Recherche qualitative originale – Sensibiliser au lupus érythémateux disséminé (LED) : résultats du programmathon Waterlupus
Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada
Francesca S. Cardwell, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Elijah Bisung, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Ann E. Clarke, M.D.Note de rattachement des auteurs 3; Susan J. Elliott, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1
https://doi.org/10.24095/hpcdp.40.7/8.03f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Correspondance : Francesca S. Cardwell , Département de géographie et de gestion de l’environnement, EV1-351, Université de Waterloo, Waterloo (Ontario) N2L 3G1; tél. : 519-888-4567; courriel : fcardwel@uwaterloo.ca
Résumé
Introduction. Une littérature scientifique de plus en plus volumineuse démontre les avantages à faire participer les utilisateurs de connaissances aux différentes phases du processus de recherche. Nous avons mobilisé une équipe d’intervenants d’horizons variés pour réaliser un programmathon dans le cadre d’un processus d’application des connaissances intégrée (ACi) destiné à élaborer des interventions non pharmacologiques afin d’améliorer la vie des personnes atteintes de lupus érythémateux disséminé (LED). Notre recherche visait (1) à améliorer la compréhension des défis économiques à vivre avec le LED, au moyen de la participation d’intervenants à un programmathon en recherche, (2) à étudier les interventions possibles pour améliorer la vie économique des personnes affectées par le LED au Canada et (3) à consigner les résultats du programmathon Waterlupus.
Méthodologie. Ce programmathon, qui a eu lieu à l’Université de Waterloo en mai 2019, a réuni des représentants d’organismes de défense des personnes atteintes de lupus, des chercheurs, des médecins, des étudiants et des personnes ayant une expérience de vie avec la maladie. Nous avons procédé à l’observation des participants, avec leur consentement, puis nous avons réalisé une analyse qualitative des notes du programmathon afin d’en consigner les résultats.
Résultats. Au terme de ce programmathon de 28 heures, cinq équipes ont présenté des interventions non pharmacologiques pour relever certains des défis économiques à vivre avec le LED. L’exposé de l’équipe gagnante a porté principalement sur une meilleure accessibilité à des vêtements à prix abordable qui protègent contre le soleil. Parmi les autres résultats du programmathon Waterlupus, comptons la sensibilisation au LED chez les participants et les occasions de réseautage professionnel et informel.
Conclusion. Cet article contribue à la littérature, rare, sur les programmathons liés à la santé. Les résultats fructueux du programmathon Waterlupus mettent en évidence la valeur des programmathons en tant qu’outil d’ACi. L’une des prochaines étapes importantes de la recherche portera sur la manière dont les utilisateurs de connaissances perçoivent les programmathons.
Mots-clés : application des connaissances intégrée, lupus érythémateux disséminé, programmathon, innovation sociale
Points saillants
- Waterlupus est un programmathon d’application des connaissances intégrée en santé (ACi) qui s’est tenu en mai 2019 à Waterloo (Ontario).
- Plusieurs utilisateurs finaux ont participé au programmathon Waterlupus, à la fois des représentants d’organismes de défense des personnes atteintes de lupus, des chercheurs, des médecins, des étudiants et des personnes ayant une expérience de vie avec la maladie.
- Le principal résultat du programmathon Waterlupus a consisté en cinq exposés novateurs visant à améliorer la vie économique des personnes atteintes de lupus érythémateux disséminé (LED) au Canada.
- Parmi les autres résultats, notons la sensibilisation au LED et les occasions de réseautage professionnel entre participants.
Introduction
L’application des connaissances intégrée (ACi) est une démarche en recherche reposant sur la collaboration entre les chercheurs et les utilisateurs de connaissances. Elle a suscité l’attention en tant qu’approche susceptible de renforcer la pertinence des résultats de rechercheNote de bas de page 1. Il existe une vaste littérature scientifique, en constante augmentation, démontrant les avantages à mobiliser les utilisateurs de connaissances comme contributeurs à part entière à toutes les phases du processus de rechercheNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3, et on pense que l’ACi est susceptible de produire des résultats scientifiques davantage utiles (p. ex. en mobilisant les utilisateurs de connaissances dans la conception des plans de recherche) et d’améliorer les compétences des scientifiques (p. ex. en matière de communication)Note de bas de page 4. Bien que l’amélioration des systèmes de santé et la santé des populations soient les objectifs poursuivis par la recherche en santé, il demeure d’importants défis à relever dans ce domaine, en ce sens qu’il arrive souvent que les résultats ne règlent pas les problèmes recensés par les utilisateurs de connaissances et ne soient pas mis rapidement en applicationNote de bas de page 3Note de bas de page 5. Malgré l’absence de pratiques exemplaires officielles en ACiNote de bas de page 1, les programmathons offrent une approche permettant aux utilisateurs finaux de contribuer à l’élaboration de solutions rapides, utiles et novatrices en matière de soins de santé.
Comprendre les programmathons en matière de santé
Les programmathons en matière de santé sont des activités réunissant divers intervenants afin qu’ils se concentrent sur des défis complexes en santé. L’expression « programmathon » (« hackathon ») est une combinaison de « programmation » (car une solution est trouvée au moyen d’une activité commune d’innovation intense) et de « marathon » (car c’est une activité à durée définie et d’un effort concentré)Note de bas de page 6Note de bas de page 7. Ces activités offrent aux participants une plage de temps continue durant laquelle ils collaborent à résoudre un problème spécifiqueNote de bas de page 8. Les programmathons favorisent un processus de création conjointe parmi les intervenants provenant d’une vaste gamme de secteurs et de disciplines (p. ex. soins de santé, conception, génie, commerce; ceux ayant une expérience de vie avec la maladie, utilisateurs finaux, scientifiques, professionnels de la santé, entrepreneurs)Note de bas de page 6. Les programmathons prennent souvent la forme de forums où des équipes (préalablement formées ou constituées au moment de l’événement) présentent des solutions novatrices à certains problèmesNote de bas de page 9. De nombreux programmathons offrent des récompenses ou des prix pour les idées les plus prometteuses afin d’encourager l’élaboration de solutions, et certains offrent des opportunités de financement pour propulser les solutions.
Les programmathons, qui sont des pratiques bien établies dans les entreprises de mise au point de logiciels et qui sont fréquemment associés à la programmation et aux sciences informatiquesNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10, sont apparus en 2011 en santé grâce au Massachusetts Institute of Technology (MIT)Note de bas de page 7. Le Hacking Medicine du MIT est un groupe basé au MIT qui organise des programmathons en matière de santé afin d’accélérer l’innovation en médecine et à de dynamiser la communauté de professionnels en soins de santé. Ce groupe a organisé plus de 40 activités dans neuf pays et sur cinq continents (avec des thèmes variés comme la santé de la reproduction, des mères, des nouveaux-nés et des enfants, le diabète ou la maladie du virus Ebola) et offre en ligne son ouvrage Health Hackathon Handbook, dans lequel il décrit des calendriers, la commercialisation, la logistique, les prix et offre diverses considérations organisationnellesNote de bas de page 11.
Le premier programmathon canadien en matière de santé, intitulé Hacking Health, visait à combler l’écart entre les professionnels de la santé de première ligne et les experts en technologie. Tenu à Montréal en 2012, il a réuni plus de 200 professionnels de la santé et experts techniques. Cette activité de deux jours a permis de produire 19 prototypes fonctionnels. Depuis 2012, le programmathon Hacking Health a organisé 58 activitésNote de bas de page 12.
L’Université de Waterloo a tenu l’activité Hack4Health, un programmathon centré sur l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies neurologiques dégénératives, principalement la sclérose en plaques et la démence. L’activité inaugurale a eu lieu en 2015 et quatre programmathons Hack4Health ont été organisés depuis. La participation de personnes ayant une expérience de vie avec la maladie, jointes à d’autres conférenciers, a permis, lors cette activité de deux jours, de trouver des idées et de créer des solutions réalisables pour contrer les défis que rencontrent les personnes atteintes de ces troublesNote de bas de page 13. Par exemple, la quatrième activité Hack4Health a récompensé deux équipes : l’une ayant travaillé principalement sur la manière de briser l’isolement social par la création d’une application de médias sociaux de boulangerie, tandis que l’autre visait à promouvoir le fait de cuisiner sans danger et de manière autonome à l’aide d’une carpette de détection qui se déclenche lorsque le plan de cuisson est laissé sans surveillance.
Les programmathons en matière de santé revêtent une importance particulière pour relever les défis en matière de santé dans les lieux où les ressources sont limitées et où on a besoin d’innovations rentables pour améliorer la santé d’une manière abordable et viable à long termeNote de bas de page 6Note de bas de page 14. Les programmathons en matière de santé portent généralement sur des innovations sociales plutôt que technologiquesNote de bas de page 15 et contribuent à l’élaboration de projets de petite envergure mais réalistes auxquels on peut offrir ensuite davantage de perfectionnements et d’envergure (p. ex. campagnes de financement, création de plans d’affaires, formation d’entreprises en démarrageNote de bas de page 6). Olson et ses collaborateursNote de bas de page 6 ont examiné les résultats de 12 programmathons en matière de santé (entre 2012 et 2015) aux États-Unis, en Inde et en Ouganda : un an après l’activité, 30 % des projets avaient progressé, 25 % des équipes avaient entamé un essai-pilote, parmi lesquelles 12 % avaient conduit un essai pilote de leur innovation avec des fournisseurs de soins et 7 % avec des patients. De plus, 15 nouvelles entreprises avaient été formées et 22 demandes de brevet avaient été complétées à partir de la révision des programmathons. La grande majorité (87 %) des participants aux programmathons ayant participé à l’enquête ont déclaré qu’ils participeraient de nouveau à des programmathons, soulignant à la fois le potentiel de résultats fructueux et novateurs et l’intérêt de leur expérience de participation.
Coopération pour le LED
Dans cette étude, nous avons mis en œuvre un programmathon visant à améliorer la vie économique des personnes atteintes du lupus érythémateux disséminé (LED) et à sensibiliser le public à cette maladie. Le LED est une maladie chronique auto-immune où le système immunitaire attaque par erreur les tissus et les organes du corps humain et peut endommager la peau, les articulations, les vaisseaux sanguins, le cerveau, le cœur et les musclesNote de bas de page 16. Il se manifeste le plus souvent par une alternance de poussées et de rémissions. Les personnes atteintes du LED courent un risque élevé de souffrir de diabète, de maladie cardiaque, d’un trouble neurologique ou d’un dysfonctionnement rénalNote de bas de page 17. Le LED figure parmi les principales causes de décès chez les filles et les femmes de 10 à 44 ans aux États-UnisNote de bas de page 18. Les symptômes (fatigue, douleurs articulaires, sensibilité au soleil) varient d’une personne à l’autre, ce qui explique que le LED soit appelé la « maladie aux mille visages »Note de bas de page 19. Les taux mondiaux d’incidence et de prévalence varient selon le sexe, l’âge et l’ethnie (p. ex. la gravité et la fréquence de la maladie dans le monde sont, selon les estimations, plus élevées chez les personnes de descendance africaine)Note de bas de page 19Note de bas de page 20 et on estime qu’environ un Canadien sur 1000 est atteint de LEDNote de bas de page 19, les personnes de sexe féminin étant plus fréquemment affectées, selon un rapport de 9 pour 1Note de bas de page 20. Les femmes en âge de procréer (15 à 45 ans) sont les plus souvent touchées par le LED (8 à 13 fois plus). Des hommes, des enfants et des personnes de plus de 45 ans peuvent également recevoir un diagnostic de lupusNote de bas de page 19. Les personnes atteintes du LED encourent des difficultés physiques, émotionnelles et sociales spécifiques. À l’instar d’autres maladies chroniques, le LED est associé à une contraction des réseaux sociaux et à une perte d’identitéNote de bas de page 21Note de bas de page 22.
Une étude antérieure réalisée avec une méthode mixte illustre que les personnes touchées et leur famille vivent d’énormes difficultés économiques, à la fois directes et indirectesNote de bas de page 23. Une récente étude canadienne a permis d’estimer les coûts directs (c.-à-d. les ressources en soins de santé utilisées par un patient atteint du LED) à plus de 10 000 $ en moyenne par patient et par annéeNote de bas de page 24. Une autre étude révèle que les coûts indirects (p. ex. le temps de travail rémunéré perdu) sont quatre fois plus élevés que les coûts directs et, à la différence des coûts directs, ne sont pas liés à la gravité de la maladieNote de bas de page 25. Malgré cette situation, les connaissances sur les interventions permettant d’améliorer la vie économique de ces personnes sont limitéesNote de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 26Note de bas de page 27. De plus, les personnes touchées ont souvent une vie professionnelle moins satisfaisanteNote de bas de page 26. Cela s’explique partiellement par la spécificité complexe de la maladie, qui est épisodique (c.-à-d. qu’il y a fluctuation entre périodes de maladie et périodes de bien-être), idiosyncrasique, liée au genre et à l’origine ethnique et invisibleNote de bas de page 27.
Pour les personnes atteintes de LED, les traitements pharmacologiques demeurent limités et sont souvent mal tolérés ou inefficacesNote de bas de page 28. On doit par conséquent chercher au-delà des solutions individuelles et se concentrer sur des interventions non pharmacologiques de plus grande ampleur. Bisung et ses collaborateursNote de bas de page 26 ont réalisé un examen systématique des interventions non pharmacologiques visant à améliorer la vie économique des personnes atteintes du LED. Ils ont repéré quatre études publiées et deux autres en coursNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 34. Les quatre études publiées ont toutes été effectuées en 2005 ou antérieurement. De plus, même si ces études comptaient des personnes atteintes du LED, le LED n’en constituait pas nécessairement le point central : parmi les 979 participants à ces quatre études, seuls 9 % avaient le LED, car ces études ciblaient principalement les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ou d’ostéo-arthrite. Or l’arthrite n’est que l’une des nombreuses manifestations du LED susceptible d’affecter les individus, que ce soit à leur domicile ou en milieu de travail, ce qui limite la portée de ces études. Les interventions décrites portaient sur des aménagements de l’emploiNote de bas de page 29Note de bas de page 31Note de bas de page 32, l’orientation professionnelleNote de bas de page 32, l’enseignementNote de bas de page 29Note de bas de page 31Note de bas de page 32, du soutien au transportNote de bas de page 32 et de la formation axée sur les compétencesNote de bas de page 30. Trois études ont montré des effets positifs en matière de retour au travail et de rétention d’emploiNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 32, mais les données probantes demeurent désuètes et la comparaison de l’efficacité entre études est difficile du fait de la variabilité dans la durée de l’étude et du plan expérimentalNote de bas de page 26.
Afin d’effectuer des changements dans la vie des personnes atteintes de LED, l’Université de Waterloo a tenu pendant 28 heures le programmathon Waterlupus, auquel ont participé des personnes d’horizons variés : représentants d’organismes de défense des personnes atteintes de lupus, chercheurs, médecins, étudiants et personnes ayant une expérience de vie avec la maladie. La recherche exposée ici visait à atteindre trois objectifs : 1) améliorer les connaissances sur les défis d’ordre économique à vivre avec le LED, au moyen de la participation des intervenants à un programmathon de recherche, 2) trouver des interventions permettant d’améliorer la vie économique des personnes atteintes du LED au Canada et 3) rendre compte des résultats du programmathon Waterlupus en matière de santé.
Méthodologie
Programmathon Waterlupus
Le programmathon Waterlupus a eu lieu les 24 et 25 mai 2019 à l’Université de Waterloo, à Waterloo (Ontario). Notre équipe de recherche était composée de trois chercheurs principaux et de quatre autres chercheurs, provenant de l’Université de Waterloo, de la Queen’s University et de l’University of Calgary. À l’étape de la planification, l’équipe de recherche a créé un partenariat étroit avec deux représentants de GreenHouse, un regroupement de personnes visant l’innovation sociale et environnementale de l’Université de Waterloo. Les membres de GreenHouse ont beaucoup d’expérience dans la planification et l’exécution de programmathons efficaces, notamment ceux liés à des maladies chroniques (comme le Hack4Health).
Des participants d’horizons variés, mais tous préoccupés par les besoins économiques des personnes atteintes du LED, ont assisté au programmathon. Les participants des groupes de défense (n = 9) relevaient de Lupus Canada, de la Lupus Foundation of America, de Lupus Ontario, de la Lupus Society of Alberta et de la Société de l’arthrite. Les participants ayant une expérience de vie avec la maladie (n = 5) venaient de l’Ontario et de l’Alberta. Plusieurs représentants d’organismes de défense ont également participé en tant que personnes ayant une expérience de vie avec la maladie.
Des membres de l’équipe de recherche ont mené le recrutement des intervenants à l’aide de diverses méthodes. Nous avons contacté par courriel des organismes provinciaux et nationaux de défense des personnes atteintes du LED afin de leur décrire l’objet de l’étude et de solliciter leur participation. Pour recruter des mentors ayant une expérience de vie avec la maladie, un membre de l’équipe de recherche, également médecin, a diffusé les détails du programmathon dans son réseau. En outre, nous avons consulté une liste de participants provenant d’une étude qualitative antérieure réalisée par notre équipe de recherche. Nous avons contacté des mentors spécialistes des politiques (n = 2) pour leur expérience en santé publique. De plus, nous avons utilisé un échantillonnage en « boule de neige », en demandant aux participants potentiels s’ils connaissaient d’autres personnes susceptibles de souhaiter participer à l’étude.
Pour offrir une occasion d’apprentissage interdisciplinaire valable, les participants étudiants (n = 25) ont été recrutés parmi les étudiants de premier cycle et de cycles supérieurs des six facultés (arts, génie, environnement, sciences, mathématiques et sciences de la santé appliquées) de l’Université de Waterloo. On a d’abord fait la liste des cours d’été liés à la santé ou avec un impact social (p. ex. déterminants sociaux de la santé, connexions au contexte éthique, recherche sociale). On a ensuite demandé aux professeurs si un représentant pouvait assister à un cours pour décrire l’activité prévue et fournir aux étudiants un lien d’inscription à EventBrite. On a également demandé aux professeurs d’afficher une annonce sur le site en ligne de leur cours. En outre, la Fédération des étudiants de l’Université de Waterloo a affiché des annonces dans divers lieux préapprouvés du campus. De plus, des affiches ont été distribuées dans tous les réseaux personnels et professionnels des membres de GreenHouse et de l’équipe de recherche.
En préalable à la tenue du programmathon Waterlupus, trois webinaires ont été diffusés pour fournir un éventail de résultats de recherche aux intervenants et aux participants. Tous ceux ayant confirmé leur participation ont été conviés aux webinaires, et les liens vers les webinaires ont été maintenus comme ressources lors du programmathon. Les enregistrements de ces webinaires demeurent à la disposition du public. Dans le premier webinaire (tenu le 30 avril 2019), on a présenté les résultats des enquêtes quantitatives réalisées sur des patients lupiques, en consignant les coûts directs et indirects du LED ainsi que la relation entre ces coûts et diverses caractéristiques sociodémographiques et la gravité de la maladie. Dans le deuxième webinaire (7 mai 2019), on a exposé les résultats qualitatifs d’entrevues réalisées avec des patients, des médecins et des défenseurs des personnes atteintes du lupus en matière de coûts de la vie (perceptions ou expériences des coûts économiques et autres) du LED. Dans le troisième webinaire (14 mai 2019), on a présenté les résultats d’un examen des politiques en matière d’invalidité et d’emploi dans l’ensemble du Canada aux niveaux national et provincial. Le partage de ces données a été ventilé en trois segments (c.-à-d. trois webinaires) pour les rendre accessibles à un groupe hétérogène d’intervenants.
Pour démarrer le programmathon Waterlupus, un mentor participant a parlé de son expérience avec le LED. Cette introduction a motivé les mentors et les étudiants, et a aidé les participants à mieux comprendre les défis économiques de la vie avec le LED. Le personnel de GreenHouse a ensuite animé une « conversation de type café », une méthode d’animation de discussions en grands groupes où de plus petits sous-groupes discutent des questions dans une atmosphère confortable rappelant celle d’un café. Pendant cette conversation de type café, les étudiants participants ont discuté d’une série de questions avec des mentors ayant une expérience de vie avec la maladie. En outre, des membres de l’équipe de recherche ont présenté trois courts exposés (correspondant aux webinaires) sur la recherche antérieure pour aider à contextualiser le problème à l’étude et pour répondre à toutes les questions en lien avec la recherche. En fonction de leurs intérêts et de leurs idées de départ, les étudiants participants ont formé les équipes, guidés par des mentors spécialistes des politiques, des mentors ayant une expérience de vie avec la maladie et des mentors à la défense des personnes atteintes du LED.
Outre l’animation de multiples ateliers par GreenHouse et par l’équipe de recherche (appelés par exemple « Deep Dive into Research »), les équipes et les mentors ont passé la majeure partie de leur temps à un travail interactif pendant lequel ils ont discuté de leurs « trucs et astuces ».
À la fin de la période de travail, cinq équipes d’étudiants ont exposé leurs idées de solutions. Trois juges (un mentor de recherche, un directeur de recherche provenant d’un groupe de défense des personnes atteintes de lupus et un conférencier expert de GreenHouse) ont délibéré, avec l’appui de l’autre expert de GreenHouse, pendant environ une heure, avant de sélectionner un gagnant et un second prix. Les critères d’évaluation étaient fondés sur les pratiques exemplaires antérieures de GreenHouse et comprenaient quatre catégories : identification du problème; adéquation de la solution au problème; impact, faisabilité et viabilité ainsi que d’autres critères (tableau 1). Aucune valeur numérique n’a été donnée aux critères d’évaluation et la décision finale a été fondée sur la discussion de groupe et le consensus des juges.
Tableau 1. Critères d’évaluation du programmathon WaterlupusNote a de tableau 1
Critères d’évaluation | Considérations |
---|---|
Définition du problème | S’agit-il d’un problème spécifique?Existe-t-il vraiment?Avez-vous des données quantitatives et qualitatives pour étayer le problème? |
Correspondance de la solution avec le problème | La solution retenue règle-t-elle le problème défini?La solution est-elle utile à l’utilisateur ciblé? |
Incidence, faisabilité, viabilité | Quelle est l’incidence potentielle de la solution?Est-elle évolutive?Est-il faisable de mettre la solution en œuvre selon l’échéancier suggéré?La solution est-elle viable?Pensez-vous que la solution puisse être mise en œuvre avec succès? |
Autres critères | L’équipe a-t-elle offert un exposé intéressant et captivant?L’équipe et ses idées étaient-elles bien organisées?L’équipe a-t-elle suivi les directives pour sa présentation? |
Collecte de données et analyse
Le comité d’éthique (Office of Research Ethics) de l’Université de Waterloo a approuvé cette étude, qui a été menée avec le consentement des participants. La collecte de données a été réalisée de plusieurs manières. Premièrement, lors des conversations de type café, on a demandé aux participants du programmathon de consigner leurs réponses à chaque question présentée et leurs notes connexes, qui ont servi à une analyse thématique.
Pendant la conversation de type café et tout au long du programmathon, plusieurs membres de l’équipe de recherche ont sollicité les observations des participants. Des preneurs de notes désignés étaient présents pour faire le compte-rendu des activités, résumer les discussions en séance plénière et consigner les résultats (p. ex. exposés, rétroaction des juges).
Les membres de l’équipe de recherche ont discuté des principaux résultats et les ont consignés immédiatement après le programmathon. Le premier auteur a passé en revue toutes les notes au cours des semaines suivantes et consulté les autres membres de l’équipe de recherche. Toutes les notes ont été consignées dans le logiciel NVivo 10 pour Mac (QSR International Americas Inc., Burlington, Mass., États-Unis) pour l’analyse ultérieure. Les thèmes ont émergé par raisonnement inductif (d’après les notes des chercheurs, les tableaux de conférence et les conversations pendant le programmathon) tout au long de l’analyse. Le premier auteur a dirigé l’analyse et a noté toutes les différences entre les thèmes recensés dans les notes prises lors des activités, en vue de discussions ultérieures avec les autres membres de l’équipe. Pour améliorer la cohérence et la fiabilité de l’analyse thématique, les auteurs ont analysé les résultats et consulté les autres membres de l’équipe de recherche pour s’assurer d’un consensus dans l’interprétation.
Résultats
Nous présentons ici les résultats du programmathon en trois sections : conversations de type café, exposés d’intervention et autres résultats du programmathon Waterlupus.
Conversations de type café
Le premier jour du programmathon, une conversation de type café a permis de sensibiliser les étudiants aux défis économiques des personnes atteintes du LED grâce aux interactions avec plusieurs intervenants. Cette activité a permis de contextualiser le problème à l’étude et les résultats d’études antérieures, de briser la glace et d’offrir aux étudiants participants l’occasion de discuter avec les mentors avant de joindre leur équipe. Les participants étaient enthousiastes à l’idée de prendre part à la conversation de type café, et les questions ont suscité une discussion animée entre les mentors et les étudiants. Les mentors ayant une expérience de vie avec la maladie, ceux spécialistes des politiques et ceux représentant les organismes de défense des personnes atteintes du lupus ont été répartis en sept tables, afin d’assurer une diversité des points de vue dans chaque discussion. Les étudiants ont été divisés en groupes et ont circulé entre les tables entre les questions, tandis que les mentors demeuraient à la même place.
La première question, « Qu’est-ce que la qualité de vie économique signifie pour vous? », a suscité une discussion en profondeur et plusieurs thèmes communs ont émergé des groupes (tableau 2). Le thème le plus fréquent (présent dans six groupes) a été l’incidence d’un faible revenu sur la qualité de vie. Les mentors ayant l’expérience de la maladie et ceux représentant les organismes de défense des personnes atteintes de LED ont discuté de l’importance d’avoir un revenu disponible pour les biens de première nécessité (un logement, des aliments sains, des médicaments, etc.) ainsi que pour les activités de loisir et les activités récréatives (prendre des congés, offrir des cadeaux, etc.). Les incidences possibles sur la santé mentale liées à un faible revenu ont fait l’objet de discussions dans cinq groupes. Ces groupes ont évoqué le stress et l’inquiétude associés à une faible liberté financière et aux piles de factures mensuelles. Inversement, on a discuté dans un groupe de l’« état d’esprit » positif associé à des dépenses bien gérées.
Tableau 2. Thèmes découlant de la conversation de type caféNote a de tableau 2 au programmathon Waterlupus : « Que signifie avoir une qualité de vie économique pour vous? »
Sous-thème | Nombre de tables où le sujet a été mentionnéNote b de tableau 2 |
---|---|
Impact d’un revenu réduit sur la qualité de vie | 6 |
Effets sur la santé mentale (positifs/négatifs) | 5 |
Relations et soutien social | 5 |
Besoin d’un emploi satisfaisant et adapté | 4 |
Perte d’identitié | 4 |
Relation entre le revenu et l’accès à des soins médicaux | 3 |
Accessibilité à des ressources en matière de planification financière | 2 |
Le lien entre la qualité de vie économique et les relations et le soutien social (famille, amis, conjoint) a été noté par cinq groupes. Les participants ont discuté des incidences économiques et émotionnelles d’un faible revenu sur la famille, par exemple le stress accru pesant sur un conjoint ou un autre membre de la famille pour subvenir aux besoins des personnes à sa charge, la culpabilité associée à l’incapacité d’aider les membres de sa famille et un possible stress dans la relation lorsqu’une personne ne se sent pas soutenue ou comprise par sa famille ou ses amis. Le potentiel d’isolement social dû à une perte d’emploi ou à un départ précoce à la retraite a également été répertorié.
Parmi les autres thèmes abordés, notons le besoin d’avoir accès à un emploi satisfaisant et adapté pour s’assurer d’un revenu, d’une pension et d’une raison d’être découlant d’un emploi valorisant (quatre groupes) et la perte d’identité possible lorsqu’une personne n’est plus capable de travailler, perd son autonomie ou ne se sent pas appartenir de façon significative à la société (quatre groupes). Enfin, la relation directe entre le revenu et l’accès à des soins médicaux (p. ex. praticiens de médecine non traditionnelle) et l’accessibilité des ressources pouvant soutenir la planification financière a fait l’objet de discussion dans respectivement trois et deux groupes.
Après cette discussion, les étudiants ont changé de table et la question suivante a été : « Comment le lupus a-t-il touché, touche-t-il ou touchera-t-il votre qualité de vie économique? » (tableau 3). Après le programmathon, les équipes de recherche et de GreenHouse ont réfléchi sur les similitudes entre les deux premières questions et ont discuté de la possibilité de varier les questions dans les futures éditions de programmathons. Dans un contexte de ce genre, souvent rencontré dans les études qualitatives, les thèmes des discussions se chevauchent. Il n’est pas surprenant que le thème le plus fréquent concernât les incidences du lupus sur l’emploi (six groupes). Les groupes ont discuté de l’incertitude associée à la divulgation de leur diagnostic ou à la demande d’aménagements à leur employeur, du besoin de lieux de travail accessibles et adaptables, des défis liés à l’avancement dans leur carrière et d’une retraite forcée pour raisons médicales. Les répercussions financières ont été décrites par quatre groupes (p. ex. moins de sécurité à la retraite, une pension réduite, difficultés à trouver une assurance en santé). Parmi les autres thèmes, notons la nécessité d’avoir accès à des soins de santé de qualité et à des médicaments (trois groupes), les répercussions sur la santé mentale (p. ex. l’anxiété relative aux poussées et aux projets ou à la carrière, le manque de sommeil, l’irritabilité découlant du traitement) et les répercussions des symptômes physiques sur l’emploi (p. ex. incapacité de conduire, lésions aux organes dues aux médicaments) (deux groupes).
Tableau 3. Thèmes découlant de la conversation de type caféNote a de tableau 3 au programmathon Waterlupus : « En quoi le lupus a-t-il touché, touche-t-il ou touchera-t-il votre qualité de vie économique? »
Sous-thème | Nombre de tables où le sujet a été mentionnéNote b de tableau 3 |
---|---|
Effets du lupus sur l’emploi | 6 |
Défis en milieu de travail et effets d’ordre financier | 4 |
Accès à des soins de santé de qualité et à des médicaments | 3 |
Effets sur la santé mentale et la santé physique | 2 |
Après le dernier changement de table, les groupes ont traité de la question : « Quelles idées auriez-vous pour atténuer certaines de ces difficultés? » (tableau 4). Les réponses ont davantage varié entre les groupes que pour les deux questions précédentes. Quatre groupes ont fait état de la nécessité d’accroître l’accès aux ressources et l’importance de créer un outil ou une plateforme pour faciliter l’accès à de l’information pertinente (p. ex. groupes de soutien, information médicale après le diagnostic, ressources en matière d’emploi). Un groupe a parlé du besoin d’obtenir de l’information d’une source crédible (p. ex. professionnel de la santé) pour réduire la propagation d’information erronée, et un autre groupe a décrit l’utilité des conseillers fournissant du soutien et de l’information aux patients. Trois groupes ont discuté de la nécessité d’interventions médicales (p. ex. outils de dépistage du lupus). Deux groupes ont noté des interventions spécifiques en milieu de travail (p. ex., échelle pour évaluer de façon subjective les symptômes à l’intention des employeurs, souplesse dans l’horaire de travail), une sensibilisation accrue en milieu de travail (p. ex. pour une meilleure adaptation) ainsi que des interventions allant au-delà du lieu de travail (p. ex. changement de politiques, augmentation du financement de la recherche). L’importance de la collaboration organisationnelle (p. ex. entre les organismes de défense des personnes atteintes du LED à l’échelle provinciale et nationale), l’augmentation du soutien financier pour le transport médical et la sensibilisation des médecins (p. ex. pour fournir des ressources liées à l’emploi) sont des facteurs qui ont été mentionnés chacun dans un groupe.
Tableau 4. Thèmes découlant de la conversation de type caféNote a de tableau 4 au programmathon Waterlupus sur les idées visant à relever les défis d’ordre économique associés au LED
Sous-thème | Nombre de tables où le sujet a été mentionnéNote b de tableau 4 |
---|---|
Augmentation de l’accès à des ressources et à de l’information | 4 |
Besoin d’interventions (p. ex. interventions médicales, spécifiques au milieu de travail) | 3 |
Besoin de sensibilisation en milieu de travail | 2 |
Besoin d’une sensibilisation élargie (p. ex. pour modifier des politiques) | 2 |
Collaboration organisationnelle | 1 |
Soutien financier pour le transport d’ordre médical | 1 |
Sensibilisation accrue des médecins | 1 |
Besoin de communications provenant de sources crédibles | 1 |
Rôle des conseillers pour le soutien et les ressources | 1 |
Exposés sur les interventions
Le principal résultat du programmathon Waterlupus réside dans les interventions conçues pendant l’activité : à la fin du programmathon, cinq équipes ont présenté des interventions visant à relever des défis économiques associés à la vie avec le LED. L’équipe gagnante, appelée Shine On, a lancé l’idée de collaborer avec Lupus Canada (et d’autres organismes de défense des personnes atteintes du LED) et des marques de vêtements canadiens pour améliorer l’accessibilité à des vêtements à prix abordable protégeant contre le soleil et adaptés à différents milieux (travail, école). En effet, on encourage les personnes atteintes du LED à réduire au maximum leur exposition à la lumière du soleil, car cela peut aggraver leur maladie. Les juges ont trouvé cet exposé très novateur parce qu’il a le potentiel de changer non seulement la vie des personnes qui ont le lupus, mais également celle d’autres personnes sensibles au soleil, comme celles qui prennent certains médicaments. Cette idée novatrice pourrait également réduire l’exposition aux rayons ultraviolets (UV) au sein de la population générale et offre un potentiel économique aux innovateurs. Comme un participant atteint du LED l’a décrite, cette innovation est inspirante en raison de la stigmatisation actuelle associée aux « vêtements pour personnes lupiques », puisque, bien que disponibles, les vêtements de protection contre le soleil sont extrêmement rares et coûteux.
La seconde meilleure équipe, nommée « Team Purple », a présenté une idée de réseau social en ligne animé par un professionnel afin de rendre accessibles aux patients de l’information et des ressources utiles liées à l’emploi ainsi que pour offrir un espace permettant des interactions sociales significatives avec d’autres personnes atteintes du LED. Cette idée a été considérée par les juges comme tenant compte des mentors et de leurs rétroactions et comme ayant un lien clair avec la qualité de vie économique. Même s’il semble important que la plateforme soit animée par un professionnel pour des questions de crédibilité, cette dimension a semblé difficilement réalisable.
Une autre équipe, nommée « Lup4Help », a également lancé une plateforme en ligne pour sensibiliser, partager son expérience et fournir des occasions d’emplois aux personnes atteintes du LED. Une quatrième équipe, appelée « Purple Monarch », a également travaillé à une plateforme en ligne pour offrir de l’information sur les traitements et les symptômes, intégrant une fonction sociale (p. ex. pour coordonner les rencontres) ainsi que des ressources et des opportunités en matière de finance et d’emploi. Cette plateforme avait un niveau d’accessibilité élevé (le groupe l’a par exemple adaptée en plusieurs langues, ce qui est utile étant donné que le taux de prévalence LED est plus élevé chez les membres des minoritésNote de bas de page 35) et était également axée sur l’utilisateur, ce qui augmentait son caractère réalisable. Finalement, la cinquième équipe, « Lupus@Work », a lancé une plateforme en ligne pour faire le pont entre employés et employeurs en tenant compte des aménagements possibles sur les lieux de travail. Même si cette plateforme peut se révéler très utile et a été fortement alimentée par les expériences de vie des mentors, sa mise en œuvre dépend de l’adoption du concept par les employeurs. On présente une synthèse de chaque exposé dans le tableau 5.
Tableau 5. Résumé des innovations découlant du programmathon WaterlupusNote a de tableau 5
Nom de l’équipe | Rang au concours | Population cible | Problème défini | Résumé de l’innovation |
---|---|---|---|---|
Shine On | 1er |
|
|
|
Team Purple | 2e |
|
|
|
Lup4Help | s.o. |
|
|
|
Purple Monarch | s.o. |
|
|
|
Lupus@Work | s.o. |
|
|
|
Sur la base de leurs exposés, les équipes gagnantes ont obtenu la possibilité de continuer de travailler sur leurs innovations en collaboration avec le Workplace Innovation Program (WIP ou programme d’innovation en milieu de travail), créé et mis en œuvre par GreenHouse avec l’aide du laboratoire Geographies of Health in Place (GoHelP) et l’équipe de recherche et en collaboration avec d’autres intervenants (p. ex. représentants d’organismes de défense des personnes atteintes de lupus). À la fin du programmathon, on a constaté beaucoup de soutien et d’enthousiasme de la part des représentants d’organismes de défense des personnes atteintes de lupus et des mentors ayant une expérience de vie avec la maladie, qui vont continuer à soutenir les équipes gagnantes tout au long du WIP (programme d’innovation en milieu de travail). Le WIP accompagne les étudiants pendant 8 à 12 mois pour leur permettre d’élaborer leurs solutions au moyen d’exercices de renforcement des compétences.
Les équipes gagnantes qui poursuivent le programme travaillent sur deux projets différents. L’équipe Shine On fait progresser son idée en concevant des vêtements à prix abordable et à la mode intégrant une protection UV, et elle travaille actuellement avec trois mentors ayant une expérience de vie avec la maladie et un créateur de mode local pour concevoir des modèles de vêtements confortables, adaptés au milieu de travail et créés dans des tissus conférant une protection solaire. L’équipe Team Purple va de l’avant avec son idée de créer, pour les personnes atteintes du LED, un espace en ligne pour partager les ressources utiles en matière d’emploi. L’équipe est en train d’explorer le marché afin de savoir quelles sont les autres ressources en ligne destinées aux personnes atteintes d’une maladie chronique. Elle consulte actuellement une autre équipe du WIP (non liée au programmathon) pour établir s’il y a chevauchement avec son projet (élaborer un espace numérique destiné aux personnes atteintes d’une maladie chronique pour avoir accès à des ressources liées à leur handicap).
Les deux équipes ont produit leur idée initiale au programmathon mais leur participation au WIP est itérative : elles examinent actuellement la littérature scientifique, les brevets, le marché et la rétroaction des intervenants afin de générer au mieux des interventions différentes de celles déjà existantes. En ce sens, ces innovations vont continuer à évoluer au fil du programme.
Autres résultats
On a également relevé d’autres résultats du programmathon Waterlupus. Le principal concerne la sensibilisation aux défis économiques des personnes atteintes du LED. Non seulement les webinaires et le programmathon ont permis de sensibiliser les participants (plus particulièrement les étudiants, dont bon nombre ne connaissaient pas le LED), mais les innovations vont avoir le potentiel de mieux faire connaître, parmi les employeurs, les collègues et la population canadienne en général, le LED et les défis économiques associés au fait de vivre avec la maladie. En effet, plusieurs mentors ayant une expérience de vie avec la maladie et appartenant à des organismes de défense des personnes atteintes du LED ont parlé de la sensibilisation des étudiants au LED et du potentiel que vont avoir les innovations de sensibiliser aux répercussions économiques du LED et d’autres maladies invisibles et épisodiques.
Les mentors ayant une expérience de vie avec la maladie, les spécialistes des politiques et ceux qui représentent des organismes de défense des personnes atteintes du LED ont également mentionné à quel point l’expérience de passer un long moment avec des étudiants s’intéressant au LED a été positive pour eux. Lors des périodes informelles de travail, les étudiants se sont penchés sur leur « programmation » avec les mentors participants. Non seulement cela a été productif pour les équipes de recevoir de la rétroaction des mentors, mais les mentors ont également mentionné l’énergie et les idées novatrices qui ont surgi lorsqu’ils interagissaient avec les étudiants. De même, l’occasion de formation offerte aux étudiants s’est révélée positive, car ceux-ci ont eu l’occasion de se pencher sur un problème réel et d’acquérir un ensemble de compétences grâce à un groupe d’intervenants qui, autrement, leur serait demeuré inaccessible en milieu universitaire. Leur participation leur a offert une vision non biaisée et axée sur le futur de ce défi sanitaire et social.
Finalement, un résultat très positif, mais inattendu, a été la rétroaction des mentors, qui ont véritablement aimé partager leur expérience. Cette participation a créé des occasions de réseautage professionnel et a encouragé la création de réseaux de soutien informels, à la fois pour les mentors représentant des organismes de défense des personnes atteintes du LED et pour les patients des provinces qui s’y sont connectés.
Analyse
Cet article expose les résultats du programmathon Waterlupus mené à l’Université de Waterloo en mai 2019. Non seulement il rapporte les résultats de l’activité, mais il contribue aussi à augmenter la littérature scientifique, rare, sur l’utilisation des programmathons en matière de santé visant l’innovation dans le domaine social. Le programmathon Waterlupus a été un outil d’ACi utile, permettant la production d’idées novatrices pour relever un défi complexe en matière de santé.
Même si la conversation de type café n’a pas en soi permis de produire les interventions, elle a été l’occasion pour les étudiants de mieux comprendre les défis économiques à vivre avec le LED, en écoutant ceux qui leur ont livré leur expérience. Elle a permis de mettre en contexte les résultats de la recherche qualitative et quantitative antérieure et a fourni énergie et impulsion au départ de l’activité.
En ce qui concerne les interventions, l’exposé gagnant et celui de la seconde équipe ont tous deux offert des solutions ayant le potentiel d’avoir une incidence positive sur les défis économiques et sociaux auxquels font face les personnes atteintes du LED (p. ex. obstacles en milieu de travail, stigmatisation, isolement social)Note de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 26Note de bas de page 27. Ces innovations peuvent se révéler utiles également aux personnes atteintes d’autres maladies chroniques (p. ex. vêtements de protection solaire accessibles pour les personnes photosensibles).
Les deux équipes gagnantes poursuivent actuellement leur cheminement en élaborant leurs idées dans le cadre du WIP. Elles vont ainsi travailler au moyen d’un cycle d’innovations itératif avec l’équipe de recherche et les organisateurs du programmathon provenant de GreenHouse pour explorer et exploiter leurs solutions. Ce processus demande de suivre une procédure en plusieurs étapes qui fait en sorte que les équipes cernent et définissent un problème, identifient des besoins et élaborent un plan de mise en œuvre. En outre, une formation approfondie sur une vaste gamme de sujets (p. ex. présenter un exposé efficace) sera fournie. L’équipe de recherche offrira également aux équipes gagnantes des possibilités de financement afin qu’elles puissent faire avancer leurs projets et diffuser leurs résultats.
Parmi les résultats fructueux relevés à propos de programmathons antérieurs en matière de santé, on note une passion avivée, une mobilisation collective et des solutions viables à long terme et adaptées sur le plan culturelNote de bas de page 14, la génération d’idées et de l’enthousiasme à l’égard de l’innovationNote de bas de page 36, l’établissement de réseaux visant à inspirer la collaboration et le travail futursNote de bas de page 14 et la concrétisation d’innovations et de nouvelles solutions et entreprisesNote de bas de page 6. On peut également relever plusieurs résultats fructueux dans le programmathon Waterlupus. Par exemple, on a inclus des utilisateurs finaux d’horizons variés (p. ex. patients et représentants d’organismes de défense des personnes atteintes du LED) qui ont partagé leurs points de vue pour faire en sorte que les innovations soient viables à long terme et comblent les besoins des utilisateurs finaux. En outre, plusieurs participants ont exprimé leur enthousiasme concernant l’énergie générée lors de l’activité et ont été impressionnés par la passion tant des mentors que des étudiants. Enfin, de nouveaux réseaux professionnels et sociaux ont vu le jour : plusieurs intervenants ont mentionné avoir pris contact avec des personnes venues d’autres régions. Plusieurs participants ont échangé leurs coordonnées et tous les mentors (mentors ayant une expérience de vie avec la maladie, mentors spécialistes des politiques et mentors représentant des organismes de défense des personnes atteintes du LED) ont manifesté leur intérêt à recevoir les résultats de la recherche et les mises à jour concernant les progrès réalisés par les équipes dans le cadre du WIP.
On sait que le LED a une incidence disproportionnée sur les femmes en âge de travaillerNote de bas de page 20, mais les innovations produites au programmathon Waterlupus n’ont pas pour autant été conçues en fonction de l’âge ou du genre. Les participants se sont cependant inspirés des résultats de recherche antérieurs (p. ex. entrevues qualitatives, principalement avec des femmes touchées par le LED) et de la rétroaction des mentors ayant une expérience de vie avec la maladie (qui étaient tous des femmes sauf un) fournie lors de l’activité. En ce sens, les équipes ont implicitement pris en compte l’âge et le sexe car les innovations visaient à améliorer les résultats économiques (ce qui revient souvent à trouver un emploi) pour les personnes atteintes du LED. Par exemple, un réseau social professionnel animé en ligne visant à mettre des patients en contact avec des ressources en emploi est utile aux hommes et aux femmes touchés par le LED, mais il risque d’être utilisé plus fréquemment par les femmes en âge de travailler (de 15 à 64 ans) car elles sont plus touchées que les hommes. Explorer comment créer des innovations pour satisfaire différentes sous-populations touchées par le LED (par exemple en augmentant le nombre de langues offertes sur une plateforme en ligne ou en créant des vêtements de protection solaire qui soient différents des vêtements de sport et qui conviennent aussi bien aux femmes qu’aux hommes) constitue certainement une piste pour de futurs travaux.
Plusieurs défis ont émergé durant le programmathon Waterlupus. Premièrement, l’utilisation du terme « programmathon » (« hackathon ») dans l’annonce peut avoir attiré des étudiants qui s’attendaient à un marathon de programmation et peut avoir, au contraire, dissuadé d’autres participants potentiels qui ont supposé qu’il s’agissait d’un programmathon classique. Deuxièmement, nous avions tablé sur la participation d’un plus grand nombre d’étudiants, d’après les programmathons antérieurs organisés par GreenHouse. Le programmathon Waterlupus a été le premier programmathon tenu par GreenHouse durant la session d’été, alors que moins d’étudiants sont recrutables sur le campus. D’autres facteurs hors du contrôle de l’équipe de recherche, comme les conditions météorologiques plaisantes de la saison, pourraient également avoir freiné la participation des étudiants. Les étudiants qui ont participé ont été en revanche très mobilisés et l’équipe de recherche a été impressionnée par leur engagement.
Troisièmement, tout au long du processus de recrutement, il s’est avéré, par les questions que l’équipe de recherche a reçues sur le LED, que la connaissance générale de cette maladie est faible. Ce manque de sensibilisation à l’égard du LED et des défis associés peut avoir réduit l’intérêt envers l’activité. Quatrièmement, en ce qui concerne les résultats des exposés, le lieu a probablement eu une influence sur les résultats. Si ce programmathon avait eu lieu ailleurs qu’au Canada, les exposés auraient sans doute été axés sur des défis économiques différents. Au Canada, le système de soins de santé est un service public qui offre une protection universelle pour les services médicaux de baseNote de bas de page 37. Même si certains défis en matière d’accès à des soins de santé demeurent au Canada dans le contexte du LED (p. ex. temps d’attente pour un rendez-vous, accès à des soins chez un spécialiste)Note de bas de page 23Note de bas de page 38, ce sont plutôt des défis économiques généraux en matière d’accès à des soins de santé que l’on aurait certainement relevé ailleurs (p. ex. aux États-Unis).
Une critique de base des programmathons est qu’ils sont aptes à créer un enthousiasme de courte durée, mais qu’il leur manque un cheminement pour produire des solutions dont l’impact est pérenneNote de bas de page 14. Dans la même veine, et en dehors de la littérature spécifique sur les programmathons, on a demandé aux chercheurs d’envisager le succès de l’ACi au-delà de l’échéancier à court terme d’un projet de recherche particulier, donc plutôt comme une piste pour créer des partenariats à long terme et nourrir la pensée innovatriceNote de bas de page 2. En réponse à ces critiques, notons qu’un des principaux résultats du programmathon Waterlupus est la formation d’équipes de programme d’innovation en milieu de travail (WIP) pour lesquelles on a dessiné une trajectoire afin qu’elles poursuivent leur projet novateur au-delà du court terme, en collaboration avec des groupes de défense des personnes atteintes de lupus, des membres de l’équipe de recherche et GreenHouse. En faisant avancer les solutions de ces équipes et en faisant appel à plusieurs intervenants dans le processus, nous visons à dépasser la simple sensibilisation pour atteindre un changement d’attitudes, de comportements et, au final, un changement social.
Conclusion
Cet article décrit ce qui est, à notre connaissance, la première activité d’ACi axée sur la production conjointe de connaissances visant à améliorer la vie économique des personnes atteintes du LED et visant à sensibiliser le public à la maladie. Le programmathon Waterlupus a permis la production d’idées d’interventions non pharmacologiques réalisables et exploitables, la création de partenariats et de réseaux et l’exploitation de l’expertise des personnes atteintes du LED, des organismes de défense des personnes atteintes du LED, des décideurs et des étudiants participants. Même si ces résultats, fructueux, mettent en relief la raison d’être des programmathons dans la boîte à outils de l’ACi, la prochaine étape de cette étude consiste à mieux comprendre comment les participants des programmathons (p. ex. les utilisateurs de connaissances) perçoivent ces derniers comme une initiative d’ACi. Nous en saurons davantage sur la manière dont le programmathon Waterlupus lui-même a été apprécié, ainsi que sur la manière dont la science en ACi, et les programmathons plus particulièrement, vont pouvoir contribuer à combler les besoins des utilisateurs de connaissances, grâce à la prise en compte de leurs points de vue et de leurs positions.
Remerciements
Nous souhaitons remercier Lupus Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) pour le généreux soutien financier accordé à cette étude. Nous sommes également sincèrement reconnaissants à la Lupus Society of Alberta, à tous les participants du programmathon et, en particulier, aux jeunes innovateurs qui ont renoncé à leur fin de semaine de congé pour travailler avec nous sur ce problème complexe.
Conflits d’intérêts
Il n’existe aucun conflit d’intérêts.
Contributions des auteurs et avis
SE, AC et EB ont conçu la recherche; FC, SE, AC et EB ont recueilli, analysé et interprété les données; FC a rédigé le manuscrit; FC, EB, AC et SE ont relu le manuscrit.
Détails de la page
- Date de modification :