Page 9 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – les virus entériques
8.0 Évaluation des risques
L'adoption d'une approche fondée sur les risques, comme l'approche à barrières multiples, est essentielle à la gestion efficace des réseaux de distribution d'eau potable (CCME, 2004). Une telle approche doit comprendre l'évaluation de l'ensemble du réseau, depuis le bassin versant ou l'aquifère et la prise d'eau jusqu'au consommateur, en passant par la chaîne de traitement et de distribution, afin d'évaluer les effets potentiels sur la qualité de l'eau potable et la santé publique.
Les recommandations actuelles concernant l'eau potable incitent à adopter une approche à barrières multiples pour assurer la salubrité de l'eau. Dans une telle approche, on utilise de nombreux indicateurs, comme des microorganismes indicateurs, la turbidité et les résidus de désinfection, pour déterminer la qualité de l'eau potable traitée. E. coli et les coliformes totaux sont des exemples d'indicateurs bactériologiques souvent employés pour évaluer la qualité microbiologique de l'eau potable. Bien qu'ils représentent un élément important des approches à barrières multiples, les indicateurs ne fournissent aucune information quantitative sur les pathogènes ou sur la charge de morbidité potentielle liée à l'eau potable d'une qualité donnée. Il est important de préciser que même une eau de qualité acceptable présente un risque de maladie, quoique ce risque soit extrêmement faible.
Les évaluations quantitatives du risque microbien (EQRM) deviennent de plus en plus acceptées comme éléments des approches à barrières multiples. Elles consistent à utiliser des données sur la qualité des sources d'eau, des renseignements se rapportant aux procédés de traitement et les caractéristiques propres au pathogène pour estimer la charge de morbidité liée à l'exposition aux microorganismes pathogènes dans une source d'eau potable. Les EQRM sont utiles, car elles permettent d'évaluer chaque réseau d'approvisionnement en eau et d'obtenir de l'information propre au site afin de :
- comprendre la façon dont les changements de la qualité des sources d'eau peuvent influer sur la qualité microbiologique de l'eau potable produite;
- déterminer si les mesures de contrôle actuelles sont adéquates, compte tenu des variations propres à chaque site;
- examiner la possibilité d'améliorer la qualité microbiologique de l'eau potable par la mise en place de procédés de traitement additionnels ou par l'optimisation de ceux existants;
- aider à établir des limites pour des points critiques dans le système de traitement.
Les variations propres au site doivent comprendre l'effet potentiel d'événements dangereux, comme les tempêtes, les épisodes de contamination et la défaillance d'un procédé de traitement. Il faut tenir compte des points suivants lorsque l'on interprète les résultats d'une EQRM :
- la qualité des données d'une EQRM dépend de la qualité des données d'entrée;
- certaines données peuvent comporter un haut degré d'incertitude (p. ex. données sur la qualité des sources d'eau et du taux d'élimination/inactivation des pathogènes par les systèmes de traitement);
- les EQRM s'appuient sur des hypothèses qui ne reflètent pas nécessairement avec justesse l'état du réseau de distribution d'eau ou l'exposition aux pathogènes à tout moment (voir la section 8.3.4).
En raison de ces limites, on ne devrait pas utiliser les EQRM pour tenter d'estimer le taux de morbidité au sein d'une population attribuable à un réseau de distribution en particulier. Par contre, les estimations de la charge de morbidité obtenues grâce aux EQRM sont utiles pour les évaluations propres à un site donné, dans le cadre d'une approche à barrières multiples visant à assurer la salubrité de l'eau potable.
8.1 Objectifs en matière de santé
Les objectifs en matière de santé sont les buts que l'on doit atteindre pour garantir la salubrité de l'eau potable. Au Canada, on tente souvent de réduire les dangers microbiologiques à l'aide de deux types d'objectifs en matière de santé: les objectifs de qualité de l'eau et les objectifs de traitement. La recommandation bactériologique concernant E. coli constitue un exemple d'objectif de qualité de l'eau; elle établit une concentration maximale acceptable pour ce microorganisme dans l'eau potable. Les objectifs de traitement, quant à eux, décrivent la réduction des risques qu'entraîneront des mesures telles que les procédés de traitement visant à réduire la viabilité ou la présence des pathogènes. Les objectifs de traitement aident à choisir les procédés à mettre en place et doivent être définis en fonction de la qualité des sources d'eau. Ils doivent tenir compte non seulement des conditions de fonctionnement normales, mais également des variations potentielles de la qualité de l'eau ou de l'efficacité du traitement. À titre d'exemple, les courtes périodes pendant lesquelles la qualité des sources d'eau est mauvaise après une tempête ou une diminution de l'efficacité du traitement due à la défaillance d'un procédé peuvent représenter la majeure partie des risques dans une usine de traitement d'eau potable (Gale, 2002; Medema et coll., 2006). En raison du large éventail de microorganismes pathogènes, il est difficile d'évaluer tous les dangers associés à chacun d'eux; par conséquent, les objectifs de traitement sont généralement définis en fonction des catégories de microorganismes (p. ex. bactéries, virus, protozoaires) plutôt que de pathogènes particuliers. Pour les virus entériques, l'objectif de traitement basé sur la santé est le suivant : réduction ou inactivation d'au moins 4 log des virus. Dans le cas de nombreuses sources d'eau, il faudra obtenir une réduction ou une inactivation logarithmique plus grande pour que le niveau de risque demeure acceptable.
8.2 Niveaux de risque acceptables
Les estimations de la charge de morbidité effectuées dans le cadre de l'évaluation des risques doivent être comparées à un niveau de risque de référence, c'est-à-dire un niveau de risque jugé tolérable ou acceptable. Cette comparaison est nécessaire, car elle permet de comprendre les répercussions de la charge de morbidité estimée sur la santé publique et de fixer des objectifs de traitement basés sur la santé.
Les niveaux de risque sont exprimés de plusieurs façons. Dans les Directives de qualité pour l'eau de boisson de l'Organisation mondiale de la santé (OMS, 2004), on utilise les AVCI comme unités de mesure du risque. Les AVCI permettent d'obtenir une valeur tenant compte du risque de maladie ou de blessure et des répercussions des effets sur la santé connexes (Murray et Lopez, 1996a; Havelaar et Melse, 2003. Dans les directives de l'OMS (2004), on utilise la valeur de 10−6 AVCI/personne par année comme objectif d'ordre sanitaire. Dans le document National Guidelines for Water Recycling (NRMMC-EPHC, 2006) de l'Australie, on donne la même valeur. D'autres organismes établissent des niveaux de risque microbien acceptables en s'appuyant sur le risque d'infection, sans tenir compte du niveau de risque ou de la gravité des effets sur la santé. L'EPA des États-Unis, par exemple, a utilisé un objectif sanitaire correspondant à un risque d'infection annuel de moins de 1 personne sur 10 000 (10−4) (Regli et coll., 1991).
Le niveau de référence de 10−6 AVCI/personne par année équivaut à un risque annuel de maladie (pour une personne) de 1/1 000 (10−3) pour un pathogène causant la diarrhée et présentant un faible taux de mortalité. Dans le cas des maladies ayant un effet plus grave sur la santé, comme le cancer, la valeur de 10−6 AVCI/personne par année équivaut à un risque additionnel de cancer à vie (au-dessus du niveau de fond) de 10−5 (c.-à-d., 1 cas additionnel de cancer au-dessus du niveau de fond pour chaque 100 000 personnes qui ingèrent tous les jours 1,5 L d'eau potable contenant la substance à la valeur recommandée sur une période de 70 ans). Les EQRM constituent un outil efficace pour déterminer si un réseau de distribution d'eau potable donné peut répondre à cet objectif sanitaire, les systèmes actuels de surveillance des maladies dans les pays développés comme le Canada ne permettant pas de détecter les maladies endémiques à un niveau aussi bas.
Dans l'évaluation contenue dans le présent document technique, on estime la charge de morbidité à l'aide des AVCI. Ces unités de mesure offrent plusieurs avantages. En effet, elles prennent en compte à la fois le nombre d'années perdues par suite d'un décès prématuré et le nombre d'années vécues avec une incapacité (en comparaison avec la personne moyenne en bonne santé dans la région) et permettent de déterminer les effets sur la santé d'un seul type de pathogène. L'utilisation des AVCI permet aussi de comparer les effets sur la santé de différents pathogènes et, peut-être, de différents dangers microbiologiques et de certains dangers chimiques. Bien qu'aucune unité de mesure commune pour la santé n'ait été acceptée à l'échelle internationale, les AVCI sont utilisées par de nombreux groupes, et l'on dispose d'information publiée et évaluée par des pairs. Dans la présente évaluation des risques, le niveau de référence de l'OMS (2004), soit 10−6 AVCI/personne par année, est utilisé comme niveau de risque acceptable.
8.3 Évaluation quantitative du risque microbien
Dans les EQRM, on se sert de modèles mathématiques et de renseignements pertinents sur des pathogènes sélectionnés pour estimer la charge de morbidité. Les EQRM s'inscrivent dans une stratégie commune de l'évaluation des risques qui comporte quatre volets : la détermination des dangers, l'évaluation de l'exposition, l'évaluation de la relation dose-réponse et la caractérisation des risques.
8.3.1 Détermination des dangers
La première étape de l'EQRM consiste à déterminer les dangers qui menacent le réseau de distribution d'eau potable ou la santé humaine, notamment ceux que présentent les microorganismes, les toxines et les substances chimiques. Au Canada, les virus entériques les plus préoccupants pour la santé humaine dans les sources d'eau potable sont les norovirus, les rotavirus, les virus de l'hépatite, les entérovirus et les adénovirus.
La présence et le type de virus entériques dans une source d'eau potable donnée varient. Il est donc important de recenser pour chaque site toutes les sources et tous les événements potentiels, qu'ils soient ou non influencés directement par le fournisseur d'eau potable, qui pourraient entraîner la présence de virus entériques à des concentrations supérieures au niveau de référence. Les matières fécales humaines et, dans certains cas, l'urine sont les principales sources de virus entériques. Ceux-ci peuvent provenir de sources de pollution ponctuelles, comme les rejets d'eaux usées municipales, ou de sources diffuses, comme les systèmes septiques. Outre les sources de contamination potentielles, il faut déterminer si la présence des virus entériques est continue ou intermittente, ou si elle suit des tendances saisonnières de pollution. Il faut également déterminer si les événements rares, tels que les sécheresses et les inondations, influeront sur les concentrations de virus entériques dans les sources d'eau.
Même si tous les virus entériques préoccupants doivent être recensés, les évaluations des risques tiennent rarement compte de chacun d'eux. Elles ne portent que sur des virus entériques précis (des pathogènes de référence ou, dans le cas présent, des virus de référence) qui, de par leurs caractéristiques, sont représentatifs de tous les virus pathogènes similaires. On présume que si le traitement est efficace contre le virus de référence, il le sera contre tous les virus préoccupants similaires. Idéalement, un virus de référence représentera le pire scénario possible, soit une combinaison des éléments suivants : fréquence élevée, forte concentration et longue survie dans les sources d'eau, faible élimination ou inactivation pendant le traitement et pathogénicité élevée pour tous les groupes d'âge. On a utilisé de nombreux virus entériques comme virus de référence, notamment des adénovirus, des norovirus et des rotavirus. Aucun de ces virus ne possède toutes les caractéristiques idéales d'un virus de référence. Les adénovirus représentent le pire scénario en ce qui a trait à l'inactivation au cours du traitement aux rayons UV. Cependant, leur fréquence au sein de la population est moins élevée que celle des norovirus et des rotavirus. Pour les norovirus, il n'existe actuellement pas de modèle de la relation dose-réponse publié, même si ces virus sont une cause importante de gastroentérite virale chez tous les groupes d'âge. Même si les rotavirus sont une cause courante d'infection chez les enfants, qu'ils présentent un risque d'effets graves et que l'on dispose d'un modèle de la relation dose-réponse, ils sont plus sensibles au traitement que d'autres virus entériques. Étant donné qu'aucun virus ne possède toutes les caractéristiques idéales d'un virus de référence, la présente évaluation des risques intègre les caractéristiques clés des rotavirus et les valeurs CT se rapportant au VHA et aux poliovirus (U.S. EPA, 1999), car il s'agit des meilleures données dont on dispose sur les virus entériques que l'on trouve couramment dans les eaux de surface et les eaux souterraines.
8.3.2 Évaluation de l'exposition
Les évaluations de l'exposition fournissent une estimation (et le niveau d'incertitude associé) de la présence et de la concentration d'un contaminant dans un volume d'eau donné au moment de l'exposition (ingestion, inhalation ou absorption cutanée). La consommation d'eau potable est la voie d'exposition principale que l'on a prise en considération dans la présente évaluation des risques. Pour mesurer l'exposition, il faut connaître ou estimer la concentration de virus entériques et le volume d'eau consommée. L'exposition est définie comme étant une dose unique de pathogènes ingérée par une personne à un moment donné ou la quantité totale associée à plusieurs expositions (p. ex. sur une période d'un an).
On n'effectue généralement pas de surveillance régulière de l'eau potable pour détecter les virus entériques. Par conséquent, pour déterminer l'exposition, il faut mesurer ou estimer la concentration du virus de référence dans la source d'eau. Les mesures fournissent une meilleure évaluation des risques que les estimations. Des pics de concentration à court terme peuvent augmenter considérablement les risques de maladie et même occasionner des éclosions de maladies d'origine hydrique; par conséquent, les variations saisonnières et les pics associés à des événements tels que les tempêtes doivent être pris en considération dans les mesures ou les estimations. Une fois que l'on connaît les concentrations dans la source d'eau, on calcule les réductions résultant du traitement pour obtenir la concentration dans l'eau complètement traitée. Dans la présente évaluation des risques, on présume que tout virus n'ayant pas été éliminé ou inactivé pendant le traitement peut causer une infection ou des maladies.
En ce qui concerne le volume d'eau consommée, il est important de ne considérer que l'eau du robinet non bouillie. En effet, l'ébullition entraîne l'inactivation des pathogènes. Par conséquent, en considérant également le volume total d'eau ingérée (bouillie et non bouillie), on surestime l'exposition (Gale, 1996; Payment et coll., 1997; OMS, 2004). Au Canada, chaque personne consomme environ 1,5 L d'eau du robinet par jour. Toutefois, environ 35 % de cette eau est consommée sous forme de café ou de thé (Santé et Bien-être social Canada, 1981). Les températures élevées (eau en ébullition ou près du point d'ébullition) utilisées pour faire le café et le thé inactivent tout pathogène entérique. Par conséquent, on utilise, dans la présente évaluation des risques, une consommation moyenne de 1 L d'eau par personne par jour afin d'estimer les risques associés aux microorganismes pathogènes. Cette estimation est comparable aux tendances de consommation observées dans d'autres pays développés (Westrell et coll., 2006a; Mons et coll., 2007). Dans les Directives de qualité pour l'eau de boisson de l'OMS, on recommande également d'utiliser une valeur de 1 L d'eau du robinet non bouillie (OMS, 2004).
8.3.3 Évaluation de la relation dose-réponse
Dans l'évaluation de la relation dose-réponse, on utilise des modèles pour estimer la probabilité d'infection et le risque de maladie après exposition au virus de référence. Dans la présente évaluation des risques, la probabilité d'infection (Pinf) est calculée à l'aide d'un modèle dose-réponse pour les rotavirus. Le modèle bêta-Poisson permet d'effectuer une bonne approximation des données dose-réponse se rapportant aux rotavirus (équation 1) (Haas et coll., 1999) :
Équation 1
Pinf ~ 1 − (1 + d/β)−a
où :
- a
- = 0,265
- β
- = 0,4415
- d
- = dose quotidienne estimée
Le modèle bêta-Poisson fournit une description mathématique de la distribution des probabilités individuelles de survie et d'infection pour tous les microorganismes, α et β étant des paramètres décrivant la probabilité d'infection. Les résultats de l'approximation réalisée au moyen du modèle laissent à désirer lorsque les valeurs de β sont faibles ou lorsque la dose estimée (d) est importante. Ils ne doivent donc pas être employés dans de tels cas. Les paramètres α et β sont tirés d'études de la relation dose-réponse menées auprès de sujets en bonne santé; il se peut donc qu'ils ne représentent pas de façon adéquate les effets sur des sous-groupes sensibles, comme les personnes immunodéficientes, les jeunes enfants et les personnes âgées (Ward et coll., 1986). On estime la dose quotidienne de microorganismes pour une personne au moyen des renseignements provenant de l'évaluation de l'exposition. La probabilité annuelle d'infection est estimée au moyen de l'équation 2. Aux fins de la présente évaluation des risques, on présume qu'il n'y a aucune propagation secondaire de l'infection.
Équation 2
Pinf/année = 1 − (1 − Pinf)365
Ce ne sont pas toutes les personnes infectées qui contracteront une maladie clinique. Le risque annuel pour une personne est estimé au moyen de l'équation 3 :
Équation 3
Risque de maladie = Pinf/année × S × I
où :
- Pinf/année
- = probabilité annuelle d'infection (obtenue à l'aide de l'équation 2)
- S
- = proportion de la population sensible aux infections
- I
- = proportion des personnes qui contractent une maladie symptomatique après une infection
La proportion de la population qui est vulnérable aux infections et à la maladie varie selon le type de virus entérique étudié. Dans le cas des rotavirus, la population sensible à l'infection se limite généralement aux jeunes enfants. Selon les données canadiennes, cela représente approximativement 6 % de la population (Ministère des Finances de l'Ontario, 2003a,b). Toutefois, puisque la présente évaluation des risques se rapporte aux rotavirus et que ceux-ci sont considérés comme des virus représentatifs de tous les virus entériques pouvant se trouver dans l'eau potable, y compris ceux auxquels de plus grandes proportions ou la majorité de la population peuvent être sensibles (p. ex. dans le cas des norovirus), on présume que 100 % de la population est sensible à l'infection. Soulignons que l'infection ne provoque pas forcément de maladies symptomatiques. Selon des données des États-Unis, 88 % des personnes infectées par un rotavirus contracteront une maladie symptomatique (Havelaar et Melse, 2003).
Afin de convertir le risque annuel de maladie pour une personne en charge de morbidité par personne, on utilise les AVCI comme unité de mesure commune pouvant tenir compte de divers effets sur la santé. Le principal avantage cité de l'AVCI en tant qu'unité de mesure de santé publique est sa nature globale, qui combine les années de vie perdues (AVP) aux années vécues avec une incapacité (AVI) pour calculer la charge de morbidité. Le calcul des AVCI s'effectue comme suit :
Équation 4
AVCI = AVI + AVP
où :
- AVI
- = somme de [(fraction de l'effet) × (durée) × (poids de la gravité)] pour chaque effet sur la santé contribuant à la morbidité
- AVP
- = [(espérance de vie) - (âge au moment du décès)] × poids de la gravité
Pour les rotavirus, les effets sur la santé varient quant à leur gravité; il peut s'agir de diarrhée légère, comme de diarrhée grave et même de mort. La charge de morbidité de la gastroentérite découlant d'une infection par des rotavirus présents dans l'eau potable est de 8,46 AVCI/1 000 cas (8,46 × 10−3 AVCI/cas) (tableau 6).
Effet sur la santé | Proportion de la population affectéeTableau 6 - Note de bas a | Durée de la maladieTableau 6 - Note de bas b | Poids de la gravitéTableau 6 - Note de bas c | AVCI/cas | |
---|---|---|---|---|---|
Morbidité (AVI) | Diarrhée légère | 0,50 | 0,01918 (7 jours) |
0,067 |
6,43 × 10−4 |
Diarrhée sanglante | 0,49 | 0,01918 (7 jours) |
0,39 | 3,67 × 10−3 | |
Mortalité (AVP) |
Mort | 0,001 | Espérance de vieTableau 6 - Note de bas d; âge au moment du décèsTableau 6 - Note de bas e | 1 | 4,15 × 10−3 |
Charge de morbidité | 8,46 × 10−3 |
Au moyen de la charge de morbidité (AVCI/cas) et du risque annuel de maladie pour une personne, la charge de morbidité (AVCI/personne par année) peut être estimée comme suit :
Équation 5
Charge de morbidité = risque de maladie × poids de la gravité
où :
- Risque de maladie
- = valeur calculée au moyen de l'équation 3
- Charge de morbidité (AVCI/cas)
- = 8,46 × 10−3
8.3.4 Caractérisation des risques
Dans la caractérisation des risques, on combine les données recueillies ou estimées sur la présence de pathogènes dans les sources d'eau, l'élimination ou l'inactivation de ces pathogènes grâce aux procédés de traitement et les tendances de consommation pour estimer l'exposition, de même que sur les relations dose-réponse associées aux pathogènes pour estimer la charge de morbidité. Avec ces renseignements, on peut calculer la charge de morbidité potentielle associée au réseau de distribution d'eau potable en question. Un exemple du calcul de la charge de morbidité est présenté à la figure 1. Ce calcul est présenté sous forme d'estimation ponctuelle; cependant, le calcul a été effectué au moyen d'un modèle mathématique comprenant des fonctions de probabilité avec les incertitudes associées (annexe C). La charge de morbidité calculée peut ensuite être comparée au niveau de risque acceptable afin de déterminer si la qualité de l'eau potable produite est acceptable. Si l'on dépasse le niveau de risque acceptable, on peut avoir recours aux EQRM pour déterminer le traitement requis afin de répondre à l'objectif sanitaire (10−6 AVCI/personne par année).
Comme il est illustré à la figure 1, lorsqu'une source d'eau affiche une concentration moyenne d'environ 1 rotavirus/100 L et que l'usine de traitement produit constamment une réduction d'au moins 4 log de la concentration des virus, la charge de morbidité au sein de la population répond au niveau de référence de 10−6 AVCI/personne par année (1 cas/1 000 personnes par année). Une concentration de 1 rotavirus/100 L d'eau dans une source d'approvisionnement représente une valeur relativement faible correspondant généralement à des sources d'eaux souterraines ou à des sources d'eau de surface très peu contaminées. Bon nombre de sources d'eau de surface présentent des concentrations de 1 à 100 virus/L (de 100 à 10 000 virus/100 L). À ces concentrations, il faut une réduction beaucoup plus importante pour que la charge de morbidité soit jugée acceptable.
Comme il est indiqué à la figure 2, pour une source d'eau présentant une concentration moyenne de 10 rotavirus/L (1 000 rotavirus/100 L), l'usine de traitement doit constamment assurer une réduction de 7 log de la concentration des virus afin de satisfaire au niveau de risque de référence acceptable. Par conséquent, l'objectif de traitement basé sur la santé correspondant à une réduction de 4 log des virus entériques représente une exigence minimale. Il faut effectuer une évaluation propre au site afin de déterminer le taux de réduction des virus entériques qui doit être obtenu pour n'importe quelle source d'eau. La surveillance des concentrations de virus entériques permet une meilleure évaluation que les estimations. Toutefois, si on ne peut effectuer de mesure, on peut estimer les concentrations en fonction de la qualité perçue de la source d'eau. On peut utiliser de l'information tirée d'enquêtes sanitaires et d'évaluations de la vulnérabilité, de même que des renseignements sur d'autres paramètres de la qualité de l'eau, comme les microorganismes indicateurs, pour estimer les risques ou le niveau de contamination fécale des sources d'eau. Il est important de tenir compte, dans le cadre de l'évaluation propre au site, des événements qui influent considérablement sur la qualité des sources d'eau (p. ex. déversements, tempêtes). Ces événements ont des effets majeurs sur le traitement requis; en tenant compte des variations de la qualité des sources d'eau, on obtient la meilleure estimation des risques dans un réseau. Une bonne compréhension des variations de la qualité des sources d'eau et une planification en conséquence aident à créer un système plus robuste pouvant comprendre des marges de sécurité. Il est également important de tenir compte de l'incertitude associée aux EQRM afin de garantir que le traitement en place permet de produire une eau de qualité acceptable. Une analyse de la sensibilité effectuée au moyen d'un modèle d'EQRM comme celui décrit à l'annexe C peut aussi aider à déterminer les points de contrôle critiques et leurs limites.
Figure 1 : Exemple d'évaluation des risques pour les conditions précisées
Ce calcul est présenté sous forme d'estimation ponctuelle; cependant, le calcul a été effectué au moyen d'un modèle mathématique comprenant des fonctions de probabilité avec les incertitudes associées.
Exemple d'évaluation des risques pour les conditions précisées - Équivalent textuel
Les étapes de l'évaluation quantitative des risques microbiens pour les entérovirus sont présentées sous forme de schéma et accompagnées d'un exemple de calcul d'évaluation des risques. Les cinq étapes sont présentées dans des cases situées dans la partie gauche du schéma. En parallèle, du côté droit, se trouvent les données correspondantes issues de l'exemple de calcul. À l'étape 1 (eau de source), on trouve dans l'exemple une concentration moyenne de 1,4 virus pour 100 litres d'eau. À l'étape 2 (effet du traitement), l'estimation de l'élimination ou de l'inactivation est de 4 log et, par conséquent, la concentration résultante de virus dans l'eau potable serait de 1,4 x 10-4 pour 100 litres ou de 1,4 x 10-6 pour 1 litre. À l'étape 3 (consommation d'eau et pathogènes ingérés), l'exemple de calcul repose sur l'hypothèse qu'un litre d'eau est consommé chaque jour. Ainsi, le nombre de virus ingérés quotidiennement serait de 1,4 x 10-6. À l'étape 4 (relation dose-effet), les données de l'étape 3 et les équations 1, 2 et 3 du texte servent à calculer la probabilité d'infection par personne par jour, la probabilité d'infection par personne par année et le risque de maladie par personne par année, qui sont respectivement de 3,8 x 10-7, 1,4 x 10-4 et 1,2 x 10-4. À l'étape 5 (fardeau de la maladie), l'équation 5 du texte sert à calculer le fardeau de la maladie, qui s'élève, dans cet exemple, à 1,0 x 10-6 année de vie corrigée de l'incapacité par personne par année.
Figure 2 : Exigences de traitement pour atteindre un niveau de risque acceptable de 10−6 AVCI/personne par année (consommation de 1 L)
Exigences de traitement pour atteindre un niveau de risque acceptable de 10−6 AVCI/personne par année (consommation de 1 L) - Équivalent textuel
Le degré de traitement requis pour atteindre un niveau de risque acceptable selon une consommation de 1 litre, pour des concentrations d'entérovirus dans de l'eau brute allant de 0,0001 virus pour 100 litres à 10 000 virus pour 100 litres, est présenté sous forme de graphique. L'axe des x correspond aux concentrations d'entérovirus pour 100 litres d'eau brute, selon une échelle logarithmique. L'axe des y correspond à l'élimination logarithmique, selon une échelle linéaire. La relation entre les valeurs de l'axe des x et celles de l'axe des y, pour un niveau de risque de 10-6 AVCI par personne par année, forme une diagonale. Sur le graphique, deux exemples de degrés de traitement sont illustrés en ligne pointillée. Dans le premier, la ligne pointillée horizontale part de l'axe des y à une valeur d'élimination d'environ 4 log, puis croise la diagonale à une valeur d'environ 1 entérovirus pour 100 litres d'eau brute. Dans le deuxième, la ligne pointillée horizontale part de l'axe des y à une valeur d'élimination d'environ 7 log, puis croise la diagonale à une valeur d'environ 1 000 entérovirus pour 100 litres d'eau brute.
8.4 Considérations internationales
Les EQRM sont de plus en plus employées par les organismes internationaux et les gouvernements d'autres pays à tous les échelons pour prendre des décisions éclairées sur les risques sanitaires posés par les pathogènes présents dans l'eau potable. L'OMS, la Commission européenne, les Pays-Bas, l'Australie et les États-Unis ont tous réalisé des progrès importants en ce qui concerne la validation et les méthodes d'EQRM (Staatscourant, 2001; OMS, 2004; NRMMC-EPHC, 2006; Medema et coll., 2006; U.S. EPA, 2006a,b). À l'exception de l'EPA des États-Unis, ces organismes et gouvernements ont adopté une approche qui tire pleinement profit du potentiel des EQRM pour établir les objectifs sanitaires (c.-à-d., niveaux de risque ou de maladie acceptables) et la politique de gestion des risques propre au site (p. ex. plans de salubrité de l'eau, tels que décrits dans le document de l'OMS de 2004). En misant sur le travail accompli par l'OMS, les responsables du projet Microrisk de la Commission européenne ont publié un document d'orientation exhaustif établissant des méthodes et un fondement scientifique solide pour les EQRM en matière d'eau potable (Medema et coll., 2006).
Les Pays-Bas et l'EPA des États-Unis ont adopté des approches réglementaires fondées sur les EQRM. Aux Pays-Bas, les fournisseurs d'eau doivent, conformément à l'approche employée par l'OMS, réaliser une EQRM propre au site pour tous les systèmes d'approvisionnement en eau de surface afin de déterminer si ceux-ci satisfont à un niveau de risque précisé. Les autorités hollandaises peuvent aussi exiger une EQRM dans le cas des approvisionnements en eau souterraine vulnérables. L'EPA des États-Unis, quant à elle, a récemment effectué une évaluation des risques pour la santé associés aux pathogènes d'origine hydrique au moyen d'EQRM et s'est servie des renseignements obtenus pour établir des exigences nationales en matière d'efficacité du traitement (U.S. EPA, 2006a,b). En général, pour les systèmes de distribution d'eau potable, on doit obtenir une réduction ou une inactivation des virus entériques de l'ordre de 4 log pour réduire les risques associés à ces virus (U.S. EPA, 2006a). Pour réduire les risques liés à Cryptosporidium, on doit surveiller les sources d'approvisionnement des réseaux de distribution d'eau potable, calculer la concentration moyenne de Cryptosporidium et utiliser les résultats pour déterminer si la source est vulnérable à la contamination et si elle requiert un traitement supplémentaire. Les réseaux de distribution d'eau sont classés dans des catégories de risque établies en fonction de la présence ou de l'absence d'un système de filtration; ces catégories donnent également de l'information sur les exigences additionnelles en matière d'élimination ou d'inactivation de Cryptosporidium spp. (U.S. EPA, 2006b).
Santé Canada et le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable ont adopté la même approche que l'OMS (2004), en fournissant des objectifs d'efficacité fondés sur les EQRM comme exigences minimales, mais recommandent d'utiliser une EQRM propre au site dans le cadre d'une approche à barrières multiples de la source au robinet. L'approche fondée sur les EQRM offre plusieurs avantages : 1) capacité de comparer les risques associés à des groupes de pathogènes représentatifs (p. ex. virus, protozoaires, bactéries) dans une évaluation globale; 2) transparence des hypothèses; 3) prise en considération de la variabilité et de l'incertitude liées aux estimations; 4) élimination des facteurs de sécurité masqués (ceux-ci peuvent être appliqués consciemment par des organismes de réglementation à la fin du processus, si on le désire); 5) établissement spécifique des points de contrôle critiques et des limites au moyen d'analyses de la sensibilité; 6) bonne connaissance des effets de la gestion des réseaux sur un paramètre de santé publique.
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