Les répercussions de la professionnalisation de la promotion de la santé au Canada : une réponse à la lettre à la rédaction de J. R. Graham - PSPMC: Volume 37-5, mai 2017

Volume 37 · numéro 5 · mai 2017

Lettre à la rédaction
Les répercussions de la professionnalisation de la promotion de la santé au Canada : une réponse à la lettre à la rédaction de J. R. Graham

Thierry Gagné, M. Sc.Note de bas de page 1Note de bas de page 2; Josée Lapalme, M.A.Note de bas de page 1Note de bas de page 2; Janette Leroux, M. Sc.Note de bas de page 3Note de bas de page 4

https://doi.org/10.24095/hpcdp.37.5.05f

Rattachement des auteurs

Correspondance : Thierry Gagné, 7101, avenue du Parc, bureau 3139, Montréal (Québec) H3N 1X9; courriel : thierry.gagne@umontreal.ca

Points saillants

  • La promotion de la santé est constituée de deux dimensions connexes : un discours sur la place qu'occupe la santé au sein de la société et un domaine d'intervention spécialisé au sein du domaine plus vaste de la santé publique.
  • Mettre uniquement l'accent sur la professionnalisation de la promotion de la santé pourrait occulter le discours qui peut toucher d'autres organismes professionnels en santé publique.
  • Les initiatives prévoyant la création et le développement de ressources professionnelles sont essentielles au maintien d'un personnel qualifié et d'institutions spécialisés.

La promotion de la santé englobe généralement deux dimensions : un discours sur la place qu'occupe la santé au sein de la société et un domaine spécialisé d'intervention (p. ex. une pratique) au sein du domaine plus large de la santé publiqueNote de base de page 1. Afin de renforcer les pratiques de promotion de la santé au Canada, les membres de Promotion de la santé Ontario (PSO) ont commencé en 2006 à réaliser des revues de la littérature et à créer un premier ensemble de compétences spécifiques à ce domaine, sur le modèle des compétences essentielles en matière de santé publique au Canada établies en 2005 par l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC). Un réseau pancanadien pour les compétences des promoteurs de la santé (RPCPS) a ensuite été mis sur pied et des consultations avec des praticiens ont eu lieu dans l'ensemble du Canada, ce qui a mené à la publication des Compétences nationales des promoteurs de la santé en novembre 2015Note de base de page 2.

J. R. Graham s'est récemment demandé si l'accent mis sur les compétences n'entraînait pas une « professionnalisation » limitée de la promotion de la santé, ce qui pourrait nuire à la capacité de son propos à s'étendre au sein des autres organismes professionnels de la santé publiqueNote de base de page 3. On peut critiquer toute tentative de professionnalisation de la promotion de la santé : comment peut-on plaider en faveur d'une profession indépendante tout en faisant la promotion d'un dépassement des clivages professionnels et d'une collaboration avec d'autres secteurs? On peut également critiquer l'état instable du discours de promotion au Canada, qui connaît des difficultés depuis la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé adoptée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1986 et les « bonnes années » qui ont suivi (fin des années 1980 et années 1990) au sein des organismes gouvernementaux et des établissements universitaires au CanadaNote de base de page 4.

Il nous semble que ces critiques oublient la nature diversifiée et souvent précaire de la pratique actuelle de la promotion de la santé au Canada. Contrairement à ce que Graham suggère, les promoteurs de la santé ne sont plus « les nouveaux venus » et constituent plutôt un groupe marginal en croissance au sein de l'effectif en santé publique, un groupe qui doit respecter des priorités budgétaires et des orientations organisationnelles de plus en plus strictes. Dans ce contexte, des compétences en matière de promotion de la santé qui contribuent à la légitimation de leur travail sont essentielles. Créer un espace professionnel consacré aux promoteurs de la santé ne veut pas dire de faire de la promotion de la santé un nouveau secteur indépendant de la santé publique, mais plutôt de créer une identité et un espace de rencontre pour ceux qui font ce travail important tout en étant rarement représentés dans les milieux et secteurs où ils agissent.

Préserver à long terme la promotion de la santé signifie maintenir à la fois son discours et son domaine de pratique. Les membres du RPCPS ont continué à collaborer après novembre 2015 - ce que Graham ne pouvait savoir au moment de sa lettre à la rédaction - afin de mettre sur pied un nouvel organisme, Promotion de la santé Canada (PSC), qui favorise l'établissement d'un mandat plus étendu en matière de promotion de la santéNote de base de page 5. En s'inspirant des succès précédents, PSC vise à faciliter la création de sections provinciales composées de professionnels en promotion de la santé et chapeautées par une infrastructure nationale. Tout en maintenant son mandat professionnel, PSC intègre maintenant des chercheurs juniors et seniors dans son comité exécutif. Il prévoit aussi de favoriser l'établissement d'un espace plus large d'échanges et de transferts des connaissances universitaires et professionnelles et d'intégrer d'autres organismes régionaux, nationaux et internationaux soutenant déjà la promotion de la santé.

Nous remercions J. R. Graham et la revue PSPMC pour leur participation à ce débat complexe sur le renforcement de la promotion de la santé au Canada. Cette professionnalisation s'inscrit dans une tendance plus vaste liée à l'expansion du néolibéralisme, tendance à laquelle le secteur de la santé n'échappe pas. L'adoption d'une position critique est essentielle dans ce contexte afin de s'assurer que toute mesure de professionnalisation n'affaiblit pas les efforts déployés en matière de promotion de la santé. Nous affirmons que les compétences en promotion de la santé et la création de Promotion de la santé Canada contribuent à l'établissement et à la vitalité à long terme de ce secteur et nous invitons toute personne à se joindre à cette discussion.

Références

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