Document de principes : Estimation de la concentration de pesticides dans l'eau dans le cadre de l'évaluation de l'exposition par le régime alimentaire

30 avril 2004
ISBN : 0-662-76702-0 (0-662-76703-9)
de cat. : H113-13/2004-1F (H113-13/2004-1F-PDF)
(SPN2004-01)

Le présent document donne un aperçu de la politique de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada en ce qui touche l'estimation des concentrations de pesticides dans les sources potentielles d'eau potable. Ces estimations sont intégrées aux évaluations de l'exposition globale, dans le cadre du processus d'évaluation des répercussions possibles de l'usage de pesticides sur la santé des Canadiens. Ce document décrit la démarche générale et les types de modèles utilisés par l'Agence pour estimer les concentrations de pesticides dans les sources potentielles d'eau potable. On y discute également de l'importance des données de surveillance et du traitement des eaux.

Ce document remplace le projet de directive PRO2003-01, publié pour commentaires en mars 2003. L'ARLA a pris en considération les commentaires reçus.

Résumé

L'ARLA de Santé Canada estime la concentration de pesticides dans des sources potentielles d'eau potable et incorpore les résultats de ces estimations aux évaluations de l'exposition globale, dans le cadre du processus d'évaluation des répercussions possibles de l'usage de pesticides sur la santé des Canadiens.

Les Canadiens prélèvent de l'eau de surface aussi bien que de l'eau souterraine pour leurs besoins en eau potable. Par conséquent, pour ses évaluations relatives à l'eau potable, l'ARLA procède à l'estimation de la concentration de pesticides dans ces deux sources d'eau potable. L'Agence a recours à une démarche progressive pour la modélisation de l'exposition aux pesticides qui consiste en des niveaux de précision graduels. Cette démarche est conforme à celle utilisée aux États-Unis. Le palier 1 (le niveau initial d'évaluation) est conçu pour trier de façon efficace les pesticides qui ne présentent aucun danger en ce qui a trait à l'eau potable. Si cette évaluation de palier 1 donne une estimation de l'exposition au pesticide que l'on juge acceptable, alors le pesticide passe l'étape et il n'est pas nécessaire d'effectuer d'évaluation subséquente. Cependant, si ce premier palier d'évaluation résulte en une estimation de la concentration de pesticide dans l'eau potable qui représente une exposition inacceptable, alors il faut préciser l'estimation en passant au 2e palier d'évaluation qui tient compte du profil d'emploi du pesticide et d'autres paramètres plus précis. Cette démarche progressive sert autant pour les nouveaux pesticides que pour les pesticides faisant l'objet d'une réévaluation.

L'Agence utilise des modèles d'exposition pour estimer les concentrations de pesticides dans l'eau de surface et dans l'eau souterraine. Pour l'eau de surface, l'ARLA a recours aux modèles combinés Pesticide Root Zone Model (PRZM) et Exposure Analysis Modelling System (EXAMS). Ce tandem permet de modéliser les concentrations de pesticides dans l'eau de surface en fonction de deux types de sources d'eau potable pouvant être exposées à la contamination. Le premier type est un réservoir de référence, qui sert également à la United States Environmental Protection Agency (EPA) dans ses évaluations de l'exposition, et le deuxième type est un étang-réservoir des Prairies canadiennes que l'on combine à l'autre type de réservoir uniquement lors de l'évaluation de pesticides utilisés dans les provinces des Prairies. Les concentrations de pesticides dans les eaux souterraines sont modélisées au moyen du Leaching Estimation And Chemistry Model (LEACHM). Ce modèle simule le déplacement du pesticide à travers un profil pédologique, jusque dans la nappe phréatique peu profonde.

Pour ces modélisations propres aux eaux de surface et aux eaux souterraines, l'ARLA a élaboré une série de scénarios agricoles qui représentent bon nombre des grandes zones de culture au Canada. Les paramètres utilisés pour ces scénarios sont des données concrètes sur la météo, le sol, les cultures et l'hydrologie.

En plus de la modélisation, l'Agence tient aussi compte des données de surveillance des pesticides disponibles pour les sources potentielles d'eau potable. Cependant, il existe peu de données valides sur la surveillance des pesticides que l'on pourrait utiliser dans le cadre de l'évaluation du risque. L'ARLA cherche donc à établir avec les provinces, les territoires et les municipalités, ainsi qu'avec d'autres ministères fédéraux, des moyens de recueillir des données de surveillance de qualité à l'échelle nationale.

Table des matières

1.0 Introduction

En vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires, l'ARLA est tenue de protéger les Canadiens des risques inacceptables pour la santé associés à l'usage de pesticides. Afin d'évaluer ces risques, l'Agence doit être en mesure d'estimer l'exposition potentielle de la population canadienne aux pesticides ainsi qu'à tout produit de transformation des pesticides pouvant soulever des préoccupations d'ordre toxicologique. L'évaluation de l'exposition doit être exhaustive et inclure toutes les sources et toutes les voies possibles d'exposition au pesticide (exposition globaleNote de bas de page 1). L'estimation de l'exposition potentielle aux résidus de pesticides présents dans les sources d'eau potable est un volet important de l'évaluation de l'exposition par le régime alimentaire.

On emploie des pesticides partout au Canada et ces derniers peuvent atteindre les sources d'approvisionnement en eau potable par de nombreuses voies. Au Canada, l'eau potable provient des eaux de surface et des eaux souterraines. Les profils d'emploi des pesticides sont tels que ces sources d'eau potable peuvent être contaminées par la dérive, le ruissellement ou le lessivage.

Auparavant, l'ARLA estimait uniquement les concentrations de pesticide dans l'eau de surface. Ces estimations étaient souvent peu réalistes, car les modèles utilisés étaient simplistes et les données d'entrée étaient très prudentes. L'Agence travaille à la mise au point d'une méthode plus complète pour estimer la concentration de ces composés dans les sources d'eau potable provenant des eaux de surface et des eaux souterraines. Le présent document donne une vue d'ensemble de cette nouvelle approche systématique.

2.0 Démarches en vigueur à l'étranger

Aux États-Unis (É.-U.) et dans l'Union européenne (UE), dans le cadre des évaluations du risque, les concentrations de pesticides prévues dans l'environnement (CPE) sont estimées en tenant compte de l'eau de surface et de l'eau souterraine (FOCUS 1995, FOCUS 1997, FOCUS 2000, EPA 1999). Aux É.-U., on estime les CPE et on intègre ces résultats à ceux de l'estimation de l'exposition résidentielle et de l'exposition par le régime alimentaire afin de parvenir à une évaluation globale du risque. Dans l'UE, les CPE ne sont pas intégrées à l'évaluation globale. On les compare plutôt à des concentrations maximales admissibles dans les sources d'eau potable, qui sont fixées par la loi, « que l'on peut consommer sans danger durant toute une vie » [Trad.] (directive du Conseil 98/83/CE, 1998).

Dans les deux cas, on a recours à une démarche progressive pour estimer les concentrations de pesticides dans les sources d'eau potable. Aux premiers paliers, on utilise des modèles de présélection alimentés par des valeurs prudentes afin de trier rapidement les pesticides qui ne seront vraisemblablement pas à l'origine de préoccupations en ce qui concerne l'eau potable. Dans son évaluation de présélection, l'EPA se sert de modèles qui simulent des scénarios génériques prudents de manière à déterminer les CPE dans l'eau de surface et dans l'eau souterraine. Lorsque les concentrations estimées dépassent le niveau de comparaison pour l'eau potable (NCEPNote de bas de page 2), le pesticide en question ne passe pas la présélection et doit faire l'objet d'une évaluation plus poussée. Les paliers d'évaluation supérieurs peuvent inclure l'utilisation de techniques de modélisation plus précises ou de données de surveillance disponibles et ils peuvent nécessiter du titulaire de l'homologation qu'il effectue des études additionnelles en laboratoire ou sur le terrain. On procède de cette façon parce que les paliers inférieurs exigent moins de ressources et qu'ils permettent ainsi d'identifier et de trier les produits chimiques « sécuritaires » en employant un minimum de ressources (humaines et financières). Pour une évaluation de palier 2 de l'eau de surface, l'EPA a recours à une méthode fondée sur des scénarios agricoles. Présentement, l'EPA ne procède pas à des modélisations de palier 2 lorsqu'elle cerne des préoccupations associées à l'eau souterraine. Elle demande plutôt la tenue d'études de surveillance. À l'opposé, l'UE procède à des modélisations sur l'eau souterraine à l'aide de modèles robustes faisant appel à des scénarios agricoles régionaux dès le commencement des analyses.

3.0 Démarche de l'ARLA pour estimer les concentrations de pesticides dans l'eau potable

Près de 75 p. 100 des résidants des municipalités canadiennes comptant plus de 1000 habitants reçoivent leur eau potable exclusivement à partir de sources d'eau de surface tandis que l'autre 25 p. 100 obtient son eau potable exclusivement à partir de la nappe phréatique ou bien d'une combinaison d'eau souterraine et d'eau de surface (Figure 1). C'est pourquoi il est essentiel d'estimer les concentrations de pesticides (y compris les produits de transformation d'intérêt toxicologique) autant dans l'eau souterraine que dans l'eau de surface.

L'ARLA a recours à une démarche progressive d'évaluation pour effectuer cette estimation (tant dans l'eau souterraine que dans l'eau de surface). Cette façon de procéder permet de trier les pesticides qui ne présentent pas de risque dans l'eau potable et de se pencher davantage sur les pesticides qui peuvent présenter un danger dans l'eau potable. L'évaluation de palier 1 est le crible qui fournit une estimation prudente des concentrations de pesticides dans les sources potentielles d'approvisionnement en eau potable. Si un pesticide passe ce crible, il n'est pas nécessaire de faire d'autre évaluation.

Réciproquement, si l'évaluation de palier 1 indique une concentration dans l'eau potable qui représente un degré d'exposition inacceptable, il faut procéder au palier 2 d'évaluation, lequel est davantage précis. Ce cadre global d'évaluation est semblable à ce qu'utilise l'EPA.

Dans le cadre de son processus d'évaluation, l'ARLA se sert de modèles informatiques bien connus afin d'estimer les concentrations de pesticides dans les sources d'eau potable, tant les eaux de surface que les eaux souterraines. Les paramètres employés dans ces modèles sont entre autres des données provenant d'études expérimentales (sur les propriétés physico-chimiques et sur les caractéristiques du devenir du pesticide dans l'environnement), de stations météorologiques canadiennes (précipitations et température mesurées sur place), d'études pédologiques canadiennes (propriétés du sol propres aux sites) et des renseignements inscrits sur l'étiquette du produit (doses et fréquences d'application).

Figure 2 Quantité d'eau, en pourcentage, provenant de sources d'eau souterraine ou

Figure 2 Quantité d'eau, en pourcentage, provenant de sources d'eau souterraine ou de surface, qui alimente les résidants de municipalités canadiennes dont la population est supérieure à 1000 habitants (extrait de la base de données Municipal [Water] Use Database [MUD]m Environment Canada, 1999)

En règle générale, les estimations de palier 1 se fondent sur des données réelles sur le sol, la météo et la croissance végétale de même que sur des caractéristiques prudentes relatives au devenir chimique du pesticide dans l'environnement et sur des renseignements concernant l'utilisation du pesticide :

  • Caractéristiques du produit chimique relatives à son devenir dans l'environnement
    1. Les plus longues demi-viesNote de bas de page 3 dans des milieux environnementaux (p. ex., le sol, l'eau) lorsque de nombreuses valeurs existent.
    2. Les plus faibles valeurs des coefficients Kco et Kd lorsque de nombreuses valeurs existentNote de bas de page 4.
  • Hypothèses relatives à l'utilisation
    1. La plus forte dose figurant sur l'étiquette
    2. Le nombre maximal de traitements par année
    3. Le plus court délai entre deux traitements
    4. Le pesticide est utilisé lors de chacune des années de simulation
    5. On suppose que 100 % du bassin hydrographique est cultivé
    6. On suppose que 100 % de la culture est traitée avec le pesticide

Dans l'évaluation de palier 1, on simule un certain nombre de scénarios représentant diverses régions agricoles du Canada (voir section 3.1). On retient le scénario qui donne les CPE les plus élevées, s'assurant ainsi que l'évaluation du risque protège toute une gamme de situations. L'ARLA reconnaît toutefois que pour certains endroits, les concentrations réelles de pesticides dans l'eau de surface ou l'eau souterraine peuvent être inférieures à celles estimées à l'aide du modèle. Cela est particulièrement vrai au palier 1. Ainsi, même si des utilisateurs peuvent appliquer un pesticide à la dose la plus forte et à la fréquence la plus élevée permises par l'étiquette, les fréquences et doses habituelles peuvent être plus faibles que les valeurs d'entrée pour la dose d'application utilisées dans le modèle. En outre, même si l'étiquette ne l'exige pas, l'utilisateur peut avoir recours à des pratiques lui permettant de réduire la dérive ou le lessivage du pesticide (p. ex., incorporer le pesticide dans le sol, garder des zones non traitées ou des bandes tampons autour des plans d'eau, éviter de pulvériser le pesticide dans les zones où la nappe phréatique est peu profonde ou encore ne pas appliquer de pesticide lorsque les conditions météorologiques favorisent le lessivage).

Tout pesticide évalué au palier 1 et qui se retrouve en concentration inacceptable dans les sources d'eau potable est évalué au palier 2. Pour préciser l'estimation dans l'eau potable obtenue au palier 1, l'ARLA opte pour une démarche spécifique au pesticide évalué. Au palier 2, l'Agence peut utiliser des paramètres qui représentent de façon plus précise le profil d'emploi du produit chimique en question (en choisissant par exemple des caractéristiques du devenir chimique d'après le profil d'emploi au lieu de valeurs plus prudentes), restreindre la modélisation aux scénarios qui illustrent les utilisations proposées ou habituelles du pesticide, tenir compte des données de surveillance, utiliser le pourcentage précis des surfaces traitées, si cette donnée est disponible, et exiger des études supplémentaires. S'il y a lieu, l'Agence contactera les titulaires d'homologation afin d'obtenir tout renseignement pertinent de cette nature sur le composé d'origine ou encore sur le(s) produit(s) de transformation.

3.1 Scénarios agricoles

Dans ses modèles hydrologiques, l'ARLA se sert d'une série de scénarios agricoles qui reflètent les principales régions d'activité agricole et les cultures importantes qui y sont cultivées. Environnement Canada a conçu ces scénarios dans le cadre du système expert Expert System for Pesticide Regulatory Evaluations and Simulations (EXPRES) (Mutch et al., 1993). Chacun des scénarios de la base de données EXPRES contient des renseignements détaillés sur les propriétés pédologiques (chimiques, physiques et hydrologiques), sur les paramètres associés aux cultures et sur les pratiques agricoles, ainsi que des données météorologiques quotidiennes provenant de stations météorologiques canadiennes pertinentes.

L'Agence utilise présentement 11 des scénarios agricoles de l'EXPRES dans le cadre de ses évaluations de l'eau potable. Ils représentent les endroits suivants : la vallée du Bas-Fraser en Colombie-Britannique (framboise), la vallée de l'Okanagan en Colombie-Britannique (vergers), le secteur de la rivière de la Paix en Alberta (orge), le sud de l'Alberta (betterave à sucre), le sud de la Saskatchewan (blé), le Manitoba (pomme de terre - présentement seulement pour l'eau de surface), le sud-ouest de l'Ontario (maïs), la région de Niagara en Ontario (vignobles), la vallée de la rivière Yamaska au Québec (maïs), l'Île-du-Prince-Édouard (pomme de terre), la vallée de l'Annapolis en Nouvelle-Écosse (pomme). L'Agence pense ajouter à sa procédure 12 autres scénarios de l'EXPRES.

En élaborant chaque scénario, on a reconnu que chacune des régions géographiques englobe une foule de conditions météorologiques et pédologiques. Celles retenues pour utilisation dans le modèle sont des valeurs classiques, soit des propriétés du sol représentatives, compilées à partir de rapports de levées de sol, et des données météorologiques quotidiennes historiques (précipitation et température) fournies par Environnement Canada. L'Agence ajoutera de nouveaux scénarios et mettra à jour les scénarios existants de façon continue pour s'assurer que ces scénarios concordent avec les pratiques agricoles et les différents profils météorologiques observés au Canada. Tout nouveau scénario fera l'objet d'un examen scientifique complet avant d'être adopté.

3.2 Eau de surface

3.2.1 Choix d'un modèle approprié pour l'eau de surface

L'ARLA utilise les modèles combinés PRZM et EXAMS pour estimer les concentrations de pesticides dans l'eau de surface, et ce, à tous les paliers d'évaluation de l'eau potable. Mis au point par l'EPA, ces modèles sont en usage depuis plusieurs années en Amérique du Nord et en Europe. L'EPA se sert du tandem PRZM-EXAMS dans ses évaluations de palier 2. Ces modèles tiennent compte de divers facteurs ayant une influence sur le ruissellement des pesticides dans les eaux de surface à partir des champs, ainsi que de la transformation et de la répartition de ces produits dans les plans d'eau. En outre, ces modèles servent à estimer les CPE tant dans les réservoirs que dans les étangs-réservoirs, à partir de données météorologiques, pédologiques et agricoles d'origine canadienne.

Le modèle PRZM sert à prédire la concentration du pesticide dissous dans l'eau de ruissellement et entraîné avec les particules de sol transportées du champ traité jusque dans un plan d'eau contigu. Les caractéristiques du pesticide (propriétés physicochimiques, demi-vie de transformation et mobilité), les renseignements sur l'utilisation du pesticide (dose d'application, fréquence, calendrier de traitement), sur la croissance des cultures et sur le site en question (propriétés pédologiques, topographie locale, conditions hydrologiques et pratiques agricoles) ainsi que les données météorologiques, constituent les paramètres d'entrée du modèle. Aux États-Unis, le Environmental Model Validation Task Force (groupe de travail sur la validation des modèles environnementaux) en vertu de la Federal Insecticide, Fungicide and Rotenticide Act (FIFRA) est parvenu à la conclusion que les simulations produites au moyen du PRZM avec des paramètres d'entrée conformes à la réalité donnaient des résultats de l'ordre de grandeur des données mesurées (Jones et Russell, 2001).

Le modèle EXAMS sert à simuler le devenir du pesticide dans l'environnement et les processus affectant son déplacement lorsqu'il atteint un plan d'eau. Ces processus sont notamment la volatilisation, la sorption, l'hydrolyse, la biotransformation et la photolyse du pesticide. Outre les paramètres définissant ces processus, le modèle est aussi alimenté par des données sur les caractéristiques limnologiques et physiques du plan d'eau et des données météorologiques.

Dans le cadre d'une évaluation de l'eau potable de palier 1, les simulations produites par le tandem PRZM-EXAMS portant sur plusieurs années sont effectuées pour les scénarios agricoles avec des plans d'eau appropriés (sections 3.1 et 3.2.2). À partir de ces simulations, l'ARLA choisit les scénarios (pour le réservoir et l'étang-réservoir) qui produisent les plus fortes concentrations de pesticides. Alors que les scénarios sont représentatifs de valeurs réelles relatives aux sols, aux conditions météorologiques, à la croissance végétale et aux pratiques culturales, l'évaluation de palier 1 utilise plutôt des valeurs prudentes relatives aux caractéristiques du devenir du pesticide (lorsque de nombreuses valeurs existent) et des renseignements sur son application. Ce n'est que dans le cadre de l'évaluation de l'eau de surface de palier 2 que l'Agence utilise une démarche spécifique au pesticide à l'étude, qui lui permet notamment de choisir des paramètres d'entrée qui représentent avec plus de fidélité le profil d'emploi du produit chimique en question, de sélectionner certains scénarios qui reflètent les utilisations actuelles ou proposées du pesticide, d'utiliser des données valides de surveillance et sur le pourcentage de surface cultivée et d'exiger du titulaire d'homologation des études additionnelles.

Les simulations faites au moyen du tandem PRZM-EXAMS peuvent donner des résultats exprimés sous différentes formes. L'ARLA se sert actuellement de la valeur correspondant au 90e centile des maximums annuels de concentration quotidienne sur une période de dix ans pour représenter l'exposition aiguë et de la valeur correspondant au 90e centile de la concentration annuelle moyenne pour représenter l'exposition chronique.

3.2.2 Choix d'un plan d'eau récepteur

Les sources d'approvisionnement de surface en eau potable sont les plans d'eau naturels, comme les rivières et les lacs, et les réservoirs et étangs artificiels (Reedyk et al., 2000; Prairie Water News, 2002; Jones et al., 1998). Le choix d'un plan d'eau récepteur approprié aux modèles dépend avant tout de ce que l'on considère comme source d'approvisionnement de surface susceptible d'être contaminée par les pesticides au Canada. Par exemple, un plan d'eau de petite dimension dans un secteur présentant un potentiel élevé de ruissellement et où l'on emploie beaucoup de pesticides pourrait être plus exposé à la contamination qu'un plan d'eau de grande superficie dans un secteur non propice au ruissellement et où l'on emploie peu de pesticides.

On applique présentement deux scénarios hydrométriques à l'estimation des concentrations des pesticides dues au ruissellement dans les sources d'approvisionnement de surface en eau potable : 1) le scénario fondé sur un réservoir, représentatif de la source d'approvisionnement des petites municipalités; 2) le scénario fondé sur un étang-réservoir agricole représentatif de ceux utilisés dans les Prairies canadiennes. On considère que ces deux scénarios hydrométriques représentent des types de réservoirs particulièrement exposés à la contamination issue des pratiques agricoles locales. L'Agence pourrait éventuellement ajouter d'autres scénarios, mais pour le moment, la modélisation se limite à ces deux scénarios.

En 1998, l'EPA a compilé une liste de 82 réservoirs susceptibles de servir à la modélisation et, de cette liste, l'organisme a choisi le réservoir Shipman de l'État de l'Illinois à titre de réservoir d'eau potable de référence. En effet, le réservoir Shipman est représentatif d'un grand nombre de réservoirs du centre du Midwest américain qui sont exposés à la contamination par des pesticides et il existe pour ce réservoir des données de surveillance appropriées (EPA, 1999). Un programme de surveillance de l'EPANote de bas de page 5 a classé le réservoir Shipman en 8e position sur 175 plans d'eau en ce qui a trait à la concentration d'atrazine mesurée dans l'eau, indiquant que ce réservoir est bel et bien un plan d'eau susceptible à la contamination par les pesticides. En reprenant la démarche américaine, l'ARLA a entrepris un examen de la base de données Municipal (Water) Use Database (MUD) (Environnement Canada, 1999) afin d'identifier les sources d'approvisionnement en eau potable des municipalités situées dans certaines des principales régions agricoles du Canada (Ontario, Manitoba, Saskatchewan et Alberta). L'évaluation des sources d'eau potable s'est faite selon les critères suivants :

  1. Le plan d'eau devait avoir une capacité ou un volume suffisamment restreint pour permettre une bonne modélisation à l'aide des modèles PRZM-EXAMS;
  2. Le réservoir ou le lac devait être situé au sein d'un réseau hydrographique où l'agriculture prévaut.

On recherchait en outre un plan d'eau pour lequel existait un programme de surveillance et des antécédents de détection des pesticides. Bien qu'il existe au Canada plusieurs plans d'eau ayant les dimensions requises et localisés dans des régions principalement agricoles, aucun d'entre eux n'avait de programme adéquat de surveillance de la contamination par les pesticides. Le réservoir Shipman présentant tous les renseignements physiques requis pour la modélisation, l'ARLA a décidé d'adopter les dimensions de ce réservoir (superficie du réservoir et superficie du bassin hydrographique) pour alimenter le tandem PRZM-EXAMS. On considère que le choix de ce réservoir est une solution provisoire, d'ici à ce qu'on trouve un réservoir en sol canadien qui soit plus représentatif. On juge que cette solution provisoire est acceptable car, mises à part les dimensions du réservoir et du bassin hydrographique, d'autres renseignements sont d'origine canadienne et propres aux sites en question, comme les données météorologiques, pédologiques, hydrologiques et les données sur les cultures; ils sont représentatifs des régions canadiennes modélisées et non de celle de Shipman en Illinois.

Pour l'estimation des concentrations de pesticides utilisés dans les provinces des Prairies, l'ARLA se sert, en plus du scénario du réservoir, d'un scénario avec un étang-réservoir. L'Agence estime que les étangs-réservoirs sont une deuxième source d'eau potable potentiellement vulnérable à la contamination, car ils sont utilisés comme source d'approvisionnement domestique, notamment pour la consommation, et ils sont souvent situés près des champs traités avec des pesticides (Prairie Water News, 2002).

Les rivières et les ruisseaux sont aussi des sources d'eau potable pouvant être exposées au ruissellement des pesticides. Toutefois, l'ARLA ne compte pas concevoir de scénarios différents pour les rivières et les ruisseaux en tant que sources d'eau potable, car le scénario du réservoir de référence est considéré comme représentant l'exposition la plus importante en ce qui a trait à l'eau de surface en général.

3.3 Eau souterraine

3.3.1 Choix d'un modèle approprié pour l'eau souterraine

L'ARLA a évalué cinq modèles informatisés qui simulent le lessivage dans le sol pour voir s'ils convenaient à l'estimation des CPE dans l'eau souterraine, soit les modèles MACRO, LEACHM, Screening Concentration in Groundwater (SCI-GROW), Pesticide Transport Model (PESTAN) et Pesticide Root Zone Model/Vardose Zone Flow and Transport Model (PRZM/VADOFT). Ces modèles devaient respecter quatre exigences fondamentales en matière de modélisation du lessivage dans le sol :

  • on devait pouvoir accéder au code source du modèle pour le modifier au besoin;
  • le modèle devait permettre l'évaluation de différentes conditions environnementales (comme le climat et le sol);
  • les paramètres d'entrée du modèle devaient être semblables aux données déjà présentées à l'Agence;
  • le modèle devait être convivial.

Des modèles examinés, seul le modèle LEACHM respectait ces quatre exigences et l'Agence a donc choisi de l'utiliser pour modéliser le lessivage dans l'eau souterraine, et ce, à tous les paliers d'évaluation de l'eau potable.

Le modèle LEACHM est constitué d'une série de modèles qui simulent le déplacement et le devenir de l'eau et des substances chimiques dans un profil pédologique (Hutson, 2003). Développé progressivement au cours des dernières décennies, le modèle LEACHM a fait l'objet de mises à jour périodiques et de révisions basées sur des essais, évaluations et rétroactions de pédologues du monde entier. La version actuelle de ce modèle, son code source et le guide de l'utilisateur sont accessibles au public ( http://www.scieng.flinders.edu.au/cpes/people/hutson_j/leachweb.html).

De nombreux chercheurs ont évalué la performance du modèle LEACHM en regard de données expérimentales et de données de terrain provenant de divers pays. Au Canada, on a utilisé des études effectuées sur le terrain et en laboratoire pour tester et étalonner le modèle LEACHM (Reynolds et al., 1994; de Jong et al., 1994; Smith et al., 1995). En général, le modèle LEACHM a fourni d'excellentes prédictions du contenu en eau et de la charge hydraulique des profils pédologiques et des prédictions allant de bonnes à passables en ce qui a trait aux déplacements des produits chimiques dans ces profils. Les prédictions du modèle se sont avérées bonnes comparativement aux résultats d'une enquête sur la qualité de l'eau souterraine effectuée dans le sud de l'Ontario (Agriculture Canada, 1992). L'ARLA a aussi entrepris d'évaluer la capacité du modèle LEACHM de simuler le devenir et le déplacement de divers pesticides et d'un traceur. Dans le cadre de ces essais, on a comparé les concentrations simulées du pesticide à celles obtenues dans le cadre d'une étude de terrain détaillée sur le devenir et le déplacement du pesticide effectuée aux Pays-Bas (Boesten et van der Pas, 1999). Cette série de données exhaustives a d'ailleurs servi à divers chercheurs (Vanclooster et Boesten, 2000;

Tiktak, 2000). Les résultats des études canadiennes et de l'évaluation interne de l'ARLA ont donné à entendre que le modèle LEACHM était efficace pour prédire tant le mouvement du pesticide que la quantité de ce dernier dans un profil pédologique.

Comme c'est le cas avec le tandem PRZM-EXAMS, les paramètres d'entrée de la version pesticide du modèle LEACHM comprennent des renseignements sur les propriétés physicochimiques propres au pesticide à l'étude, des caractéristiques quant à son devenir, les propriétés pédologiques et les données météorologiques (précipitations et température) du site en question, les renseignements relatifs à l'utilisation du pesticide et, au besoin, des données propres à la culture. Le modèle simule le mouvement de l'eau et du pesticide dans le sol pendant une ou plusieurs saisons de croissance.

3.3.2 Méthode pour calculer les CPE dans les eaux souterraines

L'ARLA estime les CPE dans les gisements d'eau souterraine considérés comme vulnérables à la contamination par les pesticides. C'est dans la nappe phréatique peu profonde que l'on retrouve habituellement les plus fortes concentrations de pesticides lessivés dans le sol. À un niveau plus profond, les pesticides ont séjourné plus longtemps dans le milieu et ont pu être soumis davantage aux processus physiques, chimiques et biologiques comme la dilution, la dispersion et la dégradation qui sont autant d'occasions d'atténuation de leur concentration. L'eau potable souterraine destinée à la consommation provient toutefois des deux profondeurs de la nappe phréatique (ministère de l'Environnement de l'Ontario, 2000; Rudolph et Goss, 1993; Agriculture Canada, 1992; Fleming, 1992). L'Agence considère cependant que les estimations des concentrations de pesticides provenant de la nappe phréatique peu profonde protègent toutes les sources possibles d'eau potable souterraine.

Pour l'évaluation de l'eau souterraine de palier 1, l'ARLA effectue des simulations sur plusieurs années à l'aide du modèle LEACHM en fonction des scénarios décrits à la section 3.1, qui sont représentatifs des différentes régions géographiques canadiennes où l'activité agricole est importante. De ces simulations, l'Agence choisit le scénario qui produit la plus forte concentration de pesticide. Alors que les scénarios sont représentatifs de valeurs réelles relatives aux sols et aux conditions météorologiques de chacune des régions agricoles, l'évaluation de palier 1 se sert plutôt de valeurs prudentes relatives aux caractéristiques du devenir du pesticide (lorsque de nombreuses valeurs existent) et des doses maximales d'application. Comme c'est le cas pour l'eau de surface, ce n'est que dans le cadre de l'évaluation de palier 2 que l'Agence utilise une démarche spécifique au pesticide à l'étude. Lors de l'évaluation de l'eau souterraine de palier 2, l'Agence peut notamment choisir des paramètres d'entrée qui représentent avec plus de fidélité le profil d'emploi du produit chimique en question, elle peut sélectionner seulement certains scénarios qui reflètent les utilisations actuelles ou proposées du pesticide, tenir compte des données de surveillance et demander au titulaire d'homologation d'effectuer des études additionnelles.

Les résultats produits par le modèle LEACHM comprennent la distribution des concentrations de pesticide dans le profil du sol et l'écoulement d'eau et de pesticide à travers une zone précise, comme le niveau supérieur de la nappe phréatique. Ces résultats serviront à estimer les CPE dans l'eau souterraine.

L'ARLA a étudié deux méthodes de calcul des CPE dans les eaux souterraines : la méthode des moyennes en fonction de la profondeur et la méthode des moyennes en fonction du débit. Ces méthodes, toutes deux utilisées en Europe à des fins réglementaires, reposent sur l'hypothèse que l'eau souterraine située au niveau supérieur de la nappe phréatique est susceptible d'être exposée à des sources diffuses de contamination (comme les pesticides).

La méthode des moyennes en fonction de la profondeur, employée notamment dans le processus d'homologation en vigueur au Pays-Bas (Tiktak et al., 2000), établit la moyenne des concentrations du pesticide à l'étude dans le premier mètre sous le niveau supérieur de la nappe phréatique. On obtient ainsi une concentration moyenne en fonction de la profondeur, soit la moyenne des concentrations dans un certain nombre de couches de sol adjacentes. La méthode des moyennes en fonction du débit estime la concentration moyenne en divisant le débit massique du pesticide, dans une zone déterminée pendant une durée déterminée, par le débit volumétrique de l'eau dans cette même zone pendant la même période de temps. Cette deuxième méthode est celle préconisée par le groupe Forum for the Co-ordination of Pesticide Fate Models and Their Use (FOCUS) et utilisée dans le cadre du processus d'homologation en UE. Pour être en mesure d'effectuer des comparaisons, le groupe FOCUS a recommandé que tous les modèles utilisés en UE pour fins d'homologation précisent les concentrations selon les moyennes en fonction du débit, à une profondeur de un mètre (FOCUS, 2002). Les deux méthodes estiment les concentrations de pesticide dans l'eau souterraine peu profonde et, probablement, dans les sources d'eau souterraine servant à l'approvisionnement en eau potable.

L'ARLA a comparé ces deux méthodes pour calculer les CPE dans la nappe phréatique à l'aide des résultats obtenus par les simulations du modèle LEACHM. L'évaluation indique que les deux méthodes produisent des résultats similaires pour les scénarios classiques simulés. Théoriquement, la méthode fondée sur les moyennes en fonction du débit est préférable puisque, contrairement à la méthode basée sur la profondeur, elle préserve le bilan massique (en tenant compte de toute la masse de pesticide qui traverse le niveau supérieur de la nappe phréatique), ce que ne fait pas l'autre méthode. En outre, la méthode des moyennes en fonction du débit offre des avantages sur le plan informatique, car les fichiers de sortie sont plus petits. L'ARLA a donc opté pour la méthode des moyennes en fonction du débit, d'après les considérations théoriques que l'on sait et ses aspects pratiques sur le plan informatique.

3.4 Utilisation de données de surveillance

Pour toute évaluation de l'eau potable, l'ARLA utilise les données de surveillance disponibles et qui conviennent au pesticide homologué à l'étude. L'Agence préférerait des données de surveillance valides à des estimations des concentrations de pesticides dans l'eau potable produites par des modèles hydrométriques. Cependant, dans le cas des nouveaux produits chimiques, il n'existe habituellement pas de données de surveillance. Dans de tels cas, si des données de surveillance se révélaient être essentielles à la tenue d'une évaluation plus précise de l'exposition, on exigerait des titulaires qu'ils effectuent des études sur le terrain. La majorité des études et des données de surveillance disponibles portent probablement sur des pesticides qui sont sur le marché depuis quelque temps déjà. On s'attend à ce que la qualité et la quantité de données produites par ces études de surveillance varient considérablement d'une étude à l'autre et aussi en fonction des renseignements contextuels décrits ci-après.

Au moment d'évaluer, de caractériser et d'interpréter les données de surveillance relatives à l'eau, l'ARLA tente de recueillir le plus de renseignements aisément disponibles sur la conception des études. Cela inclut des renseignements sur la façon dont les échantillons ont été prélevés et analysés, sur la raison de leur prélèvement, ainsi que sur l'endroit et le moment où ils ont été prélevés. Lorsqu'elle évalue la qualité des données de surveillance, l'Agence doit tenir compte des conditions d'ordre chronologique et spatial dans lesquelles la surveillance s'est effectuée. L'Agence se demande notamment si les données proviennent de régions où le pesticide à l'étude est employé. Elle se penche aussi sur le rapport entre les périodes d'application du pesticide et les dates de prélèvement des échantillons. Elle tient compte d'autres données secondaires, comme des données météorologiques exactes, des données hydrologiques (étendue et nature de la masse d'eau réceptrice, profondeur de la nappe phréatique), ainsi que des données géochimiques et géophysiques (topographie, caractérisation des sols).

Le degré de variabilité et l'incertitude associés aux données canadiennes de surveillance existantes font que l'utilisation de telles données dans le calcul de la CPE pose parfois un défi. Les concentrations signalées peuvent varier considérablement au cours d'une période de temps dans un même endroit ou d'un secteur à un autre. Si on ne détient pas de renseignements spécifiques relativement à l'historique d'utilisation du pesticide à l'étude dans la région où les prélèvements ont été effectués, il est très difficile de bien comprendre les raisons à l'origine de ces écarts. De plus, l'ARLA n'est pas toujours en mesure de déterminer si des échantillons proviennent de sources d'eau potable potentielles ou de sources qui seraient représentatives de telles sources d'approvisionnement en eau potable. Les études de surveillance ont souvent une fréquence d'échantillonnage insuffisante pour permettre la détermination des pics de concentration. Les périodes où les concentrations de pesticides sont maximales sont, de par leur nature, très brèves et bon nombre d'études procèdent à l'échantillonnage sur une base trimestrielle ou mensuelle, ce qui donne peu de chance d'effectuer un prélèvement pendant la période du pic de concentration.

L'interprétation des résultats d'études comprenant un nombre élevé d'échantillons sans résidus (c.-à-d. « sans détection ») cause des difficultés additionnelles. Les cas de non détection peuvent indiquer que le pesticide à l'origine de préoccupations n'atteint pas une source d'approvisionnement en eau potable. Toutefois, les cas de non détection peuvent aussi apparaître lorsque les échantillons sont prélevés dans des secteurs où le pesticide à l'étude n'est pas appliqué, à des moments où le pesticide n'est pas utilisé ou encore (dans le cas de lessivage dans l'eau souterraine) lorsque les échantillons sont prélevés de l'eau souterraine avant que la dégradation du pesticide dans la nappe phréatique n'ait lieu. Les limites des méthodes analytiques peuvent aussi causer des cas de non détection (c.-à-d. que le pesticide peut être présent dans l'eau, mais à une concentration inférieure à la limite de détection (LD) de la méthode d'analyse ou encore que la méthode utilisée peut ne pas convenir à l'analyse de certains composés chimiques).

Pour ces raisons, l'ARLA doit tenir compte de ces facteurs lorsqu'elle interprète les cas de non détection dans les séries de données de surveillance. Il arrive souvent que l'Agence ne détienne pas de données suffisantes pour vérifier si les cas de non détection provenaient de secteurs ou le pesticide est vraiment utilisé et il lui est donc difficile de conclure que le pesticide, lorsqu'il est utilisé, n'atteint pas en fait la nappe phréatique assez souvent pour être à l'origine de préoccupations. Par conséquent, l'ARLA attribuera, lorsqu'elle le jugera pertinent, une valeur équivalant à la moitié de la LD aux cas de non détection d'une série de données. Cela peut survenir 1) lorsque l'on constate des cas de non détection dans une série de données contenant au moins un cas de détection du pesticide à l'étude ou 2) lorsqu'une série de données présente des cas de non détection du pesticide mais où on a déterminé que la matière active en question peut être employée à l'intérieur du bassin hydrographique échantillonné et qu'il existe des probabilités de contamination de plans d'eau. L'EPA a utilisé cette approche pour la réévaluation de plusieurs pesticides, dont le diazinon et le triallate ( http://www.epa.gov/pesticides/op/diazinon/water.pdf et http://www.epa.gov/oppsrrd1/reregistration/triallate/triallate.efed.red.pdf). Cette façon de procéder permet de protéger les sources d'approvisionnement en eau potable susceptibles de capter les résidus de pesticides en quantités trop minimes pour être mesurées.

Malgré le défi présenté par leur analyse et leur interprétation, l'ARLA, lorsqu'elle disposera de données de surveillance valides, s'en servira pour fonder ses décisions relativement à la concentration prévue d'un pesticide dans l'eau potable. Dans le cadre de l'évaluation globale du risque, l'Agence tient toujours compte des données de surveillance qui sont limitées en termes de distribution spatiale et chronologique, mais l'importance accordée à ces données varie selon les circonstances. Ainsi, lorsque des données de surveillance de qualité marginale révèlent constamment des estimations de concentration supérieures à celles prédites par les modèles d'exposition, l'Agence accordera alors plus d'importance à ces données que si elles avaient donné une série d'échantillons sans détection.

Dans l'ensemble, pour les sources d'approvisionnement en eau potable au Canada, on constate la rareté des données de surveillance des pesticides qui contiennent des données temporelles et spatiales auxiliaires adéquates. Les évaluations du risque produites par l'ARLA se trouveraient améliorées si des programmes de surveillance incluant ces données auxiliaires étaient mis en place. C'est pourquoi l'Agence tente à différents niveaux de combler ces lacunes et de se procurer davantage de données de qualité sur les concentrations de pesticides dans les sources d'eau potable. La coopération avec d'autres organismes réglementaires fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux constituera un important volet de cette démarche.

3.5 Facteur à prendre en compte : le traitement de l'eau

Le degré de traitement de l'eau potable avant sa consommation varie considérablement au Canada. Les propriétaires de puits privés consomment souvent l'eau non traitée. De nombreuses municipalités emploient au moins un système de base de coagulation, de filtration et de désinfection. D'autres peuvent ajouter des étapes, comme l'adsorption sur charbon actif. De plus, la population canadienne peut traiter davantage son eau potable en installant des systèmes commerciaux de purification domestique de l'eau. On sait que différents systèmes de traitement de l'eau éliminent certaines classes de pesticides plus efficacement que d'autres (EPA, 2001; Miltner et al., 1989; Baier et al., 1987; Clark et al., 1988). Cependant, compte tenu des degrés divers de traitement de l'eau et des variations de l'efficacité d'extraction des pesticides des différentes technologies de traitement, l'ARLA a choisi de ne pas tenir compte de l'extraction des pesticides par le traitement de l'eau lorsqu'elle procède à l'évaluation de la concentration des pesticides dans l'eau potable. Par conséquent, dans ses estimations des concentrations de pesticides servant aux évaluations du risque alimentaire, l'Agence ne tiendra pas compte des effets du traitement de l'eau.

4.0 Comment intégrer les CPE à une évaluation du risque

Lorsque l'Agence produit des estimations des concentrations de pesticides dans l'eau potable, elle les compare ensuite avec les NCEP. Si les CPE sont inférieures à ces niveaux, l'ARLA conclut avec une certitude raisonnable que les résidus de pesticides dans l'eau potable, attribuables aux utilisations du moment, se situent sous un seuil de risque jugé préoccupant. L'Agence peut aussi intégrer directement les CPE dans l'évaluation du risque alimentaire. Quelle que soit la démarche choisie entre les NCEP ou l'intégration directe des CPE, il faut souligner que cela n'affecte en rien l'évaluation du risque. Les détails relatifs à cette démarche sont décrits dans le document de principes SPN2003-04 de l'ARLA intitulé Principes généraux sur l'élaboration des évaluations globales du risque et de l'exposition (ARLA, 2003).

5.0 Orientations futures

Le processus d'estimation des concentrations de pesticides dans les sources canadiennes d'approvisionnement en eau potable est en évolution. L'Agence est à officialiser les procédures d'évaluation de palier 1 et de palier 2 pour les nouveaux pesticides et les pesticides faisant l'objet d'une réévaluation. L'Agence poursuit ses efforts en vue d'améliorer encore davantage le processus d'estimation des concentrations de pesticides dans l'eau potable. Elle compte notamment :

  • effectuer des analyses de sensibilité des modèles appliqués à l'eau de surface et à l'eau souterraine, afin de cerner les principaux facteurs qui influencent les CPE dans les sources d'eau potable. Les résultats de ces analyses contribueront à la mise au point de techniques de modélisation que l'on utilisera dans le cadre de l'évaluation de palier 2.
  • mettre à jour les scénarios agricoles en vigueur et en créer de nouveaux au besoin.
  • poursuivre ses recherches pour trouver un équivalent canadien au réservoir Shipman, pour s'en servir comme référence dans les modèles appliqués à l'eau de surface.
  • explorer les possibilités de recueillir des données nationales de surveillance de qualité, de concert avec les provinces, les territoires, les municipalités et d'autres ministères fédéraux.
  • évaluer l'effet du traitement de l'eau sur la formation de métabolites toxiques.
  • Le traitement de l'eau peut provoquer une dégradation toxique de produits pouvant persister dans l'eau potable traitée. Par exemple, la chloration des composés organophosphorés peut mener à la formation d'oxon, qui peut s'avérer beaucoup plus toxique que le composé d'origine. Présentement, on ne connaît pas le degré de formation d'oxon par chloration (EPA, 2001) ni la persistance de ces composés après leur formation. Compte tenu de ces préoccupations, l'ARLA examinera l'effet du traitement de l'eau sur la formation de métabolites toxiques.
  • poursuivre le développement de techniques probabilistes pour l'évaluation du risque, puisque l'Agence passe d'une démarche déterministe à une approche probabiliste. L'ARLA étudiera la possibilité de modifier les modèles ou d'en adopter de nouveaux afin de produire des résultats pouvant servir aux évaluations probabilistes du risque. Elle examinera aussi de quelle manière les résultats des modélisations actuelles de l'eau peuvent être adaptés et intégrés à une évaluation probabiliste de l'exposition aux pesticides.
  • surveiller et évaluer les nouvelles démarches ou celles qui sont modifiées et employées par d'autres organismes de réglementation, comme l'EPA et l'UE. La démarche de l'ARLA en ce qui a trait à la modélisation de l'eau de surface est semblable à celle utilisée par l'EPA dans son évaluation de palier 2. L'Agence évaluera toutefois les améliorations apportées aux modèles utilisés ailleurs dans le monde, s'il y a lieu.

Liste des abréviations

ARLA
Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire
CPE
concentration prévue dans l'environnement
EPA
United States Environmental Protection Agency
É.-U.
États-Unis
EXAMS
Exposure Analysis Modelling System
EXPRES
Expert System for Pesticide Regulatory Evaluation Simulations
FIFRA
Federal Insecticide, Fungicide and Rodenticide Act
FOCUS
Forum for the Co-ordination of Pesticide Fate Models and their Use
K co
coefficient d'adsorption (établit un lien entre K d et la teneur en matière organique de l'échantillon de sol)
K d
coefficient d'adsorption (rapport de la concentration dans le sol à celle de la phase aqueuse dans les conditions d'essai)
LD
limite de détection
LEACHM
Leaching Estimation and Chemistry Model
MUD
Municipal (Water) Use Database
NCEP
niveau de comparaison pour l'eau potable
PESTAN
Pesticide Transport Model
PRZM
Pesticide Root Zone Model
SCI-GROW
Screening Concentration in Groundwater
UE
Union européenne
VADOFT
Vardose Zone Flow and Transport Model

Références

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