Chapitre 5.1 - Problèmes liés au paludisme chez certains hôtes – Enfants : Recommandations canadienne pour la prévention et le traitement du paludisme (malaria)

Une déclaration d'un comité consultatif (DCC) du
Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages (CCMTMV)

Préambule

Le Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages (CCMTMV) donne de façon continue à l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) des conseils opportuns de nature médicale, scientifique et sanitaire concernant les maladies infectieuses tropicales et les risques pour la santé associés aux voyages internationaux. L'ASPC reconnaît que les recommandations et les conseils formulés dans cette déclaration reposent sur les meilleures pratiques médicales et connaissances scientifiques actuellement accessibles et les diffuse dans le but d'informer les voyageurs ainsi que les professionnels de la santé qui sont appelés à leur prodiguer des soins.

Les personnes qui administrent ou utilisent des médicaments, des vaccins ou d'autres produits devraient bien connaître la monographie des produits, ainsi que toute autre norme ou instruction approuvée concernant leur usage. Les recommandations relatives à l'usage des produits et les autres renseignements présentés ici peuvent différer de ceux qui figurent dans la monographie ou toute autre norme ou instruction approuvée pertinente établie par les fabricants autorisés. Les fabricants font approuver leurs produits et démontrent l'innocuité et l'efficacité de ceux-ci uniquement lorsque ces produits sont utilisés conformément à la monographie ou à toute autre norme ou instruction approuvée semblable.

Chapitre 5 : Problèmes liés au paludisme chez certains hôtes

5.1 Prévention chez certains hôtes – Enfants

Prévention du paludisme chez les enfants

Les fournisseurs de soins de santé doivent bien informer les voyageurs des risques qu'ils courent en se rendant avec de jeunes enfants dans des régions où sévit le paludisme à Plasmodium falciparum. La majorité des plus de 650 000 décès par an causés par le paludisme touche les enfantsRéférence 1. Une étude a démontré que le paludisme était la cause la plus courante de maladie fébrile (35 %) chez les jeunes voyageurs qui reviennent au pays et le diagnostic unique le plus courant en général (8 %)Référence 2; cependant, ces résultats ne peuvent pas être généralisés à tous les enfants qui voyagent à l'étranger. La grande majorité des cas de paludisme à P. falciparum observés chez les enfants est due à des voyages en Afrique subsaharienne, la plupart des voyageurs visitant des amis et parentsRéférence 2, Référence 3, Référence 4. Le paludisme touche aussi de façon disproportionnée les enfants. Parmi les Canadiens ayant reçu un diagnostic de paludisme ayant été déclaré à l'Agence de la santé publique du Canada entre 1998 et 2008, 23 % avaient 19 ans ou moins, tandis que seuls 8,7 % des voyageurs internationaux en 2011 faisaient partie de ce groupe d'âgeRéférence 5. Du mois d'août 2001 au mois d'août 2012, 195 cas de paludisme grave ou avec complications ont été diagnostiqués et déclarés au Réseau canadien sur le paludisme. De ce nombre, 21,1 % étaient des enfants (< 18 ans) et 11,6 % avaient entre 0 et 4 ans (A. McCarthy et J. Geduld, comm. pers. 2012).

Parmi les 7 542 cas de paludisme signalés entre 2006 et 2010 aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis, 1 418 (18 %) étaient des enfants (< 18 ans) et 360 (4,8 %) avaient entre 0 et 4 ans (K. Cullen et P. Arguin, comm. pers. 2012; Domestic Response Unit, Malaria Branch, Division of Parasitic Diseases, CDC, États-Unis).

Le paludisme peut se manifester par des symptômes qui ne sont pas spécifiques et qui ressemblent à d'autres diagnostics courants chez l'enfant, ce qui peut retarder le diagnostic. Un paludisme grave ou avec complications, comme l'accès pernicieux à forme cérébrale, une anémie grave, un choc ou même la mort, peut se développer plus rapidement chez les enfantsRéférence 6. Les données du Réseau canadien sur le paludisme de juin 2001 à septembre 2011 indiquent que 22 % des cas de paludisme avec complications nécessitant un traitement par quinine ou artésunate injectables concernaient des enfants, la plupart d'entre eux étant nés à l'étranger (61 %)Référence 7.

La réduction du risque d'infection lors de voyages dans des régions impaludées est inévitable. Tous les enfants doivent être bien protégés contre les piqûres de moustiques (voir le chapitre 3) et suivre une chimioprophylaxie antipaludéenneRéférence 7, Référence 8. Les nourrissons ne reçoivent pas suffisamment de médicaments par le lait maternel pour être protégés. Des antipaludéens doivent leur être prescrits même si leur mère en prend déjàRéférence 9, Référence 10.

Il peut s'avérer difficile de s'assurer que les jeunes enfants prennent des antipaludéens en raison de l'absence de préparation pédiatrique et de leur goût désagréable. Les comprimés contre le paludisme peuvent être écrasés et mélangés avec du sirop de chocolat, de la confiture, des céréales, une banane ou une préparation pour masquer le goût. Prescrivez un nombre suffisant de comprimés, car il se pourrait que quelques doses soient vomies ou recrachées et donnez des directives claires quant au moment où les doses que le patient n'a pas réussi à ingérer doivent être répétées. Les fournisseurs de soins de santé devraient envisager de demander l'aide de pharmacies préparant les produits. Elles peuvent couper au préalable les comprimés et/ou les écraser et insérer des portions dans des capsules pour un dosage plus précis et facile.

Des décès causés par une surdose accidentelle ont été signalés. Par conséquent, ces médicaments doivent être gardés hors de la portée des nourrissons et des enfants et conservés dans des contenants à l'épreuve des enfantsRéférence 11.

Il convient de montrer aux familles qui voyageront à l'avenir comment ajuster la dose des médicaments afin de l'augmenter à mesure que le poids de l'enfant augmente.

Chimioprophylaxie destinée aux enfants

La chloroquine est l'agent prophylactique privilégié dans les régions où les souches de paludisme sont sensibles à la chloroquine (voir l'annexe I pour connaître les recommandations spécifiques relatives aux régions). Le sulfate de chloroquine (c.àd. NivaquineMD) est largement utilisé sous la forme d'un sirop dans les régions impaludées et il est souvent plus facilement administré aux enfants que les comprimés. Cependant, il n'est pas disponible au Canada et les personnes qui achètent des produits à l'extérieur du Canada doivent prendre des précautions afin de minimiser le risque de médicaments contrefaits (voir « Prévention du paludisme chez les personnes qui voyagent ou séjournent longtemps à l'étranger »). Si des parents prévoient utiliser ce sirop, avisez-les du fait que la dose doit être déterminée avec prudence, selon le poids de l'enfant et qu'un risque de surdose existe.

La méfloquine est un des médicaments de choix dans les zones de chloroquinorésistance (voir l'annexe I pour connaître les recommandations spécifiques relatives aux régions). En revanche, il n'existe aucune étude qui porte sur sa biodisponibilité et sa vitesse d'absorption chez les enfants. Bien que le fabriquant déconseille l'administration de méfloquine aux enfants pesant moins de 5 kg (11 lb), il faut néanmoins envisager d'en donner à tous les enfants qui courent un grand risque de contracter le paludisme à P. falciparum résistant à la chloroquine, la posologie étant de 5 mg base/kg une fois par semaineRéférence 12. Les jeunes enfants sont moins nombreux à présenter des effets neuropsychiatriques importants après avoir reçu de la méfloquineRéférence 13, mais ils risquent davantage d'être pris de vomissementsRéférence 14.

Même s'il est possible que la chloroquine et la méfloquine exacerbent des troubles convulsifs et que d'autres agents devraient être utilisés dans ces cas, rien n'indique que des convulsions fébriles chez des enfants soient une contre indication de ces médicaments.

L'association atovaquone proguanil est homologuée pour la prophylaxie et le traitement du paludisme chez les enfants pesant au moins 11 kg (25 lb) ou âgés de plus de 3 ansRéférence 15. Des essais cliniques de l'atovaquone/du proguanil pour traiter le paludisme chez les enfants qui pèsent 5 kg (11 lb) ou plus semblent indiquer que cette association peut être sûre chez les nourrissons de cette taille lorsqu'elle est requiseRéférence 16. Les doses quotidiennes pour les petits bébés ont été extrapolées à partir de celles utilisées dans les essais de traitement (le quart de la dose thérapeutique, ou 5 et 2 mg/kg/dose d'atovaquone et de proguanil, respectivement). Le comprimé pour enfants contient 62,5 mg d'atovaquone et 25 mg de proguanil; les doses quotidiennes sont donc de 1/2 comprimé pour enfants chez les enfants pesant de 5 à 8 kg (de 11 à 17 lb) et de 3/4 de comprimé pour enfants chez ceux de plus de 8 à 10 kg (de 17 à 22 lb)Référence 16.

L'usage de la doxycycline comme médicament prophylactique a été étudiéRéférence 17. Une dose quotidienne de 2 mg/kg (max. de 100 mg/j) peut être utilisée chez les enfants de 8 ans ou plusRéférence 9, Référence 18. Bien que la primaquine ne soit pas homologuée au Canada pour cette indication, elle peut être administrée aux enfants de 9 ans et plus qui ne peuvent pas prendre des agents prophylactiques de première intentionRéférence 19. Comme il n'existe aucune limite d'âge lorsque la primaquine est employée pour une cure radicale de paludisme à P. vivax ou à P. ovale, ce médicament peut être une option raisonnable pour les enfants de tout âge tant et aussi longtemps qu'il y a eu un dépistage pour s'assurer que le niveau de glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) est adéquat. Il est recommandé de consulter un spécialiste en médecine des voyages ou en maladies infectieuses à moins que le prescripteur connaisse bien l'utilisation de ce médicament chez les enfants.

Tableau 5.1.1 : Recommandations dans le cadre d'une approche de la médecine fondée sur les preuves
Recommandations Catégorie MFP
Il faut éviter aux jeunes enfants les voyages dans des régions de transmission intense du paludisme, surtout si la maladie est résistante à la chloroquineRéférence 9. C III
Des mesures de protection individuelle efficaces pour protéger tous les enfants qui se rendent dans les régions impaludées doivent être utiliséesRéférence 20. A I
Pour les enfants qui voyagent ou séjournent dans des zones de chloroquinorésistance, la méfloquine, la doxycycline (≥ 8 ans) et l'atovaquone/le proguanil (≥ 5 kg) sont les médicaments de choix pour la chimioprophylaxieRéférence 12, Référence 15, Référence 17, Référence 21. A I
La chimioprophylaxie à la primaquine peut convenir aux enfants qui ne peuvent prendre aucun des agents prophylactiques de première intentionRéférence 19. B II

Abréviation : MFP, médecine fondée sur les preuves.

Remarque : On trouvera une description des catégories et de la qualité des preuves pour les recommandations à l'annexe IV.

Références

Référence 1

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Référence 8

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