Page 6 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – les virus entériques

5.0 Sources et exposition

5.1 Sources

Les matières fécales humaines constituent la principale source de virus entériques humains dans l'eau. Les virus entériques sont excrétés en grande quantité dans les matières fécales des personnes infectées (symptomatiques et asymptomatiques). Ils se diffusent facilement dans l'environnement par les matières fécales et sont transmissibles à d'autres sujets par la voie fécale-orale. Les personnes infectées peuvent excréter plus d'un milliard (109) de virus par gramme de matières fécales. Certains virus entériques peuvent aussi être excrétés dans l'urine. La présence de ces virus dans une population humaine est variable et reflète la conjoncture épidémique et endémique (Fields et coll., 1996). Les effluents de stations d'épuration d'eaux usées, les décharges de bassins de stabilisation des eaux usées, les débordements des réseaux d'égout et les fuites de fosses septiques peuvent être responsables de la contamination des sources d'eau. Il a été rapporté que les concentrations de virus entériques sont à leur pic dans les échantillons d'eaux usées au cours de l'automne et de l'hiver, ce qui donne à penser que le taux endémique de la maladie est plus élevé pendant cette période de l'année ou que les virus entériques survivent mieux à des températures froides. Les animaux peuvent être une source de virus entériques, mais les virus entériques qu'on détecte chez eux ne causent généralement pas de maladies chez les êtres humains (Cox et coll., 2005), à quelques exceptions près. Comme nous l'avons vu plus haut, le VHE en est une puisque ce virus peut avoir un réservoir non humain. À ce jour, c'est dans les pays en voie de développement que le VHE a posé problème. Par conséquent, la plupart des renseignements sur sa présence dans des sources d'eau proviennent d'études menées dans ces pays. Nous disposons de peu d'information sur sa présence dans l'eau et les eaux usées des pays développés (Clemente-Casares et coll., 2003; Kasorndorkbua et coll., 2005). Il est important de ne pas oublier que la transmission de personne à personne et la transmission d'origine alimentaire sont aussi des mécanismes importants de transmission des virus entériques.

La plupart des virus entériques décrits ci-dessus, dont les norovirus, les rotavirus, le VHA, le VHE, les entérovirus, les adénovirus et les astrovirus ont été détectés dans les eaux usées, les sources d'eau de surface, les sources d'eau souterraine et les sources d'eau potable dans le monde entier, y compris au Canada (Subrahmanyan, 1977; Sattar, 1978; Sekla et coll., 1980; Payment et coll., 1984, 2000, 2001; Gerba et coll., 1985; Raphael et coll., 1985a,b; Payment, 1989, 1991, 1993; Bloch et coll., 1990; Payment et Franco, 1993; Pina et coll., 1998, 2001; AWWA, 1999a; Jothikumar et coll., 2000; Scipioni et coll., 2000; Van Heerden et coll., 2005; Locas et coll., 2007). Ces études rapportent des taux de prévalence et de concentration variables des virus entériques, mais il est impossible de les comparer facilement compte tenu de l'éventail des méthodes de détection employées (Payment et Pintar, 2006). En général, la concentration des virions entériques infectieux dans les eaux usées varie de 100 à 10 000 unités infectieuses/L (Sano et coll., 2004; Sedmak et coll., 2005; Geldreich et coll., 1990). Dans les eaux de surface contaminées, des taux de 1 à 100 virions entériques infectieux/L sont courants. Dans les eaux de surface moins polluées, leur nombre est plus près de 1 à 10/100 L (Gerba et coll., 1985; Bloch et coll., 1990; AWWA, 1999a; Jothikumar et coll., 2000; Scipioni et coll., 2000; Pina et coll., 2001; Dorner et coll., 2007). Des concentrations variant entre 0 et 200 virions entériques infectieux/100 L ont été rapportées pour des sources d'eau souterraine, selon l'ampleur de la contamination, mais on croit que les taux sont très faibles (<2/100 L) dans la plupart des réseaux d'eau souterraine contaminés (U.S. EPA, 2006a). Ces taux ont généralement été obtenus dans le cadre d'études ciblées, puisque la présence de virus entériques dans les sources d'eau et dans les eaux usées ne fait pas l'objet d'une surveillance régulière. Il convient également de souligner que la concentration des virus entériques dans une source d'eau peut présenter une variabilité temporelle et spatiale importante selon que la source de pollution est continue ou le résultat d'un afflux soudain de matières fécales.

La contamination des sources d'eau peut survenir de différentes façons, y compris par les effluents de station de traitement des eaux usées, l'épandage d'eaux usées domestiques ou de boues de station d'épuration sur des terres, les effluents de fosses septiques et l'infiltration d'eau de surface dans des aquifères souterrains (Bitton, 1999; Hurst et coll., 2001). La migration des virus entériques dans les sources d'eau souterraine dépend du degré de rétention du virus dans les sols environnants et de son taux de survie. Par exemple, la recherche sur la rétention de particules en fonction de la composition du sous-sol a révélé que les virus ont tendance à être adsorbés davantage dans l'argile que dans un substrat de limon et de sable (Goyal et Gerba, 1979). Il est important de souligner que l'adsorption des virus dans le sous-sol n'a pas pour effet de les inactiver et que l'adsorption est un processus réversible qui dépend des caractéristiques ioniques de l'eau qui filtre (Bales et coll., 1993). Par conséquent, s'ils sont désorbés du sol, les virus infectieux retenus pourraient encore contaminer les sources d'eau. De nombreux facteurs, dont les précipitations, la température, les stress hydrauliques et les caractéristiques du sol, comme le pH et la teneur en eau, ainsi que les attributs propres aux virus, tels que le point isoélectrique, la taille du virus et sa charge, peuvent avoir une incidence sur le mouvement des virus sous la surface (Schijven et Hassanizadeh, 2000; U.S. EPA, 2003). Dans certaines conditions, les virus peuvent migrer sur des distances considérables. Des études rapportent que des virus ont été détectés dans des échantillons d'eau souterraine à plus de 100 mètres des sources septiques connues et dans des eaux souterraines provenant d'aquifères confinés (Gerba et Bitton, 1984; Bales et coll., 1993; Borchardt et coll., 2007; Locas et coll., 2007).

5.2 Survie

Tel que mentionné plus tôt, les virus ne peuvent pas se répliquer hors des tissus de leur hôte. Par conséquent, ils ne peuvent pas se multiplier dans l'environnement, mais ils peuvent y survivre pendant des périodes prolongées. Les premières études portant sur la survie des virus entériques ont rapporté des périodes variant de 23 à 188 jours (Rhodes et coll., 1950; Wellings et coll., 1975; Stramer et Cliver, 1984).

La survie dépend de nombreux facteurs, entre autres des caractéristiques propres aux virus, de la présence d'autres microorganismes et des caractéristiques de l'eau, telles que son pH, sa température, sa turbidité et les niveaux de rayonnement ultraviolet (UV). Certains de ces facteurs ont été caractérisés. Les effets de la température sur les taux de survie ont été définis pour de nombreux virus entériques (Yates et coll., 1985; U.S. EPA, 2003). En général, plus la température augmente, plus la période de survie diminue. L'exposition aux rayons UV abrège également la survie des virus. D'autres paramètres, comme l'activité microbienne, sont moins bien connus. Il a été suggéré que les bactéries et les protozoaires peuvent inactiver les virus d'origine hydrique, en particulier dans les eaux de surface. L'inactivation peut découler de l'activité enzymatique qui détruit les protéines de la capside du virus ou de la prédation (Herrman et Cliver, 1973; Pinheiro et coll., 2007). Dans un cas comme dans l'autre, le degré d'inactivation dépend de l'écologie microbienne et il est actuellement mal compris. À l'inverse, des facteurs peuvent prolonger la survie des virus, comme la présence de sédiments auxquels les virus peuvent facilement s'adsorber.

Le taux de survie varie selon le type de virus. Les virus entériques d'intérêt pour la transmission d'origine hydrique sont généralement des virus sans enveloppe, plus résistants à la dégradation environnementale que les virus enveloppés. Les comparaisons entre les virus entériques révèlent aussi un degré de variabilité, les adénovirus survivant potentiellement plus longtemps dans l'eau que d'autres virus entériques comme le VHA et les poliovirus (Enriquez et coll., 1995).

Les taux de survie des virus entériques diffèrent aussi des taux de survie des protozoaires et des bactéries. Dans l'environnement, il a été rapporté que les virus entériques sont plus résistants à la dégradation environnementale que les bactéries et certains protozoaires (p. ex. Giardia) (Johnson et coll., 1997). La survie des virus aux procédés de traitement de l'eau potable diffère également de la survie des bactéries et des protozoaires. Par exemple, des virus entériques ont été détectés à de faibles niveaux (c.-à-d. 1-20/1000 L) dans l'eau potable traitée ne comportant aucune bactérie coliforme dans des échantillons de 100 mL (Payment, 1989; Gerba et Rose, 1990; Bitton, 1999; Payment et coll., 2000; Ehlers et coll., 2005). La survie des virus entériques, et par conséquent leur présence dans l'eau potable, peut découler de l'absence de traitement (pour de nombreuses sources d'eau souterraine) ou d'un traitement insuffisant pour la charge de virus présente dans la source d'eau (Payment, 1989; Payment et Armon, 1989; Gerba et Rose, 1990; Payment et coll., 1997; Bitton, 1999).

5.3 Exposition

Les virus entériques sont transmis par la voie fécale-orale. Les moyens de transmission peuvent comprendre l'eau, les aliments (en particulier les crustacés et les salades), les aérosols, les vecteurs passifs (objets inanimés, comme les poignées de porte qui, une fois contaminés par un virion infectieux, facilitent le transfert du pathogène à un hôte) et le contact de personne à personne. Une mauvaise hygiène est également un facteur qui contribue à la propagation des virus entériques. De plus, l'incidence élevée d'infections à rotavirus, surtout chez les jeunes enfants, laisse croire à certains chercheurs que les rotavirus peuvent aussi se propager par la voie respiratoire (Kapikian et Chanock, 1996; Chin, 2000). Il y a également des indications que les norovirus peuvent se propager par contact avec des vomissures (Marks et coll., 2003). Pour bon nombre des virus entériques susmentionnés, des éclosions sont survenues à la fois par suite d'une transmission de personne à personne et par des sources communes telles que des eaux employées à des fins récréatives, des aliments ou des approvisionnements d'eau potable contaminés.

5.4 Maladies d'origine hydrique

L'exposition aux virus entériques par l'eau peut produire à la fois un taux endémique de maladies dans la population et des éclosions d'origine hydrique. Les taux endémiques de maladies entériques sont difficiles à mesurer ou à estimer. Au Canada, il y a environ 1,3 épisode de maladies entériques par habitant par an (Majowicz et coll., 2004; ASPC, 2007). Cette estimation englobe les maladies gastro-intestinales causées par tous les types de pathogènes entériques et non exclusivement les virus entériques, ainsi que toutes les sources de transmission. Les nombreuses voies de transmission et la nature hautement infectieuse des virus entériques compliquent la tâche de déterminer la proportion des maladies entériques endémiques directement liées aux sources d'eau potable.

Des éclosions d'origine hydrique causées par les virus entériques ont été rapportées au Canada, ces virus étant une cause courante d'éclosions dans le monde entier. Ce n'est que récemment qu'on a identifié une partie des agents viraux responsables de ces éclosions (Craun, 1986, 1992; Fields et coll., 1996; Payment et Hunter, 2001). La véritable prévalence des éclosions virales d'origine hydrique au Canada et dans le monde entier est inconnue. Au Canada, entre 1974 et 2001, on a rapporté 24 éclosions et 1 382 cas confirmés de maladies d'origine hydrique causées par des virus entériques (Schuster et coll., 2005). Dix de ces éclosions ont été imputées au VHA, 12 à des norovirus et deux à des rotavirus (O'Neil et coll., 1985; Santé et Bien-être social Canada, 1990; Santé Canada, 1994; INSPQ, 1994, 1998, 2001; Boettger, 1995; Santé Canada, 1996; Beller et coll., 1997; Todd et Chatman, 1997; Todd et Chatman, 1998; De Serres et coll., 1999; BC Provincial Health Officer, 2001; Todd et coll., 2001). Il y a aussi eu 138 éclosions d'étiologie inconnue, dont une partie pourrait être imputable à des virus entériques, ainsi qu'une seule éclosion impliquant plusieurs pathogènes viraux. Sur les dix éclosions imputées au VHA d'origine hydrique, quatre étaient dues à la contamination de sources publiques d'approvisionnement en eau potable, deux à la contamination de sources d'approvisionnement semi-publiquesNote de bas de page 1 et les quatre autres étaient dues à la contamination d'approvisionnements en eau privés. Seulement quatre des 12 éclosions d'origine hydrique d'infections à norovirus au Canada sont survenues dans des approvisionnements en eau publics et les autres ont été imputées à des approvisionnements semi-publics. Les deux éclosions à rotavirus ont découlé de la contamination d'approvisionnements en eau potable semi-publics.

Aux États-Unis, entre 1991 et 2002, 15 éclosions et 3 487 cas confirmés de maladies virales d'origine hydrique ont été rapportés. De ce nombre, 12 éclosions et 3 361 cas ont été imputés à des norovirus, une éclosion et 70 cas à un « petit virus rond » et deux éclosions et 56 cas au VHA (Craun et coll., 2006). Pendant cette période, 77 éclosions représentant 16 036 cas d'étiologie inconnue ont aussi été signalées. Il est probable que des virus entériques étaient responsables d'une proportion considérable de ces éclosions (Craun et coll., 2006). Avant 1991, des éclosions associées à une contamination à rotavirus avaient aussi été signalées (Hopkins et coll., 1984).

Des éclosions d'origine hydrique imputables à des norovirus et au VHA surviennent dans le monde entier (Brugha et coll., 1999; De Serres et coll., 1999; Brown et coll., 2001; Boccia et coll., 2002; Anderson et coll., 2003; Carrique-Mas et coll., 2003). Une étude des éclosions d'origine hydrique en Finlande (1998-2003) a révélé que dans les échantillons analysés afin de déceler la présence de virus, le virus le plus fréquent était un norovirus (Maunula et coll., 2005). Il arrive fréquemment aussi que des sources d'eau souterraine soient associées à des éclosions imputables à des norovirus et au VHA (Häfliger et coll., 2000; Maurer et Stürchler, 2000; Parchionikar et coll., 2003).

De grandes épidémies de VHE d'origine hydrique sont survenues dans des pays en voie de développement (Guthmann et coll., 2006), mais aucune n'a été rapportée au Canada ni aux États-Unis (Purcell, 1996; Chin, 2000). Des astrovirus et des adénovirus ont aussi été impliqués dans des éclosions dues à l'eau potable, même s'ils n'en étaient pas la cause principale (Kukkula et coll., 1997; Divizia et coll., 2004). Cependant, la présence de l'ARN d'astrovirus dans l'eau du robinet a été corrélée avec un risque accru de maladies intestinales dans une étude réalisée en France (Gofti-Laroche et coll., 2003). La mise au point de nouvelles méthodes de détection pour déterminer l'agent responsable des nombreuses éclosions d'étiologie inconnue pourrait potentiellement établir un lien entre ces virus et les éclosions (Martone et coll., 1980; Turner et coll., 1987; Hedberg et Osterholm, 1993; Gray et coll., 1997; Kukkula et coll., 1997, 1999; Lees, 2000).

5.5 Liens avec les microorganismes indicateurs

La surveillance des virus entériques souffre encore de limites inhérentes à la détection des pathogènes sur le plan de la méthodologie et de l'interprétation (Medema et coll., 2003; Payment et Pintar, 2006). Ces limites comprennent la nécessité de concentrer des volumes d'eau importants, le besoin d'équipement de laboratoire spécialisé et de personnel très bien formé, le coût des analyses, ainsi que la détermination des pathogènes à cibler compte tenu de la multitude de pathogènes qui peuvent être présents et qui peuvent varier au fil du temps et d'un lieu à un autre. Par conséquent, la surveillance régulière des virus entériques n'est actuellement pas praticable. On utilise plutôt des microorganismes indicateurs pouvant faire l'objet d'une surveillance régulière pour révéler la contamination par des matières fécales et la présence potentielle de virus entériques. Les indicateurs couramment utilisés comprennent des bactéries, comme E. coli, des entérocoques et des spores de Clostridium perfringens ainsi que des virus de bactéries (c.-à-d. des bactériophages). On peut aussi utiliser les coliformes totaux, non pas en guise d'indicateur de la pollution fécale, mais pour fournir des renseignements généraux sur la qualité de l'eau, en particulier pour les sources d'eau souterraine (Locas et coll., 2007). Des indicateurs non microbiens, tels que les stérols fécaux, la caféine ou le chlorure, ont également été utilisés dans des études de recherche pour indiquer la contamination fécale (Borchardt et coll., 2003; Peeler et coll., 2006; Shah et coll., 2007; Hussain et coll., 2010); cependant, des recherches plus approfondies sur l'utilisation systématique de ces indicateurs sont toujours nécessaires.

De nombreuses études publiées portent sur la relation entre les différents microorganismes indicateurs et la présence de virus entériques dans l'eau potable traitée, dans les eaux de surface et dans les eaux souterraines. La détermination d'une relation entre les pathogènes et les indicateurs fécaux comporte des difficultés inhérentes, en premier lieu à cause des différences méthodologiques liées aux volumes d'eau analysés. Pour les microorganismes indicateurs, on analyse habituellement des échantillons de 100 mL, tandis que pour des pathogènes, on concentre des dizaines à des centaines de litres d'eau, puis on analyse une portion du volume obtenu. Malgré ces limites, les indicateurs fécaux se sont avérés utiles pour révéler la présence potentielle de virus entériques dans différentes sources d'eau. Le choix de l'indicateur (ou des indicateurs) dépend de l'objectif visé : fournir de l'information sur la présence de virus dans des sources d'eau souterraine ou de surface, ou servir d'indicateur de l'élimination ou de l'inactivation des virus par les procédés de traitement ou de la qualité de l'eau potable traitée.

5.5.1 Eau potable traitée

Les microorganismes indicateurs régulièrement surveillés au Canada dans le cadre de l'approche à barrières multiples « de la source au robinet » pour vérifier la qualité de l'eau potable sont E. coli et les coliformes totaux. La présence d'E. coli dans l'eau potable indique une contamination fécale récente et la présence potentielle de pathogènes entériques, y compris des virus entériques. Cependant, les coliformes totaux ne sont pas propres aux matières fécales et ne peuvent donc pas être utilisés pour révéler une contamination par des matières fécales (ni la présence potentielle de pathogènes entériques). On utilise plutôt les coliformes totaux pour révéler des problèmes généraux liés à la qualité de l'eau. Les documents techniques des recommandations sur E. coli et les coliformes totaux (Santé Canada, 2006a,b) renferment plus de détails sur le rôle d'E. coli et des coliformes totaux dans la gestion de la qualité de l'eau potable. Comme nous l'avons vu plus haut, la survie des bactéries et des virus diffère dans l'environnement et selon les procédés de traitement. Par conséquent, bien que la présence d'E. coli révèle la présence potentielle de virus entériques, l'absence d'E. coli n'indique pas forcément l'absence de tout virus entérique. Cependant, si une approche à barrières multiples de la source au robinet est mise en œuvre et que chaque barrière du réseau d'approvisionnement en eau potable est contrôlée pour garantir son bon fonctionnement, suivant la qualité de la source d'eau, il est alors possible d'utiliser E. coli et les coliformes totaux dans le cadre du processus de vérification pour montrer que l'eau a été convenablement traitée et qu'elle est d'une qualité microbiologique acceptable.

Les entérocoques, les spores de Clostridium perfringens et différents bactériophages (coliphages somatiques, coliphages à ARN spécifique-F et phages de Bacteroides) sont d'autres indicateurs fécaux pouvant servir à vérifier l'efficacité du traitement. Comme les entérocoques et les spores de Clostridium perfringens sont tous deux des indicateurs bactériens, ils souffrent des mêmes limites que E. coli en ce sens que leur survie et leur réaction aux procédés de traitement diffèrent de celles des virus entériques. La concentration de ces indicateurs dans les sources d'eau peut aussi être beaucoup plus faible que les concentrations d'E. coli et de coliformes totaux, ce qui les rend moins utiles que E. coli et les coliformes totaux pour vérifier régulièrement les procédés de traitement. Étant des virus (de bactéries), les bactériophages ont des taux de survie plus proches de ceux des virus entériques et sont souvent employés en guise de substitut aux virus entériques pour déterminer l'efficacité du traitement. Cependant, leur concentration dans les sources d'eau est généralement insuffisante pour qu'ils soient utiles pour vérifier l'efficacité du traitement de façon régulière.

5.5.2 Sources d'eau de surface

Plusieurs études ont examiné les relations entre des microorganismes indicateurs et la présence ou l'absence de virus entériques humains dans des sources d'eau de surface. Elles ont révélé que Escherichia coli et Clostridium perfringens étaient associés à la présence de virus entériques dans les eaux de surface polluées par des matières fécales humaines (Payment et Franco, 1993; Payment et coll., 2000; Ashbolt et coll., 2001; Hörman et coll., 2004). On a aussi trouvé que des bactériophages étaient associés à la présence de virus entériques dans certaines études (Skraber et coll., 2004; Ballester et coll., 2005; Haramoto et coll., 2005) mais pas dans d'autres (Hörman et coll., 2004; Choi et Jiang, 2005). On a également observé aussi bien l'existence d'une corrélation avec des bactéries coliformes (Haramoto et coll., 2005) que l'absence de corrélation avec des bactéries coliformes (Skraber et coll., 2004; Ballester et coll., 2005; Choi et Jiang, 2005). D'après ces études, il est évident qu'aucun indicateur fécal ne peut être utilisé isolément pour révéler la présence de virus entériques dans toutes les sources d'eau de surface. L'indicateur ou les indicateurs les plus adaptés dépendront de la source d'eau de surface et des apports en pollution fécale propres au site. Des études ciblées peuvent aussi être menées pour déterminer directement les concentrations de virus entériques, au lieu d'utiliser des microorganismes indicateurs, bien que cette méthode ne soit pas utilisée à des fins de surveillance régulière.

5.5.3 Sources d'eau souterraine

Les indicateurs microbiens employés d'habitude pour révéler la contamination d'une source d'eau par des matières fécales, comme E. coli, ne migrent pas forcément à travers le substrat ou n'ont pas un taux de survie dans l'environnement comparable à celui des virus entériques. Plusieurs études récentes ont examiné l'utilité d'E. coli et des coliformes totaux en tant qu'indicateurs de la contamination de sources d'eau souterraine par des virus entériques.

La présence de l'un de ces microorganismes indicateurs dans une source d'eau souterraine est un bon indice que la source est susceptible d'être contaminée par des matières fécales et de compromettre la santé humaine. Dans une étude sur la consommation d'eau souterraine, Craun et coll. (1997) ont trouvé que la présence de coliformes était très étroitement liée à la présence de gastroentérites virales. Cependant, l'absence d'indicateurs ne confirme pas nécessairement l'absence de virus entériques. Une étude portant sur des puits privés aux États-Unis faisant appel à la PCR a révélé la présence de un ou plusieurs virus entériques dans 8 % des puits analysés, mais aucun des puits contaminés ne contenait d'indicateurs de contamination fécale (c'est-à-dire E. coli, entérocoques ou coliphages), et la présence de coliformes totaux a été détectée dans seulement 25 % des puits touchés par les virus (Borchardt et coll., 2003). Dans plusieurs autres études menées aux États-Unis, aucun lien n'a été établi entre la détection d'un organisme indicateur et la détection de virus entériques dans un échantillon d'eau souterraine (Abbaszadegan et coll., 1998, 2003; Borchardt et coll., 2004), et près de 15 % des échantillons renfermaient des virus entériques en l'absence d'indicateurs (Abbaszadegan et coll., 2003). Cependant, certaines études ont révélé qu'avec un échantillonnage répété, lorsqu'on obtenait des résultats positifs dans un site pour la présence d'agents pathogènes, on obtenait généralement des résultats positifs, à un certain moment, pour l'un des indicateurs microbiens (Lieberman et coll., 2002; Abbaszadegan et coll., 2003). Dans une étude sur la qualité de l'eau souterraine au Canada visant 23 puits municipaux dont la qualité bactériologique avait toujours été acceptable dans le passé, les chercheurs ont constaté qu'un faible nombre d'échantillons (7 échantillons sur 122) provenant de puits qui avaient fait l'objet d'une surveillance répétée (122 échantillons provenant de 16 puits) ont donné un résultat positif. Des organismes indicateurs ont été détectés dans 4 des 16 puits, tandis que des virus entériques ont été détectés dans seulement 1 des 16 puits. Cependant, le site qui a produit un résultat positif pour les virus entériques n'était pas l'un des sites positifs pour les organismes indicateurs (Locas et coll., 2008). Une autre étude portant sur plusieurs aquifères dans différents pays a révélé que l'emploi d'une combinaison d'un indicateur bactérien et d'un bactériophage était plus utile pour évaluer la contamination des eaux souterraines que l'emploi exclusif d'indicateurs bactériens (Lucena et coll., 2006). D'après ces études, on peut conclure que la surveillance régulière au moyen d'indicateurs bactériens et de bactériophages (dans certains cas), couplée aux données recueillies dans les enquêtes sanitaires et les évaluations de la vulnérabilité, peuvent permettre d'obtenir une évaluation utile de la présence de virus entériques dans des sources d'eau souterraine.

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