Page 7 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique - protozoaires entériques : Giardia et Cryptosporidium

8.0 Effets sur la santé

Les effets sur la santé associés à l'exposition à Giardia et à Cryptosporidium, comme ceux d'autres pathogènes, dépendent des caractéristiques de l'hôte, du pathogène et de l'environnement. Le statut immunologique de l'hôte, l'infectiosité des kystes et des oocystes et le degré d'exposition (c.-à-d. le nombre de kystes et d'oocystes ingérés) sont tous des facteurs déterminants de l'infection et de la maladie. L'infection par Giardia ou Cryptosporidium peut causer à la fois des effets aigus et chroniques sur la santé, décrits dans les sections suivantes.

8.1 Giardia

8.1.1 Infection

En théorie, un seul kyste de Giardia suffit, à tout le moins dans certaines circonstances, à causer une infection. Cependant, des études ont montré que la DI50 (dose requise pour infecter 50 % des sujets testés) est habituellement supérieure à un seul kyste et dépend de la virulence de la souche. Des essais d'alimentation réalisés auprès de sujets adultes volontaires portent à croire que la DI50 de Giardia est d'environ 50 kystes (Hibler et coll., 1987), bien que certaines personnes puissent contracter une infection à une dose beaucoup plus faible (Rendtorff, 1978; Stachan et Kunstýr, 1983). Il est possible d'extrapoler la dose DI50 de Giardia chez les humains à partir des courbes de la relation dose-réponse. En procédant ainsi, on a déterminé que la DI50 de Giardia chez les humains était d'environ 35 kystes (Rose et Gerba, 1991), ce qui est comparable au résultat indiqué ci-dessus. Les souches de Giardia qui se sont bien adaptées à leurs hôtes (p. ex. par des passages successifs) peuvent souvent les infecter avec un nombre moins élevé de kystes (Hibler et coll., 1987). Par exemple, dans le cadre d'une étude menée auprès de sujets volontaires, Rendtorff (1978) a montré que, en ce qui concerne l'espèce de Giardia d'origine humaine, la DI50 était de 19 kystes.

La période de prépatence (période qui s'écoule entre l'ingestion des kystes et l'excrétion de nouveaux kystes) pour la giardiase est de 6 à 16 jours (Rendtorff, 1978; Stachan et Kunstýr, 1983; Nash et coll., 1987), bien que cette période puisse varier selon la souche. Des recherches menées sur des modèles animaux ont montré que les périodes de prépatence étaient plus longues avec les plus petites doses, mais que la charge parasitaire résultante ne changeait pas (Belosevic et Faubert, 1983).

8.1.2 Pathogenèse et réponse immunitaire

Le ou les mécanismes précis par lesquels Giardia cause la giardiase ne sont pas bien compris, et aucun facteur de virulence particulier n'a été identifié. Certains affirment que Giardia cause une irritation mécanique ou une lésion de la muqueuse en s'attachant à la bordure en brosse du tractus intestinal. D'autres ont avancé que l'attachement des kystes de Giardia àl'épithélium intestinal entraînait la repopulation de cette région par des entérocytes relativement immatures à la capacité d'absorption réduite (causant ainsi la diarrhée).

La relation hôte-parasite est complexe, et on a montré que Giardia réagissait de différentes façons aux antigènes (Nash, 1994); il est donc improbable que l'immunité soit permanente. La réponse immunitaire humorale se traduit par une augmentation des taux d'anticorps circulants (immunoglobuline G [IgG]) et immunoglobuline M [IgM]) et la sécrétion d'anticorps ((immunoglobuline A [IgA]) dans le lait, dans la salive et parfois dans le mucus intestinal. Ces anticorps peuvent agir pour combattre la maladie (Heyworth, 1988), mais on n'a pas démontré la durabilité de cette immunité. On sait très peu de choses sur l'immunité cellulaire, mais une destruction spontanée de trophozoïtes par les monocytes du sang périphérique humain a été décrite (denHollander et coll., 1988).

8.1.3 Symptômes et traitement

Giardia est habituellement non invasif et cause des infections asymptomatiques. Selon des données recueillies aux États-Unis, 24 % des personnes infectées par Giardia contracteront une maladie symptomatique (Macler et Regli, 1993). La giardiase symptomatique peut se manifester par des nausées, une anorexie, une sensation de gêne dans la partie supérieure de l'intestin, un malaise et parfois une température subfébrile ou des frissons. L'apparition de la diarrhée est généralement soudaine et explosive, avec des selles aqueuses et nauséabondes (Wolfe, 1984). La phase aiguë de l'infection prend souvent fin de façon spontanée et les microorganismes disparaissent généralement des fèces. L'assemblage A a été associé à une diarrhée légère et intermittente, tandis que l'assemblage B a été relié à une diarrhée grave, aiguë ou persistante (Homan et Mank, 2001; Read et coll., 2002). L'infection par Giardia peut aussi mener à une déficience en lactase (c.-à-d. une intolérance au lactose) et à un syndrome de malabsorption. Certains patients deviennent des porteurs asymptomatiques de kystes pendant un certain temps et ne présentent pas de signes cliniques. D'autres patients, particulièrement les enfants, souffrent d'accès récurrents de la maladie qui peuvent persister pendant des mois, voire des années (Lengerich et coll., 1994). On a estimé que le nombre de personnes hospitalisées chaque année aux États-Unis en raison d'une giardiase grave était de 4 600, ce qui est similaire au taux d'hospitalisation pour la shigellose (Lengerich et coll., 1994). La durée médiane des séjours à l'hôpital est de quatre jours.

La giardiase peut être traitée par plusieurs médicaments, tels le métronidazole, la quinacrine, la furazolidone, le tinidazole, l'ornidazole, le nitazoxanide et le nimorazole. Olson et coll. (1994) ont montré qu'il était possible de mettre au point un vaccin, mais que les infections et les symptômes n'en seraient qu'atténués et que la prévention de l'infection n'était pas réalisable pour le moment.

8.2 Cryptosporidium

8.2.1 Infection

Bien que la cryptosporidiose humaine ne soit pas bien comprise, des essais d'alimentation réalisés auprès de sujets volontaires immunocompétents ont fourni des données sur la relation dose-réponse. Comme c'est le cas pour Giardia et d'autres pathogènes, un seul microorganisme de Cryptosporidium peut causer une infection, bien que des études aient montré qu'il faut, en général, plus d'un organisme (DuPont et coll., 1995; Okhuysen et coll., 1998, 2002; Chappell et coll., 1999, 2006). Toutes ces études portent à croire que la DI50 de Cryptosporidium se situe entre 80 et 1 000 oocystes (DuPont et coll., 1995; Chappell et coll., 1999, 2006; Okhuysen et coll., 2002), ce qui indique que les isolats de Cryptosporidium peuvent différer considérablement quant à leur potentiel d'infectiosité et à leur capacité de causer une cryptosporidiose symptomatique. Par exemple, on a démontré que l'isolat TAMU de C. parvum (isolé à l'origine chez un poulain) avait une DI50 de 9 oocystes et un taux d'atteinte morbide de 86 %, comparativement à l'isolat UCP de C. parvum (isolé chez un veau), dont la DI50 était de 1 042 oocystes et le taux d'atteinte morbide de 59 % (Okhuysen et coll., 1999). Par contre, les isolats Iowa et Moredun de C. parvum avaient, respectivement, une DI50 de 132 et d'environ 300 oocystes, mais présentaient des taux d'atteinte morbide semblables (c.-à-d. 55 à 65 %) (DuPont et coll., 1995; Okhuysen et coll., 2002). D'après une méta-analyse de ces études d'alimentation, on a estimé que la DI50 des isolats TAMU, UCP et Iowa était, respectivement, de 12,1, 2 066 et 132 oocystes (Messner et coll., 2001). On ignore l'origine génétique de ces différences, bien qu'on ait identifié plusieurs facteurs de virulence (Okhuysen et Chappell, 2002). Dans une autre méta-analyse de données d'études menées auprès de sujets humains et portant sur des isolats TAMU, UCP et Iowa, on a estimé que la probabilité d'infection à la suite de l'ingestion d'un seul oocyste infectieux se situait entre 4 et 16 % (U.S. EPA, 2006a). Cette estimation est confirmée par des données sur des éclosions, incluant des observations faites durant l'éclosion survenue à Milwaukee en 1993 (Gupta et Haas, 2004).

La période de prépatence pour la cryptosporidiose est de 4 à 9 jours (Ma et coll., 1985; DuPont et coll., 1995; Okhuysen et coll., 1999, 2002), mais elle peut varier selon l'isolat.

8.2.2 Pathogenèse et réponse immunitaire

On sait que les infections par Cryptosporidium spp. dans l'intestin humain causent tout au moins des lésions transitoires à la muqueuse, notamment une atrophie villositaire et un allongement de la crypte (Tzipori, 1983), mais on ne connaît pas les mécanismes moléculaires par lesquels Cryptosporidium cause ces lésions. On croit que plusieurs molécules, notamment les glycoprotéines, les lectines et d'autres complexes protéiques, les antigènes et les ligands, exercent une influence sur la mobilité des oocystes, leur attachement aux cellules hôtes et l'invasion de celles-ci (Okhuysen et Chappell, 2002; Tzipori et Ward, 2002). La plupart des données pathologiques disponibles ont été obtenues chez des patients atteints du sida, et l'évaluation des lésions imputables à Cryptosporidium spp. a été compliquée par la présence d'autres pathogènes opportunistes.

Le principal mécanisme de défense de l'hôte semble être l'immunité cellulaire (McDonald et coll., 2000; Lean et coll., 2002; Riggs, 2002), bien qu'on sache que l'immunité humorale joue également un rôle (Riggs, 2002; Okhuysen et coll., 2004; Priest et coll., 2006). Des études de modèles animaux ont démontré l'importance des lymphocytes T auxiliaires (CD4+), de l'interféron gamma (IFN-γ) et de l'interleukine 12 (IL-12) dans le traitement de la cryptosporidiose (Riggs, 2002). On a aussi montré que des réponses anticorps contre certaines glycoprotéines jouaient un rôle dans l'attachement du parasite Cryptosporidium (Riggs, 2002).

On ne sait pas avec certitude si une exposition antérieure à Cryptosporidium offre une protection contre d'autres infections ou la maladie. Okhuysen et coll. (1998) ont indiqué qu'une exposition initiale à Cryptosporidium ne protégeait pas contre des poussées subséquentes de cryptosporidiose. Bien que les taux de diarrhée aient été similaires après chaque exposition, la gravité de la diarrhée était plus faible après une nouvelle exposition. Chappell et coll. (1999) ont signalé que des sujets volontaires qui étaient porteurs d'anticorps préexistants anti-C. parvum (ce qui laisse penser qu'ils avaient déjà été infectés) présentaient une plus grande résistance à l'infection, comme le démontrait une augmentation importante de la DI50, comparativement à ceux qui n'étaient pas porteurs de tels anticorps. Cependant, contrairement aux constats précédents (Okhuysen et coll., 1998), la gravité de la diarrhée (définie par le nombre d'épisodes et la durée de la maladie) était plus importante chez les sujets que l'on présumait avoir déjà été infectés.

8.2.3 Symptômes et traitement

Les personnes infectées par Cryptosporidium risquent davantage d'être atteintes d'une maladie symptomatique que celles infectées par Giardia (Macler et Regli, 1993; Okhuysen et coll., 1998, 1999). Le symptôme le plus fréquemment associé à la cryptosporidiose est la diarrhée, qui est caractérisée par des selles très aqueuses et non sanglantes. Le volume de diarrhée peut être très important. Chez des hôtes immunocompétents, un volume de 3 L/jour est courant. On a rapporté un volume atteignant 17 L/jour chez des patients immunodéprimés (Navin et Juranek, 1984). Ce symptôme peut s'accompagner de crampes, de nausées, de vomissements (particulièrement chez les enfants), d'une température subfébrile (inférieure à 39 °C), d'une anorexie et d'une déshydratation. On a fait état de cas de cryptosporidiose touchant d'autres organes que l'intestin (c.-à-d. les poumons, l'oreille moyenne, le pancréas, etc.) et de décès surtout chez les personnes atteintes du sida (Farthing, 2000; Mercado et coll., 2007), mais on considère que ce sont des cas rares.

La durée de l'infection dépend de l'état du système immunitaire des personnes atteintes (Juranek, 1995), que l'on peut diviser en trois catégories : 1) les personnes immunocompétentes, qui se débarrassent de l'infection en 7 à 14 jours; 2) les personnes atteintes du sida ou dont le système immunitaire est fortement affaibli (les personnes présentant une numération de cellules CD4 < 180 cellules/mm3) et qui, dans la plupart des cas signalés, ne se débarrassent jamais complètement de l'infection (qui peut se transformer en infection caractérisée par de longues périodes de rémission suivies de symptômes légers); 3) les personnes immunodéprimées à la suite d'une chimiothérapie, d'une dépression ou d'une maladie de courte durée (p. ex. la varicelle) ou d'une malnutrition. Dans les cas où l'immunodépression n'est pas liée au sida, l'infection disparaît généralement (aucune excrétion d'oocystes et disparition des symptômes) dans les 10 à 15 jours suivant l'apparition des symptômes. On a toutefois signalé des cas où l'infection avait persisté pendant 30 jours chez des enfants. La sensibilité du diagnostic de la cryptosporidiose par l'examen des selles est faible, de sorte que les personnes qui excrètent peu d'oocystes peuvent être prématurément classées parmi les cas négatifs. L'utilisation d'outils de diagnostic plus sensibles et plus rapides, tels les tests immunochromatographiques sur membrane, permettra de réduire le nombre de résultats faussement négatifs (Cacciò et Pozio, 2006). Les sujets immunocompétents sont généralement porteurs de l'infection pendant une durée maximale de 30 jours. À l'exception des personnes atteintes du sida, les sujets peuvent continuer à éliminer les oocystes pendant une durée pouvant atteindre 24 jours. Durant une éclosion survenue dans une garderie, des enfants ont éliminé des oocystes durant cinq semaines (Stehr-Green et coll., 1987). On pense que le taux déclaré d'infection asymptomatique est faible, mais un rapport sur une éclosion survenue dans une garderie à Philadelphie, en Pennsylvanie, a conclu que jusqu'à 11 % des enfants n'avaient présenté aucun symptôme (Alpert et coll., 1986). Ungar (1994) a examiné trois études différentes menées dans des garderies où le taux d'infection asymptomatique variait de 67 à 100 %. On a émis l'hypothèse qu'un grand nombre de ces cas asymptomatiques étaient des cas bénins qui avaient été incorrectement diagnostiqués (Navin et Juranek, 1984).

Le nitazoxanide est le seul médicament approuvé pour le traitement de la cryptosporidiose chez les enfants et les adultes (Fox et Saravolatz, 2005), bien que plus de 200 médicaments aient été testés in vitro et in vivo (Tzipori, 1983; O'Donoghue, 1995; Armson et coll., 2003; Cacciò et Pozio, 2006). Ceci peut, en partie, s'expliquer par le fait que la plupart des inhibiteurs ciblent les voies biochimiques dans l'apicoplaste (organite dérivé du plaste) (Wiesner et Seeber, 2005), une structure absente chez C. parvum (Abrahamsen et coll., 2004) et C. hominis (Xu et coll., 2004). On a affirmé que le furazolidone permettait maintenant de réduire plus efficacement les symptômes chez les patients immunocompétents. La spiramycine a apparemment été utilisée au Chili et aux États-Unis avec un certain succès, mais elle n'a pas encore reçu d'autorisation de la Food and Drug Administration des États-Unis pour une utilisation générale (Janoff et Reller, 1987).

L'analyse de la séquence génomique complète de Cryptosporidium pourrait aider à identifier les déterminants de la virulence et les mécanismes de la pathogenèse, ce qui faciliterait la mise au point d'antimicrobiens (Umejiego et coll., 2004), de vaccins (Wyatt et coll., 2005; Boulter-Bitzer et coll., 2007) et d'immunothérapies (Crabb, 1998; Enriquez et Riggs, 1998; Schaefer et coll., 2000; Takashima et coll., 2003) contre Cryptosporidium.

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2013-04-17