Document de principes : Guide pour identifier les pesticides qui ont un mécanisme de toxicité commun afin d'évaluer les risques pour la santé humaine

25 janvier 2001
(SPN2001-01)

Le présent document décrit l'approche que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) du Canada adoptera pour identifier les pesticides qui, par des mécanismes de toxicité communs, exercent des effets toxiques communs. Le présent document décrit en particulier : les étapes qui seront prises pour identifier les mécanismes de toxicité des pesticides qui causent un effet toxique commun; les types de données requises et leurs sources; comment ces données doivent être utilisées pour en arriver à des conclusions concernant le caractère commun des mécanismes de toxicité; les critères que l'ARLA emploiera pour classer les pesticides aux fins des évaluations des risques cumulés. Les détails sur les autres aspects du processus d'évaluation des risques cumulés seront examinés dans un document séparé.

La Food Quality Protection Act (FQPA) de 1996 exige que l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis évalue les risques cumulés pour la santé humaine, qui peuvent résulter de l'exposition à des pesticides et à d'autres substances possédant un mécanisme de toxicité commun. En consultant aussi bien le public qu'un comité consultatif scientifique, l'EPA élabore actuellement un processus pour effectuer ces évaluations de risques cumulés. Ce type d'évaluation va jouer un rôle de plus en plus important dans l'évaluation des risques associés aux pesticides, et permettra d'améliorer la capacité de l'autorité de réglementation de prendre des décisions qui protègent pleinement la santé humaine et les segments sensibles de la population. L'identification des pesticides et d'autres substances qui exercent un effet toxique commun par un mécanisme commun est la première étape du processus d'évaluation des risques cumulés, et l'EPA a récemment publié le Guidance for Identifying Pesticide Chemicals et Other Substances that have a Common Mechanism of Toxicity, publié le 29 janvier 1999. L'ARLA propose d'harmoniser sa politique avec celle de l'EPA, le document qui suit étant une adaptation du document d'orientation de l'EPA.

1.0 Introduction

La Food Quality Protection Act (FQPA) de 1996 des États-Unis exige notamment que, lorsqu'elle évalue l'innocuité d'un pesticide, l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis inclut, pour l'évaluation des risques associés à un pesticide, les renseignements disponibles concernant les effets cumulés sur la santé humaine pouvant résulter d'une exposition par voie alimentaire, d'une exposition résidentielle ou d'une autre exposition non professionnelle à d'autres substances qui possèdent un mécanisme de toxicité commun. En effet, il est possible que des expositions de faible niveau à plusieurs substances qui exercent un effet toxique commun par un mécanisme commun entraînent le même effet nocif sur la santé que le ferait une exposition de niveau élevé à n'importe laquelle des substances chimiques prises individuellement.

Suite aux nouveaux développements scientifiques en matière de réglementation, l'ARLA doit apporter des changements aux politiques canadiennes qui sont touchées par la mise en oeuvre de la FQPA aux États-Unis. De plus, l'expression de la politique canadienne dans ce secteur facilitera le processus d'harmonisation dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain. Par conséquent, pour déterminer les risques associés à un pesticide chimique donné, l'ARLA devra évaluer les risques cumulés pour la santé humaine, pouvant résulter de l'exposition combinée à plusieurs pesticides qui sont toxiques par l'intermédiaire d'un mécanisme commun. Pour évaluer ces effets toxiques cumulés, l'ARLA doit d'abord identifier et catégoriser les pesticides qui exercent des effets toxiques similaires par l'intermédiaire d'un mécanisme commun. Le présent document a pour but de décrire l'approche que l'ARLA adoptera pour accomplir le premier pas. On n'examinera pas ici comment l'ARLA évaluera la toxicité cumulée lorsqu'elle évaluera le niveau de sécurité. Cette question sera examinée dans un futur document sur les politiques scientifiques.

2.0 Contexte

La notion de mécanisme de toxicité commun s'applique à deux ou plusieurs substances qui exercent un effet toxique commun sur la santé humaine par l'intermédiaire de la même (ou pratiquement de la même) séquence de processus biochimiques déterminants. Il faut se garder de ne pas confondre « mécanisme de toxicité » avec « site d'action toxique », ou « site d'action toxique » avec « effet toxique » ou « site d'effet toxique » (voir le glossaire à la fin du présent document). Pour beaucoup de substances, le site d'un effet toxique a la même signification que site d'action toxique. Cependant, il est vrai aussi que, pour beaucoup d'autres substances, le site de l'effet toxique peut être différent du site d'action toxique. Par exemple, une substance est inhibitrice de l'activité catalytique de l'enzyme peroxydase dans la glande thyroïde. L'inhibition de cette enzyme empêche la synthèse de la thyroxine et de la triiodothyronine, et aboutit finalement à l'hypothyroïdie, l'effet toxique. Dans ce cas, le site de l'effet toxique est identique au site d'action toxique : la glande thyroïde. Une autre substance, également à l'origine de l'hypothyroïdie, provoque cette maladie en empêchant la synthèse de la tyrotrophine dans l'antéhypophyse. Ici, le site de l'effet toxique est la thyroïde, mais le site d'action toxique est l'antéhypophyse. Bien que ces deux substances exercent un effet toxique commun, elles n'interviendraient pas dans l'évaluation du risque cumulé parce que leur mécanisme de toxicité n'est pas le même.

De nombreuses substances peuvent produire plus d'un effet toxique, selon le niveau d'exposition, et elles le font par différents mécanismes de toxicité qui s'exercent à différents sites d'action toxique. Cependant, un produit chimique peut également être à l'origine d'effets toxiques multiples à des sites multiples par suite d'un seul mécanisme de toxicité s'exerçant à un seul site d'action toxique, à la condition que la fonction initialement modifiée au site d'action toxique commande normalement d'autres fonctions à des sites se trouvant plus loin. Par exemple, une substance qui empêche la conversion du cholestérol en corticostéroïde dans la corticosurrénale produirait ultimement de nombreux effets dans tout l'organisme, différents de par leur site et leur nature.

3.0 Méthode pour identifier des pesticides qui possèdent un mécanisme de toxicité commun

Le cadre conceptuel du processus que l'ARLA prévoit utiliser pour caractériser les pesticides qui exercent un effet toxique commun par un mécanisme commun est illustré à l'annexe I. Ce cadre sera progressivement élargi pour englober les produits de formulation, les produits de dégradation de l'environnement et les métabolites végétaux, qui ont eux aussi des mécanismes d'action communs. Ce processus doit permettre à l'ARLA de caractériser et de catégoriser avec précision les substances qui sont toxiques du fait d'un mécanisme commun, et ce de façon opportune et rentable, en procédant comme suit :

  • Caractérisation et analyse en profondeur de toute l'information disponible pour chaque pesticide examiné. Cela constituera la base permettant de déterminer les mécanismes de toxicité sous-jacents.
  • Approche de type « poids de la preuve » pour soutenir l'élaboration d'hypothèses concernant les mécanismes de toxicité. De façon générale, il faudra plus d'un élément d'information pour étayer la caractérisation d'un mécanisme de toxicité spécifique ou commun; le résultat obtenu sera fondé sur l'analyse et la corrélation existant entre les divers éléments d'information disponibles.

Étape 1. Identification d'un ensemble possible de substances pouvant exercer un effet toxique commun par un mécanisme de toxicité commun. Le processus d'identification de pesticides possédant un mécanisme de toxicité commun commence par un regroupement préalable des substances chimiques qui peuvent exercer un effet toxique commun par un mécanisme de toxicité commun (étape 1, annexe I). Ce regroupement préalable des substances sera fondé au moins sur l'un des critères suivants :

  • Similarité structurelle
    On suppose que des substances qui ont des structures analogues pourraient contenir un toxophore commun (ou pourraient produire un toxophore commun par métabolisme), et pourraient réagir de façon analogue avec les sites biomoléculaires des cellules en exerçant un effet toxique commun. Cela engloberait également toutes les substances qui par biotransformation chez les mammifères forment les mêmes métabolites ou des métabolites toxiques analogues.
  • Similarité du mécanisme d'action
    1. Mécanisme général de toxicité chez les organismes nuisibles; les mécanismes, par lesquels certains pesticides sont toxiques pour les humains, peuvent être fondamentalement similaires ou, dans certains cas, identiques aux mécanismes de toxicité voulue pour des organismes nuisibles.
    2. Mécanisme général de toxicité chez les mammifères; cela est fondé sur la possibilité que des substances qui possèdent le même mécanisme général de toxicité peuvent exercer un effet toxique commun. Par exemple, un mécanisme général de toxicité peut englober les substances qui produisent le découplement de la phosphorylation oxydative.
  • Similarité de l'effet toxique
    Il est possible qu'un effet toxique particulier, observé chez les humains ou des animaux de laboratoire, puisse être commun (c'est-à-dire qu'il y aurait concordance et pour le site et pour la nature de l'effet) à de nombreuses substances, et que ce caractère commun soit dû à un mécanisme commun. Étant donné que ce type de regroupement est basé sur la fonction, et non sur la structure, il permet la caractérisation de substances, non apparentées de par leur structure, produisant un effet toxique commun par un mécanisme commun, qui autrement ne pourraient peut-être pas être caractérisées de par leur seule similarité structurelle ou leur seul mode d'action pesticide.

Il n'est pas possible d'utiliser tous les effets toxiques comme base préalable pour le regroupement de substances. Les effets toxiques qui ont de nombreuses causes possibles non apparentées, ou qui peuvent être définies comme étant d'origine non spécifique, ne conviennent pas comme base première pour le regroupement initial de substances chimiques. Ces effets, comme le changement de masse corporelle ou la mort, peuvent résulter de nombreux facteurs non apparentés, et leur utilité pour expliquer le mécanisme de toxicité est généralement très limitée. Ce type d'effet très général, qui pourrait avoir de nombreuses causes différentes, ne sera donc pas utilisé comme base pour un regroupement initial de l'effet pesticide. L'ARLA rassemblera, à des fins de regroupement préalable, les substances qui exercent des effets toxiques multiples par un mécanisme commun à partir d'un site commun d'action toxique, à la condition qu'au moins l'un des effets toxiques soit commun à toutes les substances.

Il est important de souligner et d'établir bien clairement que l'objet de l'étape 1 ne concerne que le regroupement préalable et que les substances (y compris tous les précurseurs métaboliques) identifiées à cette étape ne seront pas incluses dans une évaluation des risques cumulés si une analyse ultérieure révèle qu'elles n'exercent pas un effet toxique commun résultant d'un mécanisme d'action commun. Dans ces cas, l'ARLA ne regroupera pas ces substances à des fins d'évaluation des risques cumulés.

Étape 2. Identification définitive des substances de l'étape 1 qui exercent un effet commun. Le but premier de l'étape 2 est d'épurer le regroupement préalable établi à l'étape 1 en éliminant les substances qui, selon un examen plus poussé, ne produisent pas d'effet toxique commun. Après le regroupement préalable des substances (étape 1, annexe I), on procède à une évaluation détaillée des données toxicologiques disponibles pour chaque substance, de façon à identifier et à caractériser les effets toxiques causés par chaque substance, et à déterminer lesquelles de ces substances exercent des effets toxiques qui sont communs à d'autres substances (c.-à-d. des effets toxiques avec concordance à la fois pour le site et la nature). Le premier ensemble de données qu'utilisera l'ARLA est celui des données de toxicité obtenues dans le cadre de la réglementation. L'ARLA pourra également faire appel aux données de toxicité provenant d'autres études, comme celles décrites dans les rapports réglementaires ou dans des documents publiés. L'évaluation des données toxicologiques aux fins de l'identification et de la caractérisation des effets toxiques sera faite de la même façon que celle employée par l'ARLA dans le cadre de ses programmes d'homologation et de réhomologation de pesticides.

La plupart des substances, selon le niveau d'exposition, peuvent exercer plus d'un effet toxique (bien que l'un des effets soit généralement plus net que les autres). Tous les effets toxiques systémiques, produits par chaque substance, quel que soit le niveau d'exposition requis pour provoquer les effets, seront évalués et comparés aux effets toxiques causés par les autres substances. Seules seront regroupées les substances qui produisent un effet toxique commun. Ainsi, dans le cas des substances regroupées initialement selon le critère (étape 1) de la « similarité de l'effet toxique », il restera encore à déterminer quelles sont les substances qui en fait produisent un effet commun. Les données de toxicité pour les substances regroupées initialement selon n'importe lequel des autres critères de l'étape 1 seront elles aussi évaluées afin de déterminer lesquelles de ces substances exercent un effet toxique commun. Dans certains cas, il se pourrait que des substances soient rangées dans plus d'un groupe, lorsque ces substances sont à l'origine de plus d'un effet toxique commun.

L'ARLA ne considère pas que l'information, qui montre que les substances répondent aux critères des étapes 1 et 2 pour les regroupements, est suffisante pour conclure que ces substances possèdent un mécanisme de toxicité commun. Par conséquent, seules les substances qui exercent un effet toxique commun par un mécanisme commun (selon l'étude en profondeur décrite ci-dessous) seront retenues par l'ARLA aux fins de l'évaluation des risques cumulés.

Étape 3. Caractérisation du ou des mécanisme(s) toxique(s) par le(s)quel(s) chaque substance produit un effet toxique commun. La prochaine étape du processus d'évaluation (étape 3, annexe I), consiste à déterminer les mécanismes par lesquels les substances produisent le ou les effet(s) toxique(s) commun(s), identifié(s) à l'étape 2 (annexe I). De façon générale, mieux on comprend les divers processus biochimiques qui conduisent à un effet toxique, plus le mécanisme de toxicité devient clair et scientifiquement plausible. Bien que ce soit souhaitable, il n'est pas nécessaire de connaître ou de caractériser pleinement tous les processus biochimiques spécifiques qui sont à l'origine de la toxicité d'une substance, pour en décrire le mécanisme de toxicité. Ce dont on a besoin à tout le moins c'est de comprendre les principaux processus biochimiques qui sont responsables de cette toxicité. Une fois que les processus biochimiques critiques à l'origine de la toxicité sont connus pour chaque substance, ils peuvent être comparés et on peut alors identifier les substances qui sont toxiques par un mécanisme commun. Le but de l'étape 3 est donc de déterminer, dans la mesure du possible pour chaque substance identifiée à l'étape 2 comme exerçant un effet toxique commun, les principaux processus biochimiques qui sont à l'origine de l'effet.

Plutôt que de réexaminer à nouveau toutes les données pertinentes, l'ARLA prendra pour acquis qu'une substance est toxique par le mécanisme caractérisé précédemment (d'après les documents scientifiques, les bases de données, les titulaires d'homologation, l'EPA ou une autre instance de réglementation), à la condition que le mécanisme soit conforme aux théories et aux connaissances toxicologiques actuelles et qu'il soit jugé par l'ARLA scientifiquement plausible dans ce contexte.

Dans le cas des substances dont les mécanismes toxiques ne sont pas connus ou mal compris, ou pour lesquels il n'existe pas de données mécanistes directes, l'ARLA analysera les données structurelles, pharmacocinétiques et toxicologiques disponibles pour le pesticide, son toxophore et ses analogues. Elle utilisera ensuite la méthode du poids de la preuve pour essayer de déterminer les principaux processus biochimiques à l'origine de la toxicité d'un pesticide (étape 3b). La première source de ces données et de cette information sera constituée des études présentées à l'ARLA et justifiant les décisions d'homologation ou de réhomologation par l'Agence. On peut ajouter d'autres sources de données, comme les publications approuvées par des collègues, les livres de cours et divers rapports réglementaires.

Étapes 4 et 5. Comparaison des mécanismes de toxicité (étape 4) et épuration du regroupement des substances (étape 5). Une fois que le mécanisme de la toxicité de chaque substance a été identifié, on compare les mécanismes pour déterminer quelles substances caractérisées à l'étape 2 comme produisant un effet toxique commun donné le font par un mécanisme commun. Deux ou plusieurs substances sont considérées comme étant toxiques par un mécanisme commun s'il y a similarité à la fois de la nature et de la séquence des principaux processus biochimiques à l'origine de la toxicité. Parmi les similarités mécanistes qui pourraient justifier l'existence d'un mécanisme toxique commun, il y aurait, par exemple, les interactions analogues des pesticides ou d'autres substances avec des cibles biologiques similaires ou identiques, et l'existence de transformations métaboliques similaires formant des métabolites communs ou structurellement analogues, qui interagissent avec des cibles biologiques similaires ou qui interviennent d'une autre façon pour produire la toxicité. Les substances qui exercent un effet toxique commun par des mécanismes différents seront exclues du regroupement épuré (étape 5).

4.0 Évaluation de la toxicité cumulée de deux ou plusieurs substances qui sont toxiques par un mécanisme commun

L'objectif du processus d'évaluation des risques cumulés est de caractériser le potentiel d'un effet toxique cumulé et la portée de l'effet chez des individus après une exposition connue ou prévisible à plusieurs substances qui exercent un effet par un mécanisme commun. Les pesticides faisant partie d'un regroupement épuré correspondant à un mécanisme commun (étape 5, annexe I), feront éventuellement l'objet d'une évaluation des risques cumulés, de façon à déterminer la toxicité cumulée potentielle résultant des expositions à ces substances. Le processus d'évaluation des risques cumulés que l'ARLA emploiera sera décrit dans un futur document traitant de l'orientation en matière de politique scientifique, dès que les méthodes appropriées seront au point.

Glossaire

Analogue(s). Analogue est un terme générique pour décrire des substances qui sont chimiquement étroitement apparentées. Des analogues structurels sont des substances qui ont des structures moléculaires similaires ou voisines. Les analogues structurels n'ont pas nécessairement des propriétés biologiques semblables ou identiques.

Mécanisme de toxicité commun. Deux ou plusieurs substances possèdent un mécanisme de toxicité commun lorsqu'elles exercent un effet toxique commun sur la santé humaine par la même ou pratiquement la même série de processus biochimiques d'importance majeure. Par conséquent, le fondement sous-jacent à la toxicité est le même, ou pratiquement le même, pour chaque substance chimique.

Effet toxique commun. Deux ou plusieurs substances, qui exercent le même effet toxique au même site anatomique ou physiologique (p. ex., sur le même organe ou le même tissu), exercent un effet toxique commun. Ainsi, un effet toxique observé lors d'études avec des animaux ou des humains, exposés à un pesticide, est considéré comme étant commun à un effet toxique causé par une autre substance chimique s'il y a concordance entre les deux sites et les deux types d'effet.

Effet toxique cumulé. Un effet toxique cumulé est la variation nette d'intensité d'un effet toxique commun, résultant de l'exposition à deux ou plusieurs substances qui peuvent causer cet effet toxique commun par un mécanisme commun, comparativement à l'intensité de l'effet toxique commun causé par l'exposition à l'une quelconque des substances prises individuellement.

Mécanisme de toxicité. Le mécanisme de toxicité est défini comme représentant les principales étapes qui conduisent à un effet toxique après interaction d'un pesticide avec des cibles biologiques. Il n'est pas nécessaire de connaître spécifiquement toutes les étapes débouchant sur un effet. Ce qui est très important c'est d'identifier les processus décisifs résultant d'une interaction chimique, qui sont nécessaires pour décrire un mécanisme de toxicité. Dans le cadre du présent document, le mécanisme de toxicité représente le mécanisme par lequel un pesticide est toxique pour les humains ou les animaux de laboratoire, et non le mécanisme par lequel il est toxique pour la cible ou l'espèce visée (c'est-à-dire son mécanisme d'action pesticide). Cependant, dans le cas de certains pesticides, le mécanisme responsable de la toxicité chez les humains ou les animaux de laboratoire est semblable au mécanisme de l'action pesticide.

Site d'action toxique. Le site de l'action toxique d'une substance donnée est le site (il peut y en avoir plusieurs) anatomique ou physiologique, au niveau duquel se produit l'interaction de la substance avec ses cibles biologiques, laquelle produit un effet toxique. Site d'effet toxique. Le site d'un effet toxique est le site anatomique ou physiologique spécifique (p. ex. un organe ou un tissu), où s'exerce l'effet.

Action toxique. L'action toxique d'une substance donnée est son interaction avec les cibles biologiques, laquelle produit l'effet toxique.

Effet toxique. Un effet toxique est un effet connu (ou raisonnablement prévisible) s'exerçant chez les humains et résultant de l'exposition à une substance chimique, effet qui altérera la qualité de vie de façon certaine ou probable. Voici quelques exemples d'effets toxiques : létalité aiguë, perte auditive, nécrose des tubules rénaux, myocardiopathie.

Toxophore. Substance pouvant exercer un effet toxique, qui contient dans sa structure un groupe ou une fraction responsable de ce pouvoir toxique. Ce groupe ou fraction est généralement appelé toxophore ou fraction toxophore. Une substance toxique exerce sa toxicité via l'interaction de son toxophore avec un site biomoléculaire (p. ex. un récepteur) dans les cellules d'un tissu ou d'un organe, laquelle modifie ou altère la biochimie cellulaire normale. Ces modifications ou altérations biochimiques perturbent le ou les processus physiologique(s) accomplis par le tissu ou l'organe et, finalement, produisent l'effet toxique. Il peut y avoir interaction réversible ou irréversible entre la fraction toxophore d'un pesticide donné et son site biomoléculaire, selon la nature plus ou moins réactive du toxophore et du site biomoléculaire. Cependant, la toxicité de nombreuses substances n'est pas causée par une interaction directe avec un site biomoléculaire; elle résulte plutôt du métabolisme d'un substituant structurel d'un toxophore, qui produit ensuite la toxicité. Les voies métaboliques qui provoquent la toxicité sont souvent appelées voies de bioactivation.

Poids de la preuve. Le poids de la preuve représente l'évaluation scientifique qualitative d'une substance chimique à des fins spécifiques. Une évaluation pour déterminer le poids de la preuve fait appel à une analyse détaillée de plusieurs éléments d'information, comme les données provenant de différents essais de toxicité, les données pharmacocinétiques et les données chimiques, suivie d'une conclusion dans laquelle une hypothèse est élaborée ou choisie parmi plusieurs hypothèses antérieures.

Annexe I Méthode du poids de la preuve pour identifier les pesticides qui produisent un effet toxique commun par un mécanismes commun

Étape 1. Identifier un ensemble éventuel de pesticides qui peuvent exercer un effet toxique commun par un mécanisme commun.

a. Procéder à un regroupement préalable, basé sur l'un quelconque des éléments suivants ou sur tous :

  • Similarité structurelle ;
  • Similarité du mécanisme d'action - pesticides ;
  • Similarité du mécanisme d'action - mammifères ;
  • Similarité de l'effet toxique.

b. Ajouter les autres substances qui sont des précurseurs métaboliques (chez les mammifères) de n'importe laquelle des substances identifiées ci-dessus.

Étape 2. Identifier de façon définitive les substances de l'étape 1 qui exercent un (des effet(s) toxique(s) commun(s)

En utilisant les données d'essais ou les études fournies par l'ARLA, ou encore celles disponibles dans les documents de référence ou auprès d'autres organismes de réglementation :

  • Regrouper les substances par effet toxique commun ;
  • Écarter par la suite toute substance qui n'exerce pas un effet toxique commun à un autre pesticide.

Étape 3. Caractériser le mécanisme par lequel chaque substance produit l'effet toxique commun, déterminé à l'étape 2.

Caractériser, comme condition minimale, les principaux processus biochimiques associés à la substance, qui sont les premiers responsables de l'effet toxique commun.

Étape 3a. Établir si un mécanisme toxique a déjà été caractérisé antérieurement :

  • Utiliser les données d'essais ou les études fournies par l'ARLA, ou encore celles disponibles dans les documents de références ou auprès d'autres organismes de réglementation.

Si aucun mécanisme n'a encore été caractérisé, passer à l'étape 3b.

Si un mécanisme a déjà été caractérisé antérieurement, passer à l'étape 4.

Étape 3b. Déterminer les mécanismes toxiques des substances pour lesquels aucun mécanisme n'a été caractérisé antérieurement, grâce à une approche de type poids de la preuve et de l'un quelconque des éléments disponibles suivants :

  • Données structurelles
  • Données pharmacocinétiques
  • Données toxicologiques
  • Données d'analogie structurelle

Étape 4. Comparer les mécanismes de toxicité de chaque substance (à partir de l'étape 3) à l'intérieur d'un regroupement par effet toxique commun.

Étape 5. Procéder à un regroupement épuré des pesticides et des autres substances :

  • Identifier et retenir les pesticides et les autres substances regroupés en fonction d'un effet toxique commun et qui produisent cet effet par un mécanisme commun ;
  • Écarter les pesticides et les autres substances qui produisent l'effet toxique commun par un ou des mécanismes différents.

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