Exposé de politique fondé sur des données probantes – Recommandations fondées sur des données probantes visant à aider les adultes atteints de dépression à rester actifs toute leur vie

Michelle Fortier, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Taylor McFadden, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Guy Faulkner, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2

https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.10.01f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Correspondance : Michelle Fortier, Université d’Ottawa, 125, University Private, pavillon Montpetit, Ottawa (Ontario)  K1N 6N5; courriel : mfortier@uottawa.ca

Résumé

La dépression est aujourd’hui le trouble mental le plus répandu, et on estime qu’un Canadien sur quatre en souffrira à un moment ou à un autre de sa vie. Même si l’activité physique est recommandée comme traitement principal de la dépression légère à modérée et comme traitement secondaire de la dépression modérée à grave, on ne dispose toujours pas de lignes directrices précises sur la meilleure façon de promouvoir l’activité physique auprès de la population atteinte de dépression. Cet exposé de politique vise donc à fournir des recommandations fondées sur des données probantes aux fournisseurs de soins primaires et aux professionnels paramédicaux afin de promouvoir l’activité physique à vie chez les personnes atteintes de dépression. Ces recommandations consistent notamment à demander la permission de parler d’activité physique avec les personnes concernées; à présenter l’activité physique comme un élément sur lequel elles ont un contrôle afin de se sentir mieux; à préciser qu’intégrer ne serait-ce que quelques minutes supplémentaires d’activité physique hebdomadaire vaut mieux que rien et que des exercices légers sont suffisants pour obtenir des bienfaits sur la santé mentale et enfin à proposer plusieurs choix d’activités et essayer d’accompagner les personnes lors de leurs premières séances.

En outre, cet article souligne l’importance de promouvoir, auprès de cette population, le plaisir que procure l’activité physique, ce qui peut être fait en aidant la personne à augmenter progressivement la fréquence, la durée et l’intensité de l’activité; en l’encourageant à faire preuve de bienveillance envers elle-même à propos de l’activité physique; en lui suggérant de s’adonner à une activité de plein air, d’écouter de la musique, d’être accompagnée d’un(e) ami(e) ou de faire partie d’un groupe; en utilisant un système d’autosuivi ou un journal pour renforcer le lien entre activité physique et amélioration de l’humeur. Les praticiens sont encouragés à utiliser ces recommandations fondées sur des données probantes (en particulier l’offre d’un maximum de choix, l’insistance sur le plaisir procuré par l’activité physique et la mise en avant des préférences personnelles) afin d’aider les personnes atteintes de dépression à bouger, à se rétablir et à s’épanouir. Ces recommandations sont également utilisables pour concevoir les futures interventions et pour éclairer les lignes directrices visant à réduire les taux de dépression au Canada.

Mots-clés : activité physique, dépression, promotion, santé publique, politique

Points saillants

  • Il est prouvé que l’activité physique permet de prévenir et de traiter la dépression.
  • Des niveaux d’activité physique même faibles et d’intensité peu élevée sont suffisants pour améliorer l’humeur.
  • Les praticiens devraient promouvoir des expériences d’activité physique agréables en aidant les personnes atteintes de dépression à augmenter progressivement leur niveau d’activité physique et en leur suggérant de choisir des activités en fonction de leurs préférences, de pratiquer des activités en plein air, d’intégrer de la musique et d’être accompagnées d’un(e) ami(e) ou de faire partie d’un groupe.
  • Il est également recommandé de demander la permission de parler d’activité physique ainsi que de présenter celle-ci comme un moyen de se sentir mieux, de préciser qu’un peu d’activité physique vaut mieux que rien, de proposer divers choix à expérimenter et, si possible, d’accompagner la personne lors de ses premières séances.

Introduction

La dépression est le trouble mental le plus répandu de nos jours, affectant environ un Canadien sur quatre à un moment donné de sa vieNote de bas de page 1. De fait, la dépression est la première cause d’invalidité au Canada, représentant 22,5 % des demandes de prestations d’invalidité. L’invalidité représente de 4 à 12 % des coûts salariaux au Canada, ce qui représente une charge financière importanteNote de bas de page 2. Si les médicaments et la psychothérapie sont des traitements efficaces contre la dépression, les médicaments ont des effets secondaires désagréables qui contribuent à une faible observance, et la psychothérapie n’est pas toujours disponible ou abordable pour la plupart des personnes atteintes. De nombreuses données scientifiques confirment les effets antidépresseurs de l’activité physiqueNote de bas de page *, notamment de nombreuses méta-analysesNote de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7. Au Canada, le Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT) a récemment révisé ses lignes directrices en matière de traitement et recommande désormais l’exercice physique comme intervention de première ligne pour les troubles dépressifs majeurs (TDM) légers à modérés et comme traitement secondaire pour les TDM modérés à gravesNote de bas de page 8.

Bien qu’il s’agisse clairement d’un progrès, il n’existe pas à l’heure actuelle de lignes directrices précises à l’intention des praticiens sur la meilleure façon de promouvoir l’activité physique chez les personnes atteintes de dépression. Un examen de la portée a récemment été effectué sur les obstacles et les facteurs favorables liés à l’activité physique chez les adultes atteints de dépressionNote de bas de page 3. Notre article s’appuie sur cet examen et s’inspire de nombreux autres examens, méta-analyses et études de grande qualité. Plus spécifiquement, l’objectif de cet exposé de politique est de formuler des recommandations fondées sur des données probantes à l’intention des fournisseurs de soins de santé primaires comme les médecins, les auxiliaires médicaux et les infirmières, à l’intention des professionnels paramédicaux travaillant dans le domaine des soins de santé primaires ou dans la collectivité comme les kinésiologues, les physiothérapeutes et les psychologues et enfin à l’intention des décideurs afin de les inciter à faire bouger les personnes atteintes de dépression et les encourager à rester actives afin de réduire les symptômes de dépression, de prévenir de futurs épisodes de dépression, d’améliorer leur qualité de vie pendant et après le traitement et de réduire les dépenses en santé. Ces recommandations sont également utilisables pour adapter les futures interventions et éclairer les lignes directrices visant à réduire les taux de dépression au Canada.

Recommandations fondées sur des données probantes visant à promouvoir l’activité physique tout au long de la vie des adultes atteints de dépression

À la lumière des études menées jusqu’à présent, nous proposons les recommandations suivantes afin d’optimiser la participation soutenue à l’activité physique chez les personnes atteintes de dépression.

1. Demander la permission de parler d’activité physique et présenter celle-ci comme un moyen de se sentir mieux

Glowacki et ses collèguesNote de bas de page 9 ont mis au point une boîte à outils pour fournir aux fournisseurs de soins de santé une ressource fondée sur des données probantes à utiliser dans leur pratique pour orienter et faciliter les conversations sur l’exercice physique comme traitement de la dépression. Cette boîte à outils est conçue comme un point de départ pour aider les professionnels de la santé à intégrer les lignes directrices de la CANMATNote de bas de page 8 dans leur pratique avant d’orienter les patients vers un spécialiste de l’exercice physique. La boîte à outils est disponible en ligne (en anglais seulement) à l’adresse www.exerciseanddepression.ca. Lorsqu’ils abordent le sujet de l’activité physique, les praticiens doivent demander la permission de discuter de cette habitude de vie, car cela crée un climat fertile de changement de comportement et réduit la résistanceNote de bas de page 10.

De plus, dans toutes les discussions et dans tous les messages, il est important de présenter l’activité physique comme un moyen permettant aux personnes de se sentir mieux. Indiquer qu’il s’agit d’une activité sur laquelle elles ont un contrôle et qu’elles peuvent intégrer dans leur vie afin d’améliorer leur humeur et d’accroître leur bien-être général. En effet, un nombre croissant de travaux de recherche montrent que le fait de parler d’activité physique comme moyen de favoriser la santé physique, de vieillir en bonne santé, de perdre du poids ou de le conserver n’est pas stimulant du point de vue du changement de comportement, comparativement aux bienfaits plus immédiats liés au « bien-être »Note de bas de page 11. Une étude de portée propose d’utiliser les messages suivants dans les communications verbales et visuelles : « L’activité physique peut apaiser les émotions négatives et amplifier les émotions positives »Note de bas de page 3. Dans le même ordre d’idées, une autre étude a recommandé d’utiliser cette formule : « L’inactivité peut vous tirer vers le bas, et l’activité physique peut vous hisser vers le haut »Note de bas de page 12. Comme les médecins disposent de peu de temps pour s’occuper de chaque patient, il est recommandé d’orienter ce dernier vers un spécialiste de l’exercice physique (p. ex. un kinésiologue) afin de favoriser un changement de comportement à long terme en matière d’activité physique.

2. Volume : préciser le niveau d’activité physique (fréquence et durée) recommandé

Les personnes atteintes de dépression sombrent souvent dans la léthargie et seront probablement découragées à l’idée de devoir intégrer 150 minutes d’activité aérobique modérée à intense par semaineNote de bas de page 13. Les données sur le dosage pour cette population ont montré que, par rapport à ce qui est nécessaire pour obtenir des bienfaits physiologiques, il faut moins d’activité physique hebdomadaire pour améliorer la santé mentale et réduire les symptômes de maladie mentaleNote de bas de page 14. Par exemple, un examen systématique de 30 études de grande qualité a montré que même de faibles niveaux d’activité physique (p. ex. marcher moins de 150 minutes/semaine) sont efficaces pour prévenir la dépressionNote de bas de page 15. En ce qui concerne le traitement de la dépression (c’est-à-dire le soulagement des symptômes dépressifs), l’étude de Stanton et ReaburnNote de bas de page 16 recommande de pratiquer une activité aérobique supervisée d’intensité légère à modérée de 30 à 40 minutes à la fois, trois à quatre fois par semaine pendant un minimum de neuf semaines. De même, Nyström et ses collaborateursNote de bas de page 17 ont recommandé la pratique d’une activité physique au moins trois fois par semaine, pendant un minimum de 30 minutes à la fois, de préférence sous supervision. Cette étude conclut en indiquant que les futurs travaux de recherche devraient se concentrer sur l’adaptation des recommandations en matière d’activité physique aux préférences personnelles de chacun en ce domaineNote de bas de page 17. Diverses stratégies et des outils précis visant à personnaliser l’activité physique et à en améliorer le plaisir sont ainsi proposés dans cet article (voir section 5).

Plus récemment, des études ont montré qu’une faible quantité d’activité physique suffit à prévenir et à traiter la dépression. Par exemple, une étude menée auprès de 33 908 adultes norvégiens sans antécédents de troubles mentaux a permis de surveiller leur niveau d’activité physique et leurs symptômes de dépression pendant plus de 11 ans, et les résultats ont révélé qu’une seule heure d’activité physique par semaine contribue à protéger contre l’apparition d’une dépressionNote de bas de page 18. Cela rejoint une étude récente sur la relation entre l’activité physique et le bonheur, qui montre qu’à peine 10 minutes par semaine, ou une journée par semaine avec de l’activité physique, pourraient augmenter le niveau de bonheurNote de bas de page 19. Cela concorde avec une méta-analyse antérieure sur les avantages de l’exercice vert (c’est-à-dire l’activité physique pratiquée dans la nature) pour la santé mentale, qui a démontré que les indicateurs de santé mentale que sont l’estime de soi et l’humeur ont affiché le changement le plus important dans les délais les plus courts (soit 5 minutes)Note de bas de page 20. Par conséquent, les praticiens et les décideurs devraient aborder la question en partant du principe que toute dose d’activité physique est utile et qu’un peu d’activité vaut mieux qu’aucune. Cette approche est également conforme aux études qui montrent que les taux de pratique d’une activité physique sont nettement meilleurs lorsque les doses d’activité physique sont faiblesNote de bas de page 21.

3. Type/domaine : encourager l’activité physique pendant les loisirs, le transport actif et l’activité physique domestique

Si les préférences personnelles en matière d’activité physique sont très importantes pour favoriser le plaisir, la motivation intrinsèque et la persévéranceNote de bas de page 22, des études ont montré que, lorsqu’il s’agit de soulager les symptômes de dépression, d’optimiser la santé mentale et de favoriser le bonheur, toutes les activités n’offrent pas toutes les mêmes avantages. Une méta-analyse réalisée par White et ses collaborateursNote de bas de page 23 a révélé que l’activité physique de loisir (APL), comme la danse et la randonnée, et l’activité physique de transport, comme la marche et le vélo pour se rendre au travail, avaient toutes deux une association positive avec la santé mentale. Cela a confirmé les résultats d’études antérieures indiquant que l’APL, même à faible dose, était systématiquement et fortement associée à une probabilité réduite de dépressionNote de bas de page 24. En outre, une étude à grande échelle portant sur plus de 11 000 adultes de 15 pays européens a montré que « beaucoup » d’APL était associé de manière positive au bonheurNote de bas de page 25. On suppose que l’APL est plus fortement associée à la santé mentale et aux résultats liés aux maladies mentales parce qu’elle repose sur un choix, qu’elle offre une distraction au stress et qu’elle permet d’améliorer l’estime de soi et l’efficacité personnelleNote de bas de page 23. Richards et ses collaborateursNote de bas de page 25 ont également constaté une relation positive entre « beaucoup » d’activité physique domestique, comme le jardinage, et le bonheur. Il convient de noter que cette étude a évalué les activités domestiques récréatives par rapport aux travaux ménagers lourds et aux corvées qui ont tendance à avoir une connotation plus négative.

Enfin, un nombre croissant de données probantes indiquent que le yoga est une activité physique favorable au traitement de la dépression, car, outre le mouvement, il nécessite la régulation de la respiration et la pleine conscienceNote de bas de page 26. En ce sens, un examen du rapport entre activité physique et bonheur a révélé que les exercices d’aérobie et les exercices d’étirement et d’équilibre étaient tous deux associés à une augmentation du bonheurNote de bas de page 19. Par ailleurs, une autre méta-analyse récente a montré que les exercices de résistance (entraînement musculaire) étaient associés à une atténuation significative des symptômes de dépressionNote de bas de page 27. En résumé, de nombreux types d’activité physique sont bénéfiques pour la prévention et le traitement de la dépression, mais les préférences et les choix personnels sont tout aussi importants.

4. Intensité : insister sur le fait que la modération est l’idéal, mais que les préférences personnelles en matière d’activité physique sont primordiales

L’entraînement par intervalles à haute intensité (HIIT), qui consiste à s’entraîner à haute intensité pendant une courte période de temps, a fait l’objet de nombreux débats. La plupart des physiologistes de l’exercice affirment qu’il s’agit de la solution la plus efficace pour obtenir des résultats physiologiques rapidesNote de bas de page 28Note de bas de page 29, tandis que la plupart des psychologues de l’exercice déclarent que cette solution n’est ni réaliste ni durable car elle est assez désagréableNote de bas de page 30Note de bas de page 31. Même au sein d’une population adulte sans maladie, une intervention de 12 mois comportant un programme HITT non supervisé a entraîné une baisse rapide de la participation régulière tout au long de la période d’étudeNote de bas de page 32. La faible adhésion a été attribuée à un manque de plaisir à participer au programmeNote de bas de page 30. En effet, Saanijoki et ses collaborateursNote de bas de page 33 ont noté que le programme HITT provoque des émotions négatives plus importantes pendant et après une séance d’exercice. Les personnes atteintes de dépression font déjà face à des émotions négatives, de sorte que cette forme et intensité d’activité physique peut non seulement ne pas convenir à cette population, mais pourrait même amener certaines personnes à renoncer complètement à l’activité physique. De fait, les obstacles les plus importants rencontrés par les personnes atteintes de dépression lorsqu’elles pratiquent une activité physique sont qu’elles sont « trop fatiguées » ou qu’elles ont « peu d’énergie », ce qui rend le programme HIIT difficileNote de bas de page 3. Dans le même ordre d’idées, une intervention de six semaines axée sur l’activité physique auprès d’étudiants universitaires canadiens a permis de constater qu’un exercice de haute intensité entraînait une augmentation du stress perçu, tandis qu’un entraînement modéré continu entraînait une diminution des symptômes dépressifsNote de bas de page 34.

Par ailleurs, un nombre croissant d’ouvrages recommandent de pratiquer une activité physique légère en contexte de santé/maladie mentale. L’activité physique légère a été associée à des niveaux plus élevés d’affect positif que l’activité physique vigoureuseNote de bas de page 35. Cette constatation concorde avec une méta-analyse antérieure concluant que les améliorations les plus importantes du niveau d’affect positif après l’activité physique ont été observées au niveau le plus faible d’activité physique, et que ce bienfait était le double de celui de l’activité physique modérément vigoureuseNote de bas de page 36. Comme nous l’avons mentionné précédemment, le yoga est un exemple d’activité physique légère ayant permis de réduire significativement les symptômes de dépressionNote de bas de page 37Note de bas de page 38. En outre, une méta-analyse a révélé que l’amélioration de l’estime de soi découlant de l’exercice vert diminuait avec l’intensité croissante de l’activitéNote de bas de page 20. Une autre étude a établi qu’une activité physique d’un niveau moins intense contribuait davantage au bien-être des personnes que des niveaux plus intensesNote de bas de page 39. Enfin, une étude transversale récente menée auprès d’adultes en bonne santé a révélé qu’une activité physique d’intensité légère était liée positivement au bien-être psychologique et négativement aux scores de dépressionNote de bas de page 40.

Alors que les formes légères d’activité physique, comme la marcheNote de bas de page 41, semblent prometteuses, certaines études ont démontré le contraire : des intensités modérées à vigoureuses ont une plus grande influence sur l’atténuation des symptômes de la dépressionNote de bas de page 42Note de bas de page 43. Par exemple, un essai contrôlé à répartition aléatoire réalisé par Hughes et ses collaborateursNote de bas de page 43 a montré que les symptômes dépressifs étaient réduits plus rapidement chez les personnes pratiquant une activité physique vigoureuse que chez celles pratiquant une activité physique légère tout au long d’une intervention de 12 semaines. Cependant, au moment du suivi, les sujets des deux groupes ont montré une diminution des symptômes de dépression et les différences entre les groupes n’étaient pas significatives. Allant dans le même sens que cette constatation, d’autres études ont conclu que toute activité physique, quelle qu’en soit l’intensité, est bénéfique pour la santé mentaleNote de bas de page 15Note de bas de page 18Note de bas de page 25Note de bas de page 44. L’examen systématique de Mammen et Faulkner a également établi que toute intensité d’activité physique diminuait le risque de dépressionNote de bas de page 15. Un autre examen a ensuite montré que l’influence de l’intensité de l’activité physique sur le bonheur était minimeNote de bas de page 25. De même, un essai contrôlé à répartition aléatoire mené auprès d’adultes atteints de dépression légère à modérée a révélé que les activités physiques légères (p. ex. le yoga) et d’intensité modérée et vigoureuse (p. ex. l’entraînement aérobique) étaient toutes efficaces pour réduire les symptômes de la dépressionNote de bas de page 44. Enfin, une étude longitudinale menée sur 10 ans auprès d’une cohorte initialement en bonne santé a révélé qu’une APL régulière, quelle que soit son intensité, protégeait contre une éventuelle dépressionNote de bas de page 18. Ensemble, ces données indiquent que l’intensité de l’activité physique n’est pas particulièrement importante lorsqu’il s’agit de santé mentale et de maladie mentale.

5. Promouvoir des expériences positives et agréables

Le plaisir de l’activité physique semble être le point essentiel. Alors que l’activité physique et le plaisir ne vont généralement pas de pair dans l’esprit de la plupart des gens, le plaisir se révèle un important facteur de motivation fondé sur des données probantes en ce qui concerne la participation à une activité physique à long termeNote de bas de page 22Note de bas de page 45. De plus, le plaisir de l’activité physique s’est révélé augmenter la motivation autodéterminée à l’égard de l’activité physique, ce qui est lié à des résultats positifs en matière de santé mentale, notamment une réduction des symptômes dépressifsNote de bas de page 46.

Ce facteur est particulièrement important pour les personnes atteintes de dépression, qui ont tendance à manquer de motivation et éprouvent généralement moins de plaisir dans la vie quotidienne. Il est donc essentiel d’améliorer le plaisir de l’activité physique pour que ces personnes puissent profiter de ses bienfaits sur leur santé mentaleNote de bas de page 47. Voici quelques recommandations scientifiquement fondées visant à améliorer le plaisir de l’activité physique, qui peuvent s’appliquer à la population générale comme aux personnes atteintes de dépression.

a. Essayer la stratégie des « 10 minutes » et encourager une progression lente

Une stratégie qui fonctionne souvent chez les personnes inactives, à la fois pour associer l’activité physique à des sentiments positifs et pour faciliter la gestion du temps, est la technique des 10 minutesNote de bas de page 48. Le praticien demande à la personne si elle peut trouver 10 minutes la semaine suivante pour faire une promenade à l’extérieur. La personne répond presque toujours par l’affirmative. Ensuite, le praticien précise qu’elle doit sortir pour une promenade de 10 minutes et que, si elle se sent aussi bien (ou mieux) qu’au moment de son départ, elle peut choisir de continuer. Sinon, elle met fin à sa séance d’activité physique. Cela permet généralement d’associer la marche/le mouvement à des émotions et à des expériences positives, ce qui est très important pour favoriser le plaisir de l’activité physique. À partir de là, la personne doit être encouragée à augmenter lentement la fréquence et la durée de la marche, afin de réduire au minimum la gêne et d’assurer des expériences agréables. Le fait de fixer des objectifs modestes et progressifs contribue également à renforcer l’autoefficacité, qui est un déterminant clé du changement de comportement en matière d’activité physique au sein de la population généraleNote de bas de page 49 et s’est révélée être à la fois un facteur entravant et un facteur facilitant l’activité physique chez les personnes atteintes de dépressionNote de bas de page 3.

b. Aider la personne à choisir d’autres options d’activités physiques agréables

Dans ce cas de figure, le praticien dispose de plusieurs façons de procéder. Il peut demander à la personne quelles sont les activités qu’elle trouve les plus agréables parmi celles qui se révèlent les plus efficaces pour atténuer les symptômes de dépression (p. ex. marcher ou faire du vélo pour se rendre au travail, jardiner, faire du yoga; voir section 2). Il peut également demander à la personne quelles sont ses préférences en matière d’activité physique (p. ex. en plein air ou à l’intérieur, en compétition ou en coopération, en groupe ou individuellement, avec beaucoup ou peu de dépense d’énergie). Cela peut se réaliser à l’aide d’échelles de préférence (figure 1)Note de bas de page . Une autre méthode consiste à lui montrer une liste d’activités physiques et à lui demander s’il y en a qu’elle a déjà essayées et appréciées et qu’elle pourrait vouloir réessayer, ou s’il y a de nouvelles activités qu’elle pourrait trouver agréables. La figure 2 présente un exemple de liste, élaborée par une équipe multidisciplinaire pour l’essai Physical Activity Counselling (PAC). Une fois que la personne a sélectionné quelques activités, il reste au praticien à lui suggérer d’en choisir une ou deux, celles qui lui conviennent le mieux et qu’elle est disposée à pratiquer à long terme, puis l’encourager à essayer chacune d’entre elles. Certains praticiens (p. ex. les kinésiologues) pourraient même aider la personne en faisant l’activité choisie avec elle pour les premières fois ou en lui proposant de la mettre en contact avec quelqu’un dans un centre ou un club de remise en forme. En effet, les activités en centre comme celles proposées dans les YMCA sont une excellente option, sachant que la supervision fait partie des recommandations dans des études récentes sur ce sujetNote de bas de page 16Note de bas de page 17.

Figure 1. Échelles de préférence

Figure 1. Échelles de préférence

Description textuelle : Figure 1

Figure 1. Échelles de préférence

Cette figure est un formulaire qui peut être utilisé pour récolter de l’information sur les échelles de préférence des participants.

  1. Type d’activité : 1 (Individuelle) à 10 (Collective)
  2. Niveau de socialisation : 1 (Seul(e)) à 10 (Entouré(e) d’amis)
  3. Taille du groupe : 1 (Quelques personnes) à 10 (Beaucoup de personnes)
  4. Structure du programme : 1 (Non structuré (souple)) à 10 (Structuré)
  5. Environnement : 1 (À l’intérieur (gymnase)) à 10 (À l’extérieur (nature))
  6. Type d’activités (dépense d’énergie) : 1 (Faible) à 10 (Importante)
  7. Niveau de compétitivité dans la pratique d’une activité physique : 1 (N’aime pas la compétition) à 10 (A besoin de compétition)
  8. Niveau de risqué : 1 (Faible) à 10 (Élevé)
  9. Niveau d’apprentissage de nouvelles compétences : 1 (Faible niveau d’acquisition de compétences) à 10 (Niveau élevé d’acquisition de compétences)
  10. Activités en famille : 1 (Peu important) à 10 (Très important)

Figure 2. Liste des activités physiques

Figure 2. Liste des activités physiques

Description textuelle : Figure 2

Figure 2. Liste des activités physiques

Cette figure est une liste d’activités physiques pouvant aider à fournir des suggestions aux participants :
Déjà pratiquée Pratiquée au cours de la dernière année Intéressé(e) à pratiquer Activité physique
      Exercices aérobiques
      Aquaforme
      Arts martiaux
      Aviron
      Badminton
      Ballon-balai
      Baseball
      Basketball
      Canoë
      Curling
      Danse classique
      Danse sociale
      Équitation
      Escalade
      Escalier
      Escrime
      Football
      Golf
      Handball
      Hockey-balle
      Hockey sur glace
      Jardinage
      Course à pied
      Kayak
      Marche
      Musculation
      Natation
      Patin à roues alignées
      Patin à glace
      Pilates
      Planche à voile
      Quilles
      Racquetball
      Randonnée
      Raquette
      Ringuette
      Ski (alpin)
      Ski (de fond)
      Soccer
      Spinning
      Squash
      Tai chi
      Tennis
      Tennis de table
      Travaux ménagers
      Vélo
      Volleyball
      Water polo
      Yoga

c. Encourager la personne à faire preuve de bienveillance envers elle-même

Une fois que les activités ont été choisies et essayées plusieurs fois, il est nécessaire de rappeler à la personne d’être douce et compatissante envers elle-même pour assurer le maintien de l’activité. Vouloir en faire trop entraîne souvent une diminution du plaisir et parfois des blessures et des abandonsNote de bas de page 50. Non seulement il est important que la personne choisisse le type, la fréquence et la durée de l’activité pour optimiser sa motivation intrinsèque, mais elle doit également choisir elle-même son intensité afin de susciter des émotions et des expériences positives. On a récemment montré que les taux de participation à l’activité physique chez les personnes atteintes de dépression pouvaient être améliorés en tenant compte des préférences des participants en matière d’entraînement physiqueNote de bas de page 51.

Un kinésiologue ou un autre praticien peut aider la personne à distinguer les différentes intensités d’activité physique et à passer avec plaisir de l’une à l’autre. Une attitude de bienveillance envers soi-même à l’égard de l’activité physique est essentielle pour tous, mais particulièrement pour les personnes atteintes de dépression, si celles-ci veulent surmonter les revers et maintenir leur programme d’activité physiqueNote de bas de page 52. Là encore, le praticien peut apporter sa contribution en transformant les revers en « essais », en normalisant les difficultés liées à l’activité physique et en aidant la personne à se parler gentiment lorsqu’elle rencontre des obstaclesNote de bas de page 53.

Si les étapes a à c ne permettent pas à la personne de vivre des expériences positives en matière d’activité physique ou de pratiquer une activité physique régulière, les étapes d à g proposées ci-dessous peuvent améliorer le plaisir et la poursuite à long terme d’une activité physique.

d. Promouvoir le plein air et les environnements esthétiquement attrayants

Si les préférences personnelles en matière d’activité physique sont très importantes, il est de plus en plus évident que les activités de plein air sont particulièrement agréables, réparatrices et thérapeutiquesNote de bas de page 54Note de bas de page 55Note de bas de page 56. Une méta-analyse sur les bienfaits pour la santé mentale des exercices « verts » a montré un effet modéré sur l’estime de soi et un effet important sur l’humeur, tous deux plus importants que les effets des exercices « non verts »Note de bas de page 20. Le fait de sortir combine les bienfaits de la nature et de l’activité physique, ce qui se révèle très efficace chez les personnes atteintes de dépression comme chez les autresNote de bas de page 57Note de bas de page 58Note de bas de page 59. On a assisté à l’émergence de ces types d’activité il y a quelques années et différents termes ont été utilisés pour les désigner (p. ex. « promenades nature », « bains de forêt », « Mood Walk » [promenade d’humeur]). Enfin, si tous les environnements verts améliorent l’estime de soi et l’humeur, la présence d’eau semble apporter des améliorations encore plus importantesNote de bas de page 20.

e. Proposer à la personne d’écouter une musique énergisante ou apaisante tout en bougeant

La musique a un effet thérapeutique et est souvent utilisée dans le traitement des problèmes de santé mentaleNote de bas de page 60Note de bas de page 61Note de bas de page 62. En outre, de plus en plus d’ouvrages préconisent l’utilisation de la musique comme source de motivation pendant l’activité physiqueNote de bas de page 63Note de bas de page 64. Des études montrent que les personnes qui écoutent de la musique tout en pratiquant une activité physique sont plus susceptibles d’essayer une activité physique à long terme et de la maintenirNote de bas de page 65Note de bas de page 66. Dans une étude récente menée auprès d’étudiants universitaires sans maladie, le plaisir de l’exercice était significativement plus élevé chez les sujets ayant participé à 20 minutes de marche à rythme modéré avec un lecteur de musique personnel que chez ceux qui n’en avaient pasNote de bas de page 67. Dans un autre échantillon d’étudiants universitaires, Chizewski a constaté que la musique choisie par l’intéressé était celle qui améliorait le plus le plaisir et la durée de l’exercice, par rapport à la musique classique proposée dans l’étude ou à l’absence de musiqueNote de bas de page 68. Le praticien devrait donc proposer à la personne de créer une liste de ses chansons ou morceaux préférés à écouter pendant qu’elle fait de l’exercice physique. En fonction des symptômes présents cette journée-là, la personne peut alors choisir une musique énergisante avant et pendant sa séance d’activité physique ou une musique apaisante si elle manifeste des symptômes d’anxiété.

f. Encourager la personne à pratiquer une activité physique avec un(e) ami(e) ou en groupe

L’un des effets les plus courants de la dépression est l’isolement socialNote de bas de page 69, qui aggrave la maladie. Par conséquent, toute activité physique nécessitant des contacts sociaux est susceptible de se révéler positive et motivante pour une personne atteinte de dépression. En fait, le plus souvent, les bienfaits de l’activité physique sur la prévention de la dépression sont attribués aux effets physiques et sociauxNote de bas de page 18. Établir des relations interpersonnelles tout en étant physiquement actif avec les autres peut satisfaire le besoin de vivre un sentiment d’appartenance (c’est-à-dire de relations), qui à son tour a une influence positive sur la santé mentaleNote de bas de page 70. Dans le même ordre d’idées, une étude récente a montré que les effets de l’activité physique sur le bonheur étaient influencés en partie par une amélioration de la santé et du fonctionnement socialNote de bas de page 19.

Des cours comme le CrossFit sont attirants en raison de l’atmosphère sociale ou collective qui y règne. Toutefois, en raison de la forte intensité de ce type d’entraînement et parce que ce cadre attire généralement des groupes plus sportifs, ce n’est peut-être pas la meilleure option pour les personnes atteintes de dépression. En effet, cette population pourrait se sentir intimidée dans ce type d’environnement, ce qui pourrait conduire à une expérience désagréable. Parmi les meilleures options figurent la pratique de la raquette avec un ami, un cours de danse avec un partenaire ou un cours de tai-chi pour se faire de nouveaux amis. Bien entendu, une personne peut s’entraîner dans le style du CrossFit ou pratiquer une autre activité plus intense comme le spinning, si c’est ce qui l’intéresse, car cela combine l’activité aérobique, la musique et une atmosphère de groupe.

Les sports d’équipe sont également à envisager. Un nombre croissant d’études montrent que la participation à des sports d’équipe pendant le secondaire permet de se protéger contre les symptômes de dépression au début de l’âge adulteNote de bas de page 71, et une étude récente menée auprès de jeunes adultes a révélé que les groupes informels d’activité physique et les sports d’équipe étaient associés de manière positive à la santé mentale et inversement liés aux symptômes de dépressionNote de bas de page 72. Des activités physiques agréables favorisant des interactions sociales positives sont susceptibles de constituer la meilleure option pour atténuer les symptômes de dépression, améliorer la santé mentale et favoriser la pratique à long terme.

g. Encourager la personne à faire le suivi de son activité physique et de son humeur

L’autosuivi est une technique d’autorégulation par laquelle la personne tient un registre de son niveau d’activité physique, et cette technique a été corrélée à un changement de comportement réussi en matière d’activité physiqueNote de bas de page 73Note de bas de page 74Note de bas de page 75. Encourager la personne dépressive à faire le suivi de son activité physique (p. ex. en comptabilisant le nombre de pas, de minutes) favorise l’autoefficacité et la responsabilisationNote de bas de page 76. L’autosuivi permet également à la personne de mesurer l’écart entre son comportement (p. ex. marcher une fois par semaine) et l’objectif qu’elle s’est fixé (p. ex. marcher trois fois par semaine). Il est également recommandé d’encourager la personne à évaluer son humeur à l’aide d’une échelle avant et après son activité physique, ou à tenir un journal sur ses émotions après l’activité physique, car cela formalise le lien entre activité physique et sentiments positifs et permet de conserver sa motivation et sa pratique de l’activité physiqueNote de bas de page 12.

Conclusion

Grâce à des données internationales solides sur le rôle de l’activité physique dans la prévention et le traitement de la dépressionNote de bas de page 6Note de bas de page 16Note de bas de page 17, l’exercice physique est désormais recommandé comme traitement de première ligne supplémentaire de la dépression au CanadaNote de bas de page 8. Cependant, on ne sait pas encore très bien comment promouvoir au mieux l’adoption et le maintien d’une activité physique chez les personnes atteintes de dépression. Si certaines recommandations ont déjà été formulées en AustralieNote de bas de page 16 et en EuropeNote de bas de page 17, ces lignes directrices ne sont pas adaptées au contexte canadien et d’autres travaux de recherche ont montré l’importance de promouvoir une activité physique agréable et adaptée aux préférences de la personne. En outre, si les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures, qui recommandent un certain nombre d’heures par jour consacrées à l’activité physique, au sommeil et au comportement sédentaire, sont utiles, elles ne précisent pas aux fournisseurs de soins comment amener leurs patients ou clients à ces niveaux. C’est dans ce contexte que notre article a été consacré à la formulation de recommandations fondées sur des données probantes, à l’intention des décideurs et des praticiens canadiens, afin d’aider les adultes atteints de dépression à être actifs tout au long de leur vie.

Les recommandations sont les suivantes : demander la permission de parler d’activité physique; présenter l’activité physique comme un élément sur lequel la personne a le contrôle afin d’améliorer son humeur; préciser qu’« un peu d’activité physique vaut mieux que rien et qu’il suffit de faire son possible »; proposer des choix d’activités à essayer et accompagner la personne lors de ses premières séances. En outre, notre article souligne l’importance du plaisir lors de l’activité physique, et ce, pour chacun, mais surtout pour les adultes atteints de dépression.

Bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour déterminer quels facteurs augmentent le plaisir de l’activité physique dans différents sous-groupes de population (comme le fait d’être âgé de moins ou de plus de 65 ans ou la présence de comorbidités), les recommandations visant à promouvoir le plaisir consistent notamment à aider les personnes atteintes de dépression à augmenter lentement la fréquence, la durée et l’intensité de l’activité; à les encourager à faire preuve de bienveillance envers elles-mêmes en ce qui concerne l’activité physique; à leur proposer de faire des activités en plein air, d’intégrer de la musique ou de participer avec un ami ou un groupe pour rendre l’expérience plus positive et enfin à leur conseiller de pratiquer l’autosuivi ou de tenir un journal afin de renforcer le lien entre activité physique et amélioration de l’humeur. Les décideurs et les praticiens sont invités à utiliser ces recommandations scientifiquement fondées, en particulier en offrant un maximum de choix, en insistant sur le plaisir de l’activité physique et en mettant l’accent sur les préférences personnelles en matière de fréquence, d’intensité, de type et de durée des activités afin d’aider les personnes atteintes de dépression à bouger, à se rétablir et à s’épanouir.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

MF a conçu l’idée de l’exposé de politique et a préparé l’ébauche du manuscrit. Tous les auteurs ont apporté des modifications à l’ébauche et ont approuvé la soumission du manuscrit final. Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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