Maladies chroniques et blessures au Canada

Volume 32, no. 2, mars 2012

Compte rendu d’ouvrage – Danse et santé : du corps intime au corps social

C. Couillard, Ph. D.

https://doi.org/10.24095/hpcdp.32.2.07f

Rattachement de l’auteur

Chaire de recherche du Canada en droit de la santé et de la sécurité du travail, Université d’Ottawa, Ottawa (Ontario), Canada

Correspondance : Caroline Couillard, Chaire de recherche du Canada en droit de la santé et de la sécurité du travail, Université d’Ottawa, 603 King Edward Street, Ottawa (Ontario) K1N 6N5; courriel : Caroline.Couillard@uottawa.ca

Publié sous la direction de : Sylvie Fortin
Éditeur : Presses de l’Université du Québec, collection Santé et Société
Date de publication : 2008
Nombre de pages : 330
Prix : 30 $ CAN
ISBN : 978-2-7605-1543-7

Cet ouvrage examine le rapport intrinsèque et complexe entre la santé et la danse. Destiné d’abord et avant tout aux balletomanes, qu’ils soient danseurs, chorégraphes, répétiteurs, chercheurs, médecins ou journalistes – pour ne donner que quelques exemples –, il offre un discours académique rigoureux, présenté de manière détaillée et renseignée, ainsi que des propos et des descriptions d’impressions, d’expériences et de perceptions relevant du témoignage direct.

Danse et santé est divisé en six parties, chacune composée de divers articles où la perspective des auteurs sur la santé et la danse est examinée. Céder la parole aux divers collaborateurs, tous impliqués dans le monde de la danse, vient renforcer l’une des idées centrales de cet ouvrage : plusieurs de ces contributions suggèrent une approche voulant que l’interprète en danse travaille de pair avec ses collègues afin de prendre en main sa santé et sa sécurité dans son milieu de travail. D’autres suggèrent que, si la connaissance et l’écoute de son corps doivent opérer conjointement avec la quête esthétique et artistique centrale à la performance et à la création, le travail d’équipe et l’écoute de l’autre jouent également un rôle important dans la sécurité des danseurs. D’autres encore rappellent l’importance du rôle de l’État, des organisations syndicales et de la société dans l’encadrement de la santé et de la sécurité et la prévention des blessures chez les artistes de la scène.

La première partie de Danse et santé relate les expériences de danseurs et de chorégraphes qui cherchent perpétuellement l’équilibre entre la vision artistique, la conscience esthétique et les limites du corps humain – le leur ou celui de l’autre. Elle questionne également, en termes très clairs, le rôle de chacun et celui du système dans lequel ils œuvrent, particulièrement dans la prévention des blessures. Dans le premier chapitre, Sylvie Fortin et ses collègues traitent aussi de la question du genre en faisant le point sur les défis particuliers aux danseuses et aux danseurs, que ce soit au niveau de la compétitivité, du processus de création, de l’entraînement ou même des attentes.

La deuxième partie de l’ouvrage décrit différentes stratégies visant à informer les divers acteurs des possibilités de participation au processus de création ainsi que les formes de pouvoir associées à chacune. Pamela Newell et Sylvie Fortin examinent la relation entre créateur et performeur. Le rôle de ce dernier dans le processus de création est placé sur un continuum allant d’une approche traditionnelle – où le rôle du danseur se limite à la reproduction – à une approche dite décentralisée, qui vise plutôt une participation active, voire spontanée du danseur dans la création de l’œuvre. En lien avec ce continuum se trouve le contrôle exercé par le créateur sur son œuvre et par le performeur sur son corps. Les quatrième et cinquième chapitres relatent des expériences en recherche-action et en éducation somatique par lesquelles les étudiants prennent conscience de leur corps pour en arriver à remettre en question des discours qu’ils avaient pris pour véridiques et qui déterminent les enjeux du pouvoir sur leur santé.

La troisième partie de Danse et santé propose au lecteur une perspective internationale sur les stratégies de prévention des blessures dans le monde de la danse, à commencer par une étude portant sur les cours de qualification des professeurs de danse en France. Ensuite, le texte de Jill Green aborde les notions de santé et de bien-être et les pratiques aux États-Unis, incluant la médicalisation de la santé et les bienfaits (et défis) des approches alternatives comme l’éducation somatique, qui pourrait s’imposer comme discours dominant dans la quête d’un idéal. Blanka Rip et ses collègues concluent cette section en se penchant sur la question de la passion et des conséquences possibles d’une passion obsessive sur la santé et l’équilibre du danseur. Harmonieuse, la passion permet flexibilité et contrôle, alors qu’obsessive, elle a des conséquences dans tous les domaines, dont la santé et les blessures.

La quatrième section du recueil propose une interprétation du milieu professionnel de la danse, examinant la variété de facteurs structurels qui déterminent la santé et la sécurité des danseurs dans leur travail. Le texte d’Élise Ledoux et collab. se penche sur la question organisationnelle des entreprises dans le domaine de la danse, alors que celui de Roger Hobden fait le point sur la prévention des blessures pendant l’entraînement.

La cinquième section est la plus surprenante. Le onzième chapitre est composé d’œuvres fictives imaginées par quatre des collaboratrices qui, à partir des témoignages recueillis au cours d’études et d’observations, ont « recréé » l’univers de l’interprète en danse sous forme de poésie, de pièce de théâtre, de journal intime et de narration. Les autres chapitres de cette section traitent de la relation directe entre la danse et la maladie. Dans leur entretien avec Sylvie Fortin, Christine Hanrahan et Nathalie Buisson, deux danseuses atteintes de cancer, expliquent comment la danse les aide dans le contexte de leur maladie. Finalement, Aurore Després décrit l’observation d’une danseuse qui présente un numéro aux patients d’un hôpital, leur faisant don de sa performance.

La sixième et dernière partie fournit plusieurs exemples de représentation de la maladie et de la souffrance physique par la danse, souvent, mais non exclusivement, en tant que processus cathartique ou autothérapeutique. La réflexion sur la forme physique entamée dans le texte de Tamar Tembeck se poursuit dans le chapitre suivant avec une analyse chorégraphique portant sur la définition et la perception du corps parfait et les attentes pour la réalisation de cet idéal.

En gros, les auteurs nous convainquent du besoin d’une plus grande prise de conscience et d’un plus grand contrôle sur les enjeux pertinents pour la santé et la sécurité des danseurs. La question du genre et des enjeux spécifiques aux danseuses et aux danseurs est un thème sous-jacent, qui est renforcé par le taux de participation aux divers ateliers et études (où on retrouve une prépondérance de femmes), ainsi que dans les propos mêmes des témoignages directs. Dans le but de transformer les pratiques socioculturelles qui ont longtemps dérobé au danseur le contrôle de son corps et de sa santé, les auteurs préconisent des changements tant au niveau du danseur lui-même et de sa formation qu’à celui de la société, pour y inclure des normes plus strictes, des pratiques plus saines, une révision des attentes et une modification des discours.

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