Page 8 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique - protozoaires entériques : Giardia et Cryptosporidium

9.0 Évaluation des risques

L'adoption d'une approche fondée sur les risques, comme l'approche à barrières multiples, est essentielle à la gestion efficace des systèmes d'approvisionnement en eau potable (CCME, 2004). Une telle approche doit comprendre l'évaluation de l'ensemble du système, depuis le bassin versant ou l'aquifère et la prise d'eau jusqu'au consommateur, en passant par la chaîne de traitement et de distribution, afin d'évaluer les effets potentiels sur la qualité de l'eau potable et la santé publique.

Les recommandations actuelles concernant la qualité de l'eau potable incitent à adopter une approche à barrières multiples pour assurer la salubrité de l'eau. Dans une telle approche, on utilise divers indicateurs, comme des microorganismes indicateurs, la turbidité et les concentrations résiduelles de désinfectant, pour déterminer la qualité de l'eau potable traitée. Ainsi, E. coli et les coliformes totaux sont des exemples d'indicateurs bactériologiques souvent employés pour évaluer la qualité microbiologique de l'eau potable. Bien qu'ils représentent un élément important de l'approche à barrières multiples, les indicateurs ne fournissent aucune information quantitative sur les pathogènes ou sur la charge de morbidité potentielle au sein de la population qui serait liée à l'eau potable d'une qualité donnée. Il est important de préciser que même une eau de qualité acceptable présente un risque de maladie, quoique ce risque soit extrêmement faible.

L'évaluation quantitative du risque microbien (ÉQRM) est de plus en plus acceptée comme élément de l'approche à barrières multiples. Elle consiste à utiliser des données sur la qualité des sources d'eau, des renseignements se rapportant aux procédés de traitement et les caractéristiques propres au pathogène pour estimer la charge de morbidité liée à l'exposition aux microorganismes pathogènes dans une source d'eau potable. Les ÉQRM sont utiles, car elles permettent d'évaluer chaque système d'approvisionnement en eau et d'obtenir de l'information propre au site afin de :

  • comprendre la façon dont les changements dans la qualité des sources d'eau peuvent affecter la qualité microbiologique de l'eau potable produite;
  • déterminer si les mesures de contrôle actuelles sont adéquates, compte tenu des variations propres à chaque site;
  • examiner la possibilité d'améliorer la qualité microbiologique de l'eau potable par la mise en place de procédés de traitement additionnels ou par l'optimisation des procédés existants;
  • aider à établir des limites pour des points de contrôle critiques dans le système de traitement.

Les variations propres au site doivent comprendre l'effet potentiel d'événements dangereux, comme les orages, les épisodes de contamination et la défaillance d'un procédé de traitement. Il faut tenir compte des points suivants lorsque l'on interprète les résultats d'une ÉQRM :

  • la qualité des données d'une ÉQRM dépend de la qualité des données d'entrée;
  • certaines données peuvent comporter un haut degré d'incertitude (p. ex. données sur la qualité des sources d'eau et taux d'élimination des pathogènes par les systèmes de traitement);
  • l'ÉQRM s'appuie sur des hypothèses qui ne reflètent pas nécessairement avec justesse l'état du systèmes d'approvisionnement en eau ou l'exposition aux pathogènes à tout moment (voir la section 9.3.4).
  • En raison de ces limites, on ne devrait pas utiliser l'ÉQRM pour tenter d'estimer le taux de morbidité au sein d'une population attribuable à un système d'approvisionnement en eau particulier. Par contre, les estimations de la charge de morbidité obtenues grâce à une ÉQRM sont utiles pour les évaluations propres à un site donné, dans le cadre d'une approche à barrières multiples visant à assurer la salubrité de l'eau potable.

9.1 Objectifs basés sur la santé

Les objectifs basés sur la santé sont les buts que l'on doit atteindre pour garantir la salubrité de l'eau potable. Au Canada, on tente souvent de réduire les dangers microbiologiques à l'aide de deux types d'objectifs basés sur la santé : les objectifs de qualité de l'eau et les objectifs de traitement. La recommandation bactériologique concernant E. coli constitue un exemple d'objectif de qualité de l'eau; elle établit une concentration maximale acceptable pour ce microorganisme dans l'eau potable (Santé Canada, 2006a). Les objectifs de traitement, quant à eux, décrivent la réduction des risques qu'entraîneront des mesures telles que les procédés de traitement visant à réduire la viabilité ou la présence des pathogènes. Ils aident à choisir les procédés à mettre en place et doivent être définis en fonction de la qualité des sources d'eau. Ils doivent tenir compte non seulement des conditions de fonctionnement normales, mais également des variations potentielles de la qualité de l'eau ou de l'efficacité du traitement. À titre d'exemple, les courtes périodes pendant lesquelles la qualité des sources d'eau est mauvaise après un orage ou une diminution de l'efficacité du traitement due à la défaillance d'un procédé peuvent représenter la majeure partie des risques dans une usine de traitement d'eau potable. En raison du large éventail de microorganismes pathogènes, il est difficile d'évaluer tous les risques associés à chacun d'eux; par conséquent, les objectifs de traitement sont généralement définis en fonction des catégories de microorganismes (p. ex. bactéries, virus, protozoaires) plutôt que de pathogènes particuliers. Pour Giardia et Cryptosporidium, l'objectif de traitement basé sur la santé est le suivant : réduction ou inactivation d'au moins 3 log des kystes et des oocystes. Dans le cas de nombreuses sources d'eau, il faudrait obtenir une réduction ou une inactivation logarithmique plus grande pour que le niveau de risque demeure acceptable.

9.2 Niveaux de risque acceptables

Les estimations de la charge de morbidité effectuées dans le cadre de l'évaluation des risques doivent être comparées à un niveau de risque de référence, c'est-à-dire un niveau de risque jugé tolérable ou acceptable. Cette comparaison est nécessaire, car elle permet de comprendre les répercussions de la charge de morbidité estimée sur la santé publique et de fixer des objectifs de traitement basés sur la santé.

Les niveaux de risque sont exprimés de plusieurs façons. Dans les Directives de qualité pour l'eau de boisson de l'OMS (2011), on utilise les AVCI comme unités de mesure du risque. Les AVCI permettent d'obtenir une valeur tenant compte du risque de maladie ou de blessure et de la répercussion des effets connexes sur la santé (Murray et Lopez, 1996a; Havelaar et Melse, 2003). Dans les directives de l'OMS (2011), on utilise la valeur de 10-6 AVCI/personne par année comme objectif d'ordre sanitaire. Dans le document National Guidelines for Water Recycling (NRMMC-EPHC, 2006) de l'Australie, on donne la même valeur. D'autres organismes établissent des niveaux de risque microbien acceptables en s'appuyant sur le risque d'infection, sans tenir compte de la probabilité ou de la gravité des effets sur la santé. L'U.S. EPA, par exemple, a utilisé un objectif basé sur la santé correspondant à un risque d'infection annuel de moins de 1 cas pour 10 000 personnes (10-4) (Regli et coll., 1991).

Le niveau de référence de 10-6 AVCI/personne par année équivaut à un risque annuel de maladie (pour une personne) de 1/1 000 (10-3) pour un pathogène causant la diarrhée et présentant un faible taux de létalité. Dans le cas de maladies ayant des effets plus graves sur la santé, comme le cancer, la valeur de 10-6 AVCI/personne par année équivaut environ à un risque additionnel de cancer à vie (au-dessus du niveau de fond) de 10-5 (c.-à-d. 1 cas additionnel de cancer au-dessus du niveau de fond pour 100 000 personnes qui ingèrent 1,5 L d'eau potable contenant la substance à la valeur recommandée sur une période de 70 ans). Les ÉQRM constituent un outil efficace pour déterminer si un système d'approvisionnement en eau potable donné peut permettre d'atteindre cet objectif sanitaire, vu que les systèmes actuels de surveillance des maladies dans les pays développés comme le Canada ne permettent pas de détecter les maladies à un niveau aussi bas.

Dans l'évaluation contenue dans le présent document technique, on estime la charge de morbidité à l'aide des AVCI. Ces unités de mesure offrent plusieurs avantages. En effet, elles prennent en compte à la fois le nombre d'années perdues par suite d'un décès prématuré et le nombre d'années vécues avec une incapacité (en comparaison avec la personne moyenne en bonne santé dans la région) et permettent de déterminer les effets sur la santé d'un seul type de pathogène. L'utilisation des AVCI permet aussi de comparer les effets sur la santé de différents pathogènes et, peut-être, de différents dangers microbiologiques et de certains dangers chimiques. Bien qu'aucune unité de mesure commune pour la santé n'ait été acceptée à l'échelle internationale, les AVCI sont utilisées par de nombreux groupes, et l'on dispose de données publiées et évaluées par des pairs. Dans la présente évaluation des risques, le niveau de référence de l'OMS (2011), soit 10-6 AVCI/personne par année, est utilisé comme niveau de risque acceptable.

9.3 Approche concernant l'évaluation quantitative du risque microbien

Dans les ÉQRM, on se sert de modèles mathématiques et de renseignements pertinents sur des pathogènes sélectionnés pour estimer la charge de morbidité. Les ÉQRM s'inscrivent dans une stratégie commune d'évaluation des risques, qui comporte quatre volets : la détermination des dangers, l'évaluation de l'exposition, l'évaluation de la relation dose-réponse et la caractérisation des risques.

9.3.1 Détermination des dangers

La première étape de l'ÉQRM consiste à déterminer par un processus qualitatif les dangers qui menacent le système d'approvisionnement en eau potable ou la santé humaine, notamment ceux que présentent les microorganismes ou les substances chimiques toxiques. Au Canada, les protozoaires entériques les plus préoccupants pour la santé humaine dans les sources d'eau potable sont Giardia et Cryptosporidium. Ces microorganismes peuvent provoquer des maladies graves chez les sujets immunocompétents et les sujets immunodéprimés. La cryptosporidiose est une maladie plus grave, car elle peut être mortelle, particulièrement pour les sujets immunodéprimés, et peut causer des lésions extra-intestinales (aux poumons, au pancréas, etc.).

La présence et les espèces de Giardia et de Cryptosporidium dans une source d'eau potable donnée varient. Il est donc important de recenser pour chaque site toutes les sources et tous les événements potentiels susceptibles d'entraîner la présence de Giardia et de Cryptosporidium à des concentrations supérieures au niveau de référence, qu'ils dépendent ou non du fournisseur d'eau potable. Les matières fécales d'origine humaine et animale sont les principales sources de protozoaires entériques. Elles peuvent provenir de sources de pollution ponctuelles, comme les rejets d'eaux usées municipales, ou de sources diffuses, comme les fosses septiques, les eaux de ruissellement urbaines et les eaux de ruissellement des fermes d'élevage. Outre les sources de contamination potentielles, il faut déterminer si la présence des protozoaires est continue ou intermittente, ou si elle suit des tendances saisonnières de pollution. Il faut également déterminer si les événements rares, tels que les sécheresses et les inondations, influeront sur les concentrations de Giardia et de Cryptosporidium dans les sources d'eau.

Même si tous les protozoaires entériques préoccupants doivent être recensés, les évaluations des risques tiennent rarement compte de chacun d'eux. Elles ne portent que sur des protozoaires entériques précis qui, en raison de leurs caractéristiques, sont représentatifs de tous les protozoaires pathogènes similaires. On présume que si le traitement est efficace contre le protozoaire de référence, il le sera contre tous les protozoaires préoccupants similaires. Idéalement, un protozoaire de référence représentera une combinaison du pire scénario : une grande fréquence, une concentration élevée et une longue période de survie dans la source d'eau, ainsi qu'une faible élimination ou inactivation au cours du traitement et un pouvoir pathogène élevé pour tous les groupes d'âge. Cryptosporidium parvum et Giardia lamblia ont été choisis comme protozoaires de référence aux fins de la présente évaluation des risques, étant donné leurs taux de prévalence élevés, leur potentiel de causer des poussées de maladies, leur résistance à la désinfection au chlore et la disponibilité d'un modèle dose-réponse pour chacun d'eux.

9.3.2 Évaluation de l'exposition

Les évaluations de l'exposition fournissent une estimation (avec le niveau d'incertitude associé) de la présence et de la concentration d'un contaminant dans un volume d'eau donné au moment de l'exposition (ingestion, inhalation ou absorption cutanée). La consommation d'eau potable est la voie d'exposition principale que l'on a prise en considération dans la présente évaluation des risques. Pour mesurer l'exposition, il faut connaître ou estimer la concentration de Cryptosporidium ou de Giardia et le volume d'eau consommée. L'exposition est définie comme étant une dose unique de pathogènes ingérée par une personne à un moment donné.

On n'effectue généralement pas de surveillance régulière de l'eau potable pour détecter les protozoaires. Par conséquent, pour déterminer l'exposition, il faut mesurer ou estimer la concentration du protozoaire de référence dans la source d'eau. Les mesures fournissent une meilleure évaluation des risques que les estimations. Des pics de concentrations de Cryptosporidium ou de Giardia de courte durée peuvent augmenter considérablement les risques de maladie et même occasionner des éclosions de maladies d'origine hydrique; par conséquent, les variations saisonnières et les événements de contamination élevée, tels que les orages, doivent être pris en considération dans les mesures ou les estimations. Certains des facteurs qui doivent pris en compte au moment de déterminer les concentrations de Cryptosporidium et de Giardia dans l'eau potable sont les taux de récupération de kystes et d'oocystes selon les méthodes de détection, lesquels sont de loin inférieurs à 100 %, la variabilité des taux d'élimination et d'inactivation obtenus par le traitement, de même que la viabilité ou l'infectiosité du pathogène dans l'eau traitée. Diverses méthodes peuvent être utilisées pour évaluer la viabilité et l'infectiosité des kystes et des oocystes (voir la section 6.6). Dans la présente évaluation des risques, on présume que les kystes et les oocystes dont la présence dans la source d'eau a été déclarée sont viables et infectieux. Une fois que l'on connaît les concentrations dans la source d'eau, on calcule les réductions résultant du traitement pour obtenir la concentration dans l'eau potable traitée. Dans la présente évaluation des risques, on présume que tout kyste et oocyste n'ayant pas été éliminé ou inactivé pendant le traitement peut causer une infection ou des maladies.

En ce qui concerne le volume d'eau consommée, il est important de ne considérer que l'eau du robinet non bouillie, puisque l'ébullition entraîne l'inactivation des pathogènes. Par conséquent, en considérant le volume total d'eau ingérée (bouillie et non bouillie), on surestime l'exposition (Gale, 1996; Payment et coll., 1997; OMS, 2011). Au Canada, chaque personne consomme environ 1,5 L d'eau du robinet par jour. Toutefois, environ 35 % de cette eau est consommée sous forme de café ou de thé (Santé et Bien-être social Canada, 1981). Les températures élevées (eau en ébullition ou près du point d'ébullition) utilisées pour faire le café et le thé inactivent tout pathogène entérique. Par conséquent, on utilise, dans la présente évaluation des risques, une consommation moyenne de 1 L d'eau par personne par jour afin d'estimer les risques associés à l'exposition aux microorganismes pathogènes. Cette estimation est comparable aux tendances de consommation observées dans d'autres pays développés (Westrell et coll., 2006; Mons et coll., 2007). Dans les Directives de qualité pour l'eau de boisson de l'OMS, on recommande également d'utiliser une valeur de 1 L d'eau du robinet non bouillie (OMS, 2011).

9.3.3 Évaluation de la relation dose-réponse

Dans l'évaluation de la relation dose-réponse, on utilise des modèles pour estimer la probabilité d'infection et le risque de maladie après exposition aux kystes et aux oocystes. Dans la présente évaluation des risques, la probabilité d'infection (Pinf) est calculée à l'aide de modèles dose-réponse pour C. parvum et G. lamblia. Le modèle exponentiel permet d'expliquer plus clairement les données de la relation dose-réponse (Haas et coll., 1999) :

P inf = 1 - e -r µ V

Ce modèle exponentiel fournit une description mathématique de la distribution des probabilités individuelles de survie et d'infection pour tous les microorganismes, V étant le volume unique de liquide consommé, µ, le nombre d'organismes par litre dans le volume consommé et r, la fraction d'organismes ingérés qui survivent pour provoquer l'infection. Le paramètre r est différent pour Cryptosporidium et Giardia. Dans le cas de C. parvum, r = 0,018 (Messner et coll., 2001), tandis que dans le cas de G. lamblia, r = 0,0199 (Rose et Gerba, 1991). Le paramètre r est tiré d'études de la relation dose-réponse menées auprès de sujets en bonne santé; il se peut donc qu'il ne représente pas de façon adéquate les effets sur des sous-groupes sensibles, comme les personnes immunodéprimées, les jeunes enfants et les personnes âgées.

On estime la dose quotidienne de microorganismes pour une personne au moyen des renseignements provenant de l'évaluation de l'exposition. La probabilité annuelle d'infection est estimée au moyen de l'équation 2. Aux fins de la présente évaluation des risques, on présume qu'il n'y a aucune propagation secondaire de l'infection.

P inf/année = 1 - ( 1 - P inf ) 365

Ce ne sont pas toutes les personnes infectées qui présenteront une maladie clinique. Le risque annuel pour une personne est estimé au moyen de l'équation 3 :

Risque de maladie = P inf/année × S × I

où :

Pinf/année = probabilité d'infection (obtenue au moyen du modèle bêta-Poisson)
S = proportion de la population réceptive à l'infection
I = proportion des personnes qui présentent une maladie symptomatique après l'infection

L'évaluation des risques est fondée sur les valeurs I de 0,70 et de 0,24 concernant respectivement Cryptosporidium (Okhuysen et coll., 1998) et Giardia (Macler et Regli, 1993). On présume que la valeur S est égale à 1.

Afin de convertir le risque annuel de maladie pour une personne en charge de morbidité par personne, on utilise les AVCI comme unités de mesure communes du risque. Le principal avantage cité de l'AVCI en tant qu'unité de mesure de santé publique est sa nature globale, qui combine les années de vie perdues (AVP) aux années vécues avec une incapacité (AVI) pour pondérer la charge de morbidité. Le calcul des AVCI s'effectue comme suit :

AVCI = AVI + AVP

où :

AVI = somme de [(fraction de l'effet) × (durée) × (poids de la gravité)] pour chaque effet sur la santé contribuant à la morbidité
AVP = [(espérance de vie) - (âge au moment du décès)] × poids de la gravité

Pour Giardia et Cryptosporidium, la gravité des effets sur la santé varie, allant de la diarrhée légère, à la diarrhée grave et même à la mort. Il est important de faire remarquer que, puisqu'on ne dispose d'aucune donnée publiée sur la mortalité causée par Giardia, on présume, dans la présente évaluation des risques, que le risque de décès lié à Giardia est le même que celui associé à Cryptosporidium. Le fardeau sanitaire que représente la gastro entérite survenant à la suite d'une infection par Giardia et Cryptosporidium dans l'eau potable est de 1,70 AVCI/1 000 cas (1,70 × 10-3 AVCI/cas) (tableau 10).

Tableau 10. Calcul du fardeau sanitaire associé à Cryptosporidium et à Giardia
  Effet sur la santé Proportion de la population affectéeTableau 1 note de bas de page a Durée de la maladieTableau 1 note de bas de page b Poids de la gravitéTableau 1 note de bas de page c AVCI/cas

Notes de bas de page du Tableau 1

Tableau 1 note de bas de page 1

Macler et Regli (1993).

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Tableau 1 note de bas de page 2

Havelaar et Melse (2003).

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Tableau 1 note de bas de page 3

Murray et Lopez (1996b).

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Tableau 1 note de bas de page 4

Espérance de vie pour la population canadienne = 78,4 ans (Santé Canada, 2003).

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Tableau 1 note de bas de page 4

L'âge au moment du décès représente l'âge pondéré moyen de la population (on présume que le taux de létalité demeure le même, peu importe l'âge) = 36,88.

Retour à la référence e de la note de bas de page du tableau 1

Morbidité (AVI) Diarrhée légère 0,99999 0,01918 ans (7 jours) 0,067 1,29 × 10-3
Mortalité (AVP) Mort 0,00001 Espérance de vieTableau 1 note de bas de page d; âge au moment du décèsTableau 1 note de bas de page e 1 4,15 × 10-4
Fardeau sanitaire         1,70 × 10-3

Au moyen de ce fardeau sanitaire et du risque annuel de maladie pour une personne, la charge de morbidité (AVCI/personne par année) peut être estimée comme suit :

Charge de morbité = Risque de maladie × fardeau sanataire

où :

risque de maladie = valeur calculée au moyen de l'équation 3
fardeau sanitaire = 1,70 × 10-3AVCI/cas

9.3.4 Caractérisation des risques

Dans la caractérisation des risques, on combine les données recueillies ou estimées sur la présence de pathogènes dans les sources d'eau, l'élimination ou l'inactivation de ces pathogènes grâce aux procédés de traitement et les tendances de consommation pour estimer l'exposition, de même que les relations dose-réponse associées aux pathogènes pour estimer la charge de morbidité. Avec ces renseignements, on peut calculer la charge de morbidité potentielle associée au système d'approvisionnement en eau potable en question. Un exemple du calcul de la charge de morbidité est présenté aux figures 1 et 3. Ces calculs ont été effectués au moyen d'estimations ponctuelles; cependant, lorsque l'on utilise des modèles mathématiques pour les ÉQRM, les calculs comprennent généralement des fonctions de probabilité avec les incertitudes associées (annexe D). La charge de morbidité calculée peut ensuite être comparée au niveau de risque acceptable afin de déterminer si la qualité de l'eau potable produite est acceptable. Si l'on dépasse le niveau de risque acceptable, on peut avoir recours aux ÉQRM pour déterminer le traitement requis pour atteindre l'objectif sanitaire (10-6 AVCI/personne par année).

Figure 1. Exemple d'une évaluation des risques pour Cryptosporidium dans des conditions déterminées
Schéma présentant les étapes de l'évaluation quantitative des risques microbiens et un exemple de calcul, dans des conditions précises, pour Cryptosporidium dans l'eau potable.
Description de la figure de l'exemple 1

Les étapes de l'évaluation quantitative des risques microbiens pour Cryptosporidium sont présentées sous forme de schéma et accompagnées d'un exemple de calcul d'évaluation des risques. Les cinq étapes sont présentées dans des cases situées dans la partie gauche du schéma. En parallèle, du côté droit, se trouvent les données correspondantes issues de l'exemple de calcul. À l'étape 1 (eau de source), on trouve dans l'exemple deux concentrations différentes : 13 kystes pour 100 litres d'eau et 1300 kystes pour 100 litres d'eau. À l'étape 2 (effet du traitement), l'estimation de l'élimination ou de l'inactivation est de 3 et 5 log et, par conséquent, la concentration résultante de Cryptosporidium dans l'eau potable serait de 1,3 x 10-2 kystes pour 100 litres ou de 1,3 x 10-4 kystes pour 1 litre, respectivement. À l'étape 3 (consommation d'eau et pathogènes ingérés), l'exemple de calcul repose sur l'hypothèse qu'un litre d'eau est consommé chaque jour. Ainsi, le nombre de kystes ingérés quotidiennement serait de 1,3 x 10-4. À l'étape 4 (relation dose-effet), les données de l'étape 3 et les équations 1, 2 et 3 du texte servent à calculer la probabilité d'infection par personne par jour, la probabilité d'infection par personne par année et le risque de maladie par personne par année, qui sont respectivement de 2,3 x 10-6, 8,5 x 10-4 et 6,0 x 10-4. À l'étape 5 (fardeau de la maladie), l'équation 5 du texte sert à calculer le fardeau de la maladie, qui s'élève, dans cet exemple, à 1,0 x 10-6 année de vie corrigée de l'incapacité par personne par année.

Remarque : On estime le volume d'eau consommée à 1 L/personne par jour, puisqu'on prend en considération seulement la quantité d'eau du robinet non bouillie qui a été consommée (voir Gale, 1996; OMS, 2008).

Figure 2. Objectif de traitement basé sur la santé concernant Cryptosporidium pour atteindre un niveau de risque acceptable de 10-6 AVCI/personne par année pour une consommation quotidienne de 1 L d'eau potable.
Graphique montrant le degré de traitement requis pour atteindre un niveau de risque acceptable de 10-6 AVCI par personne par année selon une consommation de 1 litre, pour des concentrations de Cryptosporidium allant de 13 kystes pour 100 litres à 1300 kystes pour 100 litres d'eau brute.
Description de la figure de l'exemple 2

Le degré de traitement requis pour atteindre un niveau de risque acceptable selon une consommation de 1 litre, pour des concentrations de Cryptosporidium allant de 13 kystes pour 100 litres à 1300 kystes pour 100 litres d'eau brute, est présenté sous forme de graphique. L'axe des x correspond aux concentrations de kystes pour 100 litres d'eau brute, selon une échelle logarithmique. L'axe des y correspond à l'élimination logarithmique, selon une échelle linéaire. La relation entre les valeurs de l'axe des x et celles de l'axe des y, pour un niveau de risque de 10-6 AVCI par personne par année, forme une diagonale. Sur le graphique, deux exemples de degrés de traitement sont illustrés en ligne pointillée. Dans le premier, la ligne pointillée horizontale part de l'axe des y à une valeur d'élimination d'environ 3 log, puis croise la diagonale à une valeur d'environ 13 kystes pour 100 litres d'eau brute. Dans le deuxième, la ligne pointillée horizontale part de l'axe des y à une valeur d'élimination d'environ 5 log, puis croise la diagonale à une valeur d'environ 1300 kystes pour 100 litres d'eau brute.

Comme l'illustrent les figures 1 et 2, lorsqu'une source d'eau présente une concentration de 13 oocystes/100 L et que l'usine de traitement produit constamment une réduction d'au moins 3 log de la concentration des oocystes, la charge de morbidité au sein de la population répond au niveau de référence de 10-6 AVCI/personne par année (moins de 1 cas/1 000 personnes par année). Bien que cette concentration d'oocystes dans une source d'eau corresponde à la plage de concentrations d'oocystes que l'on noterait généralement dans les sources d'eau au Canada, bon nombre de sources d'eau de surface contiennent des concentrations plus élevées de Cryptosporidium (voir la section 5.0). Ces concentrations plus élevées exigent une réduction plus importante pour que le fardeau sanitaire soit jugé acceptable. Par exemple, lorsqu'une source d'eau présente une concentration de 1 300 oocystes/100 L, une réduction de 5 log de la concentration d'oocystes serait requise afin d'atteindre l'objectif en matière de charge de morbidité.

Figure 3. Exemple d'une évaluation des risques pour Giardia dans des conditions déterminées
Schéma présentant les étapes de l'évaluation quantitative des risques microbiens et un exemple de calcul, dans des conditions précises, pour Giardia dans l'eau potable.
Description de la figure de l'exemple 3

Les étapes de l'évaluation quantitative des risques microbiens pour Giardia sont présentées sous forme de schéma et accompagnées d'un exemple de calcul d'évaluation des risques. Les cinq étapes sont présentées dans des cases situées dans la partie gauche du schéma. En parallèle, du côté droit, se trouvent les données correspondantes issues de l'exemple de calcul. À l'étape 1 (eau de source), on trouve dans l'exemple deux concentrations différentes : 34 kystes pour 100 litres d'eau et 3400 kystes pour 100 litres d'eau. À l'étape 2 (effet du traitement), l'estimation de l'élimination ou de l'inactivation est de 3 et 5 log et, par conséquent, la concentration résultante de Giardia dans l'eau potable serait de 3,4 x 10-2 kystes pour 100 litres ou de 3,4 x 10-4 kystes pour 1 litre, respectivement. À l'étape 3 (consommation d'eau et pathogènes ingérés), l'exemple de calcul repose sur l'hypothèse qu'un litre d'eau est consommé chaque jour. Ainsi, le nombre de kystes ingérés quotidiennement serait de 3,4 x 10-4. À l'étape 4 (relation dose-effet), les données de l'étape 3 et les équations 1, 2 et 3 du texte servent à calculer la probabilité d'infection par personne par jour, la probabilité d'infection par personne par année et le risque de maladie par personne par année, qui sont respectivement de 6,8 x 10-6, 2,5 x 10-4 et 5,9 x 10-4. À l'étape 5 (fardeau de la maladie), l'équation 5 du texte sert à calculer le fardeau de la maladie, qui s'élève, dans cet exemple, à 1,0 x 10-6 année de vie corrigée de l'incapacité par personne par année.

Remarque : On estime le volume d'eau consommée à 1 L/personne par jour, puisqu'on prend en considération seulement la quantité d'eau du robinet non bouillie qui a été consommée (voir Gale, 1996; OMS, 2008).

Comme l'illustrent les figures 3 et 4, pour une source d'eau présentant une concentration de 34 kystes/100 L d'eau, l'usine de traitement doit constamment assurer une réduction d'au moins 3 log de la concentration de kystes afin d'atteindre le niveau de risque de référence acceptable. Par contre, si une source d'eau présente une concentration de 3 400 kystes/100 L d'eau, l'usine de traitement doit constamment assurer une réduction d'au moins 5 log de la concentration des kystes afin d'atteindre le niveau de risque de référence acceptable. Par conséquent, l'objectif de traitement basé sur la santé correspondant à une réduction de 3 log des kystes de Giardia et des oocystes de Cryptosporidium représente une exigence minimale. Il faut effectuer une évaluation propre au site afin de déterminer le taux de réduction des kystes et des oocystes qui doit être obtenu pour n'importe quelle source d'eau. La surveillance des concentrations de Cryptosporidium et de Giardia dans les sources d'eau permet une meilleure évaluation des risques que les estimations. Toutefois, si on ne peut effectuer de mesure, on peut estimer les concentrations en fonction de la qualité perçue de la source d'eau. On peut utiliser de l'information tirée d'enquêtes sanitaires et d'évaluations de la vulnérabilité, de même que des renseignements sur d'autres paramètres de la qualité de l'eau pour estimer le risque ou le degré de contamination fécale des sources d'eau. Il est important de tenir compte, dans le cadre de l'évaluation propre au site, des événements qui influent considérablement sur la qualité des sources d'eau (p. ex. déversements, orages). Ces événements ont des effets majeurs sur le traitement requis; en tenant compte des variations de la qualité des sources d'eau, on obtient la meilleure estimation des risques dans un système d'approvisionnement donné. Une bonne compréhension des variations de la qualité des sources d'eau et une planification en conséquence aident à créer un système plus robuste pouvant comprendre des marges de sécurité. Il est également important de tenir compte de l'incertitude associée aux ÉQRM afin de garantir que le traitement en place permet de produire une eau de qualité acceptable. Une analyse de la sensibilité effectuée au moyen d'un modèle d'ÉQRM comme celui décrit à l'annexe D peut aussi aider à déterminer les points de contrôle critiques et leurs limites.

Figure 4. Objectif de traitement basé sur la santé concernant Giardia pour atteindre un niveau de risque acceptable de 10-6 AVCI/personne par année pour une consommation quotidienne de 1 L d'eau potable.
Graphique montrant le degré de traitement requis pour atteindre un niveau de risque acceptable de 10-6 AVCI par personne par année selon une consommation de 1 litre, pour des concentrations de Giardia allant de 34 kystes pour 100 litres à 3400 kystes pour 100 litres d'eau brute.
Description de la figure de l'exemple 4

Le degré de traitement requis pour atteindre un niveau de risque acceptable selon une consommation de 1 litre, pour des concentrations de Giardia allant de 34 kystes pour 100 litres à 3400 kystes pour 100 litres d'eau brute, est présenté sous forme de graphique. L'axe des x correspond aux concentrations de kystes pour 100 litres d'eau brute, selon une échelle logarithmique. L'axe des y correspond à l'élimination logarithmique, selon une échelle linéaire. La relation entre les valeurs de l'axe des x et celles de l'axe des y, pour un niveau de risque de 10-6 AVCI par personne par année, forme une diagonale. Sur le graphique, deux exemples de degrés de traitement sont illustrés en ligne pointillée. Dans le premier, la ligne pointillée horizontale part de l'axe des y à une valeur d'élimination d'environ 3 log, puis croise la diagonale à une valeur d'environ 34 kystes pour 100 litres d'eau brute. Dans le deuxième, la ligne pointillée horizontale part de l'axe des y à une valeur d'élimination d'environ 5 log, puis croise la diagonale à une valeur d'environ 3400 kystes pour 100 litres d'eau brute.

Plusieurs scénarios d'essais ont été analysés avec les données d'une usine de traitement d'une municipalité afin d'illustrer l'utilisation d'une ÉQRM dans le contexte du traitement de l'eau. On trouvera les détails de ce processus à l'annexe F.

9.4 Considérations internationales

Les ÉQRM sont de plus en plus employées par les organismes internationaux et les gouvernements d'autres pays à tous les échelons pour prendre des décisions éclairées sur les risques sanitaires posés par les pathogènes présents dans l'eau potable. L'OMS, la Commission européenne, les Pays-Bas, l'Australie et les États-Unis ont tous réalisé des progrès importants en ce qui concerne la validation et les méthodes d'ÉQRM (Staatscourant, 2001; Medema et coll., 2006; NRMMC-EPHC, 2006; U.S. EPA, 2006a,b; OMS, 2011). À l'exception de l'U.S. EPA, ces organismes et gouvernements ont adopté une approche qui tire pleinement profit du potentiel des ÉQRM pour établir les objectifs sanitaires (c.-à-d., niveaux de risque ou de maladie acceptables) et la politique de gestion des risques propre au site (p. ex. plans de salubrité de l'eau, tels que décrits dans le document de l'OMS de 2011). En misant sur le travail accompli par l'OMS, les responsables du projet Microrisk de la Commission européenne ont publié un document d'orientation exhaustif établissant des méthodes et un fondement scientifique solide pour les ÉQRM en matière d'eau potable (Medema et coll., 2006).

Les Pays-Bas et l'U.S. EPA ont adopté des approches réglementaires fondées sur les ÉQRM. Aux Pays-Bas, les fournisseurs d'eau doivent, conformément à l'approche employée par l'OMS, réaliser une ÉQRM propre au site pour tous les systèmes d'approvisionnement en eau de surface afin de déterminer si ceux-ci satisfont à un niveau de risque précisé. Les autorités hollandaises peuvent aussi exiger une ÉQRM dans le cas des approvisionnements en eau souterraine vulnérables. L'U.S. EPA, quant à elle, a récemment effectué une évaluation des risques pour la santé associés aux pathogènes d'origine hydrique au moyen d'ÉQRM et s'est servie des renseignements obtenus pour établir des exigences nationales en matière d'efficacité du traitement (U.S. EPA, 2006a,b). En général, pour les systèmes d'approvisionnement en eau potable, on doit obtenir une réduction ou une inactivation de Giardia de l'ordre de 3 log (U.S. EPA, 1989). Pour réduire les risques liés à Cryptosporidium, on doit surveiller les sources des systèmes d'approvisionnement en eau potable, calculer la concentration moyenne de Cryptosporidium et utiliser les résultats pour déterminer si la source est vulnérable à la contamination et si elle requiert un traitement supplémentaire. Les systèmes d'approvisionnement en eau potable sont classés dans des catégories de risque établies en fonction de la présence ou de l'absence d'un système de filtration; ces catégories donnent également de l'information sur les exigences additionnelles en matière d'élimination ou d'inactivation de Cryptosporidium spp. (U.S. EPA, 2006a).

Santé Canada et le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable ont adopté la même approche que l'OMS (2011), en fournissant des objectifs d'efficacité fondés sur les ÉQRM comme exigences minimales, mais recommandent aussi d'utiliser une ÉQRM propre au site dans le cadre d'une approche à barrières multiples « de la source au robinet ». Cette approche fondée sur les ÉQRM offre plusieurs avantages : 1) capacité de comparer les risques associés à des groupes de pathogènes représentatifs (p. ex. virus, protozoaires, bactéries) dans une évaluation globale; 2) transparence des hypothèses; 3) prise en considération de la variabilité et de l'incertitude liées aux estimations; 4) élimination des facteurs de sécurité masqués (ceux-ci peuvent être appliqués consciemment par des organismes de réglementation à la fin du processus, s'ils le désirent); 5) établissement en fonction du site des points de contrôle critiques et des limites au moyen d'analyses de la sensibilité; 6) bonne connaissance des effets de la gestion des systèmes sur un paramètre de santé publique.

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