Rapport d'étape – FoodReach Toronto : réduire le coût des aliments pour les organismes sociaux et les groupes communautaires

Paul Coleman, Ph. D.Note de bas de page 1; John Gultig, M. Éd.Note de bas de page 2; Barbara Emanuel, M. Sc. Env.Note de bas de page 1; Marianne Gee, Ph. D.Note de bas de page 3; Heather Orpana, Ph. D.Note de bas de page 3,Note de bas de page 4

https://doi.org/10.24095/hpcdp.38.1.05f

Rattachement des auteurs :

Note de fin 1

Stratégie alimentaire de Toronto, Bureau de santé publique de Toronto, Toronto (Ontario), Canada

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Note de fin 2

Pitch Communications Ltd, Toronto (Ontario), Canada

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Note de fin 3

Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario), Canada

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Note de fin 4

École de psychologie, Université d'Ottawa, Ottawa (Ontario), Canada

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Correspondance : John Gultig, 277, rue Victoria, 2e étage, bureau 200, Toronto (Ontario) M5B 1W2; tél. : 416-338-7864; courriel : jgultig@pitchcommunications.com

Résumé

Toronto compte plus de ménages en situation d'insécurité alimentaire que les autres régions métropolitaines de recensement au Canada : sur 2,1 millions de ménages, environ 252 000 (soit 12 %) vivent dans une certaine forme d'insécurité alimentaire. Les organismes communautaires (organismes sociaux, programmes scolaires, garderies) servent des millions de repas par année aux citoyens les plus vulnérables de la ville, mais rencontrent souvent des difficultés à obtenir des produits frais à prix abordable. C'est dans ce contexte, afin d'améliorer l'efficience de l'approvisionnement alimentaire des organismes communautaires en consolidant leur pouvoir d'achat, que le Bureau de santé publique de Toronto, en collaboration avec des partenaires des secteurs public et privé, a créé en 2015 le programme FoodReach. Depuis sa création, FoodReach a permis à plus d'une cinquantaine d'organismes communautaires d'obtenir un accès régulier à des produits sains pour de nombreux groupes parmi les plus marginalisés de Toronto.

Mots-clés : sécurité alimentaire, durabilité alimentaire, système alimentaire, réseau des aliments de remplacement, approvisionnement alimentaire, alimentation saine

Points saillants

  • FoodReach a pour objectif de fournir aux organismes communautaires de Toronto un accès régulier et fiable à des aliments frais à prix abordable.
  • Les aliments achetés par l'entremise de FoodReach servent à préparer des repas et des collations pour les enfants, les familles à faible revenu, les personnes itinérantes et d'autres groupes.
  • Ces repas sont souvent la seule source d'aliments sains du jour pour ces personnes.
  • Au cours de la première année (mai 2015 à avril 2016), FoodReach a collaboré avec plus d'une cinquantaine d'organismes communautaires pour améliorer leur accès à des produits abordables.

Introduction

L'insécurité alimentaire, c'est-à-dire un accès inadapté aux aliments en raison de contraintes financières, affecte environ 2,2 millions de CanadiensNote de bas de page 1 et environ 10 % des ménages canadiens avec enfantsNote de bas de page 2. L'insécurité alimentaire est souvent associée à d'autres déterminants sociaux de la santé, en particulier la pauvreté, le chômage et un faible niveau d'instruction, et a une incidence disproportionnée sur les groupes vulnérables comme les enfants, les familles monoparentales, les nouveaux arrivants au Canada et les premiers habitants du pays - les AutochtonesNote de bas de page 2. Elle est associée à diverses affections chroniques comme le diabète, les maladies cardiaques, l'ostéoporose et l'obésitéNote de bas de page 3,Note de bas de page 4 et à une augmentation des dépenses en soins de santéNote de bas de page 5. L'insécurité alimentaire des ménages est aussi associée à une augmentation du risque de problèmes émotionnels et comportementaux chez les enfants, qui peuvent avoir des conséquences sur le reste de leur vieNote de bas de page 6,Note de bas de page 7.

Au Canada, la prévalence de l'insécurité alimentaire varie considérablement d'une municipalité à l'autreNote de bas de page 8. Le taux d'insécurité alimentaire à Toronto est proche de la moyenne canadienne mais, du fait de ses effectifs de population, la ville compte le nombre de ménages en situation d'insécurité alimentaire le plus élevé parmi toutes les régions métropolitaines de recensement du Canada : en 2011-2012, sur ses 2,1 millions de ménages, environ 252 000 (soit 12 %) vivaient une certaine forme d'insécurité alimentaireNote de bas de page 8. C'est un problème qui va en s'amplifiant plutôt qu'en diminuantNote de bas de page 9 : entre 2008 et 2016, les banques alimentaires de Toronto ont vu leur fréquentation augmenter de 12 %Note de bas de page 10.

Comme de nombreuses autres villes canadiennesNote de bas de page 11, Toronto lutte contre l'insécurité alimentaire par divers moyens, notamment grâce à des organismes de bienfaisance (banques alimentaires), des modèles de soutien aux ménages (jardins et cuisines communautaires) et des systèmes communautaires qui visent à optimiser les partenariats en vue de faire augmenter la sécurité alimentaire localeNote de bas de page 4. À Toronto, plus d'un millier d'organismes communautaires, 750 programmes de nutrition pour les étudiants et 900 garderies servent des millions de repas par année aux groupes les plus vulnérables de la ville. Une recherche menée par le Bureau de santé publique de Toronto révèle que de nombreux organismes communautaires ont des difficultés à se procurer des aliments frais à prix abordablesNote de bas de page 12. Leur chaîne d'approvisionnement est généralement tributaire de faibles budgets, de l'imprévisibilité des dons, du peu de pouvoir de négociation au moment de conclure des contrats avec de grands fournisseurs de services alimentaires et enfin de l'engagement bénévole.

En 2013, dans le cadre de la Stratégie alimentaire de Toronto, le Bureau de santé publique de Toronto a entrepris d'évaluer la faisabilité de divers modèles systémiques et durables afin d'améliorer l'efficience de l'approvisionnement alimentaire et de réduire la dépendance des organismes communautaires aux dons de bienfaisance. L'initiative FoodReach, une collaboration entre partenaires des secteurs public, communautaire et privé, a été créée en 2015 afin de régler ce problème systémique.

L'initiative FoodReach

Les objectifs de FoodReach sont de deux ordres :

  • Fournir aux organismes communautaires un accès régulier et fiable à des aliments frais à prix abordable. Grâce à son portail d'achat, FoodReach contribue à renforcer le pouvoir d'achat collectif de ses membres quelle que soit leur taille, en leur offrant un accès à des produits frais à prix de gros-un avantage offert auparavant uniquement aux grandes organisations.
  • Renforcer le système de soutien aux groupes marginalisés de Toronto. Grâce à son portail d'échange de connaissances, FoodReach vise à permettre aux organismes de partager leurs connaissances et leurs ressources dans l'objectif de renforcer leurs compétences structurelles en matière de préparation alimentaire à moindre coût.

Le portail d'achat

Le portail d'achat de FoodReach (www.foodreach.ca) est un système en ligne par lequel les organismes communautaires peuvent commander des fruits, des légumes, des produits laitiers, des œufs et du pain frais auprès de divers fournisseurs. Ce portail d'achat offre une double interface : il combine un site convivial de commande en ligne pour les organismes communautaires et un site de traitement des commandes pour les intermédiaires alimentaires (entreprises privées qui vendent des produits alimentaires à d'autres entreprises). Les intermédiaires s'approvisionnent en produits frais au Marché des produits alimentaires de l'Ontario (MPAO, principal centre de distribution pour Toronto et troisième marché de produits alimentaires en importance en Amérique du Nord) et auprès d'agriculteurs locaux, et livrent à leurs membres le jour suivant.

L'accès à des produits frais au quotidien à prix de gros auprès d'une institution publique comme le MPAO est vital pour FoodReach. Le MPAO constitue un point de service unique pour l'achat et la livraison de produits. Le fait que de nombreux intermédiaires l'utilisent permet une saine concurrence et de bons prix. Une autre caractéristique essentielle de FoodReach est qu'aucuns frais de livraison ne sont imposés et que le seuil minimum de commande est de seulement 50 $. Ces conditions sont importantes car de nombreux organismes œuvrant auprès des groupes marginalisés sont de petite taille et, souvent, les aliments ne constituent pas une composante centrale de leurs budgets. Dans certains cas, ils ne sont même pas pris en compte dans le budget, ce qui amène parfois ces organismes à servir des aliments malsains - café et muffins pour déjeuner, par exemple - aux enfants, aux familles à faible revenu, aux personnes itinérantes et à d'autres personnes marginaliséesNote de bas de page 13. Pour plusieurs d'entre eux, ces aliments constituent parfois le seul apport alimentaire de la journée. C'est pour cela que FoodReach vise à offrir à ces organismes une source d'aliments plus sains à faible coût.

Le portail d'échange de connaissances

Le portail d'échange de connaissances de FoodReach vise quant à lui à fournir une plateforme de collaboration aux organismes communautaires, afin qu'ils partagent ressources et idées de menus, qu'ils aient accès à du matériel de formation et qu'ils aient davantage de connaissances sur l'alimentation saine et le système alimentaire local. Cette dimension est particulièrement importante car de nombreux responsables de l'achat et de la préparation des aliments pour les organismes communautaires sont des cuisiniers sans formation qui servent des repas en fonction d'un budget limité. Ce faisant, on vise aussi à rassembler une large communauté d'organismes qui, malgré des missions similaires, ont tendance à ne pas collaborer en matière d'approvisionnement alimentaire et de prestation de services de repasNote de bas de page 13.

Le portail d'échange de connaissances a été conçu pour augmenter la confiance, les connaissances et la motivation des organismes, pour les encourager dans l'achat d'aliments sains et la préparation de repas sains et pour faciliter à plus long terme un changement de comportement chez ceux qui fournissent des repas aux populations vulnérables de Toronto.

Un nouveau portail d'échange de connaissances plus interactif a été lancé en décembre 2016, avec en parallèle une nouvelle campagne dans les médias sociaux, afin d'informer les organismes sur ce qu'apporte FoodReach et afin de leur fournir certaines données, comme les pics de prix de certains produits frais (qui devraient de ce fait être évités) et les produits utilisables en remplacement.

Activités et structure de gouvernance de FoodReach

FoodReach est une entreprise sociale qui regroupe des organismes publics, privés et gouvernementaux et a été constituée en personne morale comme organisme sans but lucratif.

FoodReach est dirigée par un petit conseil d'administration formé de la Ville de Toronto, de Student Nutrition Toronto, du Parkdale Activity-Recreation Centre (PARC, une organisation non gouvernementale qui s'occupe avec ses membres des questions relatives à la pauvreté et à la santé mentale) et d'un intervenant clé, le STOP Community Food Centre. La figure 1 présente un schéma de la structure de gouvernance de FoodReach.

Figure 1. Structure de gouvernance de FoodReach
Description textuelle de la figure 1

Comme on peut le voir dans cette figure, les opérations de FoodReach sont axées sur les membres, qui sont principalement des garderies, des organismes communautaires et des programmes de nutrition pour les étudiants. L'organisation est dirigée par un petit conseil d'administration formé de la Ville de Toronto, de Student Nutrition Toronto, du Parkdale Activity-Recreation Centre (PARC, une organisation non gouvernementale qui s'occupe avec ses membres des questions relatives à la pauvreté et à la santé men-tale) et d'un intervenant clé, le STOP Community Food Centre. Un comité des opérations est responsable de la mise en œuvre des activités courantes de FoodReach. FoodReach continue également à faire régulièrement appel à des conseillers externes et des partenaires, y compris l'Association canadienne du diabète, le Groupe de travail sur l'approvisionnement social de la Ville de Toronto, Creating Health Plus, la Metcalf Foundation, le Marché des produits alimentaires de l'Ontario, Parkdale Acvitity-Recreation Centre et l'Agence de la santé publique du Canada, pour obtenir leurs points de vue, afin de développer ses activités et sa mission sociale.

Un comité des opérations, responsable de la mise en œuvre des activités courantes de FoodReach, a été formé fin août 2016. FoodReach continue également à faire régulièrement appel à des conseillers externes et des partenaires pour obtenir leurs points de vue, afin de développer ses activités et sa mission sociale.

La conception du type de structure nécessaire a été longuement mûrie. Les principes directeurs étaient les suivants : la structure devait fournir aux membres une tribune où communiquer leurs idées, un conseil qui veille à une collecte de fonds efficiente et à un fonctionnement convenant aux souhaits des membres ainsi qu'un comité des opérations largement indépendant destiné à faire croître l'organisme. L'initiative touchant à la fois l'espace public, l'espace privé et l'espace citoyen, la structure de gouvernance de FoodReach a été conçue de manière à ce que toutes les parties soient représentées, écoutées et comprises.

Résultats (21 premiers mois)

Au cours de la première année (mai 2015 à avril 2016), en moyenne 23 membres chaque mois ont placé des commandes par l'entremise du portail de FoodReach - progressant d'un membre en mai 2015 à 39 membres en novembre 2015. La deuxième année (mai 2016 à janvier 2017), ce sont en moyenne 42 membres chaque mois qui ont placé des commandes par l'entremise de FoodReach, fluctuant de 40 membres en mai 2016 à 57 membres en janvier 2017 (figure 2).

Le nombre total de membres actifs - ceux qui commandent régulièrement par l'entremise de FoodReach - croît de façon constante. Une nette augmentation des activités est observable depuis septembre 2016, ce qui correspond à l'embauche de trois nouveaux membres du personnel, à l'inclusion d'un second intermédiaire et au début du service destiné aux programmes de nutrition pour les étudiants et les garderies. Comme nous l'a expliqué en entretien le nouveau gestionnaire de projet, Alvin Rebick, en décembre 2016 : « C'est vraiment le moment où on est passé de la phase pilote à une mise en œuvre complète. Même si on est encore en apprentissage et qu'il y a encore des problèmes, on est maintenant mieux outillés pour les régler ». Compte tenu de l'augmentation du nombre de membres devenant des utilisateurs actifs, il est très probable que, d'ici la fin de la deuxième année, le nombre d'organismes qui achètent par l'entremise du portail de FoodReach ait au moins doublé.

En revanche, ce nombre total de membres ne constitue qu'environ 10 % des 2 500 agences que FoodReach vise à soutenir. Plus de 200 membres sont inscrits au portail de FoodReach mais demeurent peu actifs.

Figure 2. Nombre de membres ayant commandé sur FoodReach entre mai 2015 et janvier 2017
Description textuelle de la figure 2

Cette figure illustre le nombre de membres ayant commandé sur FoodReach entre mai 2015 et janvier 2017. Au cours de la première année (mai 2015 à avril 2016), en moyenne 23 membres chaque mois ont placé des commandes par l'entremise du portail de FoodReach - pro-gressant d'un membre en mai 2015 à 39 membres en novembre 2015. La deuxième année (mai 2016 à janvier 2017), ce sont en moyenne 42 membres chaque mois qui ont placé des commandes par l'entremise de FoodReach, fluctuant de 40 mem-bres en mai 2016 à 57 membres en janvier 2017.

La « recherche sur la mise en œuvre »Note de bas de page 15 de FoodReach révèle que l'hésitation à devenir membre prend de multiples formes : nombreux sont simplement réticents à quitter leurs fournisseurs actuels, plusieurs préfèrent leur relation à fréquence élevée avec un système en ligne, tandis que d'autres n'y voient aucun avantage en matière de prix.

La recherche révèle surtout que l'obstacle majeur est un manque de connaissances à propos de l'offre de FoodReach, ce qui semble confirmé par l'augmentation rapide de son utilisation après la mise en œuvre d'un programme plus systématique de diffusion, le règlement des problèmes avec les fournisseurs et le lancement d'un site Internet plus accessible.

L'adhésion de membres et leur participation active sont importantes, de même que la « dépense » par membre. Pour que des fournisseurs du secteur privé soient intéressés - ce qui est important pour la stabilité à long terme -, cette dépense moyenne par membre doit être attractive. Cela constitue un défi dans la mesure où FoodReach a justement été créé car nombre de ces organismes sont si petits qu'ils ne peuvent pas produire d'économies d'échelle et que c'est justement la mission de FoodReach que de procéder à un regroupement du pouvoir d'achat.

En mai 2015, un seul organisme a fait des dépenses (490 $) sur le portail de FoodReach. En janvier 2017, 57 membres ont dépensé 38 000 $ sur le portail, soit une multiplication par 75 des dépenses (figure 3).

Figure 3. Dépenses mensuelles totales effectuées sur FoodReach, ensemble des membres, mai 2015 à janvier 2017
Description textuelle de la figure 3

Cette figure présente les dépenses mensuelles totales effectuées sur FoodReach par l'ensemble de ses membres, de mai 2015 à janvier 2017. En mai 2015, un seul organisme a fait des dépenses (490 $) sur le portail de FoodReach. En janvier 2017, 57 membres ont dépensé 38 000 $ sur le portail, soit une multiplication par 75 des dépenses.

La dépense moyenne par membre a aussi augmenté, allant de 490 $ à environ 670 $ par mois. En octobre 2016 - mois le plus rentable jusqu'à présent pour FoodReach -, 54 membres ont dépensé 43 000 $ (soit près de 800 $ par organisme) sur le portail. Les ventes ont diminué à la fin de l'année 2016, en raison à la fois de l'augmentation des dons alimentaires reçus par les organismes communautaires et des congés scolaires. Si l'on se fie aux données de janvier 2017, les ventes ont retrouvé le niveau précédant la diminution et sont de nouveau en augmentation.

Réussites et défis

FoodReach a effectué une recherche sur la mise en œuvre de l'initiative afin de rendre compte des défis et des opportunités rencontrés par les organismes communautaires lors de l'achat de produits frais. Cette recherche, menée début de 2016 au moyen de méthodes mixtes incluant une collecte de données qualitatives et quantitatives et qui a été approuvée par le Comité d'éthique de la recherche du Bureau de santé publique de Toronto, repose sur une série de 17 entretiens avec des utilisateurs et des non-utilisateurs. D'autres entretiens ont été menés fin 2016 afin de déterminer comment les utilisateurs jugeaient FoodReach et ce qui retenait les non-utilisateurs de participer.

Ces entretiens ont permis d'apprendre que les organismes membres accordaient la valeur la plus élevée à la qualité et à la fraîcheur des produits, et que la livraison gratuite le jour suivant et les commandes d'un faible montant minimal étaient perçues comme les avantages les plus importants de FoodReach. Ce dernier point était surtout important pour les nombreux petits organismes ayant un espace d'entreposage limité.

La plupart des organismes utilisant FoodReach ont dit apprécier l'idée d'un portail d'achat en ligne de produits frais, mais certains ont déclaré que le portail était un peu déconcertant. Cette perception résultait en partie d'une préférence à parler directement à leur contact par téléphone. Elle résultait aussi du design du portail de FoodReach (avec une double ouverture de session) et d'un étiquetage par les intermédiaires portant à confusion pour les acheteurs, qui n'étaient pas certains des prix et des quantités offertes. Ces deux problèmes ont été réglés depuis.

Plusieurs organismes ont déclaré que FoodReach leur a permis d'augmenter la quantité et la fréquence des aliments sains servis dans leurs programmes de repas. Le programme a aussi contribué à leur simplifier la préparation des aliments car, plutôt que de dépendre des dons alimentaires (qui changent chaque jour et compliquent de ce fait la planification des menus, en particulier pour les nombreux cuisiniers inexpérimentés), ils peuvent compter sur une livraison fiable d'aliments.

La question du prix des aliments et de leur coût global s'est révélée complexe. De nombreux organismes ont déclaré que FoodReach leur avait permis de réduire leurs coûts, tant en dollars dépensés qu'en temps nécessaire au personnel pour l'achat et la collecte des produits frais, mais cette question doit être approfondie car plusieurs n'avaient pas tenu compte du temps de déplacement et du personnel (ou n'avaient pas budgété ces éléments) comme faisant partie du coût d'approvisionnement. Les organismes qui en ont tenu compte dans leur coût global (et qui ont pris le temps en compte) étaient davantage à même de mentionner les « coûts réduits » comme un bénéfice du programme FoodReachNote de bas de page 16.

Presque tous les organismes ont dit souscrire aux objectifs sociaux plus larges de FoodReach, soit l'amélioration de la prise en charge de la chaîne d'approvisionnement et de l'échange de connaissances. Toutefois, la plupart des membres ont trouvé le portail d'échange de connaissances sous-développé et ont demandé plus d'information, en particulier sur les prix saisonniers, la valeur nutritive, la préparation des aliments halal et le partage de menus. Les organismes se sont aussi dits intéressés à obtenir des rabais. Certains non-utilisateurs pensaient quant à eux être trop petits pour utiliser FoodReach. D'autres organismes avaient conclu des contrats à long terme avec d'autres fournisseurs. Ces constats ont été pris en compte dans le remaniement du portail d'échange de connaissances de FoodReach.

FoodReach a aussi fait face à ses débuts à des obstacles dans son travail avec les intermédiaires alimentaires. La majorité d'entre eux recevant habituellement les commandes d'organismes communautaires par téléphone, l'utilisation du portail Internet de FoodReach a constitué pour certains un défi technologique. Dans d'autres cas, ils bénéficiaient déjà d'un système de commande en ligne, et des ressources financières considérables ont été nécessaires pour permettre une compatibilité avec le portail de FoodReach. Ce défi imprévu, qui a consumé beaucoup de temps et de budget à FoodReach, demeure un secteur exigeant énormément de travail.

Orientations

Avant la création de FoodReach, les organismes communautaires se procuraient les aliments pour leurs services de repas par divers moyens et par l'entremise d'intermédiaires alimentaires, le plus souvent isolément. En rassemblant ces organismes, FoodReach renforce leur pouvoir d'achat collectif et mise sur ce pouvoir pour obtenir des produits frais à prix de gros et améliorer l'efficience de la livraison. Non seulement ce programme contribue-t-il ainsi à faire diminuer le coûtNote de bas de page 17 des aliments mais, dans de nombreux cas, il améliore aussi la qualité nutritive des repas, renforce les groupes communautaires, offre du matériel éducatif, permet un lien entre producteurs et consommateurs et donne à ses membres l'occasion de mieux contrôler le système alimentaire local.

La capacité du programme FoodReach à offrir ces opportunités devrait s'accroître avec l'évolution du programme, grâce au développement des effectifs en ressources humaines, à la poursuite des négociations avec les intermédiaires alimentaires et à la participation régulière et renforcée des organismes communautaires, de l'administration municipale et des programmes de nutrition pour les étudiants.

Deux autres initiatives importantes en matière de sécurité alimentaire actuellement en discussion par le groupe stratégique du Bureau de santé publique de Toronto prouvent le potentiel de l'idée de FoodReach : l'organisme Toronto Community Housing envisage de constituer des clubs communautaires d'achat d'aliments et le Bureau envisage de créer des supermarchés sociaux dans les quartiers à faible revenu. Ces deux initiatives pourraient utiliser FoodReach comme portail d'achat, ce qui leur permettrait d'avoir accès à des aliments frais à prix de gros.

De plus, le développement du portail d'échange de connaissances offrira de nouvelles fonctionnalités aux organismes communautaires, en particulier des programmes de formation et de l'information sur les aliments sains de substitution et sur les prix saisonniers. Ces nouvelles fonctionnalités visent à aider les organismes communautaires en leur offrant des compétences et des connaissances pour mieux contrôler le système alimentaire. Enfin, FoodReach est en train de remanier son site Internet pour intégrer des outils analytiques qui lui permettront (ainsi qu'au Bureau de santé publique) de suivre l'impact du programme au fil du temps et de documenter les améliorations en quantité et en qualité des aliments servis dans les repas communautaires.

Analyse

Depuis sa création en mai 2015, FoodReach a contribué à renforcer le pouvoir d'achat de plus d'une cinquantaine d'organismes communautaires de lutte contre l'insécurité alimentaire à Toronto, en fournissant des repas plus sains aux personnes qui souffrent de la faim. Le programme a crû de façon constante, quoique souvent lentement du fait que les organismes qu'il cible ne comprennent pas bien son offre. Depuis septembre 2016, date à laquelle plusieurs employés permanents ont été embauchés, la situation a changé et FoodReach a progressé.

Par ailleurs, un cercle vicieux demeure : pour obtenir de bons prix de gros, il faut avoir du volume (autrement dit, plus d'organismes membres) et, pour obtenir plus de volume, il faut de bons prix. C'est un problème que FoodReach a réglé en recrutant en 2016 un grand nombre de garderies, facteur qui a grandement contribué à sa récente croissance (figures 1 et 2). Des négociations sont en cours avec la Division de l'approvisionnement social de la Ville de Toronto afin que FoodReach devienne son fournisseur, ce qui permettrait de recruter de nombreux organismes. FoodReach considère ainsi que ses perspectives de croissance sont bonnes.

Au cours de sa prochaine phase de développement, FoodReach va se concentrer sur l'augmentation de sa clientèle (c'est-à-dire les organismes communautaires qui achètent des aliments dans le cadre du programme), l'établissement d'un modèle de financement durable et le remaniement de son portail d'achat et de son portail d'échange de connaissances, afin d'offrir un meilleur soutien aux organismes communautaires.

Peu d'études ont abordé la capacité de programmes comme FoodReach à répondre aux besoins des populations vulnérables qui comptent sur les organismes communautaires et les programmes de nutrition pour les étudiants (soumis à la pression de réduire les coûts) afin de bénéficier de l'accès aux aliments dont ils ont besoin. Il demeure difficile de déterminer l'incidence de FoodReach et d'autres programmes sur l'insécurité alimentaire et la pauvreté des ménages. On peut classer les initiatives du type de FoodReach comme appartenant au « modèle de système alimentaire communautaire » du cadre conceptuel proposé par Collin pour mesurer l'insécurité alimentaire des ménagesNote de bas de page 11. Ce type d'initiatives municipales vise à optimiser l'autosuffisance de la collectivité en établissant des partenariats entre les gouvernements, les têtes de file de l'alimentation et les fournisseurs de services.

Malgré leur expansion dans les dernières années, ces initiatives n'ont en général pas fait l'objet d'évaluations systématiquesNote de bas de page 11. Davantage de recherches sont nécessaires pour déterminer si des programmes comme FoodReach permettent d'accroître la sécurité alimentaire des personnes et des collectivités. D'après les premiers constats qualitatifs effectués par FoodReach, les organismes communautaires retirent des bénéfices de la facilité d'accès, de la qualité et du prix des produits offerts par le programme, mais des études d'évaluation à long terme sont nécessaires pour mieux saisir son incidence réelle sur l'insécurité alimentaire des ménages.

Le programme FoodReach renforce non seulement les efforts communautaires de réduction de l'insécurité alimentaire des ménages mais aussi l'approvisionnement en aliments sains de manière générale. En 2014, divers organismes sanitaires et scientifiques ont souligné la nécessité d'élaborer des politiques d'offre et d'achat d'aliments sains qui encouragent la consommation de produits frais, de prendre des mesures pour que les aliments sains soient à prix abordable et de mettre en œuvre des composantes éducatives pour accroître les connaissances, l'intérêt et la demande à l'égard des options sainesNote de bas de page 14. Tous ces éléments favorisent un changement dans les systèmes alimentaires. FoodReach constitue l'un des moyens par lesquels le BSPT aide les organismes communautaires à atteindre ces objectifs d'approvisionnement en aliments sains.

Conclusion

Le programme FoodReach du Bureau de santé publique de Toronto a contribué à renforcer les achats alimentaires de plus d'une cinquantaine d'organismes communautaires de la ville qui luttent contre l'insécurité alimentaire en offrant des repas plus sains aux personnes souffrant de la faim. Ce programme peut constituer un moyen efficace de soutenir l'action communautaire visant à atténuer l'insécurité alimentaire et à promouvoir une saine alimentation. Les recherches en cours à son sujet vont permettront de mieux comprendre le programme, les obstacles et les opportunités qui lui sont associés ainsi que son incidence sur le plan social comme sur le plan de la santé.

Remerciements

L'Agence de la santé publique du Canada a financé la recherche sur laquelle est fondé cet article.

Conflits d'intérêts

Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêts.

Contributions des auteurs et avis

PC et JG ont effectué la recherche principale et ont rédigé et révisé le manuscrit. BE était responsable de la gestion du projet. MG et HO, toutes deux de l'ASPC, ont fourni le financement et les commentaires critiques.

Le contenu de cet article et les opinions qui y sont exprimées n'engagent que les auteurs et ne sont pas forcément représentatifs de la position du Gouvernement du Canada.

Références

Note de bas de page 1

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Note de bas de page 12

Miller S. Finding food: community food procurement in the City of Toronto. Toronto (Ont.) : Toronto Public Health; 2013. En ligne à : http://tfpc.to/wordpress/wp-content/uploads/2014/02/CFP-Finding-Food.pdf

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Note de bas de page 13

Toronto Public Health. Food Reach: Assessment of Food Distribution Portal. Phase 2 (Part 2) Report to the Public Health Agency of Canada [Internet]. Toronto (Ont.) : Toronto Public Health; 2015. Disponible sur demande.

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Note de bas de page 14

Campbell N., Duhaney T., Arango M., et al. Healthy Food Procurement Policy: an important intervention to aid the reduction in chronic noncommunicable diseases. Canadian Journal of Cardiology 2014;30:1456. doi: 10.1016/j.cjca.2014.06.021.

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Notes

Note de bas de page 15

FoodReach : Rapport sur la phase 3 présenté à l'ASPC (mars 2017). Disponible sur demande.

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Note de bas de page 16

Aucune donnée concrète n'est disponible pour ce qui est de l'impact de FoodReach sur le prix des aliments ou le coût total de l'approvisionnement pour les organismes. FoodReach fait des recherches à ce sujet. Les premières données laissent à penser que les prix de FoodReach sont concurrentiels et peuvent entraîner une réduction du coût global pour les organismes en raison d'une livraison au bon moment et de la fraîcheur des produits.

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Note de bas de page 17

Pour FoodReach, le prix des aliments et le coût des aliments sont deux éléments différents. Comme la marge de profit sur le prix des aliments est très faible, FoodReach vise simplement à demeurer concurrentiel. Toutefois, son service offre aux organismes le moyen de faire diminuer le coût global de leurs aliments.

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