Recherche quantative originale – Habitudes de consommation, méfaits liés à l’alcool et points de vue sur les politiques : résultats d’un projet pilote de l’étude internationale sur le contrôle de l’alcool (IAC) au Canada

Mark van der Maas, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Norman Giesbrecht, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Gina Stoduto, M. Éd.Note de rattachement des auteurs 2; Heather Orpana, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3Note de rattachement des auteurs 4; Robert Geneau, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3; Robert Mann, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2

https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.5/6.05f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Correspondance : Mark van der Maas, École de travail social, Université Rutgers, 120, rue Albany, tour 1, bureau 200, New Brunswick (New Jersey) États-Unis  08901; tél. : 908-528-3556; courriel : mark.vandermaas@rutgers.edu

Résumé

Background. Nous avons mené une évaluation pilote sur la faisabilité de la mise en œuvre de l’étude internationale sur le contrôle de l’alcool (IAC, pour International Alcohol Control) en Ontario (Canada) afin de pouvoir comparer les répercussions des politiques sur le contrôle de l’alcool dans différents pays.

Méthodologie. Le questionnaire de l’étude IAC a été adapté pour la province de l’Ontario. Les données ont été recueillies selon une approche par échantillon fractionné, au moyen d’entrevues téléphoniques assistées par ordinateur réalisées auprès de 500 participants, chaque moitié de l’échantillon répondant à un sous-ensemble de l’enquête adaptée de l’étude IAC.

Résultats. Un peu plus de la moitié de l’échantillon (53,6 %) a fait état d’une consommation fréquente d’alcool (une fois par semaine ou plus fréquemment) et 6,5 % des répondants ont fait état d’une consommation excessive occasionelle d’alcool élevée (8 consommations ou plus par occasion). Les taux de méfaits liés à l’alcool dont ont fait état les répondants, qu’il s’agisse de leur propre consommation ou de celle des autres, sont demeurés relativement faibles. Les attitudes à l’égard du contrôle de l’alcool étaient variées. La grande majorité des répondants s’est prononcée en faveur d’une augmentation du nombre de contrôles policiers d’alcoolémie pour détecter les cas de conduite avec facultés affaiblies, alors que les restrictions sur le nombre de points de vente d’alcool et l’augmentation du prix de l’alcool ont été généralement rejetées.

Conclusion. Cette étude pilote a démontré que l’enquête IAC peut être mise en œuvre au Canada après quelques modifications. Les futurs travaux de recherche auront à explorer des moyens d’améliorer les taux de participation et la faisabilité de la mise en œuvre de l’aspect longitudinal de l’étude IAC. Cette enquête fournit des renseignements supplémentaires sur les comportements liés à l’alcool et sur les attitudes à l’égard des politiques de contrôle de l’alcool utilisables pour élaborer des interventions de santé publique propres au contexte canadien.

Mots-clés : alcool, politique, Canada, instrument d’enquête, hyperalcoolisation rapide, étude International Alcohol Control, étude IAC

Points saillants

  • Les estimations du nombre moyen de consommations par mois d’après l’étude internationale sur le contrôle de l’alcool (IAC, pour International Alcohol Control) étaient sensiblement plus élevées que celles de l’enquête Monitor du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) de Toronto (26,3 contre 19,4).
  • La consommation d’alcool typique lors d’un événement public spécial ou lors d’un séjour en camping ou dans un chalet se rapprochait d’une consommation excessive occasionnelle (5 consommations ou plus pour les hommes, 4 consommations ou plus pour les femmes).
  • Seuls 8,3 % des répondants se sont montrés favorables à une politique d’augmentation du prix de l’alcool.
  • Les personnes qui ont acheté de l’alcool dans une épicerie au cours des six derniers mois ont affiché des taux de surconsommation nettement plus élevés (53,5 % contre 40,54 %) que ceux qui n’en ont pas acheté.

Introduction

Au Canada, la majorité des adultes consomment de l’alcoolNote de bas de page 1, et la production et la distribution d’alcool créent des milliers d’emplois, tandis que les gouvernements engrangent d’importantes recettes fiscales grâce à la production et à la vente d’alcool.

Dans le même temps, l’alcool est à l’origine d’un grand nombre d’affections, de maladies et de blessures, ou y contribueNote de bas de page 2. Selon l’étude Global Burden of Disease Study réalisée en 2016, l’alcool était la cause d’environ 350 000 années de vie corrigées d’incapacité (AVCI) et de 3,9 % des AVCI toutes causes confondues au CanadaNote de bas de page 3. L’alcool était, cette même année, le troisième facteur comportemental contribuant à la charge de morbidité dans le monde, et le deuxième au CanadaNote de bas de page 3. L’alcool est le principal facteur de mortalité sur la route. Il a été associé à un tiers des décès dus à des accidents de la route en 2012, dépassant le nombre de décès dus à des agressionsNote de bas de page 4. Aux États-Unis, il a été démontré qu’environ un tiers des personnes décédées par suicide avaient consommé de l’alcool au moment de leur mortNote de bas de page 5. Une consommation excessive d’alcool cause des préjudices secondaires aux autresNote de bas de page 6, notamment d’importants problèmes dans les famillesNote de bas de page 7 et au travailNote de bas de page 8, et s’accompagne souvent de comportements agressifs et de violenceNote de bas de page 9Note de bas de page 10. L’agressivité est liée à la consommation globale ainsi qu’à la fréquence d’intoxicationNote de bas de page 11Note de bas de page 12.

Au Canada, la charge financière liée à l’alcool incluant les soins de santé, l’application de la loi et la perte de productivité a été estimée à environ 14,7 milliards de dollars par anneéNote de bas de page 13. Dans la plupart des provinces canadiennes, les estimations de ce type de charge dépassent les revenus perçus par les gouvernementsNote de bas de page 14.

Une stratégie de prévention efficace nécessite des interventions globales à l’échelle de la population combinées à des interventions ciblées. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a cerné trois « meilleurs choix » d’interventions rentables dans le cadre des politiques sur l’alcool : augmentation des taxes, restriction de l’accès à l’alcool vendu au détail et interdiction de la publicité sur l’alcoolNote de bas de page 15. Les autres stratégies au niveau de la population relèvent des stratégies nationales/provinciales/territoriales en matière d’alcool et portent sur l’établissement des prix et sur les systèmes de contrôle et de vente au détail de l’alcoolNote de bas de page 16.

Une perspective axée sur la population est essentielle, car la principale charge de morbidité et de mortalité due à l’alcool est attribuable non pas à la petite proportion de la population présentant une dépendance à l’alcool, mais à la large partie de la population constituée des buveurs « modérés »Note de bas de page 17Note de bas de page 18. Les interventions à l’échelle de la population tendent à éviter le blâme des victimes et la stigmatisation des personnes qui sont dépendantes à l’alcool ou qui se livrent régulièrement à une consommation d’alcool à haut risqueNote de bas de page 19. Parmi les interventions courantes destinées à promouvoir la santé de la population, on trouve les mesures de prévention contre l’alcool au volant, les interventions auprès des serveurs, le dépistage et les interventions brèves.

Bien qu’il existe un grand nombre de données démontrant l’efficacité des politiques et des interventions à l’échelle de la population (p. ex. les études de Babor et ses collaborateursNote de bas de page 20 et d’Anderson et ses collaborateursNote de bas de page 21), on a besoin de davantage d’information sur les liens de causalité entre les politiques et les changements de comportementsNote de bas de page 18. L’étude IAC a été conçue pour répondre à ce besoin. Elle évalue l’incidence des politiques sur des comportements comme l’achat et la réponse au marketing afin de mieux comprendre la chaîne causale entre les politiques et la consommation d’alcoolNote de bas de page 18. L’étude IAC examine et interprète également l’incidence des politiques mises en place de façon groupée, comme c’est souvent le casNote de bas de page 18. L’étude IAC a été modelée sur l’étude internationale sur la lutte antitabac, qui a été conçue de la même manière, soit afin de déterminer les effets des modifications apportées aux politiques sur les changements de comportementsNote de bas de page 22.

L’étude IAC s’appuie principalement sur la Stratégie mondiale visant à réduire l’usage nocif de l’alcool de l’OMS de 2010Note de bas de page 23 et sur l’analyse internationale des modes de consommation d’alcool, des préjudices causés par l’alcool et des interventions efficaces réalisée par Babor et ses collaborateursNote de bas de page 20. Sa principale raison d’être est la charge mondiale considérable de maladies et de blessures dues à l’alcool et le besoin urgent de politiques efficaces visant à réduire cette chargeNote de bas de page 18.

L’étude IAC utilise plusieurs sources de données, notamment une enquête longitudinale auprès de la population, une analyse documentaire complète s’appuyant sur des documents clés en matière de politiques, de stratégies, de rapports et de travaux de recherche, des entrevues qualitatives auprès d’intervenants pertinents et des données administratives recueillies régulièrement, comme l’emplacement des points de vente, le prix de l’alcool et les lieux de traitementNote de bas de page 18. L’étude IAC mesure la consommation d’alcool au moyen d’un cadre spécifique aux boissons pour chaque lieu étudié, ce qui a permis d’obtenir des estimations de la consommation très proches des données sur les ventes d’alcool. Les répondants sont interrogés sur les divers lieux où ils consomment, sur les types de boissons consommées (afin en estimer la teneur en alcool), sur le nombre de consommations par lieu-occasion pour estimer la consommation totale d’alcool par occasion et sur la fréquence des lieux-occasions pour estimer la consommation mensuelle totaleNote de bas de page 24. En décembre 2017, des initiatives liées à l’étude IAC avaient été mises en œuvre dans 13 pays, dont cette étude pilote dans la province de l’OntarioNote de bas de page 25.

Les résultats de plusieurs initiatives liées à l’étude IAC ont été publiés : celles menées en AustralieNote de bas de page 26, en Angleterre et en ÉcosseNote de bas de page 27, en Nouvelle-ZélandeNote de bas de page 28 et en République de CoréeNote de bas de page 29. La culture sociale, les structures politiques, le produit intérieur brut (PIB) par habitant et les politiques en matière d’alcool du Canada sont similaires à ceux de l’Angleterre, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, quoique la consommation d’alcool par habitant soit inférieure au Canada, soit 8,9 litres par an (11,4 L en Angleterre, 10,6 L en Australie, et 10,7 L en Nouvelle-Zélande)Note de bas de page 30. La méthodologie de recherche d’une enquête longitudinale auprès de consommateurs d’alcool, associée à l’analyse du contexte politique, permet d’examiner les changements dans le temps au sein des pays et entre eux.

Bien que de nombreux organismes au Canada fassent le suivi et rendent compte de la consommation d’alcool et des problèmes qui y sont liésNote de bas de page 1Note de bas de page 31, il n’existe aucune source d’information exhaustive sur les comportements en matière de consommation d’alcool et les facteurs qui les influencent. Ainsi, les données importantes sur les niveaux de consommation d’alcool au Canada et les problèmes liés à l’alcool chez les jeunes et les adultes ne permettent généralement pas de savoir comment et où l’alcool est consommé, quelles sont les dépenses en alcool dans divers environnements ou d’autres thèmes importants sur le plan des politiques.

Plusieurs provinces canadiennes ont récemment apporté, ou envisagent d’apporter, des changements majeurs aux politiques en matière d’alcool qui pourraient avoir des répercussions importantes sur la consommation et les pratiques qui y sont associées. Ces changements sont l’introduction de la vente de bière et de vin dans les épiceries en OntarioNote de bas de page 32, la privatisation accrue de la vente d’alcool au détail dans plusieurs provincesNote de bas de page 33Note de bas de page 34, des changements aux politiques d’établissement des prixNote de bas de page 35 et l’augmentation des sanctions en cas de comportements dangereux liés à l’alcool (p. ex. le gouvernement provincial de l’Ontario a introduit des sanctions immédiates en cas de taux d’alcoolémie de 0,05 % au volant)Note de bas de page 36Note de bas de page 37. L’un des principaux avantages de l’étude IAC est de permettre de surveiller les effets de ces changements afin de cibler les moyens les plus appropriés de réduire les méfaits liés à l’alcoolNote de bas de page 21. Cette étude s’est révélée d’une grande utilité ces dernières années pour éclairer les politiques en matière d’alcool dans de nombreux paysNote de bas de page 24.

Dans cet article, nous décrivons une évaluation pilote de la faisabilité de la mise en œuvre du volet d’enquête de l’étude IAC en Ontario. Cette évaluation pilote avait trois objectifs principaux :

  • Adapter l’instrument d’enquête de l’étude IAC, qui vise à recueillir des données détaillées sur les pratiques et les contextes de consommation d’alcool, afin de saisir l’hétérogénéité de la consommation d’alcool au CanadaNote de bas de page 38, tout en fournissant des données comparables aux autres enquêtes de l’étude IAC menées dans d’autres pays;
  • Soumettre l’enquête adaptée à un échantillon pilote de participants en Ontario (Canada) afin de mettre à l’essai les procédures d’enquête;
  • Fournir une évaluation préliminaire des renseignements supplémentaires utiles qui pourraient être obtenus en utilisant l’instrument basé sur l’étude IAC comparativement aux renseignements déjà disponibles.

Méthodologie

Conception de l’enquête

Le pilote canadien de l’étude IAC a consisté en une version modifiée des versions néo-zélandaise et australienne de l’étude IACNote de bas de page 22. L’équipe de recherche a examiné les enquêtes initiales et, après avoir effectué un essai préliminaire à petite échelle, a déterminé que le sondage complet prendrait probablement plus de 30 minutes à réaliser. Un questionnaire pilote a été conçu, avec la contribution de la société de recherche réalisant les enquêtes, afin de s’assurer qu’il convenait à des entrevues téléphoniques assistées par ordinateur en Ontario. Ce questionnaire est basé sur une stratégie par échantillonnage fractionné comportant deux sous-ensembles de questions. Cette stratégie a également tenu compte de la nécessité de mener le projet pilote avec des ressources limitées. Les adaptations ont consisté en des ajustements en fonction des normes canadiennes relativement au format standard d’une consommation et au volume des consommations ainsi que des termes utilisés pour désigner les contenants de boisson.

Les questionnaires adaptés ont été évalués par Sally Casswell et Tasia Huckle, les principaux chercheurs de l’étude IAC, afin de s’assurer de leur pertinence pour l’étude IAC. Les adaptations canadiennes finales, disponibles sur demande auprès des auteurs, ont été utilisées pour les essais sur le terrain.

Variables relatives à l’alcool

Trois variables dérivées représentant les habitudes de consommation d’alcool ont été calculées selon la méthode décrite par Chaiyasong et ses collaborateursNote de bas de page 39.

Une « consommation d’alcool fréquente » désigne une consommation d’alcool une fois par semaine ou plus, quel que soit le lieu, sur une période de six mois. Pour l’étude pilote, une « occasion de consommation » a été définie comme toute occasion au cours de laquelle le répondant a consommé une quantité quelconque de boisson renfermant au moins 4 % d’alcool par volume.

Une « quantité type par occasion » a été définie comme le nombre moyen pondéré de consommations standards par occasion dans différents lieux, en tenant compte de la fréquence par lieu. Une quantité « élevée » par occasion a été définie comme une moyenne de 8 consommations standards ou plus par occasion.

Les définitions des formats standards de boisson en matière de teneur en alcool varient d’un pays à l’autre, les normes australiennes prévoyant par exemple une teneur moins élevée que les normes canadiennes. Dans les comparaisons entre les résultats de l’étude de Chaiyasong et ses collaborateursNote de bas de page 39 et ceux de notre étude pilote, les chiffres correspondent au format de consommation standard en Australie.

Toutes les autres descriptions correspondent aux normes canadiennes (13,6 g d’alcool pur). Plusieurs variables liées aux pratiques de consommation à risque ont également été incluses. La « consommation excessive occasionnelle » a été définie comme 5 consommations ou plus par occasion pour les hommes et 4 consommations ou plus par occasion pour les femmes. La « consommation préalable d’alcool » fait référence à la consommation d’alcool avant de se rendre dans un lieu où il est également prévu de boire de l’alcool. La « surconsommation d’alcool » fait référence à la consommation d’un plus grand nombre de boissons alcoolisées que prévu.

Collecte de données

Les participants à l’enquête devaient être résidents permanents de l’Ontario, vivre au sein d’un ménage privé (les populations institutionnalisées étaient exclues, comme c’est généralement le cas dans les enquêtes téléphoniquesNote de bas de page 40, car les résidents n’ont souvent pas accès à un téléphone ou ne figurent pas sur la liste des numéros de téléphone fixe), être âgés de 18 à 65 ans, être en mesure de répondre à l’enquête en anglais et avoir consommé au moins une boisson alcoolisée au cours des six derniers mois. Il était prévu d’interroger un nombre égal d’hommes et de femmes. Les données portent principalement sur les consommateurs actuels, car la majeure partie de l’enquête s’attache à saisir les comportements de consommation d’alcool.

Les données ont été recueillies pendant six semaines au cours de l’hiver 2017 au moyen d’enquêtes téléphoniques effectuées par Focal Research. En raison des ressources limitées du projet pilote, un échantillon de seulement 500 participants a été utilisé. Les participants ont été sélectionnés à partir de deux échantillons primaires : un échantillon aléatoire simple de ménages ontariens possédant un téléphone fixe et un échantillon de résidents ontariens ne possédant qu’un téléphone cellulaire. Un petit nombre de participants a été échantillonné à partir d’un groupe de recherche composé de résidents de l’Ontario formé par Focal Research afin d’obtenir le nombre de jeunes hommes souhaité.

Une stratégie d’échantillonnage à deux niveaux a été utilisée. On a d’abord repéré dans les ménages tous les adultes âgés de 18 à 65 ans. Une brève enquête a été menée auprès de ces ménages pour établir une liste d’adultes admissibles comprenant leur âge et leur sexe. Les adultes consentants ont été questionnés sur leur consommation individuelle d’alcool au cours des six derniers mois, et l’un d’eux a été invité au hasard à participer à l’enquête et a été intégré de façon aléatoire à l’un ou l’autre des échantillons fractionnés.

Environ à mi-parcours de la collecte des données, il est apparu clairement que l’échantillon aléatoire simple initialement prévu risquait de ne pas compter suffisamment de participants jeunes ou de sexe masculin pour permettre des comparaisons pertinentes. Une procédure d’échantillonnage par quota a ensuite été effectuée pour augmenter le nombre d’hommes et de participants âgés de moins de 45 ans.

Sur les 5 381 ménages invités à prendre part à l’enquête, 1 827 (34 %) ont été joints avec succès et ont accepté de participer. Parmi ceux-ci, 1 409 ménages ont été disqualifiés parce qu’ils ne répondaient pas aux critères d’inclusion (c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas consommé d’alcool au cours des six derniers mois) ou parce que leur quota en matière de sexe et d’âge avait été atteint (ce qui représentait le plus grand nombre de ménages disqualifiés).

En raison des faibles taux de réponse dans les groupes d’âge plus jeunes, un plus grand nombre de répondants a été sélectionné dans les catégories d’âge plus avancé. À la fin de l’interview, si le répondant déclarait qu’il y avait un autre adulte admissible dans le ménage et qu’il acceptait de participer, cet adulte était intégré au hasard à un échantillon fractionné et était également interrogé.

En moyenne, 1,03 participant par ménage appartenait au groupe possédant un cellulaire uniquement, 1,25 au groupe possédant un téléphone fixe et 1 au groupe de recherche. Au total, 500 participants issus de 418 ménages ont été inclus dans cette étude pilote, 87 dans le groupe avec cellulaire uniquement, 387 dans le groupe avec téléphone fixe et 26 dans le groupe de recherche.

Les données ont été nettoyées et vérifiées, avec examen des intervalles afin de repérer toute réponse s’écartant des valeurs attendues et de s’assurer que l’ensemble des données de l’étude comprenait des réponses valides et pertinentes. L’analyse des données et le rapport sur les résultats préliminaires ont été conçus pour répondre aux trois principaux objectifs de la recherche. Les résultats ont été pondérés en fonction de l’âge, du sexe et du plus haut niveau de scolarité atteint, été estimés d’après les résultats des données du recensement de 2016 pour l’Ontario. Toutes les analyses ont été réalisées à l’aide du programme statistique SPSS version 22 pour Windows (IBM Corp., Armonk [New York], États-Unis).

Ce projet a reçu l’approbation du Comité d’éthique de la recherche du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), certificat du CER no 114/2016.

Résultats

Conformément à l’approche d’échantillonnage, les participants ont été divisés de façon à obtenir un nombre égal d’hommes et de femmes (tableau 1). La plus grande proportion des répondants (30,8 %) était âgée de 45 à 54 ans, suivie de ceux âgés de 55 ans et plus (28,6 %). La plus faible proportion des répondants étaient les plus jeunes, âgés de 18 à 24 ans (8,4 %), suivis de ceux âgés de 25 à 34 ans (13,6 %). Ces proportions diffèrent des données du recensement, notamment en ce qui concerne la surreprésentation des adultes âgés de 45 à 54 ans (18,5 % dans le recensement)Note de bas de page 41.

Tableau 1. Caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon combiné (n = 500)

Tableau 1. Caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon combiné (n = 500)
Caractéristiques Effectifs (n) Proportion (%)
Sexe
Femme 248 49,6
Homme 252 50,4
Âge (ans)
19 à 24 42 8,4
25 à 34 68 13,6
35 à 44 93 18,6
45 à 54 154 30,8
55 à 65 143 28,6
État matrimonial
Marié(e) / relation à long terme 383 76,6
Célibataire 74 14,8
Séparé(e)/divorcé(e)/veuf(ve) 41 8,2
A refusé de répondre Note s de tableau 1 Note s de tableau 1
Plus haut niveau de scolarité atteint
Secondaire ou moins 75 15,0
Certificat professionnel 28 5,6
Certificat non professionnel 8 1,6
Études collégiales ou universitaires partielles 69 13,8
Diplôme d’études collégiales 141 28,2
Baccalauréat 123 24,6
Diplôme d’études supérieures ou à finalité professionnelle 56 11,2
Revenu annuel du ménage (si d’autres personnes dans le ménage) ($)
< 20 000 12 2,7
20 000 à 39 999 23 4,6
40 000 à 59 999 39 8,8
60 000 à 79 999 48 10,7
80 000 à 99 999 43 9,7
≥ 100 000 206 46,1
A refusé de répondre 50 11,2
Incertain 26 58,0
Manquant (n = 53)
Né(e) au Canada
Non 62 12,4
D’origine autochtone
Non 417 83,4
Oui 21 4,2
Activité professionnelle (plusieurs réponses possibles)
Étudiant 30 6,0
Employé rémunéré 314 62,8
Travailleur autonome 81 16,2
Sans emploi 15 3,0
Malade ou avec prestations d’invalidité 22 4,4
Retraité 58 11,6
Parent aidant naturel/travail non rémunéré à domicile 28 5,6

La plupart des répondants étaient mariés (76,6 %), étaient nés au Canada, n’étaient pas d’origine autochtone (83,4 %) et avaient un emploi rémunéré (62,8 %). La plupart des répondants vivaient dans un ménage sans enfant de moins de 18 ans (56,1 %; données non présentées). Le nombre moyen (écart-type) de résidents du ménage était de 3,1 (1,4). La plupart des répondants ont déclaré avoir terminé des études collégiales (28,2 %) ou universitaires (24,6 %), tandis que 13,8 % ont déclaré avoir fait des études collégiales ou universitaires partielles et 5,6 % ont déclaré avoir obtenu un certificat professionnel. La proportion de l’échantillon ayant complété une formation ou des études postsecondaires (71,2 %) était élevée par rapport au recensement de 2016 pour l’Ontario (65,2 %)Note de bas de page 42. Le revenu familial total était élevé, près de la moitié des répondants (46,1 %) ayant déclaré un revenu familial annuel de 100 000 $ ou plus, soit un revenu médian plus élevé que celui indiqué par Statistique Canada (86 081 $)Note de bas de page 43.

Les procédures de l’étude IAC donnent lieu à des estimations de consommation plus élevées en ce qui concerne le nombre moyen de consommations par mois que celles observées dans une enquête solide menée auprès de la population adulte en Ontario, l’enquête Monitor 2016 du CAMH (tableau 2). Cette étude a obtenu ses estimations en utilisant une méthode classique de quantité-fréquenceNote de bas de page 44. Chez les femmes consommant de l’alcool, les procédures de l’étude IAC ont abouti à une estimation du nombre de consommations par mois de 3,12 % supérieure à l’estimation de l’enquête Monitor du CAMH (résultat statistiquement non significatif). Chez les hommes consommant de l’alcool, les procédures de l’étude IAC ont abouti à une estimation du nombre de consommations par mois 10,13 % plus élevée (t = 2,707, p ≤ 0,001). Au sein de la population totale des consommateurs d’alcool, les procédures de l’étude IAC ont donné lieu à une estimation du nombre mensuel de consommations 6,89 % plus élevée, ce qui s’est révélé statistiquement significatif dans un test-t bilatéral d’échantillons indépendants (t = 3,175, p = 0,002).

Tableau 2. Comparaison du nombre moyen de consommations par mois déclaré par les consommateurs d’alcool ontariens, méthode de l’échantillon 1 de l’étude IAC (n = 255) et enquête Monitor du CAMH

Tableau 2. Comparaison du nombre moyen de consommations par mois déclaré par les consommateurs d’alcool ontariens, méthode de l’échantillon 1 de l’étude IAC (n = 255) et enquête Monitor du CAMH
Consommation Nombre moyen de consommations par mois (n) Répondants valides (n) ET
Femmes
Étude IAC 15,2 124 20,2
Monitor du CAMH 12,1 1179 19,7
Hommes
Étude IAC 36,8Note * de tableau 2 131 45,9
Monitor du CAMH 26,6 1193 40,1
Total
Étude IAC 26,3Note * de tableau 2 255 37,3
Monitor du CAMH 19,4 2372 32,4

Le nombre moyen de consommations par occasion variait considérablement d’un lieu à l’autre (tableau 3). Le nombre moyen le plus faible de consommations par occasion a été déclaré au travail et au restaurant, soit respectivement 1,27 (0,51) et 1,70 (1,38). Environ deux fois plus de consommations par occasion ont été déclarées à domicile, soit 3,09 (2,23). Le nombre moyen de consommations par occasion était de 6,12 (5,84) dans les chalets ou les campings et de 4,24 (3,01) lors d’événements publics spéciaux, révélateur d’une consommation excessive occasionnelle élevée.

Tableau 3. Nombre moyen de consommations par occasion en Ontario, par lieu (échantillon 1, n = 248)

Tableau 3. Nombre moyen de consommations par occasion en Ontario, par lieu (échantillon 1, n = 248)
Lieu de consommation Nombre de consommations
Moyenne (n) Répondants valides (n) ET Maximum Minimum
Domicile 3,09 234 2,62 15,75 0,44
Domicile de quelqu’un d’autre 3,10 196 2,64 15,12 0,63
Lieu de travail 1,27 7 0,51 2,00 0,70
Chalet/cabine ou camping 6,12 39 5,84 36,68 0,63
Lieux publics sans permis 4,00 26 2,95 10,40 1,00
Pubs/bars/hôtels 2,72 143 2,32 15,02 0,70
Restaurants 1,70 165 1,38 8,00 0,00
Autres lieux publics détenteurs d’un permis 2,29 52 2,39 15,75 0,69
Événements publics spéciaux 3,09 22 2,23 10,80 0,69
Événements privés spéciaux 4,24 73 3,01 16,00 0,70
Clubs privés 3,30 23 3,65 15,75 0,70

Environ 53,6 % des participants de l’étude pilote en Ontario ont fait état d’une fréquence élevée de consommation d’alcool, soit une fois par semaine ou plus pour l’ensemble des lieux fréquentés sur six mois, et 6,5 % des participants ont déclaré avoir bu en moyenne 8 consommations ou plus par occasion (tableau 4). Les résultats de l’étude pilote de l’Ontario sont légèrement inférieurs à ceux de l’Angleterre, de l’Écosse et de la Nouvelle-Zélande en matière de fréquence de consommation d’alcool, et bien inférieurs à ceux de tous les autres pays pour ce qui est de la consommation excessive occasionnelle habituelle. Les données du Rapport de situation mondial sur l’alcool et la santé 2018 de l’OMS indiquent que la consommation totale d’alcool par habitant au Canada est légèrement inférieure à celle de l’Angleterre, de l’Écosse et de la Nouvelle-Zélande, ce qui correspond aux données de l’enquête que nous présentons iciNote de bas de page 30.

Tableau 4. Comparaison entre pays de la prévalence des comportements de consommation d’alcool classés selon la consommation annuelle par habitant en litres d’éthanol pur (échantillon 1, n = 243)

Tableau 4. Comparaison entre pays de la prévalence des comportements de consommation d’alcool classés selon la consommation annuelle par habitant en litres d’éthanol pur (échantillon 1, n = 243)
Pays Consommation d’alcool
FréquenteNote a de tableau 4 Excessive occasionnelle typiqueNote a de tableau 4 Par habitantNote b de tableau 4
Angleterre 77,8 10,0 11,4Note c de tableau 4
Écosse 74,7 13,8 11,4Note c de tableau 4
Nouvelle-Zélande 75,3 10,2 10,7
Australie 71,0 12,2 10,6
Saint-Kitts-et-Nevis 67,3 15,6 9,4
Afrique du Sud 49,1 53,6 9,3
Ontario (Canada) 53,6 6,5 8,9Note d de tableau 4
Vietnam 59,3 13,1 8,3
Thaïlande 41,0 10,3 8,3
Mongolie 16,0 14,5 7,4

Lorsqu’on a demandé aux répondants si eux-mêmes ou quelqu’un d’autre avaient été blessés à cause de leur consommation d’alcool, 91,2 % ont répondu que cela ne s’était jamais produit et 7,5 %, que cela s’était produit mais pas au cours des six derniers mois (tableau 5). Lorsqu’on leur a demandé si un parent, un ami, un médecin ou un autre travailleur de la santé s’était inquiété de leur consommation d’alcool ou leur avait suggéré de réduire leur consommation, 92,4 % ont répondu que cela ne leur était jamais arrivé, 5,3 %, que cela s’était produit mais pas au cours des six derniers mois et 2,2 %, que cela s’était produit au cours des six derniers mois. Lorsqu’on leur a demandé s’ils avaient déjà eu affaire à la police à cause de leur consommation d’alcool, 98,1 % ont répondu que cela ne leur était jamais arrivé.

Lorsqu’on a demandé aux répondants s’ils avaient déjà été blessés à cause de la consommation d’alcool d’une autre personne, 86,4 % ont déclaré que cela ne leur était jamais arrivé, 10,3 %, que cela s’était produit mais pas au cours des six derniers mois et 3,3 %, que cela s’était produit au cours des six derniers mois (tableau 5). Lorsqu’on leur a demandé s’ils avaient déjà observé d’autres effets négatifs sur leur vie en raison de la consommation d’alcool d’autres personnes, 63,3 % ont déclaré que cela ne leur était jamais arrivé, 25,6 %, que cela s’était produit mais pas au cours des six derniers mois et 11,2 %, que cela s’était produit au cours des six derniers mois.

Tableau 5. Méfaits et conséquences négatives liés à la consommation d’alcool du répondant ou à celle d’une autre personne au cours des six derniers mois (échantillon 2, n = 249)

Tableau 5. Méfaits et conséquences négatives liés à la consommation d’alcool du répondant ou à celle d’une autre personne au cours des six derniers mois (échantillon 2, n = 249)
Conséquence Nombre de répondants
n % Intervalle de confiance à 95 % (%)
Vous ou quelqu’un d’autre avez été blessé en raison de votre consommation d’alcool
Jamais 227 91,2 87,16 à 94,22
Oui, mais pas au cours des 6 derniers mois 19 7,5 4,82 à 11,42
Oui, au cours des 6 derniers mois Note s de tableau 5 Note s de tableau 5
Un parent, un ami, un médecin ou un autre travailleur de la santé s’est inquiété de votre consommation d’alcool ou vous a suggéré de la réduire
Jamais 230 92,4 88,58 à 95,18
Oui, mais pas au cours des 6 derniers mois 13 5,3 2,96 à 8,52
Oui, au cours des 6 derniers mois 6 2,2 1,01 à 4,90
Démêlés avec la police en raison de votre consommation d’alcool
Non 243 98,1 95,64 à 99,23
Oui 5 1,9 0,77 à 4,36
Non précisé Note s de tableau 5 Note s de tableau 5
Blessé en raison de la consommation d’alcool d’une autre personne
Jamais 215 86,4 81,67 à 90,18
Oui, mais pas au cours des 6 derniers mois 26 10,3 7,10 à 14,69
Oui, au cours des 6 derniers mois 8 3,3 1,53 à 5,97
Tout autre effet négatif sur votre vie en raison de la consommation d’alcool d’une autre personne
Jamais 157 63,3 56,93 à 68,87
Oui, mais pas au cours des 6 derniers mois 64 25,6 20,58 à 31,39
Oui, au cours des 6 derniers mois 28 11,2 7,77 à 15,61

Lorsqu’on leur a demandé s’ils étaient favorables à des restrictions sur le nombre de points de vente d’alcool, la plus grande partie des participants (44,2 %) se sont montrés défavorables ou fortement défavorables à de telles restrictions, tandis que la deuxième proportion en importance (30,5 %) ne s’est déclarée ni favorable ni défavorable (tableau 6). Environ la moitié des personnes interrogées (51,6 %) s’est déclarée fortement défavorable et environ un quart (26,3 %) s’est déclaré défavorable à une augmentation du prix de l’alcool. Alors que la plus grande partie des personnes interrogées ne s’est déclarée ni favorable ni défavorable aux restrictions quant à la publicité sur l’alcool (35,0 %), 31,0 % se sont déclarés favorables et 5,9 % se sont déclarés fortement favorables à celles-ci. La plus grande partie (41,4 %) s’est dite défavorable et 20,6 % se sont dits fortement défavorables à la décision de devancer l’heure de fermeture pour acheter de l’alcool, tandis que 24,6 % ne se sont montrés ni favorables ni défavorables à cette mesure. Il est important de mentionner que près des deux tiers des personnes interrogées (64,2 %) sont fortement favorables à un plus grand nombre de contrôles policiers d’alcoolémie pour détecter les cas de conduite avec facultés affaiblies.

Tableau 6. Attitudes liées à d’éventuelles politiques en matière d’alcool (échantillon 1, n = 247)

Tableau 6. Attitudes liées à d’éventuelles politiques en matière d’alcool (échantillon 1, n = 247)
Politique éventuelle en matière d’alcool Nombre de répondants
n % Limites de confiance (%)
Restrictions sur le nombre de points de vente d’alcool
Fortement défavorable 22 8,3 5,5 à 12,3
Défavorable 93 35,9 30,0 à 41,6
Ni favorable ni défavorable 79 30,5 24,9 à 36,0
Favorable 51 19,5 15,1 à 24,7
Fortement favorable 14 5,5 3,1 à 8,6
Ne sait pas/a refusé de répondre Note s de tableau 6 Note s de tableau 6
Augmentation du prix de l’alcool
Fortement défavorable 134 51,6 45,3 à 57,4
Défavorable 69 26,3 21,4 à 32,0
Ni favorable ni défavorable 33 12,7 9,0 à 17,1
Favorable 13 4,8 2,8 à 8,1
Fortement favorable 9 3,5 1,7 à 6,2
Ne sait pas/a refusé de répondre Note s de tableau 6 Note s de tableau 6
Restrictions quant à la publicité sur l’alcool et à sa promotion
Fortement défavorable 17 6,6 4,0 à 10,0
Défavorable 53 20,4 15,8 à 25,5
Ni favorable ni défavorable 91 35,0 29,3 à 40,8
Favorable 81 31,0 25,7 à 36,8
Fortement favorable 15 5,9 3,40 à 9,07
Ne sait pas/a refusé de répondre Note s de tableau 6 Note s de tableau 6
Devancer l’heure de fermeture pour acheter de l’alcool
Fortement défavorable 54 20,6 16,1 à 25,9
Défavorable 108 41,4 35,5 à 47,4
Ni favorable ni défavorable 64 24,6 19,6 à 30,0
Favorable 22 8,5 5,5 à 12,3
Fortement favorable 12 4,7 2,5 à 7,7
Ne sait pas/a refusé de répondre Note s de tableau 6 Note s de tableau 6
Augmentation du nombre de contrôles policiers d’alcoolémie pour détecter les cas de conduite avec facultés affaiblies
Fortement défavorable 8 3,1 1,5 à 5,7
Défavorable 12 4,5 2,5 à 7,7
Ni favorable ni défavorable 20 7,8 4,9 à 11,4
Favorable 51 19,5 15,1 à 24,7
Fortement favorable 167 64,2 58,0 à 69,6
Ne sait pas/a refusé de répondre Note s de tableau 6 Note s de tableau 6

Un changement à la politique a été apporté au moment de l’enquête, soit l’introduction de la vente de bière et de vin dans les grandes épiceries en Ontario en 2015Note de bas de page 45. Parmi les répondants qui avaient acheté de l’alcool au cours des six derniers mois, il y avait peu de variation selon l’âge ou le sexe entre ceux qui avaient acheté de l’alcool dans une grande épicerie et ceux qui n’en avaient pas acheté (tableau 7). Toutefois, le taux de surconsommation était plus élevé chez les personnes qui avaient acheté de l’alcool dans une grande épicerie que chez celles qui n’en avaient pas acheté (respectivement 53 % contre 40 %; p = 0,039), bien qu’il n’y avait aucune différence statistiquement significative dans la prévalence de la consommation excessive occasionnelle (respectivement 62,13 % contre 58,75 %; résultat statistiquement non significatif).

Tableau 7. Comparaison des comportements à risque en matière de consommation d’alcool entre les personnes qui ont acheté de l’alcool dans une épicerie et celles qui n’en ont pas acheté au cours des six derniers mois (échantillons 1 + 2)

Tableau 7. Comparaison des comportements à risque en matière de consommation d’alcool entre les personnes qui ont acheté de l’alcool dans une épicerie et celles qui n’en ont pas acheté au cours des six derniers mois (échantillons 1 + 2)
Paramètre Nombre de répondants Test du χ 2 p
N’a pas acheté d’alcool dans une épicerie A acheté de l’alcool dans une épicerie
Nombre % Nombre %
Sexe (n = 398)
Femme 193 48,6 40 53,2 0,592 0,442
Homme 205 51,5 35 46,8
Catégorie d’âge (n = 398)
18 à 24 ans 49 12,2 7 9,9 3,214 0,523
25 à 34 ans 57 14,4 15 19,6
35 à 44 ans 55 13,8 13 16,9
45 à 54 ans 73 18,4 10 12,9
55 ans et plus 164 41,2 31 40,8
Consommation préalable d’alcool (n = 397)
Non 286 72,0 44 58,8 5,364 0,021
Oui 111 28,0 31 41,2
Surconsommation d’alcool (n = 395)
Non 235 59,5 35 46,5 4,242 0,039
Oui 160 40,5 40 53,5
Ivresse prévue (n = 398)
Non 296 74,3 54 71,3 0,364 0,546
Oui 102 25,7 22 28,8
Consommation excessive occasionnelle (5 consommations ou plus par occasion) (n = 399)
Non 151 37,9 31 41,3 0,325 0,569
Oui 248 62,1 44 58,8

Analyse

L’objectif de cette étude était de mettre à l’essai l’outil d’enquête de l’étude IAC au Canada afin de 1) l’adapter au contexte canadien, 2) l’appliquer à un échantillon de participants en Ontario et 3) fournir une évaluation préliminaire des données pouvant être recueillies à partir de cet outil par rapport aux données recueillies dans d’autres pays où l’étude IAC a été menée.

L’adaptation de l’instrument original de l’étude IAC pour son utilisation au Canada a posé divers défis et offert des opportunités. Un certain nombre de termes utilisés en Nouvelle-Zélande relativement aux types de boissons alcoolisées et à leurs formats ont dû être adaptés. De plus, les occasions types de consommation d’alcool diffèrent entre les deux pays. Par exemple, l’échantillon de l’Ontario a fait état d’un nombre beaucoup plus faible d’occasions de consommation excessive typique, comme l’illustre le tableau 4. Avant que l’instrument ne puisse être utilisé en Ontario, les termes spécifiques aux diverses boissons, aux formats et aux lieux de consommation ont dû être modifiés, en prenant soin de ne pas en changer la signification essentielle.

La décision d’utiliser une stratégie d’échantillonnage fractionné a été pragmatique : elle a permis de mettre à l’essai toutes les principales dimensions de l’enquête sans imposer de contraintes de temps aux répondants. La durée moyenne finale pour répondre à l’enquête était de 27,2 minutes pour l’échantillon 1 et de 30,4 minutes pour l’échantillon 2. Ces ajustements démontrent qu’en apportant quelques modifications méthodologiques relativement mineures, l’instrument de l’étude IAC est applicable à la population de l’Ontario.

La méthodologie de l’étude IAC consistant à recueillir des données sur la consommation d’alcool en fonction du lieu, du type de boisson et du nombre de consommations par occasion donne des estimations de consommation plus élevéesNote de bas de page 46. La méthode de calcul de la consommation utilisée dans l’étude IAC a fourni des estimations de consommation mensuelle moyenne pour l’ensemble de l’échantillon de 35,6 % plus élevées que celles obtenues par la méthode classique de quantité-fréquence utilisée dans l’enquête Monitor du CAMH menée au sein de la population adulte de l’OntarioNote de bas de page 44.

Il est reconnu depuis longtemps que les mesures de consommation d’alcool fondées sur des enquêtes sous-estiment considérablement la consommation d’alcool de la population, comme le montrent les mesures de consommation par habitant basées sur les données relatives aux ventes d’alcoolNote de bas de page 47. Si les mesures de consommation d’alcool fondées sur des enquêtes fournissent des indicateurs utiles et précieux de la consommation nocive d’alcool, on peut en revanche s’interroger, du fait de cette sous-estimation, sur l’utilité des mesures prises en matière de planification et d’élaboration de politiques en santéNote de bas de page 47. Les méthodes d’enquête comme celles de l’étude IAC, qui tiennent compte de certaines des données « manquantes » sur l’alcool, peuvent apporter une valeur ajoutée importante aux efforts visant à comprendre et à lutter contre la consommation nocive d’alcool.

Le fait que la méthodologie de l’étude IAC permette de détecter un niveau de consommation plus élevé en Ontario démontre la cohérence entre l’étude pilote et les travaux de recherche antérieurs de l’étude IAC et renforce la pertinence de son utilisation en Ontario.

D’autres résultats soulignent l’importance de recueillir des données plus complètes et nuancées sur la consommation d’alcool que celles obtenues au moyen de l’instrument de l’étude IAC. Par exemple, la consommation excessive occasionnelle d’alcool ou consommation épisodique excessive est largement établie comme étant une forme dangereuse de consommation d’alcool, en particulier parce que les personnes qui consomment occasionnellement de façon excessive sont plus susceptibles d’être intoxiquées et de se blesser, de se battre, de conduire avec facultés affaiblies, etc. Les données sur les lieux où les personnes s’adonnent à la consommation excessive occasionnelle sont rares, mais on estime généralement que ce comportement est courant dans les barsNote de bas de page 48. Cependant, nous avons observé que le nombre moyen de consommations par occasion était relativement faible dans les bars comparativement à d’autres endroits, ce qui pourrait témoigner de la réussite des efforts déployés ces dernières années pour contrôler la consommation excessive d’alcool dans les bars, les tavernes et les pubsNote de bas de page 49.

Il est particulièrement intéressant de noter que la consommation moyenne ou type lors d’un séjour dans un chalet ou un camping et lors d’événements publics spéciaux équivaut à une consommation excessive occasionnelle. Cette tendance peut être influencée par le fait qu’il s’agit d’événements relativement isolés sur lesquels on peut exercer un certain contrôle, ce qui peut réduire les probabilités de consommer de l’alcool à plusieurs endroits dans la même journée, par exemple boire de l’alcool avant d’aller dans un bar. Repérer les lieux dans lesquels une consommation excessive ou une hyperalcoolisation rapide survient le plus fréquemment pourrait contribuer à améliorer l’efficacité des efforts de prévention.

Comparativement à d’autres pays ayant utilisé la méthodologie de l’étude IAC, la fréquence élevée de consommation d’alcool et la consommation en grandes quantités lors d’occasions types demeurent relativement faibles dans notre étude pilote. Selon le Rapport sur la situation mondiale de l’alcool et de la santé 2018 de l’OMS, le Canada affiche des taux de consommation d’alcool inférieurs à ceux de nombreux comparateurs utilisésNote de bas de page 30.

Malgré l’utilisation de plusieurs stratégies d’échantillonnage pour essayer d’obtenir un plus grand nombre de jeunes adultes, cette étude pilote comptait un nombre disproportionné d’adultes âgés de plus de 45 ans. Cela a probablement entraîné une sous-estimation de la consommation excessive d’alcool, car l’hyperalcoolisation rapide a tendance à être plus fréquente dans les groupes d’âge plus jeunes en OntarioNote de bas de page 50. Malgré ce biais possible, les habitudes de consommation relatives des Ontariens mises en relief par cette étude pilote étaient proportionnelles aux résultats d’autres sources d’information actuelles sur ce pointNote de bas de page 30. Le fait que les données de l’étude soient conformes aux comparaisons entre le Canada et d’autres paysNote de bas de page 30 souligne également la pertinence de l’étude IAC au Canada.

Seuls 8 % environ des répondants ont déclaré avoir personnellement subi un préjudice ou connu d’autres problèmes liés à leur propre consommation d’alcool (tableau 5). Cependant, près de 14 % ont déclaré avoir été blessés en raison de la consommation d’alcool d’une autre personne, et environ 37 % ont déclaré avoir subi des effets négatifs pour la même raison. Ce dernier résultat est nettement plus élevé que celui rapporté dans les enquêtes de l’Ontario en 2006Note de bas de page 6, bien que l’enquête de 2006 ait inclus des non-buveurs, qui sont peut-être moins susceptibles d’avoir subi un préjudice de la part d’autres personnesNote de bas de page 51.

La mise en œuvre de l’étude IAC au Canada permettrait d’élargir la collecte de données importantes sur les attitudes des Canadiens à l’égard des politiques en matière d’alcool. Les résultats sur les attitudes à l’égard de cinq politiques en matière d’alcool (tableau 6) montrent un certain soutien en faveur de politiques efficaces, mais le rejet d’autres politiques dont on sait qu’elles sont également très efficaces, comme l’établissement des prix de l’alcoolNote de bas de page 2Note de bas de page 52Note de bas de page 53. La proportion varie entre 84 % en faveur de contrôles policiers d’alcoolémie pour détecter les cas de conduite avec facultés affaiblies et seulement 8 % en faveur d’une augmentation du prix de l’alcool. Toutefois, il convient de souligner que 37 % des personnes interrogées sont favorables à des restrictions en matière de publicité sur l’alcool et de promotion de l’alcool. Ces résultats concordent généralement avec ceux d’études antérieures menées auprès d’adultes ontariensNote de bas de page 54, et vont dans le sens, au moins partiellement, d’une affirmation de Room et ses collaborateursNote de bas de page 2 selon laquelle les politiques populaires sont largement inefficaces et les politiques efficaces sont impopulaires.

L’étude pilote a également permis de recueillir des données sur un changement de politique relativement récent en Ontario : la vente de bière et de vin dans les épiceries. Bien que les achats en épicerie n’aient révélé aucune différence en fonction du sexe et de l’âge, une différence statistiquement significative a été observée dans le taux de surconsommation, les personnes qui achètent de l’alcool en épicerie consommant plus souvent en plus grande quantité qu’ils ne l’avaient prévu lors d’une occasion. Bien que les différences en matière de consommation préalable, d’intoxication planifiée et de consommation excessive occasionnelle ne soient pas statistiquement significatives, elles sont assez importantes et seraient probablement statistiquement significatives dans un échantillon présentant une plus grande efficacité statistique.

Le fait d’observer des pratiques de consommation à risque plus fréquentes chez les personnes qui achètent de l’alcool en épicerie a des répercussions importantes sur les décisions politiques lorsqu’on examine la question du point de vue du modèle de consommation totale relative aux méfaits liés à l’alcool. Ce modèle soutient qu’une augmentation de l’accessibilité de l’alcool est associée à une hausse de la consommation, qui, à son tour, est un facteur hautement prédictif de l’ampleur des méfaits liés à l’alcoolNote de bas de page 55. Associer la surconsommation d’alcool aux achats en épicerie en particulier laisse entendre que la vente d’alcool dans les épiceries pose un risque pour la santé de la population. Il convient de souligner qu’il est impossible d’établir la nature de cette relation étant donné la conception transversale de l’approche utilisée. Une analyse longitudinale des habitudes de consommation doit être réalisée afin de déterminer si l’accessibilité augmente le risque de pratiques de consommation nocives ou si les personnes qui s’adonnent à des pratiques de consommation plus risquées sont susceptibles d’acheter plus fréquemment de l’alcool à n’importe quel endroit (y compris les épiceries). La mise en œuvre du volet longitudinal de l’étude IAC rendrait possible une telle détermination.

Limites

Une caractéristique importante de l’étude IAC est sa conception longitudinale, qui permet de suivre l’évolution des comportements de consommation d’alcool au fil des changements apportés aux politiques. Toutefois, la collecte de données longitudinales ne s’inscrivait pas dans la portée du projet pilote actuel. D’après les résultats de ce projet pilote, la mise en œuvre d’un plan longitudinal constituerait une étape nécessaire à la mise en œuvre de l’étude IAC au Canada. Cependant, comme c’est la tendance dans de nombreuses recherches par enquête, les faibles taux de réponse continuent de représenter un défi. Les travaux de recherche ultérieurs devraient comprendre des méthodes permettant d’augmenter les taux de participation, comme l’établissement de mesures incitatives, tout en réduisant le risque de biais dans la participation.

La représentativité limitée de l’échantillon constitue une autre limite importante de cette étude. L’échantillonnage par quotas et l’inclusion des cellulaires comme base d’échantillonnage ont été mis en place afin de rapprocher la répartition par âge du profil d’âge des adultes ontariens. Cependant, l’échantillon ne reflétait pas la répartition par âge de l’Ontario, les adultes de plus de 45 ans étant surreprésentés. Des procédures de pondération ont été utilisées pour contribuer à réduire l’effet de ce biais, mais il faut néanmoins tenir compte des limites de l’échantillon lors de l’interprétation des résultats de l’étude.

Un faible degré de regroupement a été observé dans notre échantillon, 500 participants étant issus de 418 ménages. Nos analyses n’ont pas tenu compte de ce regroupement, et la variance peut donc être sous-estimée. Cet échantillon relativement petit signifie également que les analyses actuelles risquent de manquer de puissance statistique.

La conception de l’enquête était également fondée sur l’auto-déclaration des comportements de consommation et d’achat d’alcool, l’expérience de préjudices et les attitudes à l’égard des politiques. Les résultats de cette étude peuvent donc contenir un biais de rappel ou de désirabilité sociale de la part des répondants à l’enquête.

Conclusion

Les résultats de cette étude pilote indiquent que l’étude IAC est applicable de façon réaliste au contexte canadien. L’étude IAC offre une occasion importante d’améliorer la qualité des données sur les comportements de consommation d’alcool en Ontario et dans d’autres provinces ou territoires canadiens, à un moment où les changements récents, en cours et envisagés aux politiques en matière d’alcool peuvent en accroître la consommation et les méfaits qui y sont liés. L’amélioration des méthodes visant à repérer les tendances nuisibles de consommation, les attitudes à l’égard des politiques en matière d’alcool et les conséquences négatives de la consommation d’alcool, ainsi que la possibilité de comparer ces résultats avec ceux d’autres pays, permettront probablement d’améliorer la prévention de ces méfaits.

Malgré la valeur potentielle de l’étude IAC au Canada, le projet pilote a également permis de repérer des problèmes possibles liés à la durée de la réalisation de l’enquête, aux difficultés d’obtenir un échantillon approprié et à la vision limitée qu’offre un projet pilote transversal pour une étude longitudinale.

Remerciements

Il nous fait plaisir de remercier Focal Research pour leur contribution importante au perfectionnement du questionnaire d’enquête, à la planification et à l’exécution du travail de terrain. Sally Casswell et Taisia Huckle ont fourni des commentaires détaillés sur notre adaptation du questionnaire d’enquête au contexte de l’Ontario. Sarah Callinan et Robin Room nous ont donné accès à la version de l’étude IAC et au rapport technique utilisés en Australie, et ont fourni des conseils reposant sur leur expérience.

Le CAMH a reçu du financement de l’Agence de la santé publique du Canada pour cette étude pilote.

Conflits d’intérêts

RG est le rédacteur en chef de la Revue PSPMC, mais il s’est soustrait à toutes les décisions éditoriales concernant ce manuscrit.

Contribution des auteurs et avis

RG, NG et RM ont conçu l’étude. NG, RM, MvM et GS ont géré la collecte de données. RG et HO ont fourni des conseils et du soutien quant à l’étude. MvM a analysé les données. NG, RM, MvM et HO ont interprété les résultats. NG, MvM et HO ont rédigé le manuscrit. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs et ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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