Page 5 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique - protozoaires entériques : Giardia et Cryptosporidium

6.0 Méthodes d'analyse

La méthode la plus reconnue et la plus utilisée pour détecter la présence de Giardia et de Cryptosporidium dans l'eau est la méthode 1623 de l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, parce qu'elle permet de détecter simultanément ces protozoaires et qu'elle a été validée pour l'analyse des eaux de surface (U.S. EPA, 2005, 2006a). Les autres méthodes existantes de détection de la présence de Giardia et de Cryptosporidium dans l'eau présentent des taux plus faibles de récupération et des variations plus importantes que la méthode EPA 1623 (Quintero-Betancourt et coll., 2002). Comme la plupart des méthodes utilisées pour détecter la présence de Giardia et de Cryptosporidium dans l'eau, la méthode EPA1623 comporte quatre étapes : 1) le prélèvement de l'échantillon; 2) la filtration de l'échantillon et l'élution; 3) la concentration et la séparation (purification) de l'échantillon; 4) la détection des kystes et des oocystes. Ces étapes sont décrites dans les sections suivantes, qui traitent également de certaines nouvelles méthodes de détection ainsi que des méthodes utilisées pour évaluer la viabilité et l'infectiosité des kystes et des oocystes.

6.1 Prélèvement de l'échantillon

Les échantillons d'eau peuvent être prélevés en vrac ou filtrés sur le terrain, puis placés sur de la glace pour être envoyés à un laboratoire afin d'y être analyser le plus rapidement possible (idéalement dans les 24 heures). Le volume d'eau recueilli dépend de la concentration prévue de kystes et d'oocystes dans l'eau (propre au site); plus la densité prévue des kystes ou des oocystes est faible, plus le volume des échantillons doit être grand. Dans la plupart des cas, on recueille de 10 à 1 000 L d'eau. Lorsqu'il s'agit d'analyser l'eau brute, les échantillons sont le plus souvent prélevés en profondeur et à proximité de la prise d'eau potable dans le but d'échantillonner la source d'eau utilisée pour l'approvisionnement en eau potable.

6.2 Filtration de l'échantillon et élution

Les kystes et les oocystes sont généralement présents en petit nombre dans l'eau contaminée par des matières fécales. Par conséquent, il est nécessaire de filtrer les échantillons d'eau en vrac pour concentrer les pathogènes jusqu'à ce qu'ils atteignent un niveau détectable. L'eau est généralement passée à travers un filtre, qui permet de retenir les kystes et les oocystes ainsi que les particules étrangères. La filtration peut être réalisée à l'aide de divers types de filtres, notamment de filtres en bobine, de filtres à membrane, de filtres à fibres creuses et de filtres en mousse comprimée. Ces filtres varient selon le volume d'eau qu'ils peuvent traiter, leur vitesse de filtration, leur utilité pratique, leur compatibilité avec les étapes de traitement subséquentes, leur coût et leur capacité de rétention. Ces différences expliquent les grands écarts entre les taux de récupération mentionnés dans la littérature scientifique (Sartory et coll., 1998; DiGiorgio et coll., 2002; Quintero-Betancourt et coll., 2003; Ferguson et coll., 2004). Certains filtres ont été validés en vue d'être utilisés avec la méthode EPA 1623 (U.S. EPA, 2005). Une fois la filtration terminée, on ajoute des solutions d'élution pour libérer les kystes et les oocystes retenus par le filtre afin d'obtenir un éluat.

6.3 Concentration et séparation de l'échantillon

Les kystes et les oocystes présents dans l'éluat sont concentrés par centrifugation et séparés des autres particules par séparation immunomagnétique (SIM) ou immunocapture. Il est aussi possible d'avoir recours à la flottation (c.-à-d. centrifugation en gradient de densité) pour séparer les kystes et les oocystes. Cette technique a toutefois été associée à des pertes importantes de kystes et d'oocystes et ne permet pas de retirer efficacement les autres matières biologiques (p. ex. cellules de levure et d'algues) (Nieminski et coll., 1995), ce qui peut limiter la détection ultérieure des kystes et des oocystes.

Les kystes et les oocystes partiellement concentrés sont ensuite centrifugés, formant alors un culot. Le culot est remis en suspension dans une petite quantité de solution tampon. Le concentré est mélangé à des anticorps monoclonaux spécifiques aux kystes ou aux oocystes reliés à des billes magnétisées, également appelées billes immunomagnétiques. Celles-ci se lient de manière sélective aux kystes et aux oocystes. On applique ensuite un champ magnétique pour séparer les complexes billes-kystes et billes-oocystes des particules étrangères. Lorsque ces dernières sont retirées, que les complexes billes-kystes et billes-oocystes sont dissociés et que les billes sont extraites, on obtient une suspension concentrée de kystes et d'oocystes. Plusieurs études ont évalué la capacité de récupération de la SIM employée seule. Fricker et Clancy (1998) ont indiqué que le taux de récupération des kystes et des oocystes introduits (c.-à-d. ensemencés) dans des eaux de faible turbidité pouvait atteindre plus de 90 %. En comparaison, les taux moyens de récupération des kystes et des oocystes présents dans les eaux turbides variaient, respectivement, de 55,9 % à 83,1 % et de 61,1 % à 89,6 % (McCuin et coll., 2001). D'autres auteurs ont fait état de taux semblables de récupération (Moss et Arrowood, 2001; Rimhanen-Finne et coll., 2001, 2002; Sturbaum et coll., 2002; Ward et coll., 2002; Chesnot et Schwartzbrod, 2004; Greinert et coll., 2004; Hu et coll., 2004; Ochiai et coll., 2005; Ryan et coll., 2005b). Même si la SIM aide à diminuer le nombre de résultats faussement positifs en réduisant la quantité de débris sur les lames préparées pour analyse microscopique, elle est relativement coûteuse et peu de fabricants fournissent les billes immunomagnétiques. De plus, des auteurs ont affirmé que des niveaux élevés de turbidité et (ou) de fortes concentrations de fer (Yakub et Stadterman-Knauer, 2000) ainsi que des changements de pH (c.-à-d. pH optimal de 7) (Kuhn et coll., 2002) pouvaient inhiber la SIM.

6.4 Détection des kystes et des oocystes

Une fois les échantillons concentrés et les kystes et oocystes séparés des matières étrangères, il est possible d'avoir recours à un certain nombre de techniques de détection. La plus utilisée d'entre elles est la technique d'immunofluorescence (IFA). D'autres méthodes de détection, comme la réaction en chaîne de la polymérase (PCR), la cytométrie de flux et d'autres techniques moléculaires, sont de plus en plus utilisées. Les méthodes de détection moléculaires sont généralement plus rapides et plus sensibles et peuvent être combinées à diverses méthodes afin d'obtenir de l'information sur les espèces et les génotypes. Cependant, elles ne permettent de traiter que de petits volumes, et certaines d'entre elles (p. ex. la PCR) sont sensibles à des inhibiteurs environnementaux.

6.4.1 Technique d'immunofluorescence

Après la concentration et la séparation des échantillons, une portion de la suspension de kystes et d'oocystes est transférée sur une lame de microscope. Des anticorps marqués par fluorescence et dirigés contre des antigènes spécifiques présents à la surface des kystes et des oocystes sont ensuite appliqués sur la lame en vue d'être incubés. On utilise ensuite un microscope à immunofluorescence directe pour trouver les corps fluorescents susceptibles d'être des kystes ou des oocystes. Cette méthode, appelée « technique d'immunofluorescence », requiert du matériel spécialisé et une solide expertise. Cependant, et bien que cette méthode soit très sensible, l'identification finale des kystes et des oocystes nécessite souvent une coloration additionnelle et un examen microscopique subséquent, étant donné que certaines algues naturellement fluorescentes ressemblent beaucoup aux kystes et aux oocystes de par leur taille et leurs caractéristiques de coloration. Dans la plupart des cas, on applique alors un colorant appelé DAPI. Comme le DAPI se lie à l'acide désoxyribonucléique (ADN), il met en évidence les noyaux des kystes et des oocystes et facilite leur identification.

6.4.2 Cytométrie de flux

La cytométrie de flux est une autre technique que l'on peut utiliser pour détecter les kystes et les oocystes après l'étape de la concentration. Elle permet de trier, de dénombrer et d'examiner les particules microscopiques en suspension dans un liquide en fonction de la diffusion de la lumière. Le tri de cellules par fluorescence (FACS) est une technique de cytométrie de flux utilisée pour dénombrer et séparer les kystes de Giardia et les oocystes de Cryptosporidium des autres particules de fond. Des anticorps immunofluorescents sont généralement introduits dans la suspension de kystes et d'oocystes, puis celle-ci traverse le faisceau lumineux du cytomètre de flux. Lorsque les particules traversent le faisceau lumineux, leur fluorescence est mesurée, et elles sont alors triées et versées dans deux tubes ou plus.

La technique FACS s'est révélée très sensible et très spécifique et est utilisée de plus en plus souvent comme autre technique de détection des kystes et des oocystes (Vesey et coll., 1997; Bennett et coll., 1999; Reynolds et coll., 1999; Delaunay et coll., 2000; Lindquist et coll., 2001; Kato et Bowman, 2002; Lepesteur et coll., 2003; Hsu et coll., 2005). Cette technique a l'avantage d'être rapide et de permettre un criblage à haut débit. Cependant, les cytomètres de flux sont coûteux, et leur fonctionnement requiert une formation poussée de la part de l'utilisateur. De plus, comme pour la technique d'immunofluorescence, les résultats de la technique FACS peuvent être influencés de façon négative par la présence d'algues naturellement fluorescentes et la réactivité croisée des anticorps avec d'autres organismes et particules. Lorsqu'on recourt à la technique FACS, il faut confirmer la présence de kystes et d'oocystes par un examen au microscope; c'est la raison pour laquelle cette technique est souvent combinée à la méthode EPA 1623. Bien que la technique FACS semble prometteuse, elle est toujours en phase de développement et n'est pas utilisée pour les analyses régulières.

6.4.3 Méthodes moléculaires

Un certain nombre de méthodes moléculaires ont aussi été utilisées pour détecter les kystes de Giardia et les oocystes de Cryptosporidium. Une brève description de certaines de ces méthodes est fournie ci-dessous. Il est important de relever que même si les méthodes moléculaires comportent de nombreux avantages, elles présentent également des désavantages majeurs qui les rendent inadéquates pour les analyses régulières de l'eau. Actuellement, aucune méthode moléculaire n'est validée pour la détection de Giardia et de Cryptosporidium dans l'eau.

La technique PCR est la méthode moléculaire la plus souvent utilisée pour détecter les kystes et les oocystes. Elle consiste à lyser les kystes et les oocystes en vue de libérer leur ADN, puis à introduire des amorces ciblant des régions codantes précises (p. ex. acide ribonucléique ribosomique [ARNr] 18S) de Giardia ou de Cryptosporidium et à amplifier ces régions. La technique PCR peut être très sensible (c.-à-d. détection d'un seul kyste ou oocyste) et très spécifique (Deng et coll., 1997, 2000; Bukhari et coll., 1998; Di Giovanni et coll., 1999; Kostrzynska et coll., 1999; Rochelle et coll., 1999; Hallier-Soulier et Guillot, 2000; Hsu et Huang, 2001; McCuin et coll., 2001; Moss et Arrowood, 2001; Rimhanen-Finne et coll., 2001, 2002; Sturbaum et coll., 2002; Ward et coll., 2002). Cette technique peut être combinée à d'autres méthodes moléculaires, comme le polymorphisme de taille des fragments de restriction (RFLP), afin de distinguer les génotypes et les espèces de Cryptosporidium et de Giardia (Morgan et coll., 1997; Widmer, 1998; Lowery et coll., 2000, 2001a,b), bien qu'elle puisse être problématique, en ce sens qu'elle peut produire des spectres de bandes semblables pour des génotypes et espèces différents. La PCR se prête à l'automatisation, et la transcription inverse-PCR (RT-PCR) peut permettre de distinguer les kystes et les oocystes viables de ceux qui ne le sont pas. Cependant, l'inhibition de la PCR par les cations divalents ainsi que les acides humiques et fulviques constitue un problème important (Sluter et coll., 1997). Afin d'éliminer ces inhibiteurs, les échantillons doivent passer par plusieurs étapes de purification. En plus de l'inhibition de la PCR, un problème qui se pose souvent est la lyse inefficace des kystes et des oocystes. Malgré ces problèmes, on a mis au point de nombreuses épreuves PCR pour détecter les kystes et les oocystes d'origine hydrique (Stinear et coll., 1996; Kaucner et Stinear, 1998; Griffin et coll., 1999; Lowery et coll., 2000; Gobet et Toze, 2001; Karasudani et coll., 2001; Ong et coll., 2002; Sturbaum et coll., 2002; Ward et coll., 2002).

Les autres nouvelles méthodes moléculaires de détection des kystes et des oocystes incluent l'hybridation in situ en fluorescence (FISH), la PCR en temps réel et les micropuces. La technique FISH utilise une sonde d'oligonucléotides marqués par fluorescence ayant pour cible l'ARNr 18S de Giardia et de Cryptosporidium. Cette technique s'est révélée efficace dans une certaine mesure, mais elle est limitée par l'émission de signaux relativement faibles (c.-à-d. que les kystes et les oocystes n'émettent pas une fluorescence suffisamment intense) et les difficultés connexes liées à l'interprétation microscopique des images (Deere et coll., 1998; Vesey et coll., 1998; Dorsch et Veal, 2001). La PCR en temps réel est une technique modifiée de la PCR qui utilise une sonde oligonucléotidique fluorescente. Lorsque la région cible dans les kystes ou les oocystes est amplifiée, la fluorescence émise est mesurée, ce qui permet de quantifier les produits de la PCR. Cette technique comporte plusieurs avantages, notamment l'absence d'analyse après la PCR, une plus grande capacité de criblage, une diminution de la probabilité de contamination (c.-à-d. système de tubes fermés), la capacité de quantifier les kystes et les oocystes (MacDonald et coll., 2002; Fontaine et Guillot, 2003; Bertrand et coll., 2004) et la capacité d'évaluer la viabilité des kystes et des oocystes (lorsqu'elle est combinée à la culture cellulaire) (Keegan et coll., 2003; LeChevallier et coll., 2003). Cette technique offre d'autres avantages uniques, entre autres la capacité de différencier les espèces de Giardia et de Cryptosporidium (à l'aide d'une analyse de la courbe de fusion) (Limor et coll., 2002; Ramirez et Sreevatsan, 2006) et de détecter simultanément différents microorganismes (Guy et coll., 2003). S'il est vrai que cette technique comporte plusieurs avantages par rapport à la PCR conventionnelle et à la technique d'immunofluorescence et qu'elle s'est révélée utile pour identifier et dénombrer les kystes et les oocystes, elle nécessite le recours à un analyseur PCR en temps réel, ce qui est très coûteux et risque d'en limiter l'utilisation. Les micropuces constituent une toute nouvelle technique dans la détection des kystes et des oocystes. Une micropuce est un ensemble de brins microscopiques d'ADN normalement déposés sur une lame de verre, et qui sert à l'hybridation de l'ADN pathogène. Cette technique s'est révélée utile dans la détection et le génotypage de Giardia et de Cryptosporidium (Straub et coll., 2002; Grow et coll., 2003; Wang et coll., 2004), bien que d'autres recherches soient nécessaires pour déterminer sa spécificité et sa sensibilité.

6.5 Efficacité de récupération

Une partie intégrante du processus de détection de Giardia et de Cryptosporidium consiste à déterminer les taux de récupération. Comme mentionné précédemment, les procédés de concentration et de séparation peuvent entraîner des pertes importantes de kystes et d'oocystes. De plus, les caractéristiques de l'eau (p. ex. présence d'algues et de solides en suspension) peuvent avoir une incidence considérable sur l'efficacité de la récupération. Par conséquent, la concentration réelle de kystes et d'oocystes dans un échantillon d'eau est presque toujours plus élevée que la concentration mesurée. Ainsi, les taux de récupération sont déterminés afin d'établir une meilleure approximation de la concentration réelle de kystes et d'oocystes. Le taux de récupération est généralement mesuré par l'ajout (c.-à-d. l'ensemencement) d'un nombre connu de kystes et d'oocystes dans un échantillon d'eau avant que celui-ci soit analysé. Idéalement, le taux de récupération devrait être déterminé pour chaque échantillon; cependant, vu les coûts élevés afférents, on recueille habituellement des données sur l'efficacité de récupération pour un sous-ensemble d'échantillons. Grâce à l'introduction de préparations commerciales contenant un nombre confirmé de kystes et d'oocystes, cette méthode est devenue plus rentable et plus apte à être utilisée de manière systématique.

Plusieurs études ont évalué les taux de récupération obtenus en utilisant la méthode EPA 1623 avec différents types de filtres (McCuin et Clancy, 2003; Ferguson et coll., 2004; Hu et coll., 2004; Wohlsen et coll., 2004; Karim et coll., 2010. Les taux de récupération variaient de façon importante et demontraient un corrélation avec des variations dans la qualité de l'eau brute, démontrant l'importance d'avoir un contrôle interne pour chaque échantillon d'eau.

6.6 Évaluation de la viabilité et de l'infectiosité

Les méthodes actuelles utilisées pour la détection de Giardia et de Cryptosporidium comportent un inconvénient majeur, celui de fournir des données très limitées sur la viabilité des kystes et des oocystes et leur infectiosité pour les humains. Ces données sont pourtant essentielles pour déterminer l'importance de ces protozoaires pour la santé publique. Alors que l'évaluation de la viabilité peut se faire de façon relativement facile et rapide, celle de l'infectiosité est beaucoup plus complexe. Les méthodes utilisées pour évaluer la viabilité et l'infectiosité sont très coûteuses, étant donné la nécessité d'avoir du personnel qualifié ainsi que de conserver des lignées cellulaires et des colonies d'animaux; par conséquent, elle ne sont pas typiquement utilisées pour l'évaluation des kystes et des oocystes..

Diverses méthodes in vitro et in vivo ont été mises au point pour évaluer la viabilité et l'infectiosité. Les méthodes in vitro incluent le dékystement, l'inclusion/exclusion de colorants fluorogéniques (coloration), la transcription inverse-réaction en chaîne de la polymérase (RT-PCR) et l'hybridation in situ en fluorescence (FISH). Les méthodes in vivo incluent les épreuves d'infectiosité pour les animaux et la culture cellulaire. Une brève analyse de ces méthodes figure dans les sections suivantes.

6.6.1 Dékystement

La viabilité (mais non l'infectiosité) peut être estimée en plaçant les kystes et les oocystes dans des conditions semblables à celles existant dans l'intestin afin de stimuler le dékystement (c.-à-d. la libération des trophozoïtes et des sporozoïtes). Les divers facteurs et les conditions de dékystement varient considérablement et peuvent être à l'origine d'observations divergentes. Si les kystes et les oocystes parviennent à la phase de dékystement, ils sont considérés comme étant viables. Il est possible de dékyster Giardia en utilisant de l'acide et des enzymes telles que la trypsine, puis de cultiver ce protozoaire dans un milieu TYI-S-33 (Diamond et coll., 1978; Rice et Schaefer, 1981), mais le taux de dékystement est souvent faible. Il est aussi possible de dékyster des oocystes de Cryptosporidium parvum pour en mesurer la viabilité (Black et coll., 1996). On a toutefois démontré que les méthodes de dékystement étaient des indicateurs relativement médiocres de la viabilité des oocystes de Cryptosporidium. Neumann et coll. (2000b) ont constaté que des oocystes non dékystés récupérés après l'application de méthodes de dékystement d'usage courant demeuraient infectieux pour les souris nouveau-nées.

6.6.2 Colorants fluorogéniques

On a mis au point diverses méthodes de coloration pour évaluer la viabilité des kystes et des oocystes, en se fondant sur l'inclusion ou l'exclusion de deux colorants fluorogéniques, le DAPI et l'iodure de propidium (IP) (Robertson et coll., 1998; Freire-Santos et coll., 2000; Neumann et coll., 2000b; Gold et coll., 2001; Iturriaga et coll., 2001). On peut répartir les kystes et les oocystes en trois classes : 1) viables (inclusion du DAPI, exclusion de l'IP); 2) non viables (inclusion du DAPI et de l'IP); et 3) quiescents ou dormants (exclusion du DAPI et de l'IP, mais pouvant être viables). En général, on observe une bonne corrélation entre le DAPI et l'IP et le dékystement in vitro (Campbell et coll., 1992). Neumann et coll. (2000a) ont démontré l'existence d'une forte corrélation entre l'intensité de la coloration par le DAPI et l'IP et l'infectiosité pour les animaux d'oocystes de C. parvum fraîchement isolés. On a aussi utilisé avec succès ces colorants que l'on a conjugués à des anticorps marqués par fluorescence (utilisés aux fins de FACS) pour déterminer la viabilité et l'infectiosité des kystes et des oocystes dans des échantillons d'eau, parce que leurs spectres fluorescents ne chevauchent pas celui des anticorps (Belosevic et coll., 1997; Bukhari et coll., 2000; Neumann et coll., 2000b). En dépit de ces corrélations directes, l'inclusion/exclusion de colorants, tout comme les méthodes de dékystement, entraîne une surestimation de la viabilité et de l'infectiosité potentielle des kystes et des oocystes (Black et coll., 1996; Jenkins et coll., 1997).

6.6.3 Transcription inverse-réaction en chaîne de la polymérase

On peut également appliquer la RT-PCR à la détection directe de kystes et d'oocystes viables dans des concentrés d'eau (Kaucner et Stinear, 1998). La RT-PCR amplifie une molécule cible, soit l'acide ribonucléique messager (ARNm). Puisque seuls les organismes viables peuvent produire de l'ARNm, cette méthode expérimentale peut se révéler utile pour évaluer la viabilité des kystes et des oocystes. Par exemple, lorsqu'on compare la RT-PCR à la technique d'immunofluorescence par le DAPI/IP, la fréquence de détection des kystes viables de Giardia, qui se situe à 24 % avec la technique d'immunofluorescence, passe à 69 % avec la RT-PCR. Cette dernière technique a l'avantage de pouvoir être combinée à la méthode SIM, ce qui permet la détection simultanée des kystes et des oocystes et la détermination de leur viabilité (Hallier-Soulier et Guillot, 2000, 2003); elle peut, en outre, être quantitative. Comme les autres méthodes fondées sur la PCR, la RT-PCR est très sensible aux inhibiteurs environnementaux et est inefficace pour l'extraction des acides nucléiques des kystes et des oocystes.

6.6.4 Hybridation in situ en fluorescence

La technique FISH s'est révélée en partie efficace pour différencier les kystes et les oocystes vivants de ceux qui étaient morts (Davies et coll., 2005; Lemos et coll., 2005; Taguchi et coll., 2006); cependant, les résultats faussement positifs sont fréquents (Smith et coll., 2004). Puisque l'ARNr 18S est abondant dans les kystes et les oocystes viables, mais peu répandu dans les kystes et les oocystes non viables, il constitue une cible utile pour l'évaluation de la viabilité. Comme la méthode de coloration par le DAPI et l'IP, la technique FISH est limitée par son incapacité à évaluer l'infectiosité des kystes et des oocystes. D'autres recherches sont nécessaires pour valider l'utilisation de cette méthode dans l'évaluation de la viabilité des kystes et des oocystes.

6.6.5 Épreuves d'infectiosité pour les animaux

La méthode la plus directe pour évaluer la viabilité et l'infectiosité des kystes et des oocystes consiste à inoculer ces microorganismes à un animal susceptible et à surveiller leur élimination ainsi que tout signe histologique de maladie. On utilise Giardia et Cryptosporidium pour infecter des animaux de laboratoire tels que des gerbilles (pour Giardia) (Belosevic et coll., 1983) et des souris CD-1 nouveau-nées (pour Cryptosporidium) (Finch et coll., 1993). Cette méthode s'est révélée modérément efficace (Delaunay et coll., 2000; Korich et coll., 2000; Matsue et coll., 2001; Noordeen et coll., 2002; Okhuysen et coll., 2002; Rochelle et coll., 2002), mais elle n'est pas pratique, puisqu'elle est coûteuse à réaliser et que la plupart des laboratoires d'analyse ne disposent pas de colonies d'animaux. De plus, on a accès à des données limitées sur les divers génotypes et espèces de Giardia et de Cryptosporidium qui peuvent infecter des modèles animaux (c.-à-d. certains génotypes ou espèces peuvent ne pas être susceptibles d'infecter un hôte animal en particulier). Même en tenant compte de cette information, on ne peut affirmer que cette méthode est suffisamment sensible pour les besoins de la surveillance de l'environnement (c.-à-d. dose infectieuse médiane [DI50] élevée). Ces épreuves sont généralement réservées à des fins de recherche, comme l'évaluation de l'efficacité du procédé de désinfection, plutôt qu'à des fins d'évaluation régulière de la viabilité et de l'infectiosité des kystes et des oocystes.

6.6.6 Épreuves d'infectiosité en culture cellulaire

Contrairement à Giardia, Cryptosporidium est un parasite intracellulaire qui se multiplie dans des cellules hôtes. Par conséquent, les oocystes ne peuvent pas être cultivés dans des milieux de culture exempts de cellules hôtes. Les épreuves in vitro en culture cellulaire qui visent à évaluer l'infectiosité de Cryptosporidium permettent de surmonter plusieurs difficultés associées à l'utilisation de modèles animaux. Ces épreuves consistent à exposer des oocystes à des stimulus de dékystement, puis à les inoculer dans une lignée cellulaire de mammifère en culture, telles les cellules humaines d'adénocarcinome iléocaecal (HCT-8), afin de confirmer la croissance et le développement du parasite. Les oocystes sont habituellement inoculés dans des monocouches de cellules HCT-8. Après une incubation de 24 à 48 heures, on examine la monocouche de cellules au moyen de la technique d'immunofluorescence indirecte (Slifko et coll., 1997) ou de la PCR (Rochelle et coll., 1997) pour vérifier la présence de Cryptosporidium en phase de reproduction.

On a utilisé cette méthode pour estimer l'infectiosité des oocystes dans l'eau (Di Giovanni et coll., 1999; Hijjawi et coll., 2001; Weir et coll., 2001; Rochelle et coll., 2002; Johnson et coll., 2005; Schets et coll., 2005; Coulliette et coll., 2006) et on a montré qu'elle fournissait des résultats semblables à ceux du modèle d'infectiosité pour les souris (Hijjawi et coll., 2001; Rochelle et coll., 2002; Slifko et coll., 2002). Dans d'autres études de comparaison, les épreuves en culture cellulaire, la méthode de dékystement et la méthode de coloration par le DAPI et l'IP ont fourni des pourcentages moyens de viabilité semblables (Slifko et coll., 1997).

Les épreuves en culture cellulaire offrent plusieurs avantages, y compris une grande sensibilité (c.-à-d. la détection d'un seul oocyste viable), leur applicabilité à l'analyse d'échantillons d'eau brute et traitée, leur facilité d'exécution et la production rapide de résultats. Avec cette méthode, on a aussi l'avantage de pouvoir conserver in vitrodes oocystes de C. parvum et de C. hominis pendant de longues périodes, ce qui facilite les études de viabilité et d'immunothérapie. De plus, la culture cellulaire peut être combinée à d'autres méthodes, y compris la PCR, afin d'évaluer avec plus de précision la viabilité et l'infectiosité. La PCR à culture cellulaire intégrée (CC-PCR) s'est révélée utile pour évaluer la contamination des bassins versants et estimer les risques (Joachim et coll., 2003; LeChevallier et coll., 2003; Masago et coll., 2004). Bien que les épreuves d'infectiosité en culture cellulaire offrent plusieurs avantages, elles présentent également certains désavantages, notamment la nécessité de maintenir une lignée cellulaire et la faible reproductibilité entre des échantillons semblables pour procéder à des évaluations quantitatives. De plus, les méthodes actuelles de culture cellulaire détectent seulement C. parvum et C. hominis; on sait très peu de choses sur la façon dont les autres génotypes et espèces de Cryptosporidium qui soulèvent des préoccupations pour la santé humaine infectent les systèmes de culture. Des auteurs ont récemment fait état du développement de C. parvum dans un milieu de culture exempt de cellules hôtes (Hijjawi et coll., 2004), mais l'expérience n'a pas pu être reproduite (Girouard et coll., 2006).

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