Chapitre 4 - Prévention – Régimes Chimioprophylactiques : Recommandations canadienne pour la prévention et le traitement du paludisme (malaria)
Une déclaration d’un comité consultatif (DCC) du
Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages (CCMTMV)
Préambule
Le Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages (CCMTMV) donne de façon continue à l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) des conseils opportuns de nature médicale, scientifique et sanitaire concernant les maladies infectieuses tropicales et les risques pour la santé associés aux voyages internationaux. L’ASPC reconnaît que les recommandations et les conseils formulés dans cette déclaration reposent sur les meilleures pratiques médicales et connaissances scientifiques actuellement accessibles et les diffuse dans le but d’informer les voyageurs ainsi que les professionnels de la santé qui sont appelés à leur prodiguer des soins.
Les personnes qui administrent ou utilisent des médicaments, des vaccins ou d’autres produits devraient bien connaître la monographie des produits, ainsi que toute autre norme ou instruction approuvée concernant leur usage. Les recommandations relatives à l’usage des produits et les autres renseignements présentés ici peuvent différer de ceux qui figurent dans la monographie ou toute autre norme ou instruction approuvée pertinente établie par les fabricants autorisés. Les fabricants font approuver leurs produits et démontrent l’innocuité et l’efficacité de ceux-ci uniquement lorsque ces produits sont utilisés conformément à la monographie ou à toute autre norme ou instruction approuvée semblable.
Chapitre 4 : Prévention – Régimes chimoprophylactiques
Le paludisme est une maladie mortelle grave. Même avec des traitements modernes efficaces et des soins intensifs, le taux de létalité pour les infections graves à Plasmodium falciparum peut s’élever à 20 %. Pour réduire l’impact sur les voyageurs, il convient d’abord de prévenir la maladie. Il existe plusieurs interventions visant à réduire le risque de paludisme, la principale étant de suivre une himioprophylaxie (voir les chapitres 5 et 8) tout en appliquant des mesures de protection individuelle pour prévenir les piqûres d’insectesRéférence 1 (voir le chapitre 3).
Antipaludéens
La plupart des voyageurs qui prennent des antipaludéens à des fins prophylactiques ne ressentent aucun effet indésirable, sinon des effets mineursRéférence 2, Référence 3, Référence 4, Référence 5, Référence 6, Référence 7, Référence 8. Cependant, les antipaludéens ne devraient être prescrits qu’une fois le risque individuel évalué (voir le chapitre 2) afin de prendre en considération les risques et les bienfaits d’une chimioprophylaxie. Au moment de choisir entre différentes options, le prestataire de soins de santé doit prendre en considération l’état de santé général du voyageur, les autres médicaments que celui-ci prend, l’efficacité des antipaludéens, les risques d’effets indésirables et la nature de ceux-ci, ainsi que les préférences du voyageur et sa tolérance aux risques.
Si le patient éprouve effectivement des effets indésirables, ceux-ci risquent de se répercuter non seulement sur la santé du voyageur, mais également sur son observance du régime thérapeutique. On peut faire l’essai d’un médicament avant le voyage pour voir s’il est bien toléré. Pour réduire au minimum les effets indésirables, il importe de bien expliquer à tous les voyageurs le schéma posologique à suivre, notamment l’heure où il faut prendre le médicament et s’il faut le prendre avec des aliments, de même que les précautions relatives aux effets secondaires de chaque médicament (p. ex. l’exposition au soleil avec la doxycycline).
L’efficacité observée des différents antipaludéens dans le cadre d’essais cliniques suppose une observance stricte du schéma posologique et des mesures de protection individuelle comme la protection contre les insectes et l’emploi d’insectifuges. Certains schémas posologiques (p. ex. avec la méfloquine) sont plus souples, tandis que d’autres doivent être respectés en tout temps (p. ex. avec la doxycycline) pour garantir une protection maximale. Si les voyageurs sont bien renseignés sur tous les aspects de la prévention du paludisme et sur les enjeux précis de leur traitement prophylactique, ils auront tendance à respecter davantage le schéma posologique du traitement.
Choix des antipaludéens
Le prestataire de soins de santé doit suivre cinq étapes avant de pouvoir choisir la chimioprophylaxie antipaludique la plus appropriée :
- Examiner l’itinéraire de voyage précis du voyageur pour déterminer son profil de risque de paludisme. Poser des questions précises en ce qui concerne la période de l’année, le type de voyage et la ou les destinations. Une fois que l’on a ces renseignements, le schéma posologique de l’antipaludéen possible peut être examiné avec le voyageur (voir l’annexe I). Plusieurs options seront possibles pour un bon nombre d’itinéraires. Évaluer les avantages et les inconvénients (présentés au tableau 8.11) de chaque schéma et déterminer lequel convient le mieux au voyageur.
- Choisir la dose d’antipaludéen appropriée en prenant le temps d’expliquer au voyageur de quelle façon le médicament doit être pris (voir le tableau 8.11).
- Aborder avec le voyageur l’importance des mesures de protection individuelle, par exemple les insectifuges et les moustiquaires de lit, pour se protéger contre le paludisme (voir le chapitre 3).
- Discuter l’importance de consulter rapidement un médecin si le voyageur se met à faire de la fièvre alors qu’il voyage dans une région impaludée ou dans l’annéeNtoe de bas de page a suivant son retour au Canada.
Choix des antipaludéens pour certaines régions où le paludisme est pharmacorésistant
On devrait informer les voyageurs que les antipaludéens peuvent grandement réduire le risque de contracter le paludisme symptomatiqueRéférence 2, Référence 4, Référence 5, Référence 6, Référence 7, Référence 8, Référence 10, mais aucune chimioprophylaxie n’assure une protection absolue. Les mesures de protection individuelle complètent les antipaludéensRéférence 1 et réduisent les risques que le voyageur contracte la maladie (voir le chapitre 3).
Bien qu’il existe des divergences mineures d’opinions entre les experts des différents pays (États-Unis, Europe et Canada), le rôle essentiel joué par la chimioprophylaxie du paludisme dans la prévention de la maladie, dans les régions où les risques de transmission sont élevés, est universellement accepté. Les différences dans les recommandations sont souvent liées aux schémas posologiques que privilégie un pays ou à la question de savoir s’il est indiqué de suivre une chimioprophylaxie dans les régions où les niveaux de transmission sont faibles (voir ci-dessous). Comme toutes ces différences peuvent dérouter les voyageurs, les praticiens devraient prendre soin de bien les expliquer.
L’encadré 4.1 résume les principaux schémas chimioprophylactiques selon la pharmacorésistance du médicament (on trouvera de plus amples renseignements sur ces médicaments au chapitre 8).
Encadré 4.1 : Schémas chimioprophylactiques contre le paludisme selon la pharmacorésistance du médicament
Régions où les souches sont sensibles à la chloroquine
Il s’agit de régions impaludées où une résistance à la chloroquine n’a pas été signalée ou n’est par répandue à grande échelle. C’est le cas, entre autres, d’Haïti, de la République dominicaine, de l’Amérique centrale au nord du canal de Panama, de régions du Mexique, de régions de l’Amérique du Sud, de l’Afrique du Nord, de régions du Moyen-Orient, ainsi que de la Chine occidentale et centrale. (Voir les recommandations propres à chaque pays à l’annexe I.)
Médicaments de choix : La chloroquine (AralenMD) est le médicament de choix pour les voyageurs qui se rendent dans des régions où les souches de paludisme sont sensibles à la chloroquine. L’hydroxychloroquine (PlaquenilMD) est une option équivalente acceptableRéférence 11.
La chloroquine ou l’hydroxychloroquine doit être prise une fois par semaine, le traitement commençant une semaine avant l’arrivée dans la région en question (ou deux à trois semaines plus tôt pour évaluer la tolérance du voyageur), et se poursuivant pendant toute la durée du séjour et pendant quatre semaines après le départ de la région impaludée.
Médicaments de remplacement : Pour les personnes qui ne tolèrent pas la chloroquine ou l’hydroxychloroquine, il faut prescrire l’association atovaquone-proguanil, la doxycycline ou la méfloquine (voir la section suivante et le chapitre 8).
Régions où les souches sont résistantes à la chloroquine
Il s’agit de régions impaludées où une résistance à la chloroquine a été confirmée, c’est-à-dire la majeure partie de l’Afrique subsaharienne, de l’Amérique du Sud, de l’Océanie et de l’Asie. (Voir les recommandations propres à chaque pays à l’annexe I.) Il est à noter que certaines régions frontalières de la Thaïlande, du Myanmar (Birmanie), du Laos et du Cambodge, de même que le Sud du Vietnam sont des zones de résistance à la chloroquine et à la méfloquineRéférence 12, Référence 13, Référence 14 (voir la section suivante).
On dispose de données suffisantes sur les hôtes non immuns ou partiellement immuns de diverses régions pour conclure que l’atovaquone-proguanil, la doxycycline et la méfloquine ont une efficacité égale pour prévenir le paludisme chloroquinorésistant (2;4–8).
Médicaments de choix : Atovaquone-proguanil, doxycycline ou méfloquineRéférence 2, Référence 4, Référence 5, Référence 6, Référence 7, Référence 8, Référence 10.
L’atovaquone-proguanil doit être pris chaque jour, à partir de la journée précédant l’arrivée dans la région impaludée (ou de trois à quatre jours plus tôt pour évaluer la tolérance du voyageur au médicament), pendant toute la durée du séjour, et pendant une semaine après le départ de la région impaludéeRéférence 15.
La doxycycline doit être prise chaque jour, en commençant une journée avant l’arrivée dans la région impaludée (ou de trois à quatre jours plus tôt pour tester la tolérance du voyageur au médicament), pendant toute la durée du séjour, et pendant quatre semaines après le départ de la région impaludéeRéférence 4.
La méfloquine doit être prise une fois par semaine, en commençant une semaine avant l’arrivée dans la région impaludée (ou trois semaines plus tôt pour évaluer la tolérance du voyageur au médicament), pendant toute la durée du séjour, et pendant quatre semaines après le départ de la région impaludéeRéférence 4.
Médicaments de remplacement : Si l’atovaquone-proguanil, la doxycycline et la méfloquine ne sont pas bien tolérés, la primaquine peut être envisagée. La primaquine doit être prise chaque jour, en commençant une journée avant l’arrivée dans la région impaludée (ou de trois à quatre jours plus tôt pour tester la tolérance du voyageur au médicament), pendant toute la durée du séjour, puis pendant sept jours après le départ de la région impaludée.
Remarque : La primaquine est contre-indiquée en cas de déficit en G6PD (glucose-6-phosphate déshydrogénase) et chez les femmes enceintes (voir les chapitres 5 et 8).
Régions où les souches sont résistantes à la chloroquine et à la méfloquine
Des cas de résistance à la fois à la chloroquine et à la méfloquine ont été signalés dans divers pays d’Asie et d’Afrique, et dans le bassin de l’Amazone. Toutefois, cela ne pose pas de véritable problème, sauf dans les régions rurales et boisées situées le long de la frontière thaïlandaise avec le Myanmar (Birmanie), le CambodgeRéférence 13, Référence 14 et le Laos, ainsi que dans le Sud du VietnamRéférence 12, Référence 16. Peu de touristes visitent ces régions, mais ceux qui s’y rendent doivent prendre des mesures de protection individuelle rigoureusesRéférence 1.
Médicaments de choix : Atovaquone-proguanil ou doxycycline (voir le chapitre 8).
L’atovaquone-proguanil doit être pris chaque jour, en commençant au moins un jour avant l’arrivée dans la région impaludée (ou de trois à quatre jours plus tôt pour s’assurer qu le voyageur tolère le médicament), pendant toute la durée du séjour, puis pendant une semaine après le départ de la région impaludéeRéférence 15.
La doxycycline doit être prise chaque jour, en commençant au moins une journée avant l’arrivée dans la région impaludée (ou de trois à quatre jours plus tôt pour s’assurer que le voyageur tolère bien le médicament), pendant toute la durée du séjour, puis pendant quatre semaines après le départ de la région impaludéeRéférence 4.
Médicaments de remplacement : À l’heure actuelle, il n’existe aucun médicament de remplacement efficace contre le paludisme dans ces régions.
Remarque : Il n’existe aucun médicament approuvé contre le paludisme recommandé pour les femmes enceintes ou les enfants pesant moins de 5 kg qui voyagent dans des régions de résistance à la méfloquine. L’atovaquone-proguanil (MalaroneMD) pourrait être envisagé après le premier trimestre chez les femmes enceintes qui doivent voyager dans des zones de résistance à la méfloquine (zones frontalières entre la Thaïlande et le Cambodge, et le Myanmar), mais seulement après une discussion sérieuse des bienfaits et des risques (voir les chapitres 5 et 8)Référence 17, Référence 18.
Prophylaxie finale par la primaquine pour la prévention des rechutes du plaudisme à P. vivax et à P. ovale
Les parasites P. vivax et P. ovale peuvent survivre dans le foie et causer des rechutes cinq ans ou plus après l’arrêt de la chimioprophylaxie de routineRéférence 19, Référence 20. Bien qu’il soit considéré comme moins virulent que P. falciparum, P. vivax est quand même associé à une morbidité importante qui peut nécessiter des soins intensifsRéférence 21. Étant donné que la plupart des régions impaludées du monde (à l’exception d’Haïti et de la République dominicaine) abritent le parasite P. vivax ou P. ovale, les voyageurs qui se rendent dans ces régions s’exposent au paludisme de rechute. La prophylaxie finale par la primaquine est administrée une fois que le voyageur a quitté la zone impaludée, habituellement durant ou après la période de chimioprophylaxie qui suit le retour. La primaquine réduit le risque de rechute en agissant sur les formes persistantes (hypnozoïtes) de P. vivax et P. ovale, au stade hépatique.
Les données concernant le risque de rechute sont limitées. Selon une étude auprès de 725 Rangers de l’Armée américaine postés en Afghanistan, 38 (5,2 %) avaient contracté le paludisme à P. vivax, ce qui représente un taux d’attaque de 52,4 pour 1 000 soldats. Le diagnostic a été confirmé après une période médiane de 233 jours après le retour de la région impaludéeRéférence 21. Le personnel militaire, les voyageurs qui sont partis pour longtemps et les expatriés sont des groupes pour lesquels on devrait envisager une prophylaxie finale s’ils ont vécu dans des régions de forte endémicité pour P. vivax ou P. ovale. Tous les voyageurs qui reviennent au Canada après avoir reçu un diagnostic d’infection à P. vivax ou à P. ovale à l’étranger sont également des candidats potentiels à une prophylaxie finaleRéférence 22.
La primaquine est contre-indiquée chez les femmes enceintes et les personnes qui présentent un déficit en G6PD (voir le chapitre 8 pour les contre-indications et les précautions à prendre).
Différences d’approche de la chimiorophylaxie du paludisme
Le CCMTMV consulte toutes les principales sources d’information en matière de prévention du paludisme, notamment l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)Référence 23, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) Référence 24 des États-Unis et le Health Protection Agency Advisory Committee on Malaria Prevention (ACMP)Référence 25 du Royaume-Uni. Le CCMTMV examine également les recherches récentes ainsi que les données épidémiologiques nationales et internationales afin de proposer des lignes directrices et des recommandations adaptées au contexte canadien. Certains facteurs influencent les recommandations, par exemple l’homologation des médicaments, les habitudes de voyage propres aux Canadiens et l’épidémiologie du paludisme, ainsi que les valeurs et les préférences des voyageurs et des prestataires de soins de santé.
Certains pays (p. ex. les États-Unis) ont une tolérance aux risques de paludisme très faible face aux voyageurs qui reviennent au paysRéférence 24 et accordent donc une plus grande importance à la chimioprophylaxie. D’autres (la plupart des pays européens) mettent l’accent sur les effets indésirables potentiels des médicaments et sont donc moins susceptibles de recommander une chimioprophylaxie dans les zones à faibles risques. De plus, comme les recommandations propres à chaque région sont dynamiques, il existe certaines différences liées à l’âge des données épidémiologiques sur lesquelles les recommandations sont basées. Dans les présentes lignes directrices, le CCMTMV a tenté de trouver un équilibre entre la nécessité de protéger la population et les effets indésirables éventuels d’une chimioprophylaxie. Les recommandations du CCMTMV sont pour la plupart conformes avec le OMSRéférence 23 et au Yellow Book: Health Information for International TravelRéférence 24 des CDC des États-Unis, à quelques petites différences près.
Le CCMTMV recommande la chloroquine pour la prévention du paludisme dans les régions où la maladie est sensible à la chloroquine et l’atovaquone-proguanil, la doxycycline ou la méfloquine comme solutions équivalentes pour la prévention du paludisme dans les régions de chloroquinorésistance, ce qui est similaire à l’approche des CDC. Les recommandations détaillées concernant le moment de mise en route et d’arrêt de la chimioprophylaxie sont également les mêmes dans les principales lignes directrices. Elles offrent aussi la possibilité d’un traitement de réserve d’urgence pour les voyageurs qui se rendent dans des régions éloignées, où il peut être impossible d’obtenir une assistance médicale dans les 24 heures (voir la section sur les traitements de réserve d’urgence pour de plus amples renseignements).
Les lignes directrices du CCMTMV diffèrent parfois de celles de l’OMS et de l’ACMP en ce qui concerne les recommandations liées aux médicaments. Dans les régions où les souches sont sensibles à la chloroquine, l’ACMP recommande le proguanil comme médicament de remplacement. Le proguanil seul n’est cependant pas offert au Canada et le CCMTMV, les CDC et l’OMS ne recommandent pas la prise de ce médicament. De plus, dans les zones où les niveaux de transmission du paludisme sont faibles à modérés et où la résistance à la chloroquine est faible à modérée (p. ex. dans certaines régions de l’Asie du Sud, de l’Asie du Sud-Est, de l’Afrique subsaharienne et de l’Amérique du Sud), l’OMS et l’ACMP recommandent l’association de la chloroquine et du proguanil comme traitement chimioprophylactique de première intention. Cependant, comme le CCMTMV est d’avis que l’association chloroquine-proguanil est beaucoup moins efficace que l’atovaquone-proguanil, la doxycycline ou la méfloquineRéférence 26, Référence 27, il ne recommande pas ce traitement.
Le traitement de réserve d’urgence pour les courts séjours à l’étranger est une solution incluse dans toutes les lignes directrices bien que dans celles du CCMTMV et des CDC, les critères d’emploi soient plus restrictifs. Le CCMTMV recommande l’autotraitement de réserve pour les voyageurs qui ne peuvent avoir de l’aide médicale dans les 24 heures. Dans les lignes directrices des CDC, les associations atovaquone/proguanil ou artéméther-luméfantrine sont recommandées pour cette utilisation, alors que le CCMTMV recommande un traitement de réserve par l’atovaquone/ proguanil ou la quinine et la doxycycline, étant donné que l’association artéméther-luméfantrine n’est pas disponible au Canada. Cela dit, le CCMTMV ne recommande en aucun cas la méfloquine en raison de la forte probabilité de réactions indésirables graves avec de fortes doses. Pour de plus amples renseignements sur l’autotraitement, voir le chapitre 7.
Arrêt des médicaments antipaludéens
Des cas de décès dus au paludisme ont été recensés chez des voyageurs qui avaient délaissé un antipaludéen efficace au profit d’un autre qui offrait une protection moindreRéférence 11, Référence 28, Référence 29, Référence 30. Au cours de leur voyage, les gens peuvent rencontrer d’autres voyageurs ou prestataires de soins de santé qui leur suggèrent de changer leurs médicaments ou d’arrêter de les prendre. La plupart du temps, il est conseillé d’ignorer ou de remettre en question de tels conseils, car les médicaments employés dans d’autres régions du monde peuvent être moins efficaces, entraîner de graves effets indésirables et ne pas respecter les normes canadiennes; par conséquent, ils ne sont pas recommandés pour les voyageurs canadiens. Citons par exemple le proguanil seul (PaludrineMD), la pyriméthamine (DaraprimMD), les associations dapsone-pyriméthamine (MaloprimMD) et méfloquine-sulfadoxine-pyriméthamine (FansimefMD).
Cependant, lorsque les effets secondaires de l’agent prophylactique sont importants et que les conseils proviennent d’un prestataire de soins de santé (de préférence de celui qui a prescrit le médicament initial), il est raisonnable de changer le médicament. Idéalement, il s’agirait d’un médicament lui aussi recommandé dans les lignes directrices du CCMTMV. Il n’est pas recommandé d’arrêter complètement les traitements chimioprophylactiques.
Administration concomitante dántipaludéens et de vaccins
Les voyageurs qui ont besoin d’antipaludéens peuvent également devoir recevoir des vaccins bactériens oraux vivants contre certains agents. Vu qu’une réplication bactérienne est nécessaire avec ces vaccins pour induire une protection immunitaire, l’administration simultanée d’antibiotiques peut nuire à l’efficacité des vaccins. La doxycycline est un antibiotique et ne devrait jamais être administrée en même temps qu’un vaccin bactérien oral vivant atténué. Il a été démontré que la méfloquine et la chloroquine inhibaient in vitro le vaccin oral contre la typhoïdeRéférence 31. Le proguanil a une certaine activité antibactérienne, mais l’administration concomitante de l’atovaquone-proguanil et des vaccins oraux vivants contre la typhoïde et le choléra chez les enfants ne semble pas réduire la réponse immunitaire à ces vaccinsRéférence 32. En revanche, l’administration du proguanil et de la chloroquine en même temps que les vaccins oraux vivants contre la typhoïde et le choléra a réduit l’immunogénicité vaccinaleRéférence 33. Aucune étude n’a encore été réalisée pour mesurer l’effet de l’administration concomitante d’antipaludéens et de vaccins oraux vivants contre la typhoïde et le choléra sur les manifestations cliniques de ces deux maladies. Puisque les données ne sont pas définitives, l’approche prudente sera de compléter la vaccination avec des vaccins oraux vivants contre la typhoïde ou le choléra au moins trois jours avant la première dose de médicament antipaludiqueRéférence 34, Référence 35, Référence 36. Les vaccins oraux inactivés par le formol ou la chaleur (tels que DukoralMD) ne contiennent pas de bactéries vivantes et peuvent donc être administrés en même temps que des antipaludéens.
L’emploi concomitant de chloroquine nuit à la réponse immunitaire au vaccin antirabique cultivé sur les cellules diploïdes humaines et administré par voie intradermiqueRéférence 37. Si ce vaccin est administré à une personne qui prend de la chloroquine, il est recommandé d’effectuer un dosage des anticorps après la vaccination pour vérifier si la réponse immunitaire est adéquate (ce qui n’est pas toujours possible).
Au cours de la discussion au sujet de la chimioprophylaxie :
- Dites aux voyageurs que le paludisme est une maladie potentiellement mortelle et que les médicaments entraînent rarement des effets indésirables graves s’ils sont bien choisis et employés correctement.
- Choisissez le médicament le moins susceptible d’exacerber un problème de santé ancien ou actuel.
- Présentez aux voyageurs toutes les options et faites-leur choisir la chimioprophylaxie qu’ils préfèrent (à moins qu’il n’y ait une contre-indication); tous les schémas chimioprophylactiques de première intention recommandés sont considérés comme tout aussi efficaces contre le paludisme.
- Soulignez que le médicament devrait être pris selon les recommandations pour réduire au minimum les effets indésirables importants.
- Si le patient craint les effets indésirables d’un médicament, proposez-lui d’en faire l’essai avant son voyage.
- Discutez avec le patient de la possibilité de changer de médicament pendant son voyage s’il éprouve alors des effets indésirables graves.
- Indiquez aux voyageurs que si un antipaludéen est bien toléré, ils devraient continuer de le prendre même s’ils entendent des rumeurs négatives au sujet de ce médicament. Rien n’indique que les traitements à long terme qui sont actuellement recommandés pour les courts séjours à l’étranger comportent un risque additionnel d’effets indésirables graves.
Recommandations | Catégorie MFP |
---|---|
La chloroquine (AralenMD) ou l’hydroxychloroquine (PlaquenilMD) sont les médicaments de choix pour les voyageurs qui se rendent dans des régions où les souches de paludisme sont sensibles à la chloroquineRéférence 11. | A I |
L’atovaquone-proguanil, la doxycycline ou la méfloquine sont des médicaments de choix pour les voyageurs qui se rendent dans des zones de résistance à la chloroquine et de sensibilité à la méfloquineRéférence 2, Référence 4, Référence 5, Référence 6, Référence 7, Référence 8, Référence 10. | A I |
L’atovaquone-proguanil et la doxycycline sont des médicaments de choix pour les voyageurs qui se rendent dans des zones où le paludisme est résistant à la méfloquineRéférence 4, Référence 15, Référence 38. | A I |
La primaquine est recommandée pour la chimioprophylaxie du paludisme chez les voyageurs qui ne veulent pas ou ne peuvent pas prendre de l’atovaquone-proguanil, de la doxycycline ou de la méfloquine dans des régions de résistance à la chloroquineRéférence 5. | A I |
La primaquine est recommandée comme prophylaxie finale après le voyage chez les voyageurs qui ont souffert à l’étranger d’un paludisme à Plasmodium vivax ou à Plasmodium ovaleRéférence 22. | B III |
Le traitement de réserve par l’atovaquone-proguanil ou la quinine et la doxycycline est recommandé chez les voyageurs qui ne peuvent obtenir un diagnostic dans les 24 heures. | C III |
La doxycycline est un antibiotique et ne devrait jamais être administrée en même temps qu’un vaccin oral vivant. L’administration de vaccins oraux vivants contre la typhoïde et le choléra doit être réalisée au moins trois jours avant la première dose de médicament antipaludiqueRéférence 34, Référence 35, Référence 36. | B III |
L’emploi concomitant de chloroquine nuit à la réponse immunitaire au vaccin antirabique cultivé sur les cellules diploïdes humaines et administré par voie intradermiqueRéférence 37. Si le vaccin intradermique contre la rage est administré à une personne qui prend de la chloroquine, il est recommandé d’effectuer un dosage des anticorps contre la rage après la vaccination pour vérifier si la réponse immunitaire est adéquate. | B III |
Abréviation : MFP, médecine fondée sur les preuves. Remarque : On trouvera une description des catégories et de la qualité des preuves pour les recommandations à l'annexe IV. |
Références
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Notes de bas de page
- Notes de bas de page a
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La vaste majorité des cas de paludisme liés aux voyages diagnostiqués dans des pays où le paludisme n'est pas endémique se déclarent plusieurs mois après le retour des voyageurs d'une région impaludéeRéférence 9. Cependant, certains cas, y compris les cas de P. falciparum, se déclareront après une plus longue période, parfois six mois et plus après l'exposition. Le CCMTMV recommande donc que les voyageurs qui tombent malades et ont une fièvre inexpliquée dans l'année suivant leur retour (qu'une prophylaxie antipaludéenne ait été prescrite ou non, ou suivie ou non) consultent immédiatement un médecin et l'informent de leurs antécédents de voyage. Il faut être particulièrement attentif aux fièvres qui se déclarent dans les trois mois suivant le retour d'un voyage, car plus de 90 % des maladies liées au P. falciparum surviennent au cours de cette période.
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