Rapport entre l'obésité et la sécurité alimentaire des ménages, les caractéristiques des ménages et le milieu scolaire chez les enfants métis et des Premières Nations vivant hors réserve au Canada : Enquête auprès des peuples autochtones de 2012
Volume 37 · numéro 3 · mars 2017
Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada
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Relation entre l'obésité et la sécurité alimentaire des ménages, les caractéristiques des ménages et le milieu scolaire chez les enfants métis et des Premières Nations vivant hors réserve au Canada : résultats de l'Enquête auprès des peuples autochtones de 2012
Jasmin Bhawra, M. Sc.Note de bas de page 1 ; Martin J. Cooke, Ph. D.Note de bas de page 1 ,Note de bas de page 2 ; Yanling Guo, M. Sc.Note de bas de page 1 ; Piotr Wilk, Ph. D.Note de bas de page 3
https://doi.org/10.24095/hpcdp.37.3.03f
Cet article a fait l'objet d'une évaluation par les pairs.
Rattachement des auteurs :
Correspondance : Jasmin Bhawra, School of Public Health and Health Systems, University of Waterloo, 200, University Avenue West, C.-B. Matthews Hall, bureau 0605, Waterloo (Ontario) N2L 3G1; tél. : 519-888-4567, poste 31066; courriel : jbhawra@uwaterloo.ca
Résumé
Introduction : Les enfants autochtones sont deux fois plus susceptibles d'être classés comme obèses et trois fois plus susceptibles de vivre dans l'insécurité alimentaire que les autres enfants canadiens. Le but de cette étude est d'explorer la relation entre l'insécurité alimentaire et le poids chez les enfants et les jeunes métis et des Premières Nations vivant hors réserve à l'échelle du Canada.
Méthodologie : Nous avons obtenu des données sur les enfants et les jeunes de 6 à 17 ans (n = 6 900) tirées de l'Enquête auprès des peuples autochtones de 2012. Nous avons testé les relations bivariées à l'aide des tests du chi carré de Pearson et utilisé des régressions logistiques binaires imbriquées pour examiner la relation entre l'insécurité alimentaire et le poids, en tenant compte de la dimension spatiale, des caractéristiques des ménages ainsi que de l'environnement scolaire et de facteurs culturels.
Résultats : Environ 22 % des enfants et des jeunes métis et des Premières Nations souffraient d'embonpoint et 15 % étaient classés comme obèses. Plus de 80 % des répondants ont signalé ne pas souffrir d'insécurité alimentaire, 9 % ont fait état d'une sécurité alimentaire faible et 7 % d'insécurité alimentaire grave. Les enfants et les jeunes autochtones vivant hors réserve dans des ménages à très faible sécurité alimentaire présentaient un risque accru d'embonpoint ou d'obésité, quoique ce risque accru ne se soit pas révélé indépendant du statut socioéconomique du ménage et qu'il se soit trouvé réduit en tenant compte du revenu du ménage après ajustement en fonction de la taille de ce dernier. Un environnement scolaire négatif s'est révélé également être un prédicteur important du risque d'obésité, indépendamment des facteurs démographiques, spatiaux et liés aux ménages.
Conclusion : L'insécurité alimentaire et l'obésité étaient répandues parmi les groupes autochtones étudiés, et nos résultats laissent penser que les enfants et les jeunes en situation d'insécurité alimentaire souffrent également en grande proportion d'embonpoint ou d'obésité. Cette étude renforce l'importance d'inclure les déterminants sociaux de la santé tels que le revenu, l'environnement scolaire et la dimension spatiale dans les programmes ou les politiques ciblant l'obésité infantile.
Mots-clés : obésité infantile, insécurité alimentaire, peuples autochtones, Premières Nations, Métis, environnement scolaire
Points saillants
- Les enfants et les jeunes autochtones vivant hors réserve dans des ménages où la sécurité alimentaire est très faible courent un risque plus élevé d'embonpoint ou d'obésité.
- Les enfants et les jeunes ayant jugé le plus négativement leur milieu scolaire (exposition au racisme, à l'intimidation et aux drogues) étaient les plus susceptibles d'être en surpoids ou obèses, par rapport à ceux l'ayant évalué le moins négativement.
- Il n'y avait pas de différence de poids entre enfants et jeunes autochtones en fonction du type de milieu (rural et petites, moyennes ou grandes villes).
Introduction
Les enfants autochtones du Canada (Premières Nations, Métis et Inuits) présentent un risque disproportionné de souffrir d'embonpoint ou d'obésité comparativement à leurs homologues canadiens non autochtonesNote de bas de page 1Note de bas de page 2. Définie comme une accumulation d'excès de graisse corporelle, l'obésité est associée à une mauvaise santé, en particulier à une fonction immunitaire compromise, à des troubles de santé mentale, au diabète de type 2, à des maladies cardiovasculaires, à l'apnée du sommeil et à une diminution de la qualité de vieNote de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7.
D'après l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé 2009-2011, environ le tiers des enfants et jeunes canadiens de 5 à 17 ans souffrent d'embonpoint (indice de masse corporelle [IMC] supérieur ou égal à 25 kg/m² et inférieur à 30 kg/m²) ou obésité (IMC supérieur ou égal à 30 kg/m²), les enfants et jeunes autochtones étant en comparaison deux fois plus susceptibles d'être obèsesNote de bas de page 4. Les données de l'Agence de santé publique du Canada corroborent cette tendance : 20 % des enfants des Premières Nations vivant hors réserve des Premières Nations et 16,9 % des enfants métis ont un IMC de 30 ou plus, contre 11,7 % des enfants canadiens non autochtonesNote de bas de page 2Note de bas de page 4.
Bien que l'étiologie de l'obésité soit multifactorielle et complexe, disposer d'un cadre incluant des déterminants sociaux de la santé constitue un point de départ pour décortiquer les causes distalesNote de bas de page * de l'obésité infantile ainsi que pour établir des objectifs de prévention et de traitementNote de bas de page 8Note de bas de page 9. Les disparités sur le plan de la santé dont font l'objet les peuples autochtones sont toutefois le signe que ces déterminants sociaux sont vécus différemment par les populations autochtones et qu'ils doivent être explorés en lien avec des facteurs plus pertinents sur le plan culturel. Plusieurs modèles de déterminants sociaux de la santé propres aux Autochtones ont été élaborés en conséquence, dont le modèle global de Willows et ses collaborateursNote de bas de page 8, qui englobe des facteurs de causalité liés aux ménages, aux écoles, aux collectivités et au contexte macrosocial. Greenwood et LeeuwNote de bas de page 9 utilisent un graphique en radar pour démontrer qu'il existe de multiples déterminants sociaux pertinents interreliés de la santé des Autochtones, qui fonctionnent à divers niveaux socioéconomiques.
L'un des facteurs relevés dans ces modèles et qui fait l'objet d'une attention particulière dans la recherche sur l'obésité est l'importance de la sécurité alimentaire en lien avec le poids. L'insécurité alimentaire est définie comme une situation dans laquelle soit la disponibilité en aliments nutritionnellement adéquats et culturellement acceptables soit l'accès à ces derniers sont restreints ou incertainsNote de bas de page 10Note de bas de page 11. Bien que la relation entre insécurité alimentaire et obésité puisse sembler paradoxale, les résultats scientifiques font de plus en plus état d'une association entre les deux, l'insécurité alimentaire ayant comme conséquence un manque de choix nutritifs à des prix abordables, ce qui est susceptible d'entraîner l'obésitéNote de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16.
Les adultes et les enfants vivent des expériences différentes d'insécurité alimentaire, car les enfants sont plus vulnérables aux problèmes de comportement qui en résultent, comme une diminution de la fréquentation scolaire et de leurs performances, et ils bénéficient d'une santé et d'une nutrition globalement moins bonnes, malgré les efforts des parents pour minimiser l'impact de cette insécurité alimentaireNote de bas de page 13Note de bas de page 17Note de bas de page 18. La relation entre insécurité alimentaire et obésité est susceptible de se révéler particulièrement pertinente dans le cas des enfants autochtones, car les ménages autochtones sont trois fois plus susceptibles que les autres Canadiens de vivre dans l'insécurité alimentaireNote de bas de page 19Note de bas de page 20. L'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2007-2008 a révélé que 20,9 % des ménages autochtones souffraient d'insécurité alimentaire et que 8,4 % vivaient dans une insécurité alimentaire jugée graveNote de bas de page 20. En comparaison, 7,2 % des ménages non autochtones souffraient d'insécurité alimentaire et 2,5 % vivaient dans une insécurité alimentaire grave Note de bas de page 20. Une grande partie de cette divergence s'explique par la prévalence plus élevée de facteurs de risque sociodémographiques dans les ménages autochtones (surpeuplement des logements, faible revenu du ménage, etc.)Note de bas de page 19, dont bon nombre sont également liés à l'obésitéNote de bas de page 21.
Une étude qualitative effectuée auprès des parents métis et des Premières Nations vivant hors réserve a révélé que les membres de la collectivité percevaient l'insécurité alimentaire comme une cause importante d'obésité dans leurs collectivités Note de bas de page 22. Dans ces entrevues, il a été déclaré que l'insécurité alimentaire résultait non seulement d'un faible revenu, mais aussi du prix élevé des aliments frais dans certains endroits et des problèmes de transport. Pour certains, la perte des aliments traditionnels et des savoir-faire liés à leur préparation était également importante, entraînant des régimes alimentaires plus pauvresNote de bas de page 22. L'association entre insécurité alimentaire et obésité chez les enfants autochtones n'a quant à elle jamais été analysée quantitativement. Il est pourtant essentiel d'analyser cette relation, en tenant compte d'autres effets potentiellement importants, en particulier les caractéristiques des ménages et certains facteurs scolaires, spatiaux et culturels. Dans cette étude, nous utilisons les données de l'Enquête auprès des peuples autochtones (EAPA) de 2012 Note de bas de page 23 pour examiner l'association entre le niveau de sécurité alimentaire des ménages et l'obésité chez les enfants et les jeunes métis et des Premières Nations vivant hors réserve au Canada, indépendamment des autres facteurs liés aux caractéristiques des ménages et des facteurs scolaires, spatiaux et culturels.
Méthodologie
Données et participants
L'EAPA de 2012 était une enquête nationale post-censitaire auprès de la population de 6 ans et plus issue de l'Enquête nationale auprès des ménages de 2011Note de bas de page 24 et vivant hors réserve des Premières Nations ou dans certaines collectivités autochtones du NordNote de bas de page 21Note de bas de page 23.
Cette étude a porté sur les enfants et les jeunes métis et des Premières Nations de 6 à 17 ans. Les enfants et les jeunes inuits ont été exclus parce que les facteurs géographiques ayant une influence sur leur degré de sécurité alimentaire ainsi que leurs profils particuliers d'IMC et distribution de la graisse corporelle nécessitent une enquête indépendanteNote de bas de page 25Note de bas de page 26. Après exclusion de la population inuite et des adultes de 18 ans et plus, l'échantillon final était composé de 6 900 répondants. La « personne la mieux informée » (PMI) au sujet de l'enfant, généralement un parent ou un tuteur, a répondu aux questions s'adressant aux enfants de 6 à 14 ans. Les jeunes de 15 à 17 ans ont été interrogés directement. L'échantillonnage, la collecte de données et la pondération sont détaillés dans le guide des concepts et des méthodes de l'EAPANote de bas de page 23.
Variables principales
Niveaux d'obésité
La variable dépendante était le poids, mesuré par l'IMC à l'aide des seuils d'IMC de ColeNote de bas de page 27. L'IMC a été calculé à partir des données sur la taille et le poids fournies par les PMI, en réponse aux questions suivantes : « Quelle est la taille de [votre enfant] sans chaussures? » et « Combien [votre enfant] pèse-t-il? » Note de bas de page 28. Les catégories de poids utilisées ont été poids normal, embonpoint et obésité.
Insécurité alimentaire
L'EAPA de 2012 a mesuré l'insécurité alimentaire des ménages dans les 12 derniers mois précédant l'enquête en utilisant une série de six énoncés que les PMI pouvaient déclarer être « souvent vrai », « parfois vrai » ou « jamais vrai ». On tentait de savoir de cette manière si les ménages pouvaient se permettre des repas équilibrés, s'ils avaient diminué les portions ou sauté des repas parce qu'ils ne disposaient pas d'assez d'argent pour la nourriture, quelle était la fréquence de ces événements et combien de fois les membres du ménage avaient éprouvé de la faim. Statistique Canada a utilisé ces réponses pour attribuer aux ménages un niveau de sécurité alimentaire : élevé, marginal, faible et très faible Note de bas de page 28. Dans les analyses présentées ici, les catégories « sécurité alimentaire élevée » et « sécurité alimentaire marginale » ont été regroupées.
Covariables
Outre l'insécurité alimentaire des ménages, les covariables se rapportaient aux caractéristiques des ménages et ou étaient des variables d'ordres démographique, scolaire, spatial et culturel préalablement identifiées comme potentiellement en lien avec l'insécurité alimentaire ou l'obésité.
Les variables démographiques étaient le groupe d'identité autochtone (Premières Nations ou Métis), l'âge (6-11 ou 12-17 ans) et le sexe (masculin, féminin). Les caractéristiques socioéconomiques des ménages étaient le revenu annuel du ménage et le niveau de scolarité de la mère. Le revenu du ménage a été divisé par le nombre de membres du ménage, afin de disposer d'une mesure du revenu par personne divisée en quartiles (moins de 9 510 $, 9 510 $ à 16 680 $, 16 690 $ à 27 260 $, 27 280 $ et plus). Les autres caractéristiques du ménage étaient la structure familiale (biparentale, monoparentale ou autre) et le surpeuplement des ménages (mesuré à partir du nombre de personnes par chambre).
L'EAPA incluait des questions sur l'environnement scolaire. Les répondants avaient été invités à indiquer leur niveau d'accord avec neuf énoncés, en utilisant une échelle de quatre points (fortement en désaccord, en désaccord, d'accord, tout à fait d'accord). La mesure des composantes d'un environnement scolaire positif a reposé sur les réponses aux questions suivantes : 1) « Dans l'ensemble, le répondant se sent/se sentait en sécurité à l'école », 2) « Dans l'ensemble, le répondant est/était heureux à l'école », 3) « La plupart des enfants apprécient/appréciaient être à l'école » et 4) « L'école offre/offrait de nombreuses occasions de participer aux activités scolaires ». Les aspects négatifs du milieu scolaire ont été mesurés à partir des réponses aux questions suivantes : 1) « Le racisme est/était un problème à l'école », 2) « L'intimidation est/était un problème à l'école », 3) « La présence d'alcool est/était un problème à l'école », 4) « La présence de drogues est/était un problème à l'école » et 5) « La violence est/était un problème à l'école ». On a calculé pour chaque enfant la moyenne des réponses aux questions sur l'environnement positif et des réponses sur l'environnement négatif, les scores les plus élevés indiquant ainsi des environnements plus positifs ou plus négatifs.
La composante spatiale (régionale et urbaine/rurale) a aussi été incluse dans l'analyse, car, d'après la littérature scientifique, les facteurs environnementaux plus larges auraient une grande importance.
Enfin, des variables culturelles, « exposition à la langue autochtone » et « fréquentation d'un pensionnat par des membres de la famille », ont également été incluses afin de déterminer leur influence potentielle sur le poids des enfants. En effet, on suppose que des caractéristiques culturelles comme la rétention des langues sont importantes pour la santé des peuples autochtones en général, et les résultats d'études antérieures utilisant l'EAPA de 2006 ont révélé que la fréquentation des pensionnats par un parent était prédictive de l'obésité chez les enfants métisNote de bas de page 9Note de bas de page 22. Les enfants dont l'exposition à une langue autochtone à la maison ou à l'extérieur a été mentionnée ont été classés comme « exposés ». On demandait dans l'EAPA si la PMI de l'enfant (habituellement un parent) ou la mère ou le père de la PMI (grands-parents de l'enfant) avaient fréquenté des pensionnats indiens ou des écoles industrielles. Ceux qui n'ont pas répondu à ces questions (17 %) ont été regroupés dans la catégorie « non déclaré ».
Analyses statistiques
Nous avons utilisé des tests de chi-carré de Pearson pour évaluer les associations bidimensionnelles entre les variables indépendantes et l'obésité. Nous avons ensuite utilisé une régression logistique multivariée binaire pour tester la probabilité que les enfants et les jeunes aient un IMC se situant dans la fourchette « normale » plutôt qu'« embonpoint » ou « obèses », en intégrant les variables indépendantes pour lesquelles nous avions relevé des associations bidimensionnelles significatives avec l'embonpoint et l'obésité. Nous avons ajusté cinq modèles imbriqués, en incluant différents groupes de variables prédictives. Nous avons effectué notre analyse statistique à l'aide de la version 9.4 du logiciel SASNote de bas de page 29. Nous avons utilisé des poids d'échantillonnage (bootstrap) fournis par Statistique Canada et des répliques répétées équilibrées pour ajuster les estimations de variance à la conception d'échantillonnage complexe de l'enquête.
Résultats
Le tableau 1 présente les caractéristiques démographiques, socioéconomiques et autres de l'échantillon. Environ 22 % des enfants et jeunes métis et des Premières Nations de 6 à 17 ans faisaient de l'embonpoint et 14,9 % ont été classés comme obèses. Si 83,8 % des répondants ont déclaré bénéficier d'une bonne sécurité alimentaire, 9,4 % ont déclaré vivre dans une sécurité alimentaire faible et 6,8 % dans une insécurité alimentaire grave.
Des différences significatives étaient présentes dans les pourcentages selon si les enfants et les jeunes étaient classés comme ayant un poids normal, souffrant d'embonpoint ou obèses, et ce, pour toutes les covariables examinées (tableau 1). Au niveau individuel, parmi ceux vivant dans une sécurité alimentaire très faible, 27,7 % souffraient d'embonpoint et 19,2 % étaient obèses. L'âge s'est révélé un facteur essentiel en lien avec le poids, puisque 47,3 % des enfants autochtones de 6 à 11 ans souffraient d'embonpoint ou étaient obèses contre 30 % des jeunes de 12 à 17 ans. Une proportion plus élevée de garçons (40,3 %) que de filles (34,5 %) appartenait à la catégorie de l'embonpoint ou de l'obésité. L'identité autochtone présentait un lien minime avec l'embonpoint ou l'obésité : 40 % des enfants des Premières Nations s'inscrivaient dans ces catégories de poids, contre 34 % des enfants métis. Les enfants et les jeunes exposés à une langue autochtone étaient plus susceptibles de souffrir d'embonpoint ou d'être obèses (40,5 %) que ceux non exposés (34,5 %).
Les variables à l'échelle de la famille racontent aussi une histoire intéressante. La proportion d'enfants souffrant d'embonpoint ou d'obésité ne diffère pas énormément en fonction du niveau de scolarité de la mère : 41 % des enfants dont les mères ne détenaient pas de diplôme d'études secondaires étaient en surpoids ou obèses, contre environ 35 % des enfants dont les mères avaient obtenu un certificat, un diplôme ou un diplôme postsecondaire. Près de la moitié (44 %) des enfants du quartile de revenu le plus faible souffraient d'embonpoint ou étaient obèses. La proportion d'enfants classés comme obèses ou souffrant d'embonpoint vivant en famille biparentale (35,6 %) était de presque six points de pourcentage inférieure à celle des enfants classés dans les mêmes catégories et vivant en famille monoparentale (41,3 %), mais similaire à celle des enfants de ces catégories vivant dans une structure familiale « autre » (c'est-à-dire enfants et jeunes vivant seuls, avec une personne apparentée ou non apparentée) (35,7 %). Parmi les enfants et les jeunes vivant dans des ménages avec plus d'une personne par chambre, 40,0 % ont été classés comme obèses ou souffrant d'embonpoint, ce qui était le cas de seulement 37,2 % des enfants vivant dans des ménages avec une personne ou moins par chambre. Si 17 % de l'échantillon n'a pas répondu à la question concernant la fréquentation d'un pensionnat par un membre de la famille, les enfants dont les membres de la famille avaient fréquenté un pensionnat souffraient en plus forte proportion d'obésité ou d'embonpoint (40,3 %) que les autres enfants (36,2 %).
Les variables spatiales (région et milieu urbain ou rural) ont montré que près de 40 % des enfants et jeunes autochtones vivant dans les provinces de l'Atlantique, au Québec et en Ontario souffraient d'embonpoint ou d'obésité. La proportion d'enfants et de jeunes souffrant d'embonpoint ou d'obésité était la plus forte (42,5 %) dans les petits centres de population, suivie de celles des centres de population moyenne (38,9 %), des grands centres de population (35,7 %) et des zones rurales (34,4 %).
Les relations bivariées entre les variables de l'environnement scolaire et l'embonpoint ne sont pas claires. Les enfants et les jeunes évoluant dans les milieux scolaires considérés comme les plus positifs étaient les plus susceptibles d'être obèses (18,4 %), alors que ceux du troisième quartile étaient les moins susceptibles d'être obèses (12,8 %). Ceux ayant évalué leur milieu scolaire le moins négativement étaient le plus susceptibles d'être obèses (24,1 %), tandis que ceux l'ayant évalué le plus négativement étaient les moins susceptibles d'être obèses (13,0 %).
Variables | N | Poids normal (%) |
EmbonpointTableau 1 - Note a (%) | ObésitéTableau 1 - Note b (%) | Valeur p |
---|---|---|---|---|---|
Sécurité alimentaire du ménage | |||||
Marginale ou élevée | 5780 | 63,6 | 22,1 | 14,3 | < 0,001 |
Faible | 650 | 58,5 | 24,6 | 16,9 | |
Très faible | 470 | 53,1 | 27,7 | 19,2 | |
Région | |||||
Atlantique | 460 | 63,0 | 19,6 | 17,4 | < 0,001 |
Québec | 400 | 62,5 | 25,0 | 12,5 | |
Ontario | 1730 | 61,3 | 23,7 | 15,0 | |
Prairies | 2970 | 60,8 | 23,0 | 16,2 | |
Colombie-Britannique | 1260 | 68,3 | 20,6 | 11,1 | |
Territoires | 70 | 71,4 | 14,3 | 14,3 | |
Milieu | |||||
Milieu rural | 1590 | 65,6 | 18,8 | 15,6 | < 0,001 |
Petit centre de population | 1640 | 57,5 | 27,3 | 15,2 | |
Centre de population moyen | 890 | 61,1 | 22,2 | 16,7 | |
Grand centre de population | 2780 | 64,3 | 21,4 | 14,3 | |
Groupe d'âge | |||||
6 à 11 ans | 3110 | 52,7 | 24,1 | 23,2 | < 0,001 |
12 à 17 ans | 3790 | 70,4 | 21,4 | 8,2 | |
Sexe | |||||
Garçons | 3530 | 59,7 | 24,1 | 16,2 | < 0,001 |
Filles | 3370 | 65,5 | 21,1 | 13,4 | |
Identité autochtone | |||||
Premières Nations | 3930 | 59,8 | 23,7 | 16,5 | < 0,001 |
Métis | 2970 | 65,9 | 21,6 | 12,5 | |
Niveau de scolarité de la mère | |||||
Études secondaires non complétées | 1130 | 59,3 | 23,9 | 16,8 | 0,002 |
Diplôme d'études secondaires ou l'équivalent | 1300 | 59,9 | 23,9 | 16,2 | |
Études postsecondaires non terminées | 720 | 61,1 | 22,2 | 16,7 | |
Certificat, diplôme ou grade d'études postsecondaires | 3750 | 64,6 | 22,1 | 13,3 | |
Revenu annuel du ménage par personne | |||||
1er quartile | 1890 | 55,6 | 25,9 | 18,5 | < 0,001 |
2e quartile | 1660 | 60,8 | 21,7 | 17,5 | |
3e quartile | 1690 | 65,7 | 22,5 | 11,8 | |
4e quartile | 1660 | 68,1 | 21,1 | 10,8 | |
Structure familiale | |||||
Famille biparentale | 4270 | 64,4 | 22,5 | 13,1 | < 0,001 |
Famille monoparentale | 2350 | 58,7 | 23,0 | 18,3 | |
Autre | 280 | 64,3 | 25,0 | 10,7 | |
Surpeuplement dans le logement | |||||
Une personne ou moins par chambre | 6330 | 62,8 | 22,8 | 14,4 | 0,007 |
Plus d'une personne par chambre | 570 | 59,6 | 21,1 | 19,3 | |
Indice de milieu scolaire positif | |||||
1er quartile (1,00 à 2,75) | 1370 | 65,0 | 21,9 | 13,1 | < 0,001 |
2e quartile (3,00 à 3,00) | 1980 | 60,1 | 25,8 | 14,1 | |
3e quartile (3,25 à 3,67) | 1640 | 65,2 | 22,0 | 12,8 | |
4e quartile (3,75 à 4,00) | 1900 | 60,5 | 21,1 | 18,4 | |
Indice de milieu scolaire négatif | |||||
1er quartile (1,00 à 1,60) | 1850 | 54,8 | 21,1 | 24,1 | 0,031 |
2e quartile (1,75 à 2,00) | 2080 | 61,7 | 22,5 | 15,8 | |
3e quartile (2,20 à 2,25) | 1040 | 59,6 | 24,0 | 16,4 | |
4e quartile (2,40 à 4,00) | 1930 | 63,2 | 23,8 | 13,0 | |
Exposition à une langue autochtone | |||||
Non | 3420 | 65,7 | 22,0 | 12,3 | < 0,001 |
Oui | 3480 | 59,5 | 23,3 | 17,2 | |
Fréquentation d'un pensionnat par un membre de la famille | |||||
Non | 2930 | 63,8 | 22,2 | 14,0 | < 0,001 |
Oui | 2780 | 59,7 | 23,4 | 16,9 | |
Non déclaré | 1180 | 66,1 | 22,0 | 11,9 |
Source : Données de l'Enquête auprès des peuples autochtones de 2012.
Remarque : Les effectifs de l'échantillon répartis selon l'IMC sont de n = 4 310 pour le poids normal, n = 1 560 pour l'embonpoint et n = 1 030 pour l'obésité. Les fréquences ont été arrondies à la dizaine près pour toutes les variables.
Nous avons étudié les associations ajustées entre ces variables et le poids des enfants en utilisant la régression logistique multivariée séquentielle (tableau 2). Dans le modèle I, seules les variables relatives à la sécurité alimentaire et à la démographie ont été incluses, et les répondants vivant dans une sécurité alimentaire très faible avaient une probabilité plus élevée de souffrir d'embonpoint ou d'obésité (RC = 1,54, IC 95 % : 1,11 à 2,15). Dans le modèle II, les autres variables liées au ménage ont été ajoutées et l'effet de la sécurité alimentaire est tombé en dessous du seuil de signification. Le niveau de scolarité de la mère, la structure familiale et le surpeuplement n'ont pas eu d'effets indépendants significatifs, mais les répondants des troisième (RC = 0,76, IC 95 % : 0,59 à 0,97) et quatrième (RC = 0,72, IC 95 % : 0,55 à 0,95) quartiles de revenu étaient significativement moins susceptibles de souffrir d'embonpoint ou d'obésité que ceux du premier quartile (le plus faible).
Les variables du milieu scolaire ont été ajoutées dans le modèle III. Une cotation positive de l'environnement scolaire ne s'est trouvée aucunement liée à l'embonpoint ou à l'obésité, alors que les répondants des deuxième, troisième et quatrième quartiles ayant évalué leur milieu scolaire comme « négatif » se sont révélés plus susceptibles de souffrir d'embonpoint ou d'obésité que ceux du premier quartile. Ceux ayant évalué le plus négativement leur milieu scolaire se sont révélés les plus susceptibles de souffrir d'embonpoint ou d'obésité, par rapport à ceux ayant évalué leur environnement scolaire le moins négativement (RC = 1,43, IC 95 % : 1,11 à 1,84).
Le modèle IV correspond à l'ajout des variables spatiales. Le milieu de résidence (rural ou urbain) n'a eu aucun effet indépendamment des autres variables, mais les enfants métis et des Premières Nations de Colombie-Britannique (RC = 0,65, IC 95 % : 0,50 à 0,86) et des trois territoires (RC = 0,68, IC 95 % : 0,49 à 0,95) se sont révélés moins susceptibles de souffrir d'embonpoint ou d'obésité après avoir tenu compte des autres variables du modèle.
Enfin, le modèle V a pris en compte les deux variables culturelles - l'exposition à une langue autochtone et la fréquentation d'un pensionnat par des membres de la famille. Ni l'une ni l'autre n'ont eu d'effet indépendant significatif sur l'obésité.
Variables | Modèle I RC (IC à 95 %) |
Modèle II RC (IC à 95 %) |
Modèle III RC (IC à 95 %) |
Modèle IV RC (IC à 95 %) |
Modèle V RC (IC à 95 %) |
---|---|---|---|---|---|
Sécurité alimentaire du ménage | |||||
Marginale ou élevée (réf.) | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
Faible | 1,15 (0,89 à 1,50) | 1,01 (0,77 à 1,33) | 0,99 (0,75 à 1,31) | 1,00 (0,75 à 1,33) | 0,99 (0,74 à 1,32) |
Très faible | 1,54Tableau 2 - Note a (1,11 à 2,15) | 1,31 (0,91 à 1,90) | 1,29 (0,89 à 1,86) | 1,34 (0,93 à 1,92) | 1,32 (0,92 à 1,89) |
Groupe d'âge | |||||
6 à 11 ans (réf.) | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
12 à 17 ans | 0,43Tableau 2 - Note a (0,37 à 0,50) | 0,43Tableau 2 - Note a (0,37 à 0,51) | 0,41Tableau 2 - Note a (0,34 à 0,49) | 0,41Tableau 2 - Note a (0,34 à 0,49) | 0,41Tableau 2 - Note a (0,34 à 0,49) |
Sexe | |||||
Garçons (réf.) | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
Filles | 0,76Tableau 2 - Note a (0,65 à 0,88) | 0,75Tableau 2 - Note a (0,65 à 0,88) | 0,76Tableau 2 - Note a (0,65 à 0,89) | 0,76Tableau 2 - Note a (0,65 à 0,89) | 0,75Tableau 2 - Note a (0,64 à 0,88) |
Identité autochtone | |||||
Premières Nations (réf.) | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
Métis | 0,81Tableau 2 - Note a (0,67 à 0,98) | 0,85 (0,69 à 1,04) | 0,85 (0,69 à 1,05) | 0,83 (0,68 à 1,02) | 0,86 (0,70 à 1,06) |
Niveau de scolarité de la mère | |||||
Études secondaires non complétées (réf.) | — | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
Études secondaires ou l'équivalent | — | 1,15 (0,85 à 1,57) | 1,18 (0,87 à 1,59) | 1,16 (0,86 à 1,58) | 1,18 (0,87 à 1,59) |
Certaines études postsecondaires | — | 1,08 (0,77 à 1,51) | 1,11 (0,80 à 1,53) | 1,11 (0,80 à 1,54) | 1,11 (0,80 à 1,54) |
Certificat, diplôme ou grade d'études postsecondaires | — | 0,94 (0,73 à 1,21) | 0,95 (0,74 à 1,22) | 0,95 (0,74 à 1,21) | 0,94 (0,74 à 1,21) |
Revenu annuel du ménage par personne | |||||
1er quartile (< 9 510 $) (réf.) | — | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
2e quartile (9 510 $ à 16 680 $) |
— | 0,90 (0,70 à 1,15) | 0,91 (0,71 à 1,16) | 0,92 (0,72 à 1,18) | 0,93 (0,73 à 1,19) |
3e quartile (16 690 $ à 27 260 $) |
— | 0,76Tableau 2 - Note a (0,59 à 0,97) | 0,76Tableau 2 - Note a (0,59 à 0,98) | 0,76Tableau 2 - Note a (0,59 à 0,98) | 0,77Tableau 2 - Note a (0,60 à 0,98) |
4e quartile (> 27 280 $) | — | 0,72Tableau 2 - Note a (0,55 à 0,95) | 0,74Tableau 2 - Note a (0,57 à 0,97) | 0,75Tableau 2 - Note a (0,57 à 0,98) | 0,76Tableau 2 - Note a (0,58 à 1,00) |
Structure familiale | |||||
Famille biparentale (réf.) | — | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
Famille monoparentale | — | 1,13 (0,94 à 1,36) | 1,12 (0,93 à 1,35) | 1,13 (0,93 à 1,37) | 1,11 (0,91 à 1,34) |
Autres | — | 0,91 (0,59 à 1,40) | 0,92 (0,60 à 1,40) | 0,90 (0,59 à 1,37) | 0,95 (0,62 à 1,45) |
Surpeuplement dans le logement | |||||
Une personne ou moins par chambre (réf.) | — | 1,00 | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
Plus d'une personne par chambre | — | 1,02 (0,73 à 1,43) | 1,01 (0,72 à 1,42) | 1,02 (0,72 à 1,44) | 0,99 (0,70 à 1,39) |
Indice de milieu scolaire positif | |||||
1er quartile (1,00 à 2,75) (réf.) | — | — | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
2e quartile (3,00 à 3,00) | — | — | 1,08 (0,82 à 1,44) | 1,09 (0,82 à 1,44) | 1,09 (0,82 à 1,43) |
3e quartile (3,25 à 3,67) | — | — | 0,95 (0,70 à 1,28) | 0,94 (0,69 à 1,27) | 0,93 (0,69 à 1,25) |
4e quartile (3,75 à 4,00) | — | — | 1,12 (0,82 à 1,55) | 1,10 (0,80 à 1,50) | 1,09 (0,80 à 1,48) |
Indice de milieu scolaire négatif | |||||
1er quartile (1,00 à 1,60) (réf.) | — | — | 1,00 | 1,00 | 1,00 |
2e quartile (1,75 à 2,00) | — | — | 1,29Tableau 2 - Note a (1,02 à 1,62) | 1,29Tableau 2 - Note a (1,03 à 1,62) | 1,28Tableau 2 - Note a (1,03 à 1,60) |
3e quartile (2,20 à 2,25) | — | — | 1,44Tableau 2 - Note a (1,10 à 1,90) | 1,41Tableau 2 - Note a (1,07 à 1,85) | 1,39Tableau 2 - Note a (1,06 à 1,82) |
4e quartile (2,40 à 4,00) | — | — | 1,43Tableau 2 - Note a (1,11 à 1,84) | 1,40Tableau 2 - Note a (1,08 à 1,81) | 1,38Tableau 2 - Note a (1,07 à 1,78) |
Région | |||||
Atlantique | — | — | — | 0,94 (0,59 à 1,49) | 0,94 (0,60 à 1,48) |
Québec | — | — | — | 0,98 (0,72 à 1,34) | 0,97 (0,72 à 1,32) |
Ontario (réf.) | — | — | — | 1,00 | 1,00 |
Prairies | — | — | — | 1,00 (0,75 à 1,31) | 0,95 (0,73 à 1,24) |
Colombie-Britannique | — | — | — | 0,65Tableau 2 - Note a (0,50 à 0,86) | 0,64Tableau 2 - Note a (0,49 à 0,83) |
Territoires | — | — | — | 0,68Tableau 2 - Note a (0,49 à 0,95) | 0,64Tableau 2 - Note a (0,45 à 0,89) |
Milieu | |||||
Milieu rural (réf.) | — | — | — | 1,00 | 1,00 |
Petit centre de population | — | — | — | 1,21 (0,93 à 1,58) | 1,19 (0,91 à 1,56) |
Centre de population moyen | — | — | — | 1,15 (0,84 à 1,57) | 1,13 (0,83 à 1,55) |
Grand centre de population | — | — | — | 0,96 (0,74 à 1,25) | 0,97 (0,75 à 1,26) |
Exposition à une langue autochtone | |||||
Non (réf.) | — | — | — | — | 1,00 |
Oui | — | — | — | — | 1,17 (0,99 à 1,40) |
Fréquentation d'un pensionnat par un membre de la famille | |||||
Non (réf.) | — | — | — | — | 1,00 |
Oui | — | — | — | — | 1,02 (0,84 à 1,23) |
Non déclaré | — | — | — | — | 0,85 (0,65 à 1,10) |
Statistique C | 0,62 | 0,63 | 0,63 | 0,64 | 0,64 |
Source des données : Enquête auprès des peuples autochtones de 2012. Abréviations : IC, intervalle de confiance; RC, rapport de cotes. Remarque : Les effectifs de l'échantillon répartis selon l'IMC sont de n = 4 310 pour le poids normal, n = 1 560 pour l'embonpoint et n = 1 030 pour l'obésité. Les valeurs indiquées dans le tableau sont des estimations reposant sur la méthodologie bootstrap. Le modèle I comprend des variables liées à sécurité alimentaire des ménages et des variables démographiques. Le modèle II ajoute des variables de statut socioéconomique et des facteurs au niveau de la famille. Le modèle III ajoute les variables liées au milieu scolaire. Le modèle IV ajoute des variables spatiales. Le modèle V ajoute les facteurs culturels et intègre donc l'ensemble des variables.
Analyse
Cette étude fournit des données probantes supplémentaires montrant que les enfants et les jeunes autochtones courent un risque plus élevé de souffrir d'embonpoint et d'obésité que les autres enfants canadiens. Parmi les jeunes de 12 à 17 ans de notre échantillon, 30 % ont été classés comme souffrant d'embonpoint ou d'obésité, contre 20,7 % de l'ensemble des jeunes canadiens en 2013Note de bas de page 30. Les filles métisses et des Premières Nations étaient moins susceptibles d'être en surpoids ou obèses que les garçons, observation qui concorde avec la littérature sur le poids et le sexe/genreNote de bas de page 16Note de bas de page 31Note de bas de page 32.
Étant donné le risque plus élevé d'embonpoint et d'obésité chez les enfants et les jeunes autochtones et les répercussions potentielles du poids sur les résultats de santé au cours de la vie Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7, il est important de comprendre quels sont les déterminants distaux et « en amont » ayant une incidence sur le poids. Les données présentées ici montrent l'importance et l'utilité, dans cette perspective, d'une vision socioéconomiqueNote de bas de page 8.
La relation entre sécurité alimentaire et poids des enfants et des jeunes autochtones a été peu explorée, malgré des résultats suggérant son importance pour la santé des peuples autochtones en généralNote de bas de page 33. Les recherches sur la relation entre insécurité alimentaire et obésité ou embonpoint chez les enfants et les jeunes ne permettent pas jusqu'à présent de conclusion définitive, car si certaines études présentent une association positive entre insécurité alimentaire et obésitéNote de bas de page 15Note de bas de page 34Note de bas de page 35Note de bas de page 36, selon d'autres études ces résultats sont négligeablesNote de bas de page 37Note de bas de page 38Note de bas de page 39. Par ailleurs, au Canada, seules quelques études examinent la relation entre insécurité alimentaire et obésitéNote de bas de page 14Note de bas de page 40Note de bas de page 41.
Globalement, notre étude a révélé que l'insécurité alimentaire est effectivement un facteur de risque d'embonpoint ou d'obésité chez les enfants autochtones, ceux vivant dans un ménage où l'insécurité alimentaire est élevée ayant une probabilité considérablement plus grande de souffrir d'embonpoint ou d'obésité, si l'on tient compte des facteurs démographiques. Toutefois, l'insécurité alimentaire n'a pas d'effet significatif indépendamment des autres variables socioéconomiques au niveau des ménages. Comme prévu, le revenu des ménages est un bon indicateur du poids des enfants autochtones. Le revenu des ménages est un facteur déterminant de nombreux résultats liés à la santé, car il est représentatif également de l'accès aux ressources et aux possibilités de loisirs et d'activité physique des familles. Il s'agit également d'un facteur clé de la sécurité alimentaire. Ni le niveau de scolarité de la mère, ni la fréquentation d'un pensionnat par un membre de la famille ne se sont révélés significatifs lorsque l'on a tenu compte du revenu.
L'approche socioécologique nous a amenés à utiliser les caractéristiques des écoles comme indicateurs d'embonpoint et d'obésité. Notre étude a révélé l'existence d'un facteur inattendu - la perception du milieu scolaire- comme prédicteur important du poids des enfants et des jeunes. Alors que les perceptions positives n'ont eu aucun lien avec le poids, les perceptions négatives du milieu scolaire (exposition au racisme, à l'intimidation, à l'alcool, aux drogues ou à la violence) ont été associées à une probabilité accrue d'obésité ou d'embonpoint, indépendamment des caractéristiques socioéconomiques et démographiques des ménages. Une enquête plus approfondie est nécessaire pour comprendre ces résultats. D'autres sources suggèrent par exemple que les écoles où le climat est négatif sont moins susceptibles d'offrir des occasions d'activité physique efficacesNote de bas de page 42.
La géographie régionale semble avoir également une incidence sur le poids, puisque les enfants et les jeunes vivant en Colombie-Britannique ou dans les trois territoires étaient considérablement moins susceptibles de souffrir d'embonpoint ou d'obésité que ceux vivant en Ontario, après prise en compte des caractéristiques socioéconomiques des ménages. Un écart semblable a déjà été observé dans la littérature, et certaines recherches suggèrent qu'une plus grande importance accordée à l'activité physique à l'extérieur ainsi qu'une plus grande disponibilité en installations seraient en partie à l'origine de la différence relevée en matière de poids à l'échelle des provincesNote de bas de page 43. En outre, le statut socioéconomiqueNote de bas de page 44Note de bas de page 45 et le fait d'être né à l'extérieur du CanadaNote de bas de page 44 ont été inversement associés à un IMC plus bas chez les adultes dans plusieurs provinces, en particulier la Colombie-Britannique.
Nous avons été plutôt surpris de ne constater aucune différence entre les enfants et les jeunes autochtones vivant en milieu rural et ceux vivant dans une petite, moyenne ou grande ville quant à la probabilité de souffrir d'embonpoint ou d'obésité, ce qui suggère que certains facteurs plus importants sont actifs à la maison et à l'école.
Sur la base de nos connaissances sur les déterminants de la santé des peuples autochtones, nous nous attendions à ce que l'exposition à une langue autochtone, en tant que mesure de préservation culturelle, ait un effet protecteur contre l'embonpoint et l'obésité, et à ce que la fréquentation d'un pensionnat par un membre de la famille soit un facteur de risque. Bien qu'aucune de ces hypothèses n'ait eu d'effet indépendant, il faut reconnaître que ces mesures comprises dans l'Enquête auprès des peuples autochtones (EAPA) ne constituaient que de faibles mesures de préservation et d'attachement culturels. Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour comprendre si des facteurs culturels sont liés à l'embonpoint et à l'obésité au sein de la population et, le cas échéant, déterminer en quoi ils le sont.
Points forts et limites
Aucune autre étude à ce jour n'a porté sur la relation entre insécurité alimentaire et obésité chez les enfants et les jeunes autochtones à l'échelle d'une population. Cette étude repose sur une enquête nationale englobant le plus vaste échantillon d'enfants et de jeunes autochtones dont nous disposons.
La limite la plus importante de cette étude, comme pour d'autres portant sur la relation entre insécurité alimentaire et obésité, est que la conception est transversale et ne nous permet donc pas d'établir une relation de cause à effet ou d'explorer la manière dont cette relation évolue avec le temps. Par ailleurs, les données recueillies sur l'IMC sont subjectives : ce sont les personnes responsables des enfants qui ont été invitées à déclarer la taille et le poids de ces derniers. Il a pu en résulter une sous-estimation de la prévalence de l'obésité, car on sait que les parents ont tendance à sous-estimer le poids de leurs enfants et à surestimer leur taille, ce qui donne un IMC inférieur à celui qui aurait pu être mesuré objectivementNote de bas de page 45Note de bas de page 46. De plus, certaines covariables non mesurées dans cette étude, comme l'activité physique et l'alimentation, pourraient être à l'origine d'effets de confusion. En outre, étant donné que ce thème n'a pas fait l'objet d'études approfondies, nous ne sommes pas en mesure de comparer l'association chez les enfants et les jeunes autochtones décrite ici avec des associations similaires réalisées au sein de la population générale canadienne.
De manière générale, il est difficile de comparer nos résultats avec ceux d'autres études, car des mesures différentes ont été utilisées pour évaluer l'insécurité alimentaire. Aux États-Unis, on utilise l'échelle de sécurité alimentaire du Département de l'AgricultureNote de bas de page 47, qui diffère des mesures utilisées dans l'EAPA ou l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et limite de ce fait la pertinence des comparaisons. Par ailleurs, alors que la littérature souligne l'importance d'inclure la culture et l'accès à la nourriture traditionnelle dans une définition autochtone de la sécurité alimentaireNote de bas de page 8Note de bas de page 9, les questions sur la sécurité alimentaire de l'EAPA ne tiennent pas compte de ces composantes.
Conclusion
Les enfants et les jeunes autochtones hors réserve qui vivent dans des ménages où la sécurité alimentaire est très faible courent effectivement un risque accru d'embonpoint ou d'obésité, mais ce risque supplémentaire n'est pas indépendant du statut socioéconomique des ménages. Le revenu des ménages ajusté à leur taille est aussi un indicateur fiable. Cela suggère que le statut socioéconomique des ménages contribue de façon marquée au risque élevé d'embonpoint et d'obésité chez les enfants et les jeunes métis et des Premières Nations. Nous avons également constaté que le fait d'évaluer un milieu scolaire négativement est associé au risque d'obésité, quels que soient les autres facteurs, aussi bien démographiques que spatiaux ou liés au ménage.
Au vu de la complexité de la dynamique de l'obésité et de l'embonpoint durant l'enfance, nos données étaient insuffisantes pour déterminer de manière définitive les facteurs les plus importants ainsi que le rôle potentiel de l'insécurité alimentaire. De plus, le manque de données longitudinales nous empêche de comprendre l'interaction des différents facteurs au cours de la vie au sein des différentes populations. Pour les peuples autochtones en particulier, la poursuite de recherches communautaires participatives ou reposant sur une méthodologie qualitative fournirait un complément solide aux enquêtes quantitatives. Les recherches dont nous disposons sur les interventions dans les communautés autochtones font en effet état de la force d'une telle approcheNote de bas de page 33Note de bas de page 41Note de bas de page 42.
Remerciements
Cette recherche a été financée en partie par une subvention de fonctionnement des Instituts de recherche en santé du Canada.
Conflits d'intérêts
Aucun conflit d'intérêts. Les auteurs sont seuls responsables du contenu et de la rédaction de l'article.
Contributions des auteurs
JB a conçu l'idée de l'article, effectué la revue de la littérature et l'analyse préliminaire des données, et rédigé la première ébauche. MC a aidé à effectuer l'analyse des données et rédiger l'ébauche du manuscrit, révisé l'article, et est chercheur principal de la subvention accordée. YG a effectué l'analyse des données, et a révisé et fourni des commentaires sur les versions successives du manuscrit. PW a supervisé l'analyse des données, et est co-chercheur principal de la subvention accordée. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Références
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