Page 8 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – les virus entériques

7.0 Techniques de traitement

L'approche à barrières multiples constitue la meilleure façon de réduire les virus entériques et les autres pathogènes d'origine hydrique dans l'eau potable. Puisque les méthodes d'analyse dont on dispose rendent difficile la surveillance régulière des pathogènes microbiens dans l'eau potable traitée, on doit se concentrer sur la caractérisation des risques associés aux sources d'approvisionnement en eau et veiller à ce que des procédés de traitement efficaces soient en place afin d'assurer la salubrité de l'eau potable. Si possible, on doit aussi mettre en place des mesures de protection des sources d'eau, notamment pour empêcher une pollution par les eaux usées domestiques, afin de réduire au minimum la contamination fécale.

La qualité des sources d'eau doit être caractérisée en fonction des concentrations et de la variabilité des pathogènes d'origine hydrique, de même qu'à l'aide d'indicateurs fécaux. On peut y parvenir en effectuant des analyses régulières pour détecter la présence éventuelle de pathogènes microbiens ou des indicateurs fécaux dans les sources d'eau ou en effectuant des enquêtes sanitaires ou des suivis pour recenser les sources potentielles de contamination fécale (humains et animaux). Pour bien caractériser la qualité des sources d'eau, on doit recueillir des données dans des conditions normales, de même que dans des conditions météorologiques extrêmes ou pendant des déversements ou des événements perturbateurs (p. ex. ruissellement printanier, tempêtes). Ainsi, la surcharge des systèmes de collecte et de traitement des eaux usées pendant une pluie abondante peut entraîner une augmentation soudaine de la concentration des virus entériques ou d'autres pathogènes microbiens dans les sources d'eau.

En général, le traitement des approvisionnements alimentés par des eaux de surface ou des eaux souterraines sous l'influence directe de l'eau de surface doit comprendre, au minimum, une filtration (ou un traitement permettant d'obtenir une réduction logarithmique équivalente) et une désinfection adéquates. Des données récemment publiées ont révélé la présence de virus entériques dans certaines sources d'eaux souterraines peu vulnérables à une contamination d'origine fécale (c'est-à-dire celles qui ne sont pas sous l'influence directe des eaux de surface) (Abbaszadegan et coll., 1998, 1999; Borchardt et coll., 2003, 2004; Locas et coll., 2007). Ainsi, il est recommandé d'effectuer un traitement adéquat de toutes les eaux souterraines pour éliminer ou inactiver les virus entériques, à moins d'une exemption de l'autorité responsable. En ce qui concerne les petits réseaux d'alimentation en eau, des techniques considérées comme résidentielles peuvent être utilisées pour obtenir une réduction de 4 log des virus entériques, selon les exigences relatives à la capacité du réseau. Bien que classées comme résidentielles, bon nombre de ces techniques ont une capacité nominale permettant de traiter des volumes supérieurs à ceux d'une seule résidence. Des conseils spécifiques sur les techniques applicables aux petits réseaux doivent être obtenus auprès de l'autorité compétente en matière d'eau potable dans l'administration concernée.

Une fois que l'on a caractérisé la qualité des sources d'eau, on peut établir des objectifs d'élimination/inactivation des pathogènes et adopter des procédés de traitement efficaces afin de garantir la salubrité de l'eau complètement traitée. Pour assurer l'élimination optimale des pathogènes, il faut bien comprendre l'importance relative de chacun de ces procédés de traitement. Certains réseaux de distribution sont dotés de procédés redondants, ce qui assure un traitement adéquat même si l'un des procédés ne remplit pas pleinement sa fonction. Dans les autres réseaux, tous les procédés en place doivent bien fonctionner pour permettre d'obtenir le degré de traitement requis. En effet, la défaillance d'un seul d'entre eux pourrait entraîner l'éclosion d'une maladie d'origine hydrique.

Compte tenu de leur petite taille et de la facilité relative avec laquelle ils traversent les barrières de filtration, il est difficile de retirer les virus entériques de l'eau brute. Cependant, on peut les inactiver efficacement au moyen de diverses techniques de désinfection, que l'on applique individuellement ou en combinaison en utilisant des doses relativement faibles. Dans la majorité des cas, une usine de traitement conventionnelle bien exploitée devrait fournir de l'eau qui présente un risque négligeable de transmission de maladies. Le présent document examine brièvement les options de traitement et de réduction des virus; des renseignements plus détaillés sont fournis dans d'autres documents (U.S. EPA, 1991; Santé et Bien-être social Canada, 1993; AWWA, 1999b; Deere et coll., 2001; Hijnen et coll., 2004, 2006; LeChevallier et Au, 2004; Medema et coll., 2006).

7.1 Échelle municipale

En général, il faut désinfecter toutes les sources d'eau potable et maintenir en tout temps une concentration résiduelle de désinfectant dans l'ensemble du réseau de distribution. En plus de la désinfection primaire, le traitement des eaux de surface ou des eaux souterraines sous l'influence directe de l'eau de surface doit comprendre des méthodes d'élimination physique telles que la filtration chimique (coagulation, floculation, clarification et filtration) ou un traitement permettant d'obtenir une réduction logarithmique équivalente. Il est essentiel d'atteindre les objectifs d'élimination physique et de désinfection avant que l'eau ne parvienne au premier consommateur dans le réseau de distribution. Des mesures adéquates de contrôle des procédés et la formation des opérateurs sont aussi nécessaires pour assurer en tout temps l'efficacité du traitement (U.S. EPA, 1991; Santé et Bien-être social Canada, 1993; AWWA, 1999b).

Des techniques de traitement doivent être mises en place pour obtenir une élimination ou une inactivation minimale des virus entériques de 4 log (99,99 %). Avec un tel traitement, une concentration de 1 virus/100 L d'eau d'une source d'eau peut être réduite à 1 × 10−4 virus/100 L, ce qui satisfait à l'objectif sanitaire de 10−6 années de vie corrigées du facteur invalidité (AVCI)/personne par année (voir la section 8.0 pour plus de renseignements sur les AVCI). Toutefois, l'eau brute peut renfermer une concentration plus élevée de virus et nécessiter un traitement supplémentaire pour éliminer ou inactiver ces virus et assurer ainsi la salubrité de l'eau potable.

7.1.1 Degré de traitement requis

Le degré de traitement requis varie selon la concentration connue ou estimée de pathogènes dans la source d'eau. Une concentration de 1 virus/100 L, par exemple, serait réduite à 1 × 10−4 virus/100 L avec une élimination ou une inactivation de 4 log (99,99 %). Si la concentration est plus élevée, il faut effectuer une élimination ou une inactivation plus importante pour que le risque associé à l'eau potable traitée soit acceptable. Le tableau 1 fournit le degré de traitement requis pour obtenir un risque acceptable de 1 × 10−6 AVCI/personne par année pour diverses concentrations de virus dans les sources d'eau.

Tableau 1 : Exigences globales en matière de traitement pour les réductions logarithmiques des virus exprimées en fonction de la concentration approximative dans les sources d'eau correspondant à un risque de 1 × 10 -6 ACVI/personne par année
Concentration de virus dans la source d'eau
(nombre de virus/100 L)
Réduction globale des virus requise
(log10)
1 4
10 5
100 6
1000 7

Dans la mesure du possible, il faut caractériser les concentrations de virus dans les sources d'eau en s'appuyant sur un échantillonnage et une analyse à l'échelle réelle. Il faut tenir compte des conditions normales et de la surveillance guidée par les événements, notamment le ruissellement printanier, les tempêtes et les déversements. Les résultats des essais doivent également tenir compte de l'efficacité de récupération pour la méthode d'analyse et de la viabilité des pathogènes afin d'obtenir l'évaluation la plus précise de la présence de pathogènes infectieux dans les sources d'eau. À de nombreux endroits, il n'est pas possible d'effectuer l'échantillonnage de la source d'approvisionnement pour la recherche de virus entériques et il faut procéder à une estimation du risque de maladies entériques au moyen d'une combinaison d'enquêtes sanitaires, de comparaisons avec d'autres sources d'approvisionnement, de microorganismes indicateurs ou de recherches afférentes. Puisqu'il est difficile d'analyser les sources d'eau afin de mesurer les concentrations de virus, la surveillance régulière de microorganismes indicateurs et des caractéristiques des sources d'eau peut s'avérer efficace pour évaluer la nécessité d'apporter des changements aux traitements. Par contre, étant donné l'incertitude reliée à ces estimations, il faut appliquer des facteurs de sécurité technique ou effectuer des traitements additionnels afin d'assurer la salubrité microbiologique de l'eau potable.

On peut satisfaire aux exigences globales en matière de traitement en procédant à une étape de traitement ou plus comprenant l'élimination physique ou une désinfection primaire. Les réductions logarithmiques des virus propres à chacun des procédés peuvent être combinées pour définir la réduction globale.

7.1.2 Élimination physique

L'élimination physique des virus peut s'effectuer par clarification et par filtration. La clarification est toujours suivie d'une filtration. Cependant, certains systèmes de filtration sont utilisés sans clarification (filtration directe). Les virus présents dans l'eau peuvent circuler librement ou être liés à des particules. Leur adsorption dépend de plusieurs facteurs, comme le point isoélectrique et l'hydrophobie du virus et de la particule (Templeton et coll., 2008). Le point isoélectrique correspond au pH auquel le virus n'a aucune charge électrique nette et il varie selon l'espèce virale. L'association entre le virus et les particules joue un rôle dans l'élimination physique, de même que dans la désinfection et l'inactivation des virus.

L'ajout d'un coagulant chimique à l'eau brute produit des flocs qui s'adsorbent aux virus liés à des particules. On retire ensuite ces flocs de l'eau au moyen de la sédimentation par gravité, d'un lit de boues ou de la flottation à l'air dissous. Des études indiquent une élimination des virus variant de 1,1 à 3,4 log pour la clarification seulement (coagulation, floculation et sédimentation) (LeChevallier, 1999; Hijnen et coll., 2004).

La filtration granulaire est le type de filtration le plus courant. Les systèmes de traitement faisant appel à la coagulation, à la floculation, à la clarification et à la filtration rapide sur sable sont souvent considérés comme des systèmes de traitement conventionnels. Des études indiquent une élimination des virus variant de 0,1 à 3,8 log pour la filtration seulement. En combinant ces étapes, on attribue à la filtration conventionnelle un taux de réduction équivalent à une élimination physique des virus entériques de 2,0 log (tableau 2). Il est possible d'obtenir une élimination plus poussée en adaptant le traitement en fonction de la turbidité et de l'élimination des particules (Xagoraraki et coll., 2004).

Tableau 2 : Taux d'élimination physique des virus pour diverses techniques de traitement répondant aux limites de turbidité établies dans les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada
Traitement Taux d'élimination des virusTableau 2 - Note de bas 1 (log10)
Filtration classique 2
Filtration directe 1
Filtration lente sur sable 2
Filtration sur diatomées 1
Microfiltration Aucun facteur de réductionTableau 2 - Note de bas 2
Ultrafiltration Démonstration et tests de provocation; vérifiés par des tests d'intégrité directs
Nanofiltration et osmose inverse Démonstration et tests de provocation; vérifiés par des tests d'intégrité

Les membranes de microfiltration ne constituent pas une barrière physique définitive pour les virus en raison du diamètre de leurs pores, lequel varie de 0,1 à 10 µm. Cependant, plusieurs études révèlent que l'on peut obtenir une réduction de 4 log des virus lorsque la microfiltration est précédée d'une coagulation (Zhu et coll., 2005a,b; Fiksdal et Leiknes, 2006). Les membranes d'ultrafiltration ont des pores d'un diamètre de 0,01 à 0,1 µm et peuvent donc intercepter les virus. Selon diverses études, elles permettent généralement une réduction des virus de plus de 3 log (AWWA, 2005). Les membranes de nanofiltration et d'osmose inverse sont généralement considérées comme non poreuses et constituent une barrière physique pour les virus. Comme les virus peuvent traverser le filtre en cas de rupture des membranes, les membranes d'ultrafiltration doivent faire l'objet de tests d'intégrité directs pendant la filtration. À l'heure actuelle, il est impossible de vérifier directement l'intégrité des membranes de nanofiltration et d'osmose inverse sans perturber la production pendant une période prolongée. Toutefois, il faut procéder à des tests d'intégrité indirects de façon continue et à des tests directs de façon régulière.

Soulignons que les procédés de traitement sont souvent interdépendants et nécessitent des conditions optimales en amont pour que les étapes subséquentes du traitement puissent être exécutées avec efficacité. Il faut, par exemple, optimiser la coagulation et la floculation pour que les particules soient enlevées de façon efficace par filtration. Les filtres doivent être soigneusement vérifiés, surveillés et lavés à contre-courant afin d'empêcher la pénétration de particules (Huck et coll., 2001), et l'eau de lavage à contre-courant des filtres ne doit pas être redistribuée dans l'usine de traitement sans traitement additionnel après la coagulation, la floculation et la clarification (Medema et coll., 2006).

La filtration lente sur sable peut également être efficace, l'élimination physique des virus variant de 0,9 à 3,5 log (Hijnen et coll., 2004). Plusieurs facteurs, comme l'utilisation d'eau froide, des charges hydrauliques élevées et du sable de faible profondeur, peuvent nuire à l'élimination des virus. Une étude de surveillance sur un an de trois installations pleine grandeur de filtration en rive révèle une réduction de 2,1 log pour les bactériophages spécifiques au mâle et de 3,2 log pour les coliphages somatiques (Weiss et coll., 2005).

7.1.2.1 Taux d'élimination physique logarithmique

Pour ce qui est des usines de production de l'eau potable qui respectent les limites de turbidité établies dans les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada (Santé Canada, 2003b), on peut appliquer les taux d'élimination physique estimés pour les virus entériques figurant au tableau 2. Ces taux d'élimination logarithmique s'appuient sur les éliminations moyennes ou médianes établies par l'U.S. EPA (1999) dans les documents intitulés Disinfection Profiling and Benchmarking Guidance Manual et Long Term 2 Enhanced Surface Water Treatment Rule (LT2ESWTR) (U.S. EPA, 2006b). On peut aussi établir les taux d'élimination logarithmique en fonction de l'efficacité observée ou d'études pilotes. Les taux d'élimination physique logarithmique peuvent être combinés aux taux de désinfection afin de répondre aux objectifs de traitement globaux. À titre d'exemple, si une élimination de 4 log (99,99 %) des virus est nécessaire dans un approvisionnement en eau donné et que la filtration conventionnelle assure une élimination de 2 log, on doit obtenir la réduction de 2 log restante à l'aide d'un autre procédé, comme la désinfection.

7.1.3 Désinfection chimique

Parmi les désinfectants chimiques couramment utilisés pour le traitement de l'eau potable, mentionnons le chlore, la chloramine, le dioxyde de chlore et l'ozone. On procède habituellement à la désinfection après les traitements qui retirent les particules et la matière organique. Cette stratégie aide à assurer l'inactivation efficace des pathogènes et réduit au minimum la formation de sous-produits de désinfection (SPD). Soulignons que dans la description de la désinfection microbienne de l'eau potable, le terme « inactivation » est employé pour indiquer que le pathogène ne peut plus se reproduire dans l'organisme hôte et n'est donc plus infectieux, quoiqu'il puisse toujours être présent.

7.1.3.1 Caractéristiques de la qualité de l'eau

Les caractéristiques physiques de l'eau, comme la température, le pH et la turbidité, peuvent influer considérablement sur l'inactivation et l'élimination des pathogènes. Les taux d'inactivation, par exemple, doublent ou triplent par tranche de 10 °C d'élévation de la température. Lorsque les températures se rapprochent de 0 °C, comme c'est souvent le cas en hiver au Canada, l'efficacité de la désinfection est réduite et il faut augmenter la concentration de désinfectant ou le temps de contact (CT) avec celui-ci, ou les deux, pour atteindre le même degré d'inactivation.

L'efficacité de certains désinfectants varie également selon le pH. Lorsque l'on emploie du chlore libre, une augmentation du pH de 6 à 10 réduit de 8 à 10 fois le taux d'inactivation (voir les tableaux des valeurs « CT » à l'annexe B). Toutefois, une étude récente menée par Thurston-Enriquez et coll. (2005a) révèle que le dioxyde de chlore est 1,9 et 19,3 fois plus efficace à un pH de 8 qu'à un pH de 6 pour l'adénovirus 40 et le calicivirus félin (utilisé en remplacement du norovirus), respectivement. On a obtenu des résultats semblables pour d'autres virus entériques avec le dioxyde de chlore (Alvarez et O'Brien, 1982; Moss et Olivieri, 1985). On a constaté que le pH avait peu d'effet sur l'efficacité d'inactivation des virus par l'ozone, quoiqu'un pH élevé influe sur la stabilité de l'ozone et, par conséquent, augmente la demande en ozone.

La réduction de la turbidité constitue une étape importante dans l'inactivation des virus et d'autres microorganismes. La désinfection chimique peut être touchée, car les virus et d'autres microorganismes peuvent bénéficier d'une protection dans les particules auxquelles ils sont liés. On a observé des effets négatifs des virus liés à des particules sur les procédés de désinfection dans plusieurs études (Templeton et coll., 2008). L'effet de la turbidité sur l'efficacité du traitement est étudié plus en détail dans le document technique de la recommandation sur la turbidité (Santé Canada, 2003b).

7.1.3.2 Concept CT pour la désinfection

Il est possible de prédire l'efficacité des désinfectants chimiques d'après la concentration résiduelle de désinfectant, la température, le pH et le temps de contact (AWWA 1999b). Cette relation est communément appelée le concept CT, où CT représente le produit de « C » (concentration résiduelle de désinfectant, en mg/L) par « T » (temps de contact avec le désinfectant, en minutes). Généralement, les objectifs liés au concept CT sont déterminés dans des études de laboratoire contrôlées. Dans les usines de traitement, on utilise normalement la concentration résiduelle, que l'on mesure à la sortie du bassin de contact, plutôt que la dose appliquée ou la concentration initiale afin de tenir compte de la dégradation des désinfectants. Pour tenir compte du mélange hydraulique dans le bassin de contact, le temps de contact « T » est habituellement calculé en employant une valeur T10, de sorte que le temps de contact requis est respecté pour 90 % de l'eau. On peut effectuer une estimation des valeurs T10 en fonction de la géométrie et des conditions d'écoulement de la chambre (ou du bassin) de désinfection. Les essais de traçage hydraulique constituent toutefois la méthode la plus précise pour déterminer le temps de contact dans les conditions d'écoulement réelles de l'usine.

L'annexe B comprend des tableaux complets des valeurs CT pour une inactivation de 2 log, 3 log et 4 log des virus. Certaines valeurs CT sont présentées au tableau 3 pour l'inactivation de 4 log (99,99 %) des virus entériques avec le chlore, la chloramine, le dioxyde de chlore et l'ozone. Ces valeurs indiquent que la chloramine est un désinfectant beaucoup moins puissant que le chlore libre, le dioxyde de chlore et l'ozone, puisqu'il faut des concentrations ou des temps de contact beaucoup plus élevés pour atteindre le même taux d'inactivation. La chloramine n'est donc pas recommandée comme désinfectant primaire. Le chlore libre est le produit chimique le plus souvent utilisé pour la désinfection primaire, car on peut s'en procurer facilement, il est relativement peu coûteux et il fournit un résidu dont on peut se servir pour maintenir la qualité de l'eau dans le réseau de distribution. À titre d'exemple, avec une concentration moyenne de chlore de 0,5 mg/L et un temps de contact de 15 minutes, on peut obtenir une inactivation des virus supérieure à 4 log à 20 °C (tableau 3). L'ozone constitue un autre désinfectant puissant pour l'inactivation des virus, comme l'indiquent les faibles valeurs CT requises pour une inactivation de 4 log. Toutefois, l'ozone se dégrade facilement après application pendant le traitement et ne peut fournir de résidu pour la désinfection secondaire. Bien qu'ils représentent des désinfectants efficaces, l'ozone et le dioxyde de chlore sont habituellement plus coûteux et leur utilisation est plus complexe, surtout dans les petits systèmes de traitement.

Tableau 3 : Valeurs CT pour une inactivation de 4 log (99,99 %) des virus entériques avec divers désinfectants à 5 °C et à 20 °C (pH de 6 à 9) Tableau 3 - Note de bas a
Température (°C) Valeurs CT pour une inactivation de 4 log (99,99 %)
Chlore libre
(Cl2)
Chloramine
(NH2Cl)
Dioxyde de chlore
(ClO2)
Ozone
(O3)
5 8 1988 33,4 1,2
20 3 746 12,5 0,5
7.1.3.3 Résistance de divers virus aux produits chimiques

Des études portant sur divers virus entériques révèlent des degrés différents de résistance aux désinfectants chimiques (Engelbrecht et coll., 1980; Payment et coll., 1985; Hoff, 1986; Sobsey et coll., 1988; Payment et Armon, 1989; U.S. EPA, 1989; AWWA, 1999a,b; Thurston-Enriquez et coll., 2003a, 2005a,b). Le tableau 4 indique les valeurs CT tirées de diverses études de recherche pour une inactivation de 2 log (99 %) de plusieurs virus avec divers désinfectants chimiques. Dans ces études, le VHA résistait davantage à l'inactivation au dioxyde de chlore et à l'ozone que d'autres types de virus. Dans le cas du chlore libre, le VHA affichait continuellement une résistance plus importante que les rotavirus et l'adénovirus 40; cependant, la vulnérabilité du virus Coxsackie B5 et du poliovirus de type 1 variait considérablement d'une étude à l'autre. Des recherches supplémentaires sur l'inactivation de ces virus sont nécessaires. Par conséquent, les objectifs de désinfection et les tableaux des valeurs CT sont fondés sur des valeurs s'appliquant au VHA (U.S. EPA, 1991).

Tableau 4 : Comparaison des valeurs CT tirées d'études de recherche pour une inactivation de 2 log (99 %) de virus sélectionnés avec divers désinfectants à une température de 5 à 15 °C
Virus Valeurs CT pour une inactivation de 2 log (99 %)
Chlore libre
(Cl2)
pH de 6 à 7
Chloramine
(NH2Cl)
pH de 8 à 9
Dioxyde de chlore
(ClO2)
pH de 6 à 7
Ozone
(O3)
pH de 6 à 7
Poliovirus de type 1Tableau 4 - Note de bas a 1,1 à 6 768 à 3 740 0,2 à 6,7 0,1 à 0,2
RotavirusTableau 4 - Note de bas b 0,01 à 0,05 3 806 à 6 476 0,2 à 2,1 0,006 à 0,06
Virus de l'hépatite ATableau 4 - Note de bas c 0,7 à 1,18 428 à 857 < 0,17 à 2,8 0,5
Virus Coxsackie B5Tableau 4 - Note de bas d,Tableau 4 - Note de bas e 1,7 à 12 550 N/D N/D
Adénovirus 40Tableau 4 - Note de bas e,Tableau 4 - Note de bas f 0,02 à 2,4 360 0,25 0,027
7.1.3.4 Sous-produits de désinfection

Outre l'inactivation microbienne, la désinfection chimique peut entraîner la formation de sous-produits de désinfection (SPD), dont certains peuvent présenter un risque pour la santé humaine. Le chlore, le désinfectant le plus couramment utilisé, réagit avec la matière organique naturelle et forme des trihalométhanes et des acides haloacétiques, ainsi que plusieurs autres composés organiques halogénés (Krasner et coll., 2006). L'utilisation d'ozone et de dioxyde de chlore peut aussi entraîner la formation de SPD inorganiques, comme le bromate (dans le cas de l'ozone) et le chlorite/chlorate (dans le cas du dioxyde de chlore). Lorsqu'on choisit un désinfectant chimique, il faut tenir compte de l'effet potentiel des SPD. Dans la mesure du possible, on doit tenter de réduire au minimum la formation de ces SPD sans pour autant diminuer l'efficacité de la désinfection. On traite davantage des SPD dans les documents techniques sur les trihalométhanes (Santé Canada, 2006c), les acides haloacétiques (Santé Canada, 2008), le bromate (Santé Canada, 1998) et le chlorite/chlorate (Santé Canada, 2008).

7.1.4 Désinfection aux rayons ultraviolets

La désinfection aux rayons ultraviolets constitue une autre méthode de désinfection. La dose de rayons UV, que l'on appelle habituellement la fluence, s'exprime en millijoules par centimètre carré (mJ/cm2). Un mJ/cm2 équivaut à un milliwatt seconde par centimètre carré (mW·s/cm2). La lumière UV est habituellement appliquée après les procédés d'élimination des particules, comme les membranes de filtration, pour empêcher la protection des pathogènes par les particules en suspension et favoriser la pénétration de la lumière jusqu'aux pathogènes cibles. Plusieurs études récentes ont porté sur l'effet des particules sur l'efficacité de la désinfection aux rayons UV; dans la majorité des cas, on a conclu que la réaction des microorganismes à la dose de rayons UV n'était pas influencée par les variations de turbidité de 10 unités de turbidité néphélométriques et moins (Christensen et Linden, 2002; Oppenheimer et coll., 2002; Mamane-Gravetz et Linden, 2004; Passantino et coll., 2004). Cependant, on a constaté que la présence de particules d'acides humiques et de coagulants influe considérablement sur l'efficacité de la désinfection aux rayons UV, l'inactivation obtenue étant plus faible en présence de ces substances (Templeton et coll., 2005). Des études plus poussées sont nécessaires pour mieux comprendre l'effet des particules et des coagulants sur l'inactivation microbienne par la lumière UV.

7.1.4.1 Résistance des virus aux rayons UV

Plusieurs études ont porté sur l'inactivation des virus entériques par les UV (Chang et coll., 1985; Arnold et Rainbow, 1996; Meng et Gerba, 1996; AWWA, 1999b; U.S. EPA, 2000; Cotton et coll., 2001). Elles révèlent que les adénovirus sont beaucoup plus résistants à la désinfection aux UV que d'autres virus entériques (Cotton et coll., 2001; Thurston-Enriquez et coll., 2003b; Nwachuku et coll., 2005). Une dose relativement élevée de rayons UV de 152 mJ/cm2 était requise pour assurer une inactivation de 4 log (99,99 %) de l'adénovirus 40 dans une eau tamponnée sans demande de chlore. Par comparaison, dans une étude récente (Linden et coll., 2007), on a obtenu une inactivation de 3 log de l'adénovirus 40 en utilisant une source polychromatique à une fluence d'environ 30 mJ/cm2 et à des longueurs d'onde de 220 nm et de 228 nm. On a obtenu une inactivation de 4 log des rotavirus à une dose moyenne de rayons UV de 40 mJ/cm2. Le tableau 5 indique les doses typiques de rayons UV requises pour obtenir une inactivation de 4 log (99,99 %) de divers types de virus entériques. Un tableau plus détaillé des doses de rayons UV est présenté dans une étude de Chevrefils et coll. (2006) pour un certain nombre de réductions logarithmiques.

Tableau 5 : Comparaison des doses habituelles de rayons UV requises (mJ/cm 2) pour une inactivation de 1 log (90 %), de 2 log (99 %), de 3 log (99,9 %) et de 4 log (99,99 %) de divers virus entériques Tableau 5 - Note de bas a
Virus 1 log 2 log 3 log 4 log
Virus de l'hépatite A 4,1 à 5,5 8,2 à 13,7 12,3 à 22 16,4 à 29,6
Virus Coxsackie B5 6,9 à 9,5 13,7 à 18 20,6 à 27 36
Poliovirus de type 1 4,0 à 8 8,7 à 15,5 14,2 à 23 20,6 à 31
Rotavirus SA-11Tableau 5 - Note de bas b 7,1 à 10 14,8 à 26 23 à 44 36 à 61
Adénovirus 58 100 143 186

Il semble que les virus à ADN bicaténaire, comme les adénovirus, résistent davantage aux rayons UV que les virus à ARN monocaténaire (comme le VHA) (Meng et Gerba, 1996). Les mécanismes associés à cette résistance ne sont pas bien compris à l'heure actuelle. La résistance peut découler des propriétés physiques ou chimiques des virus ou de la réparation des dommages provoqués par les rayons UV par le virus ou avec l'aide des enzymes des cellules de l'hôte (Shin et coll., 2005). En raison de leur forte résistance au traitement UV et du fait qu'ils provoquent des maladies chez les enfants et les adultes immunodéficients, les adénovirus ont été utilisés par l'EPA des États-Unis pour établir les exigences relatives à l'inactivation par les rayons UV des virus entériques dans le cadre du LT2ESWTR. Le LT2ESWTR exige une dose de rayons UV de 186 mJ/cm2 pour obtenir un taux d'inactivation des virus de 4 log (U.S. EPA, 2006b).

En ce qui concerne les réseaux d'approvisionnement en eau au Canada, on emploie habituellement une dose de rayons UV de 40 mJ/cm2, souvent en combinaison avec une désinfection au chlore ou d'autres procédés d'élimination physique (MEO, 2006). On estime que cette dose permet de protéger la santé humaine étant donné que la plupart des virus entériques sont inactivés par une dose de rayons UV de 40 mJ/cm2. Cependant, une dose de rayons UV de 40 mJ/cm2 ne produit qu'une inactivation de 0,5 log des adénovirus, mais l'ajout de chlore libre peut entraîner une réduction logarithmique additionnelle. Dans une étude en laboratoire, Baxter et coll. (2007) ont observé qu'une concentration de 0,22 mg/L de chlore et un temps de contact de 1 minute dans une eau tamponnée sans demande de chlore produisait une inactivation de l'ordre de 4 log des adénovirus.

Pour les sources d'eau potable considérées comme peu vulnérables à une contamination par des matières fécales humaines, l'autorité responsable peut choisir comme organisme cible un virus entérique tel que le rotavirus (comme celui du tableau 5) pour déterminer la dose de rayons UV nécessaire. Dans les cas où l'on a recours uniquement à la désinfection aux rayons UV pour éliminer les pathogènes et où l'on sait ou soupçonne que les sources d'eau sont contaminées par des eaux usées domestiques, on peut soit utiliser une dose plus forte de rayons UV, comme celle que l'on propose dans le LT2ESWTR, soit adopter une stratégie axée sur l'utilisation de désinfectants multiples.

7.1.5 Utilisation de désinfectants multiples

Les stratégies axées sur l'utilisation de désinfectants multiples comprennent au moins deux étapes de désinfection primaire pour répondre aux objectifs de traitement. La lumière UV et le chlore libre, par exemple, peuvent être utilisés de façon complémentaire au cours de la désinfection afin d'inactiver les protozoaires, les virus et les bactéries. La lumière UV est très efficace pour inactiver les protozoaires et les bactéries (mais moins pour inactiver certains virus), alors que le chlore est très efficace pour inactiver les bactéries et de nombreux virus (mais moins pour inactiver les protozoaires). Dans certaines usines de traitement, on peut utiliser de l'ozone pour régler les problèmes de goût et d'odeur, puis procéder à une désinfection au chlore. Si tel est le cas, on pourrait considérer que l'ozone et le chlore remplissent l'exigence de réduction minimale de 4 log des virus entériques tout en répondant aux objectifs d'élimination du goût et de l'odeur.

On devrait procéder à des évaluations individuelles des approvisionnements en eau potable afin d'établir la stratégie de traitement la plus appropriée en fonction de la qualité de l'eau de la source, ce qui comprend les microorganismes préoccupants. À titre d'exemple, les services publics qui utilisent des eaux de surface ou des eaux souterraines sous l'influence directe de l'eau de surface devront traiter les sources d'eau de manière à éliminer trois types de microorganismes (protozoaires, virus et bactéries), c'est pourquoi une stratégie axée sur l'utilisation de désinfectants multiples peut être appropriée. Les eaux souterraines provenant de sources considérées comme peu vulnérables à une contamination d'origine fécale, quant à elles, ne nécessiteront peut-être qu'un traitement contre les virus entériques. Dans ce cas, une stratégie axée sur l'utilisation de désinfectants multiples ne sera pas nécessaire. Lorsque l'on détermine si une telle stratégie est requise pour répondre aux objectifs de traitement globaux, la contribution de tout traitement visant l'élimination physique doit aussi être prise en considération. Il faut communiquer avec l'autorité compétente en matière d'eau potable pour d'obtenir de l'information précise sur les exigences relatives à la désinfection.

7.2 Échelle résidentielle

Plusieurs options permettent de traiter les sources d'eau afin de fournir de l'eau potable d'excellente qualité exempte de pathogènes. Mentionnons la filtration et la désinfection au moyen de composés chlorés, de même que d'autres techniques, comme le traitement aux rayons UV. Ces techniques s'apparentent aux procédés de traitement municipaux, mais elles sont appliquées à plus petite échelle. On peut recourir à d'autres procédés, comme la distillation, mais ils ne conviennent qu'aux systèmes d'approvisionnement en eau individuels ou de petite taille. La majorité de ces techniques ont été intégrées à un dispositif au point d'entrée qui traite toute l'eau qui arrive dans le système, ou à des dispositifs au point d'utilisation qui traitent l'eau en un seul endroit, comme au robinet de la cuisine, par exemple.

Le traitement de l'eau par rayonnement UV a augmenté en raison de sa grande disponibilité et de sa facilité d'utilisation. Cependant, le colmatage et l'encrassement de la surface de la lampe UV constituent un problème courant lorsque l'on applique la lumière UV à l'eau brute de dureté moyenne ou élevée (p. ex. eaux souterraines). On installe habituellement un filtre de prétraitement en amont des systèmes UV afin de réduire le colmatage et l'encrassement. Un filtre de prétraitement peut également être nécessaire pour obtenir le niveau de qualité de l'eau exigé afin que le système de traitement de l'eau aux rayons UV fonctionne conformément aux directives du fabricant. De plus, il est essentiel de nettoyer et de remplacer régulièrement la lampe conformément aux instructions du fabricant afin d'assurer le bon fonctionnement de l'appareil. On peut également utiliser des mécanismes spéciaux de nettoyage de lampes UV ou des adoucisseurs pour prévenir le problème de colmatage.

Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l'eau potable, mais conseille vivement aux consommateurs de n'utiliser que les dispositifs certifiés par un organisme de certification accrédité comme étant conformes aux normes appropriées de NSF International (NSF) et de l'American National Standards Institute (ANSI). Ces normes visent à protéger l'eau potable en aidant à garantir l'innocuité des matériaux et l'efficacité des produits qui entrent en contact avec elle.

La norme 55 NSF/ANSI (systèmes de désinfection aux rayons UV), par exemple, établit les critères d'efficacité pour deux catégories de systèmes certifiés : les systèmes de classe A et les systèmes de classe B. Les systèmes de classe A sont conçus pour fournir une dose de rayons UV d'au moins 40 mJ/cm2 afin d'inactiver les microorganismes, y compris les bactéries, les virus, les oocystes de Cryptosporidium et les kystes de Giardia, et de les éliminer de l'eau contaminée. Ils permettent une réduction de 4 log de la majorité des virus (tableau 5) et conviennent à cette utilisation. Soulignons toutefois qu'ils ne sont pas conçus pour traiter les eaux usées, ni les eaux contaminées par les eaux usèes brutes et qu'ils doivent être installés dans une eau claire. Les systèmes de classe B sont conçus pour fournir une dose de rayons UV d'au moins 16 mJ/cm2 et ne permettent pas d'atteindre une réduction de 4 log pour la majorité des virus (tableau 5). Ils conviennent aux approvisionnements en eau potable qui ont été désinfectés, analysés et jugés acceptables pour la consommation humaine.

Les membranes d'osmose inverse ont des pores plus petits que les virus et, par conséquent, peuvent agir comme barrières physiques. À l'heure actuelle, la norme NSF/ANSI concernant les systèmes d'osmose inverse ne comporte aucune allégation de réduction des virus; les dispositifs d'osmose inverse ne peuvent donc être homologués à cette fin.

Les organismes de certification garantissent qu'un produit ou service est conforme aux normes en vigueur. Au Canada, le Conseil canadien des normes a accrédité un certain nombre d'organismes qu'il autorise à homologuer les dispositifs de traitement de l'eau potable qui satisfont aux normes susmentionnées de NSF et de l'ANSI :

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