Page 5 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – la turbidité
Partie II. Science et considérations techniques
4.0 Identité et sources dans l'environnement
4.1 Description de la turbidité
La turbidité est une mesure de la limpidité ou de l'opacité relative de l'eau. La turbidité de l'eau filtrée est habituellement mesurée en unités de turbidité néphélométriques (UTN), au moyen d'un appareil appelé turbidimètre. Elle n'est pas une mesure directe des matières en suspension dans l'eau, mais plutôt une mesure générale de leur effet de diffusion et d'absorption de la lumière. Le principe de la technique de mesure est qu'un rayon de lumière demeure relativement non perturbé quand il traverse de l'eau absolument pure, alors que quand des particules sont présentes, elles diffusent et absorbent la lumière, qui n'est plus aussi bien transmise.
La manière dont les particules interfèrent avec la transmittance de la lumière est fonction de divers facteurs dont la taille, la forme, le nombre, la composition, la couleur et l'indice de réfraction des particules, la longueur d'onde (couleur) de la lumière qui les frappe et l'indice de réfraction de l'eau. L'interaction paraît complexe, mais on peut formuler l'importante généralisation suivante : l'intensité de la diffusion de la lumière augmente quand la turbidité augmente (APHA et coll., 2012). Les facteurs déterminant l'intensité de la diffusion de la lumière sont si nombreux qu'on ne peut établir de relation directe entre les mesures de turbidité et le nombre, la taille et le type des particules présentes dans l'eau.
Les mesures de turbidité sont de précieux indicateurs de la qualité de l'eau, tout comme les mesures bactériologiques. Des mesures de turbidité élevées ou une fluctuation des mesures peuvent indiquer un traitement inadéquat de l'eau ou un problème de qualité de l'eau (LeChevallier et coll., 1981). L'utilisation des mesures de turbidité comme indicateur de la qualité de l'eau présente principalement les avantages suivants : les analyses sont rapides et relativement peu coûteuses, et elles peuvent être effectuées en continu.
4.2 Sources
Les sources et la nature de la turbidité sont variées et complexes et sont influencées par les caractéristiques physiques, chimiques et microbiologiques de l'eau. La taille des particules responsables de la turbidité des eaux peut varier de dimensions colloïdales (0,001-1,0 µm) à des diamètres de l'ordre de 100 µm. Dans les eaux naturelles, les matières particulaires sont principalement issues de la météorisation des roches et des sols (Gregory, 2006). Des apports importants proviennent aussi des activités humaines (p. ex. des rejets d'eaux usées). Les argiles et les limons inorganiques et les matières organiques naturelles (substances végétales et animales décomposées) constituent les matières particulaires les plus communes dans les eaux. Au nombre des autres particules, on compte les suivantes : précipités inorganiques, comme les oxydes et hydroxydes métalliques (fer ou manganèse); des organismes vivants, comme des algues, des cyanobactéries, du zooplancton et des amas macroscopiques filamenteux ou autres de bactéries (films biologiques); minéraux de la famille de l'amiante d'origine naturelle (Mackenthun et Keup, 1970; Kay et coll., 1980). Les produits et matières qui entrent en contact avec l'eau potable durant le traitement (additifs de traitement et composantes du système, comme les filtres, les canalisations et les raccords et connexions) peuvent aussi influer sur la turbidité.
La turbidité a diverses implications en ce qui concerne la qualité et le traitement de l'eau, selon la nature des particules en cause et les endroits qui présentent de la turbidité au sein du système d'approvisionnement en eau potable. La connaissance du type et de la source de la turbidité peut être précieuse pour interpréter les répercussions de certains problèmes liés à la turbidité. Le tableau 1 présente certaines des implications de différents types de turbidité en ce qui concerne la qualité de l'eau et son traitement, et le tableau 2 dresse la liste de certaines des sources de turbidité les plus communes.
Types de turbidité | Implications possibles pour la qualité ou les caractéristiques chimiques de l'eau | Implications possibles pour le traitement |
---|---|---|
Particules inorganiques | ||
Fragments minéraux d'argile et de limon, précipités naturels (p. ex. carbonate de calcium, dioxyde de manganèse, oxyde de fer) |
Augmentation/diminution du pH et de l'alcalinité Source de micronutriments Influence sur le potentiel zêta Source de métaux et d'oxydes métalliques Apparence trouble/turbide Effet sur le goût |
Influence importante sur la conception des procédés de coagulation, de floculation et de sédimentation Abri/protection pour les microorganismes Ajustements chimiques possiblement nécessaires Précipitation possible dans le réseau de distribution |
Particules organiques | ||
Matière organique naturelle (débris végétaux et animaux décomposés) | Source d'énergie et de nutriments pour les microorganismes Apparition de couleur |
Demande de désinfectant accrue Abri/protection pour les microorganismes Possibilité de formation de sous-produits de désinfection |
Macromolécules organiques | Effet sur le goût et l'odeur Propriétés d'échange d'ions et pouvoirs complexants, dont l'association avec des éléments toxiques et des micropolluants Effet sur le pH et le potentiel zêta |
Possibilité de formation de sous-produits de désinfection Influence importante sur la conception des procédés de coagulation, de floculation et de sédimentation Raccourcissement de la phase de filtration Précipitation possible dans le réseau de distribution |
Microorganismes (algues, cyanobactéries, zooplancton, bactéries, protozoaires) | Effet sur le goût et l'odeur Source possible de toxines (p. ex. microcystine-LR) Possibilité d'une corrosion microbiologique dans le réseau Taches sur les équipements Problèmes esthétiques dus au détachement d'amas de microorganismes (citernes, filtres, réservoirs et réseaux de distribution) |
Obturation des filtres Demande de désinfectant accrue Nécessité de barrières multiples pour assurer une inactivation microbienne efficace Amas de microorganismes (films biologiques) Protection des microorganismes contre la désinfection |
Composante | Sources possibles |
---|---|
EDS : eau de surface; ES : eau souterraine | |
Source d'eau | Ruissellement de surface (EDS/ESAIDES) Météorisation des formations rocheuses (ES) Remise en suspension des sédiments déposés ou des décantats (EDS/ESAIDES, ES) Rejets de déchets (eaux usées) (EDS/ESAIDES) Proliférations de cyanobactéries et d'algues (EDS/ESAIDES) Apport d'eau de surface (ESAIDES) Percolation de l'eau souterraine (ES) |
Traitement | Additifs de traitement (p. ex. coagulants, agents de sédimentation) (EDS/ESAIDES) Réactions de précipitation (p. ex. enlèvement du fer et du manganèse) (EDS/ESAIDES, ES) Particules fines issues des filtres granulaires (EDS/ESAIDES) Enlèvement incomplet des particules durant la filtration (EDS/ESAIDES, ES) |
Réseau de distribution | Détachement de produits de la corrosion (EDS/ESAIDES, ES) Détachement du tartre (EDS/ESAIDES, ES) Détachement d'amas de microorganismes (p. ex. films biologiques) (EDS/ESAIDES, ES) Réactions chimiques (p. ex. réactions de précipitation) (EDS/ESAIDES, ES) Matières biologiques se détachant des filtres biologiques (EDS/ESAIDES) Remise en suspension des sédiments (EDS/ESAIDES, ES) Intrusion/ruptures de canalisations (EDS/ESAIDES, ES) |
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