Page 7 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – les virus entériques

6.0 Méthodes d'analyse

6.1 Détection des virus entériques

Des limites sur le plan de la méthodologie et de l'interprétation compliquent encore actuellement la détection des pathogènes (Payment et Pintar, 2006). Ces limites comprennent la nécessité de concentrer des volumes d'eau importants, le besoin d'équipement de laboratoire spécialisé et de personnel très bien formé, le coût des analyses, ainsi que la détermination des pathogènes à cibler compte tenu de la multitude de pathogènes qui peuvent être présents et qui peuvent varier au fil du temps et d'un lieu à un autre. Par conséquent, la surveillance régulière de la présence de virus entériques dans l'eau potable n'est actuellement pas praticable.

Bien qu'elle ne soit pas utilisée à des fins de surveillance régulière, la détection des virus entériques dans des échantillons de la source d'eau peut servir d'outil pour évaluer les risques pouvant être associés à l'utilisation d'une source d'eau brute donnée et pour vérifier qu'un traitement convenable est mis en œuvre. De plus, au cours d'enquêtes sur les éclosions dans lesquelles des données épidémiologiques indiquent que l'eau potable pourrait être la source de l'infection, une analyse visant à détecter la présence de virus entériques peut fournir des données précieuses aux chercheurs et aux autorités de la santé publique.

Des méthodes normalisées de récupération et de détection des virus entériques ont été publiées (U.S. EPA, 1996, 2001c; APHA et coll., 1998; ASTM, 2004). Ces méthodes ont été validées et peuvent être utilisées par les laboratoires qui sont en mesure d'assurer la surveillance des virus entériques. Dans les sections suivantes, nous donnons un aperçu de ces méthodologies ainsi que des informations sur les techniques récentes qui sont utilisées dans un contexte de recherche pour détecter les virus entériques.

6.1.1 Concentration de l'échantillon

Les virus entériques sont généralement présents en petit nombre dans l'eau contaminée par des matières fécales. Par conséquent, il peut être nécessaire de filtrer de 10 à 1 000 litres d'eau pour concentrer les pathogènes à un niveau où ils deviennent détectables.

Deux méthodes de filtration ont été employées dans le passé pour la concentration initiale des virus : la filtration par adsorption et la filtration par exclusion (ultrafiltration). Pour la filtration par adsorption, on peut employer des filtres électropositifs comme ceux prescrits par la règle de collecte d'information de l'Environmental Protection Agency des États-Unis (U.S. EPA) pour la récupération de virus dans l'eau (U.S. EPA, 1996), des filtres chargés négativement (Beuret, 2003; Fuhrman et coll., 2005; Villar et coll., 2006) ou des membranes de nitrocellulose (Hsu et coll., 2006). Au pH ambiant, la plupart des virus entériques sont chargés négativement et par conséquent, ils sont capturés par un support filtrant électropositif. Pour adsorber des virus au moyen d'un support filtrant chargé négativement, il faut ajouter à l'échantillon un ion positif, comme du chlorure de magnésium, et il peut être nécessaire de rajuster le pH de l'échantillon pour obtenir un pH acide. Comme les virus s'adsorbent sur le support filtrant, il faut les éluer par la suite du filtre à l'aide d'une solution alcaline qui modifie la charge superficielle des particules virales de façon à ce qu'elles soient éluées dans la solution. Les éluents incorporent couramment de l'extrait de boeuf, de la glycine, un tampon tryptose-phosphate ou de l'hydroxyde de sodium dans les solutions (Katayama et coll., 2002; Hörman et coll., 2004; Brassard et coll., 2005; Villar et coll., 2006). Les méthodes d'exclusion, comme l'ultrafiltration, sont indépendantes du pH et ont l'avantage de ne pas nécessiter une étape d'élution (Olszewski et coll., 2005). L'ultrafiltration a toutefois certains inconvénients. Étant donné la petite taille des virus, les pores du filtre doivent être extrêmement petits et peuvent se boucher. D'habitude, on ne peut filtrer qu'environ 20 litres d'eau à la fois (Griffin et coll., 2003), bien qu'on utilise jusqu'à 100 litres dans certains laboratoires (Linquist et coll., 2007). L'ultrafiltration est aussi plus coûteuse et moins rapide que la filtration par adsorption (Fong et Lipp, 2005). Des études en cours examinent l'utilisation de l'ultrafiltration pour récupérer simultanément des protozoaires, des bactéries et des virus, ce qui pourrait être avantageux d'un point de vue économique et en termes de gain de temps (Morales-Morales et coll., 2003; Hill et coll., 2005).

La concentration initiale de l'échantillon d'eau est habituellement suivie d'une concentration secondaire pour réduire le volume de l'échantillon à 1 à 2 mL de manière à produire un concentré suffisant pour la détection des virus. Les méthodes de concentration secondaires comprennent la floculation organique, la précipitation par polyéthylèneglycol et l'ultracentrifugation.

6.1.2 Méthodes de détection

Après la concentration de l'échantillon, on emploie des méthodes de détection des virus entériques. En général, ces méthodes obtiennent des taux de récupération d'environ 50 % (Payment et coll., 2000). Les méthodes de détection courantes comprennent les méthodes de culture cellulaire et les méthodes de réaction de polymérisation en chaîne (PCR), ou une combinaison des deux.

Dans le passé, la culture cellulaire était la technique la plus répandue pour détecter les virus et elle demeure la meilleure méthode pour déterminer la présence de virus infectieux dans l'eau. La capacité de détecter des virus infectieux dans des échantillons prélevés dans l'environnement est importante pour prédire les risques pour la santé du public. Cependant, la culture cellulaire ne permet pas de détecter facilement tous les virus entériques. Certains d'entre eux ne produisent pas un effet cytopathogénique clair, nécessaire à la détection visuelle. Ainsi, cette méthode peut sous-estimer la concentration virale dans un échantillon. Pour d'autres virus entériques, comme certains norovirus, on n'a que récemment réussi à utiliser la culture cellulaire à l'aide de nouvelles techniques de culture cellulaire tridimensionnelle (Straub et coll., 2007). Si certains virus se développent rapidement en quelques jours, la plupart des analyses par culture cellulaire nécessitent plusieurs semaines pour confirmer des résultats négatifs et pour détecter les virus à croissance lente. De plus, la méthode des plages de lyse peut sous-estimer la concentration virale puisque les virus ne produisent pas tous un effet cytopathogénique clair, comme mentionné plus tôt. Il y a d'autres facteurs de sous-estimation : l'agrégation des virus dans un échantillon, faisant en sorte qu'une plage donnée soit infectée par plus d'un virus (Teunis et coll., 2005); l'incapacité de préserver les cellules en monocouche suffisamment longtemps pour que certains virus à croissance lente produisent une plage visible; et la présence de virus entériques à croissance rapide, qui peuvent provoquer une sous-estimation de la concentration des virus à croissance lente (Irving et Smith, 1981; Fong et Lipp, 2005).

Les méthodes de détection par PCR ont été mises au point pour la plupart des principaux virus entériques d'intérêt pour la transmission d'origine hydrique. De récentes améliorations de la technologie ont aussi fait de ce qu'on désigne désormais du nom de PCR en temps réel ou PCR quantitative (PCRq) la méthode par PCR la plus courante pour détecter et quantifier les virus entériques. Il faut souligner toutefois que la quantification à l'aide de la PCRq n'est pas encore très précise et nécessite des matériaux qui ne sont pas encore couramment disponibles. De plus, il est impossible de comparer directement les résultats de la PCRq avec ceux de la culture cellulaire. Les méthodes de détection par PCR offrent certains avantages par rapport aux méthodes de culture cellulaire : elles sont rapides (résultats en moins de 24 heures), hautement sensibles et si elles sont bien conçues, elles sont très spécifiques comparativement à la culture cellulaire. Les principaux inconvénients des méthodes basées sur la PCR sont dus au fait qu'elles ne permettent pas de déterminer si les virus sont infectieux et qu'elles sont susceptibles d'être inhibés par des composés environnementaux courants, par exemple des acides humiques et fulviques, des métaux lourds et des composés phénoliques (Fong et Lipp, 2005). Il est possible d'extraire les inhibiteurs des échantillons, mais cela nécessite un traitement additionnel et entraîne une perte de sensibilité. D'un point de vue de la santé publique, il est important de savoir si un virus est infectieux afin de déterminer s'il constitue une source de préoccupation pour la santé publique. Par exemple, une étude récente portant sur la présence d'adénovirus dans une source d'eau n'a pas réussi à révéler la présence de virus infectieux par culture cellulaire, mais environ 16 % des échantillons ont donné des résultats positifs pour la présence d'adénovirus au moyen de la PCRq (Choi et Jiang, 2005). Il faut prendre en compte ces limites en interprétant les résultats de la PRC.

Les méthodes intégrant la culture cellulaire et la PCR permettent de raccourcir le délai de traitement (comparé à la culture cellulaire seule) et de détecter des virus infectieux. Les méthodes de culture cellulaires peuvent aussi être combinées à des méthodes immunologiques pour améliorer la détection des virus. Des auteurs ont mentionné que les méthodes intégrées sont à la fois sensibles et spécifiques, notamment pour les virus difficiles à analyser au moyen d'une culture cellulaire conventionnelle, tels que les adénovirus et les rotavirus (Payment et Trudel, 1993; Jothikumar et coll., 2000; Hurst et coll., 2001; Payment, 2001, 2007; Reynolds et coll., 2001; Greening et coll., 2002; Ko et coll., 2003). Le fait de combiner la culture cellulaire à des méthodes immunologiques ou moléculaires présente aussi l'avantage d'améliorer la sensibilité de l'analyse, puisque les cellules infectées amplifient la quantité de virus et procurent ainsi davantage de matière cible à détecter.

6.2 Détection des indicateurs viraux

Les méthodes de détection des virus dans l'eau ne sont pas pratiques à des fins de surveillance régulière. Par conséquent, différents paramètres substituts (indicateurs) ont été proposés pour évaluer l'efficacité du traitement de l'eau ou pour révéler la présence de virus entériques dans l'eau (Deere et coll., 2001; OMS, 2004). Les indicateurs proposés à ce jour comprennent E. coli, les coliformes totaux, les entérocoques, les spores de Clostridium perfringens et les bactériophages.

6.2.1 E. coli

Escherichia coli est l'indicateur microbien le plus souvent utilisé pour révéler la contamination fécale de sources d'eau. Le document technique de la recommandation sur E. coli (Santé Canada, 2006a) fournit plus de détails sur les méthodes de détection de E. coli.

6.2.2 Coliformes totaux

Bien qu'il ne s'agisse pas d'un indicateur de la contamination fécale, les coliformes totaux sont utiles en guise d'indicateur de la qualité globale de l'eau. Le document technique de la recommandation sur les coliformes totaux (Santé Canada, 2006b) fournit plus de détails sur les méthodes de détection des coliformes totaux.

6.2.3 Entérocoques

Les entérocoques peuvent servir d'indicateur de la contamination fécale et, indirectement, de la présence de virus (U.S. EPA, 2000; Ashbolt et coll., 2001). Des méthodes normalisées de détection des entérocoques dans l'eau ont été publiées (APHA et coll., 1998; U.S. EPA, 2002a,b). Des trousses commerciales pour la détection de ces indicateurs sont aussi disponibles.

6.2.4 Clostridium perfringens

Les spores de Clostridium perfringens sont des indicateurs de la contamination fécale récente et passée, mais elles ne sont pas aussi nombreuses que les coliformes dans les matières fécales ou dans l'eau contaminée. Ces spores servent aussi d'indicateurs de l'efficacité du traitement. Des méthodes de détection normalisées pour C. perfringens ont été publiées (ASTM, 2002; HPA, 2004).

6.2.5 Bactériophages

On utilise généralement trois types de bactériophages en guise d'indicateurs : les coliphages somatiques, les bactériophages à ARN-F spécifiques au mâle (ou coliphages F-spécifiques) et les phages Bacteroides (c.-à-d. les phages qui infectent Bacteroides fragilis, B. thetaiotaomicron et la souche GB-124 de Bacteroides). Aux États-Unis, des méthodes normalisées de détection des coliphages somatiques et spécifiques au mâle ont été mises au point (U.S. EPA, 2001a,b). L'Organisation internationale de normalisation (ISO) a aussi publié des méthodes normalisées (série ISO 10705) pour la détection des bactériophages (Mooijman et coll., 2001, 2005).

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