrie de l'eau potable. Par conséquent, bien que la présence d'E. coli indiqueune contamination fécale récente et donc une possibilité accrue de la présence de protozoaires entériques, son absence n'indique pas forcément que les protozoaires entériques sont aussi absents. À titre de preuve, des kystes de Giardia et des oocystes de Cryptosporidium ont été détectés dans de l'eau potable traitée et filtrée qui satisfaisait aux normes réglementaires existantes et ont été associés à des éclosions de maladies d'origine hydrique (LeChevallier et coll., 1991b; Craun et coll., 1997; Marshall et coll., 1997; Rose et coll., 1997; Nwachuku et coll., 2002; Aboytes et coll., 2004).
Par conséquent, une approche à barrières multiples « de la source au robinet » est nécessaire pour contrôler les risques liés aux protozoaires entériques. Lorsque chaque barrière de traitement du système d'eau potable est contrôlée pour vérifier qu'elle fonctionne de façon appropriée pour la qualité de la source d'eau, E. coli et les coliformes totaux peuvent constituer une partie importante du processus de vérification. Ces indicateurs bactériologiques, utilisés conjointement avec l'information sur le rendement du processus de traitement (p.ex., rendement des filtres, des valeurs concentration × temps [CT] appropriées [voir la section 7.1.3.2] pour l'inactivation de Giardia, dose UV, etc.) permettent de confirmer que l'eau a été convenablement traitée et qu'elle est, par conséquent, d'une qualité microbiologique acceptable.
Plusieurs études ont examiné le lien entre les microorganismes indicateurs et la présence ou l'absence de protozoaires entériques dans des sources d'eau de surface. En général, les études n'ont révélé aucune corrélation (Rose et coll., 1988, 1991) ; Chauret et coll., 1995; Stevens et coll., 2001; Hörman et coll., 2004; Dorner et coll., 2007; Sunderland et coll., 2007) ou ont montré une faible corrélation (Medema et coll., 1997; Atherholt et coll., 1998; Payment et coll., 2000) entre les protozoaires et les indicateurs fécaux, notamment E. coli. Dans les cas où une corrélation a été établie, le lien n'a été observé qu'avec Giardia lorsque le microorganisme indicateur était présent à des concentrations très élevées. Une revue des données publiées pendant quarante ans sur la corrélation indicateur-pathogène souligne qu'on ne s'attend à aucune corrélation entre le Cryptosporidium (rapport de cotes : 0,41, intervalle de confiance à 95 % : 0,25-0,69) ou le Giardia (rapport de cotes : 0,65, intervalle de confiance à 95 % : 0,36-1,15) avec les organismes indicateurs (Wu et coll., 2011). Cette absence de corrélation est probablement attribuable à divers facteurs, incluant les différents taux de survie dans l'environnement, le lieu échantillonné et les différences au niveau des méthodes d'analyse de l'eau (Payment et Pintar, 2006). Les caractéristiques des bassins versants, notamment les sources et les degrés de contamination fécale, ainsi que des facteurs géochimiques peuvent influer sur la corrélation entre les indicateurs fécaux et les protozoaires, ce qui explique les différences propres à chaque site (Chauret et coll., 1995).
Ces observations ont soulevé des questions importantes concernant la pertinence d'utiliser E. coli comme indicateur de la contamination des eaux de surface par les protozoaires et a mis en évidence la nécessité d'exercer une surveillance ciblée des protozoaires dans les eaux de surface pour mieux comprendre les risques à la santé publique.
Seules quelques études ont révélé la présence de protozoaires entériques, plus précisément Cryptosporidium, dans les eaux souterraines (voir la section 5.2.1). Par conséquent, l'utilité d'E. coli en tant qu'indicateur de la contamination des sources d'eau souterraine par des protozoaires entériques n'a pas été évaluée.
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