Synthèse des données probantes – Interventions fondées sur des données probantes et pratiques exemplaires en matière de soutien apporté aux femmes en situation ou à risque d’itinérance : examen de la portée avec analyse fondée sur le sexe et l’équité

Anne Andermann, M.D., Ph. D., CCMF, FRCPCNote de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 3; Sebastian Mott, M. Serv. Soc.Note de rattachement des auteurs 3; Christine M. Mathew, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 4; Claire Kendall, M.D., CCMFNote de rattachement des auteurs 4Note de rattachement des auteurs 5; Oreen Mendonca, B. Sc.Note de rattachement des auteurs 4; Dawnmarie HarriottNote de rattachement des auteurs 6; Andrew McLellan, M. Sc. inf.Note de rattachement des auteurs 5Note de rattachement des auteurs 7; Alison Riddle, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 8; Ammar Saad, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 4Note de rattachement des auteurs 9; Warda Iqbal, M.D.Note de rattachement des auteurs 9; Olivia Magwood, M.P.H.Note de rattachement des auteurs 4; Kevin Pottie, M.D., CCMFNote de rattachement des auteurs 4Note de rattachement des auteurs 5

https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.1.01f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Correspondance : Dre Anne Andermann, professeure agrégée, Département de médecine familiale – Hôpital St. Mary, 3830, rue Lacombe, Montréal (QC) H3T 1M5; courriel : anne.andermann@mail.mcgill.ca

Résumé

Introduction. Bien qu’une grande partie de la littérature sur l’itinérance porte principalement sur l’expérience des hommes, les femmes forment plus du quart de la population des sans-abri au Canada. Des études ont montré que les femmes en situation d’itinérance sont souvent cachées (c. à.-d. qu’elles sont logées provisoirement) et qu’à la fois le parcours qui les a menées à l’itinérance et leurs besoins sont différents de ceux des hommes. Cette recherche vise à cibler des interventions fondées sur des données probantes et des pratiques exemplaires aptes à mieux soutenir les femmes en situation ou à risque d’itinérance.

Méthodologie. Nous avons effectué un examen de la portée accompagné d’une analyse fondée sur le sexe et l’équité. Pour ce faire, nous avons effectué des recherches dans MEDLINE, CINAHL, PsycINFO et d’autres bases de données afin de sélectionner les revues systématiques et les essais randomisés. Nous avons complété ces recherches par un passage en revue des références et de la littérature grise puis nous avons effectué une synthèse qualitative des données probantes portant sur les éléments liés au genre et à l’équité.

Résultats. Des 4 102 articles axés sur les interventions auprès de sans-abri que nous avons recensés, seuls 4 revues systématiques et 9 essais randomisés portaient exclusivement sur des femmes ou contenaient des données désagrégées permettant d’effectuer une analyse comparative entre les sexes. Parmi les interventions comportant les données les plus solides, mentionnons le counseling sur la défense des intérêts des femmes qui, après un passage en refuge, se retrouvent en situation d’itinérance pour cause de violence familiale, ainsi que la gestion de cas et les subventions pour un logement fixe (comme des bons d’aide au logement pour les locataires). Chacune de ces interventions a permis non seulement de réduire l’itinérance, l’insécurité alimentaire, l’exposition à la violence et la détresse psychosociale mais aussi de promouvoir la stabilité scolaire et le bien-être des enfants.

Conclusion. Une grande partie des données probantes sur les interventions visant à offrir un meilleur soutien aux femmes en situation d’itinérance porte sur les femmes qui accèdent à des refuges destinés aux victimes de violence familiale ou aux familles. Puisque bien davantage de femmes sont en situation ou à risque d’itinérance cachée, il faut également utiliser des stratégies axées sur l’ensemble de la population afin de réduire les inégalités de genre et l’exposition à la violence, deux des principaux facteurs structurels de l’itinérance chez les femmes.

Mots clés : examen de la portée, femmes, refuges, itinérance cachée, violence, équité, genre, logement, recherche interventionnelle, politiques fondées sur des données probantes

Points saillants

  • Les femmes forment plus du quart de la population de sans-abri dénombrée au Canada, mais de nombreuses femmes, en situation « d’itinérance cachée », ne sont pas comptabilisées dans les données. Les besoins de ces femmes et le parcours qui les a menées à l’itinérance diffèrent souvent de ceux des hommes.
  • Un certain nombre d’interventions fondées sur des données probantes permettent de fournir un meilleur soutien aux femmes en situation ou à risque d’itinérance, notamment les interventions effectuées après un passage en refuge, les subventions pour un logement fixe (comme des bons d’aide au logement pour les locataires) et la gestion de cas ou d’autres formes de soutien social.
  • Ces interventions permettent de réduire l’itinérance, l’insécurité alimentaire, l’exposition à la violence familiale et la détresse psychosociale, ce qui contribue à une meilleure estime personnelle et une meilleure qualité de vie des femmes, ce qui permet en outre de réduire le nombre de séparations avec les enfants et le placement de ces derniers en foyer d’accueil, tout en favorisant grandement la stabilité scolaire et le bien-être des enfants.
  • La mise en œuvre à grande échelle d’interventions fondées sur des données probantes est nécessaire, que ce soit durant la pandémie de COVID-19 ou par la suite, afin de mieux soutenir les femmes en situation ou à risque d’itinérance et d’apporter les changements structurels requis pour corriger les inégalités qui persistent entre les sexes et éliminer la violence.
  • Les mesures à mettre en œuvre dans l’ensemble de la population afin de prévenir l’itinérance chez les femmes sont avant tout un meilleur accès aux services de garde d’enfants et à des emplois stables, des conditions de travail flexibles, la réduction des écarts de salaires, l’officialisation et la rémunération du travail des aidants naturels ou membres de la famille (travail effectué le plus souvent par les femmes), la remise en cause des normes sociales qui tolèrent et perpétuent la violence entre partenaires intimes et l’assurance que les femmes sont en mesure de contrôler une part équitable des revenus du ménage et d’avoir un rôle équitable dans la prise de décisions.

Introduction

Les femmes forment environ 27,3 % de la population canadienne de sans‑abriNote de bas de page 1. Il s’agit toutefois d’une forte sous-estimation du nombre réel de femmes itinérantes et à risque de le devenir. Selon la définition canadienne de l’itinéranceNote de bas de page 2, les femmes sont considérées comme « en refuge d’urgence » si elles séjournent temporairement dans un refuge, notamment dans les refuges destinés aux victimes de violence familiale, cette dernière constituant un important facteur d’itinérance chez les femmes et les enfants au CanadaNote de bas de page 3 comme à l’échelle mondialeNote de bas de page 4. Le plus souvent cependant, les femmes (surtout celles qui ont des enfants) s’efforcent d’éviter la rue et les refuges et deviennent des « sans-abri cachées », se déplaçant d’un endroit à un autre et « transitant d’un divan à l’autre » (« couch surfing ») chez les amis et la famille. Ces femmes sont considérées comme « logées provisoirement », c’est-à-dire qu’elles sont « sans abri et sans domicile fixe et accèdent à un hébergement qui n’offre pas de possibilités de permanence »Note de bas de page 2. Cette appellation globale inclut également les personnes ayant reçu des soins en institution et susceptibles de devenir itinérantes à leur sortie de l’établissement lorsque cette sortie n’a pas été planifiée ou n’a pas fait l’objet d’un suivi suffisant (par exemple, les filles qui sont « trop vieilles » pour être placées en famille d’accueil ou les femmes qui ont été incarcérées et sortent des services correctionnels), les immigrants et réfugiés récemment arrivés qui sont en réinstallation temporaire (par exemple les familles multiples partageant un logement surpeuplé), les femmes ayant des déficiences cognitives ou psychologiques et de nombreux autres groupesNote de bas de page 2. Les femmes peuvent être forcées de se prostituer pour survivre, elles sont davantage susceptibles d’être exploitées par le biais de la traite des personnes et même parfois vivent dans leur voiture afin de se protéger, mais elles sont souvent cachées derrière des portes closes (figure 1), ce qui veut dire qu’un grand nombre d’entre elles ne sont pas recenséesNote de bas de page 5.

Figure 1. Différentes formes d’itinérance cachée chez les femmes, les jeunes filles et les personnes de différentes identités de genre sans domicile fixe

Figure 1. Différentes formes d’itinérance cachée chez les femmes, les jeunes filles et les personnes de différentes identités de genre sans domicile fixe

Description textuelle : Figure 1

Figure 1. Différentes formes d’itinérance cachée chez les femmes, les jeunes filles et les personnes de différentes identités de genre sans domicile fixe

La figure 1 montre les différentes formes d’itinérance cachée chez les femmes, les jeunes filles et les personnes de différentes identités de genre sans domicile fixe : Traite humaine; Pauvreté; Besoin impérieux de logement; Logement inadéquat; Surpeuplement; Sexe de survie; Violence physique, émotionnelle et sexuelle; Maltraitement envers les aides familiaux en résidence; Couch surfing; Violence domestique; et Habite dans une voiture.

Une analyse des données du recensement canadien de 2014 a révélé que plus d’un million de femmes ont déclaré avoir été en situation d’itinérance cachée à un moment de leur vie, situation souvent associée à des expériences négatives vécues pendant l’enfance, à des réseaux sociaux faibles et à des milieux de vie comprenant diverses identités de genreNote de bas de page 6. Outre les femmes qui vivent ces formes d’itinérance, il existe un nombre beaucoup plus important de femmes considérées comme des « personnes logées provisoirementNote de bas de page 2 », ce qui signifie qu’elles ont des « besoins impérieux de logement »Note de bas de page 7 et vivent dans des logements qui nécessitent des réparations majeures (« logements inadéquats »), comportent un nombre insuffisant de chambres à coucher pour y loger les personnes qui y vivent (« logements inappropriés ») ou coûtent plus de 30 % du revenu du ménage avant impôt (« logement inabordable »). Ces femmes sont considérées à risque imminent d’itinérance en cas de crise (en particulier escalade de violence, séparation conjugale, expulsion)Note de bas de page 2.

Il a été démontré que les parcours vers l’itinérance et les besoins de soutien des femmes diffèrent de ceux des hommesNote de bas de page 8. Les femmes sont plus susceptibles d’être en situation d’itinérance en raison de violence familiale et de manque de soutien social. Il peut être beaucoup plus difficile pour une victime de sortir d’une relation violente si elle a des enfants et qu’elle partage son domicile et ses ressources avec son partenaireNote de bas de page 9. Au Canada, en moyenne, tous les cinq jours, une femme est tuée par son partenaire intimeNote de bas de page 10; chaque année, plus de 40 000 femmes et leurs 27 000 enfants doivent se résoudre à aller vivre dans des refuges et, chaque nuit, les refuges accueillent environ 3 600 femmes et 3 100 enfantsNote de bas de page 11. Les refuges sont un moyen d’échapper à la violence émotionnelle ou psychologique (89 %), à la violence physique (73 %), à l’exploitation financière (51 %), à la violence sexuelle (33 %) et même à la traite des personnes (3 %) et au mariage forcé (2 %)Note de bas de page 11. Les femmes des régions rurales et éloignées, tout particulièrement les femmes autochtonesNote de bas de page 12, présentent le taux global le plus élevé de violence entre partenaires intimes (VPI)Note de bas de page 13. Les femmes qui ont des enfants à charge essaient souvent d’éviter les refuges, jusqu’à ce qu’elles aient épuisé toutes les autres options (c.-à-d. rester chez leur famille et leurs amis)Note de bas de page 14. Par conséquent, il convient de s’assurer d’effectuer une analyse comparative entre les sexes au moment d’examiner les interventions efficaces pour combattre l’itinérance, puisque ce qui fonctionne pour les hommes ne fonctionnera pas nécessairement pour les femmesNote de bas de page 15Note de bas de page 16.

La violence exercée par un partenaire intime, la pauvreté et l’itinérance chez les femmes sont interreliées et représentent un défi majeur et une crise cachée au Canada, qui coûte aux contribuables environ 7 milliards de dollars canadiens chaque année. Les pertes les plus importantes sont subies par les femmes elles-mêmes et incluent notamment les préjudices subis en tant que témoins de violence et les occasions manquées pour leurs enfantsNote de bas de page 17. Puisque la pandémie de COVID-19 a nécessité des mesures de confinement prolongé pendant plusieurs mois dans l’ensemble du Canada, la situation des femmes sans domicile ou à risque de le devenir est d’autant plus urgenteNote de bas de page 18.

Dans le cadre d’une initiative plus vaste visant à élaborer des lignes directrices de pratique clinique pour offrir du soutien aux personnes itinérantes au CanadaNote de bas de page 19Note de bas de page 20, un processus de consensus par méthode Delphi modifiéeNote de bas de page 21 a été utilisé pour s’assurer que les femmes en situation d’itinérance figurent parmi les populations prioritaires. Notre article vise à examiner les interventions fondées sur des données probantes et les pratiques exemplaires spécialement conçues pour soutenir les femmes en situation ou à risque d’itinérance, afin d’élaborer une approche plus efficace et mieux adaptée aux besoins particuliers de ces femmes.

Méthodologie

Nous avons effectué un examen de la portée des études de recherche primaires et secondaires publiées en utilisant des méthodes normaliséesNote de bas de page 22 combinées à une analyse comparative entre les sexes afin de comprendre quelles interventions conviennent aux femmes en situation d’itinérance et sont le mieux adaptées à leurs besoins particuliersNote de bas de page 23, ainsi qu’à une analyse fondée sur l’équité pour évaluer la possibilité de réduire les iniquités dans plusieurs domainesNote de bas de page 24.

Stratégie de recherche et critères de sélection

Une recherche systématique a été effectuée avec l’aide d’un documentaliste au moyen de mots clés et de termes Medical Subject Headings (MeSH) pertinents pour les essais randomisés et les examens systématiques publiés. Les principaux mots-clés utilisés étaient « women » [femmes], « vulnerable populations » [populations vulnérables], « homeless » [sans-abri ou en situation d’itinérance], et « marginalized » [marginalisé]. La figure 2 illustre la stratégie de recherche utilisée dans MEDLINE et fournit une liste complète des mots-clés. Les bases de données MEDLINE, CINAHL, PsycINFO, Cochrane CENTRAL, PROSPERO et DARE ont été consultées de leur date de création au 28 mars 2018. La sélection par titre et par résumé a été effectuée de manière indépendante par deux examinateurs. Tous les essais cliniques randomisés et les examens systématiques portant exclusivement sur les femmes (18 ans et plus) en situation d’itinérance ont été sélectionnés pour examen de leur texte intégral. Toutefois, comme la disponibilité des recherches interventionnelles axées sur les femmes en situation d’itinérance est limitée, nous avons également inclus des études de population mixte pertinentes sur le plan de l’équité pour lesquelles des données ventilées sur les résultats étaient disponibles afin d’évaluer l’incidence de l’intervention sur les femmes (et leurs enfants, le cas échéant)Note de bas de page 25. Il n’y avait aucune restriction quant aux types d’intervention ou aux résultats étudiés, pourvu que le logement était l’un de ces résultats. Les recherches ont été effectuées en employant des mots-clés en anglais, mais les articles ont été récupérés indépendamment de la langue de publication. Seuls les articles provenant de pays à revenu élevé (au sens de la Banque mondiale) ont été retenus, afin d’assurer que notre étude demeurerait pertinente au contexte canadien. L’examen du texte intégral a été effectué de manière indépendante, et 20 % d’une sélection aléatoire d’études exclues a été corroborée par un second évaluateur. Toutes les divergences ayant émergé au cours des deux phases de sélection ont été résolues par des discussions ou par le recours à un troisième évaluateur.

Figure 2. Stratégie de recherche pour l’examen systématique des interventions fondées sur des données probantes et des pratiques exemplaires pour le soutien des femmes en situation ou à risque d’itinérance

Figure 2. Stratégie de recherche pour l’examen systématique des interventions fondées sur des données probantes et des pratiques exemplaires pour le soutien des femmes en situation ou à risque d’itinérance

Description textuelle : Figure 2

Figure 2. Stratégie de recherche pour l’examen systématique des interventions fondées sur des données probantes et des pratiques exemplaires pour le soutien des femmes en situation ou à risque d’itinérance

Base de données : Ovid MEDLINE <de 1946 à aujourd’hui avec des mises à jour quotidiennes>; Ovid MEDLINE Epub avant publication <28 mars 2018>; Ovid MEDLINE citations en cours et autres citations non indexées<28 mars 2018>

Date de la recherche : 29 mars 2018

  1. 1     exp women/
  2. (female$ or woman$ or women$)
  3. or/1-2
  4. vulnerable populations/
  5. poverty areas/
  6. ((deprived or destitute? or impoverished or imprisoned or incarcerated or low income or marginalised or marginalized or needy or poverty or prisoner? or vulnerably) adj5 (female? or woman$ or women$)).
  7. homeless persons/
  8. homeless$
  9. (temporar$ adj2 (accommodat$ or home? or hous$))
  10. ((based or housed or residen$ or temporar$) adj2 shelter?)
  11. or/4-10
  12. meta analysis.
  13. review.pt.
  14. (medline or pubmed or searched)
  15. or/12-14
  16. 3 and 11 and 15
  17. animals/ not (humans/ and animals/)
  18. 16 not 17
  19. remove duplicates from 18

Nous avons consulté manuellement les références de tous les articles sélectionnés pour l’examen en texte intégral dans le but de relever d’autres mentions de sources pertinentes. Nous avons comparé ces références à nos résultats de recherche originaux et nous avons également passé en revue toutes les autres mentions de sources potentiellement pertinentes. De plus, nous avons utilisé la Carte des données probantes et des lacunes publiée par CampbellNote de bas de page 26 et une recherche ciblant la littérature grise disponible sur le site Internet du gouvernement du CanadaNote de bas de page 27 afin de trouver d’autres études à inclure comportant des données désagrégées sur les femmes. Enfin, nous avons consulté des spécialistes du domaine pour nous assurer de l’inclusion de toute étude pertinente issue de la littérature grise.

Synthèse des données avec analyse fondée sur le genre et l’équité

Après examen des titres et des résumés puis des textes intégraux, nous avons utilisé un formulaire d’extraction des données normalisé pour extraire systématiquement les données des études sélectionnées (conception de l’étude, population cible, intervention, groupe témoin, résultats). En raison de l’hétérogénéité des sous-types de population étudiés (femmes vivant en situation d’itinérance dans les refuges ou celles faisant partie de la population générale), des nombreux types d’interventions analysés et de la large gamme des résultats mesurés, les données se sont révélées insuffisantes pour effectuer une méta-analyse et construire un graphique en forêt. Nous avons donc utilisé une synthèse qualitative (narrative) pour décrire les résultats. Deux examinateurs indépendants ont extrait les thèmes émergents en codant les données des formulaires d’extraction de données. Nous avons résolu toute différence d’interprétation grâce à des discussions puis nous avons compilé et synthétisé les thèmes sous forme narrative.

Nous avons effectué une analyse comparative entre les sexes en utilisant l’Échelle d’évaluation tenant compte du sexe et du genre dans la recherche en santé des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC)Note de bas de page 28. Les études ont ainsi été évaluées sur une échelle de 0 à 3 :

  • Aucune prise en compte du genre : Ne tient pas compte du fait que les hommes et les femmes peuvent être touchés de manière différente (note = 0);
  • Sensibilité au genre : Reconnaît les différences entre les sexes sans les inclure dans la conception de l’étude (note = 1);
  • Spécificité liée au genre : Reconnaît les différences entre les sexes et les inclut dans la conception de l’étude (note = 2);
  • Transformation axée sur le genre : S’attaque aux facteurs d’inégalités liés au sexe (note = 3).

Nous avons effectué une analyse de l’équité plus détaillée en vérifiant si les études intégraient des considérations plus générales relatives à l’équité en santé à l’aide du cadre PROGRESS Plus (P : lieu de résidence, R : race/origine ethnique/culture/langue, O : profession, G : genre/sexe, R : religion, E : études, S : statut socioéconomique, S : capital social et autres facteurs contextuels)Note de bas de page 25 et nous avons en outre réfléchi à la façon dont la mise en œuvre généralisée des interventions étudiées pourrait être à même de réduire les inégalités en santé dans la pratique ou au contraire mener involontairement à leur approfondissement (par exemple, un meilleur soutien pour les femmes qui vivent dans les refuges, mais qui délaisse davantage les femmes de la population générale qui sont en situation d’itinérance cachée).

Résultats

Parmi les 4 102 études recensées (2 367 par recherche systématique, 51 par analyse des références et 1 684 dans la littérature grise), 3 924 ont été exclues au cours de l’examen des titres et des résumés, et 165 autres après l’examen du texte intégral. Au total, 13 articles ont été inclus dans notre analyse finale, soit 4 revues systématiquesNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32 et 9 essais randomisésNote de bas de page 33Note de bas de page 34Note de bas de page 35Note de bas de page 36Note de bas de page 37Note de bas de page 38Note de bas de page 39Note de bas de page 40Note de bas de page 41, menés aux États-Unis (n = 8), aux Pays-Bas (n = 2), au Royaume-Uni (n = 1), en Australie (n = 1) et au Canada (n = 1) (figure 3). Chacun de ces articles a rempli les exigences des quatre critères principaux de cette revue et est fondé sur les données probantes de la plus haute qualité (c.-à-d. des revues systématiques et des essais cliniques randomisés) qui sont pertinentes au contexte canadien (c.-à-d. que les données ont été collectées dans un pays à revenu élevé), évalue l’impact des interventions sur le logement et permet une analyse fondée sur le genre (c.-à-d. que la recherche était centrée sur les femmes ou contenait les données ventilées sur les participantes).

Figure 3. Organigramme PRISMA des études identifiées par une recherche systématique des différentes sources de données probantes, et n’incluant que les données probantes de la plus haute qualité pertinentes au contexte canadien qui permettaient une analyse fondée sur le genre et portant sur des interventions démontrant un impact sur le logement

Figure 3. Organigramme PRISMA des études identifiées par une recherche systématique des différentes sources de données probantes, et n’incluant que les données probantes de la plus haute qualité pertinentes au contexte canadien qui permettaient une analyse fondée sur le genre et portant sur des interventions démontrant un impact sur le logement

Description textuelle : Figure 3

Figure 3. Organigramme PRISMA des études identifiées par une recherche systématique des différentes sources de données probantes, et n’incluant que les données probantes de la plus haute qualité pertinentes au contexte canadien qui permettaient une analyse fondée sur le genre et portant sur des interventions démontrant un impact sur le logement

La figure 3 est un organigramme PRISMA qui montre que 2367 articles ont été identifiés grâce à une recherche dans la base de données, 51 autres articles ont été identifiés grâce à l'analyse des références et 1684 articles ont été identifiés dans la littérature grise. Au total, 4102 études recensées ont été sélectionnés selon le titre / résumé, dont 3924 titres / résumés ont été exclusFootnote a. Cela a laissé 178 articles à évaluer pour admissibilité, 165 articles en texte intégral ont été exclusFootnote a, laissant au total 13 études qui ont été incluses.

Analyse des études incluses fondée sur le sexe et l’équité

Sur les 13 études incluses (tableau 1), 9 étudesNote de bas de page 29Note de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 37Note de bas de page 38Note de bas de page 39Note de bas de page 40Note de bas de page 41 ont été considérées comme spécifiques en matière de genre car elles reconnaissaient les besoins ou les tendances liés au genre et intégraient des considérations relatives au sexe dans la conception de l’étude. Les quatre autresNote de bas de page 30Note de bas de page 34Note de bas de page 35Note de bas de page 36 ont été classées comme sensibles au genre parce qu’elles faisaient état de différences entre les sexes mais n’avaient pas intégré ces différences dans la conception de l’étude.

Tableau 1. Analyse fondée sur le sexeNote de bas de page a et l’équitéNote de bas de page b des études incluses dans l’examen de la portée des interventions fondées sur des données probantes et des pratiques exemplaires pour les femmes en situation ou à risque d’itinérance
Article Analyse comparative entre les sexes Analyse de l’équité (les mots-clés entre guillemets sont des traductions des termes anglais)
Revue systématique 1.
Jonker et al.Note de bas de page 29
Spécificité liée au genre (les participants étaient des femmes victimes de VPINote de bas de page d âgées de plus de 18 ans, recrutées dans les refuges)

Lieu de résidence = « refuge »

Genre = « femmes »

Revue systématique 2.
Speirs et al.Note de bas de page 30
Sensibilité au genre (les participants comprenaient plus de 50 % de femmes âgées de 15 à 60 ans)

Lieu de résidence = « sans‑abri »

Origine ethnique = « 53 % étaient d’origine afro-américaine »Note de bas de page d

Genre = « femmes et hommes »

Revue systématique 3.
Rivas et al.Note de bas de page 31
Spécificité liée au genre (les participants étaient des femmes âgées de 15 ans et plus victimes de VPINote de bas de page c)

Lieu de résidence = bon nombre « vivent avec la personne violente ou sont encore intimement liées à elle au moment de l’inclusion dans l’étude »

Origine ethnique = « Blancs, Afro-Américaines et Latino-Américaines »Note de bas de page d, une étude de cette revue systématique comportait « principalement des Chinoises »

Genre = « femmes »

Études = « peu ont fait des études universitaires »

Statut socioéconomique = « la plupart des femmes ont de faibles revenus »

Revue systématique 4.
Wathen et MacMillanNote de bas de page 32
Spécificité liée au genre (les participants étaient des femmes quittant le refuge après y avoir séjourné au moins une nuit; des couples mariés faisant partie de la marine américaine dont les maris en service actif avaient des antécédents d’agression physique avérée sur leurs partenaires féminines)

Lieu de résidence = « refuge » pendant au moins une nuit

Origine ethnique = une étude a porté sur « un échantillon de femmes principalement hispaniques, enceintes et victimes de violence physique »

Genre = « femmes »

Plus = axée sur la VPINote de bas de page c, qui, dans cette étude, a été « définie comme une violence physique et psychologique infligée contre les femmes par leurs partenaires masculins, incluant la violence sexuelle et la violence pendant la grossesse »

Essai clinique randomisé 1.
Constantino et al.Note de bas de page 33
Spécificité liée au genre (les participantes étaient des personnes qui se rendaient pour la première fois dans un refuge pour femmes victimes de violence familiale en Pennsylvanie occidentale)

Lieu de résidence = « refuge pour victimes de violence familiale »

Origine ethnique = « la plupart des femmes étaient blanches, non hispaniquesNote de bas de page d et les autres étaient Afro-Américaines »

Profession = la moitié était au chômage

Études = « La plupart des femmes ont terminé leurs études secondaires et trois ont un diplôme universitaire »

Statut socioéconomique = les trois quarts avaient un revenu annuel inférieur à 20 000 USD

Genre = « femmes »

Essai clinique randomisé 2.
Gubits et al.Note de bas de page 34
Sensibilité au genre (les participants étaient 2 822 familles qui se sont inscrites à l’étude Family Options et avaient des caractéristiques « semblables à celles des familles en situation d’itinérance à l’échelle nationale […]. La famille type visée par l’étude était composée d’une femme adulte, d’un âge médian de 29 ans, qui vivait avec un ou deux de ses enfants dans un refuge d’urgence. »)

Lieu de résidence = « La plupart des familles de l’étude (79 %) n’étaient pas en situation d’itinérance immédiatement avant d’entrer dans le refuge d’où elles ont été recrutées pour participer à l’étude. […] Bon nombre d’entre elles ont déclaré avoir de mauvais antécédents de location (26 % ont été expulsées) ou n’avoir jamais signé de bail (35 %). »

Profession = « La plupart des chefs de famille ne travaillaient pas au moment de l’affectation aléatoire (83 %) et plus de la moitié n’avaient pas travaillé contre rémunération au cours des six derniers mois. »

Statut socioéconomique = « Le revenu annuel médian des ménages de toutes les familles de l’étude au départ était de 7 410 $ ».

Genre = Différents types de familles dans cette étude, incluant des familles monoparentales dirigées par une femme.

Plus = « 21 % ont fait état d’une incapacité empêchant ou limitant le travail »

Essai clinique randomisé 3.
McHugo et al.Note de bas de page 35
Sensibilité au genre (les participants étaient des adultes atteints d’une « maladie mentale grave actuellement en situation d’itinérance ou à risque élevé d’itinérance »)

Lieu de résidence = « Les participants ont été recrutés dans des centres communautaires de santé mentale, des hôpitaux, des refuges pour sans-abri, des banques alimentaires, des centres d’accueil, des maisons de crise et des hôtels. […] 85,1 % étaient en situation d’itinérance. […] Le nombre moyen de mois d’itinérance au cours de leur vie était de 51,7, et leur âge moyen au moment de leur premier épisode d’itinérance était de 28,9 ans (écart-type = 10,9). »

Origine ethnique = « La plupart des participants étaient afro-américains (82,6 %) ».

Profession = « chômeur (90,1 %) »

Sexe = « plus de la moitié des membres du groupe de l’étude étaient des femmes (52,1 %) »

Plus = « 72,7 % du groupe d’étude souffrait de troubles du spectre de la schizophrénie et 27,3 % de troubles de l’humeur »

Essai clinique randomisé 4.
Milby et al.Note de bas de page 36
Sensibilité au genre (les participants étaient des « sans-abri de Birmingham, en Alabama, une région où coexistent une dépendance à la cocaïne et des troubles mentaux non psychotiques […] Nous avons examiné le lien entre le sexe et les résultats en matière de logement, d’emploi et d’abstinence. Nous n’avons trouvé aucune donnée probante indiquant que le sexe avait un effet modificateur ou confusionnel. »)

Lieu de résidence = « aucune résidence fixe pour la nuit, y compris des refuges ou d’autres logements temporaires, ou personne à risque imminent d’itinérance »

Origine ethnique = la plupart des participants étaient des « Afro-américains »

Profession = « emploi à temps plein le plus long »

Sexe = environ un quart étaient des femmes

Plus = « dépendance à la cocaïne »; « ancien combattant »

Essai clinique randomisé 5.
Nyamathi et al.Note de bas de page 37
Spécificité liée au genre (les participants étaient des « femmes afro-américaines, hispaniquesNote de bas de page d et anglophonesNote de bas de page d en situation d’itinérance et leurs partenaires intimes vivant dans le centre-ville de Los Angeles. […] Les hommes et les femmes ont tous deux affiché une amélioration similaire en ce qui concerne les résultats. »)

Lieu de résidence = « sans-abri […] défini comme une personne ayant passé la nuit précédente dans un refuge, un hôtel, un motel, ou le domicile d’un parent ou d’un ami et n’ayant pas de certitude sur son lieu de résidence pour les 60 jours à venir ou ayant déclaré ne pas avoir de domicile ou de maison où loger »

Origine ethnique = afro-américaine, hispanique/latinoNote de bas de page d, anglo-américaineNote de bas de page d, autre

Profession = chômage

Genre = « La grande majorité des partenaires intimes étaient des hommes (94 %); toutefois, 7 % des partenaires étaient des femmes »

Études = années de scolarité

Plus = antécédents de toxicomanie au cours de la vie; séropositif

Essai clinique randomisé 6.
Nyamathi, Leake et al.Note de bas de page 38
Spécificité liée au genre (les participants étaient « 858 femmes résidant dans 10 refuges pour sans-abri ou 11 programmes de désintoxication »)

Lieu de résidence = « femme en situation d’itinérance définie comme une personne ayant passé la nuit précédente dans un refuge, un hôtel, un motel, ou le domicile d’un parent ou d’un ami et n’ayant pas de certitude sur son lieu de résidence pour les 60 jours à venir ou ayant déclaré ne pas avoir de domicile ou de maison où loger »

Origine ethnique = « les candidates admissibles devaient être afro-américaines ou latinos »

Profession = « les femmes étaient principalement célibataires, afro-américaines et sans emploi »

Plus = « antécédents récents de toxicomanie, séropositifs »

Essai clinique randomisé 7.
Nyamathi, Flaskerud et al.Note de bas de page 39
Spécificité liée au genre (les participants étaient « 241 femmes itinérantes et toxicomanes et leurs partenaires sexuels »)

Lieu de résidence = « résidaient dans l’un des 11 refuges pour sans-abri ou des 9 programmes résidentiels de désintoxication »

Origine ethnique = « toutes les femmes sauf deux étaient afro-américaines ou latinos »

Profession = « la grande majorité des femmes étaient sans emploi et avaient des enfants »

Genre = femmes et leurs partenaires sexuels

Religion = « protestant (75 %) »

Études = « le nombre d’années de scolarité variait de 3 à 17 ans »

Plus = « toxicomane, partenaire sexuel d’un toxicomane, prostituée ou sans-abri et logé dans un refuge »

Essai clinique randomisé 8.
Lako et al.Note de bas de page 40
Spécificité liée au genre (les participants étaient des femmes « admissibles si elles : 1) étaient âgées de ≥ 18 ans; 2) étaient restées au refuge en raison de VPINote de bas de page c ou de violence liée à l’honneur [violence commise dans le but de rétablir ou de prévenir la violation de l’honneur familial]; 3) étaient restées au refuge pendant six semaines; 4) avaient une date de départ du refuge ou avaient obtenu un statut prioritaire pour un logement social; (5) déménageaient dans un logement sans supervision quotidienne ou soutien où elles auraient à payer le loyer ou les frais de logement »)

Lieu de résidence = refuge

Origine ethnique = « la proportion de femmes qui parlent le néerlandais et dont les besoins en matière de soins ne sont pas satisfaits est passée de 88 % à 57 %, tandis que la proportion de femmes qui ne parlent pas le néerlandais et dont les besoins en matière de soins ne sont pas satisfaits est passée de 100 % à 90 % »

Genre = femmes

Études = faible, moyen, élevé

Plus = « besoins en matière de soins non satisfaits »

Essai clinique randomisé 9.
Samuels et al.Note de bas de page 41
Spécificité liée au genre (les participants étaient des « ménages monoparentaux dirigés par une femme qui entrent dans des refuges pour sans-abri familiaux »)

Lieu de résidence = « refuge »

Origine ethnique = « la plupart des mères en situation d’itinérance (85 %) se sont définies comme étant afro-américainesNote de bas de page d, latino-américaines ou appartenant à une autre minorité ethnique »

Profession = « la plupart (85 %) étaient actuellement sans emploi »

Études = « près des deux cinquièmes des mères n’avaient pas de diplôme d’études secondaires »

Statut socioéconomique = « revenu mensuel » de 680 à 810 USD

Plus = « Plus d’une mère sur cinq a déclaré avoir été en famille d’accueil pendant son enfance ou avoir eu un lien avec le placement en famille d’accueil »

En matière d’équité au sens plus large (pas simplement en lien avec le genre), les études incluses traitaient du lieu de résidence (du moins dans la mesure où la détermination d’interventions fondées sur des données probantes pour les femmes en situation d’itinérance était le principal objectif de cet examen et que les études ne traitant pas de logement en tant que telle avaient donc été exclues). La plupart des études incluses portaient ainsi sur les femmes en refuge d’urgence (hébergées temporairement dans des refuges pour victimes de violence familiale ou des refuges pour sans-abri avec famille), car elles sont plus faciles à repérer et à recruter pour la rechercheNote de bas de page 29Note de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 34Note de bas de page 40Note de bas de page 41. Très peu d’études portaient entièrement ou en partie sur l’ensemble de la collectivité et incluaient des femmes en situation ou à risque d’itinérance cachée (par exemple en logement précaire en raison d’une exposition à la violence familiale)Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32. En matière d’origine ethnique et de langue, de nombreuses étudesNote de bas de page 30Note de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 34Note de bas de page 35Note de bas de page 36Note de bas de page 37Note de bas de page 38Note de bas de page 39Note de bas de page 40Note de bas de page 41 ont précisé l’origine ethnique de la population étudiée, en particulier les femmes de communautés racisées à faible revenu, mais n’ont ni ventilé ni présenté les résultats précis pour les populations de minoritésNote de bas de page 29Note de bas de page 32Note de bas de page 34. Les trois études de Nyamathi et de ses collaborateursNote de bas de page 37Note de bas de page 38Note de bas de page 39 portaient sur des femmes d’origine afro-américaine et latino-américaine aux États-Unis ayant reçu un diagnostic de VIH. Lako et ses collaborateursNote de bas de page 40 ont formulé des recommandations pour les immigrantes en situation d’itinérance qui doivent faire face à des obstacles spécifiques dans l’accès aux services de santé et aux services sociaux. Un examen systématiqueNote de bas de page 31 a conclu qu’il faut poursuivre les travaux de recherche afin de déterminer de quelle manière les interventions de défense des intérêts peuvent être adaptées aux différents groupes ethniques et aux femmes victimes de violence qui vivent dans des collectivités rurales ou dans des milieux où les ressources sont rares. On dispose de peu d’information supplémentaire dans la plupart des études sur le niveau de scolarité des femmes, leur profession, leur statut socioéconomique ou d’autres facteurs comme une incapacité physique ou un trouble cognitif, une maladie mentale grave, un trouble de consommation de substances, les expériences négatives au cours de l’enfance ou un placement antérieur en famille d’accueil. Même lorsque ces facteurs d’équité ont été mentionnés, ils n’étaient que rarement intégrés à l’analyse de l’étude visant à déterminer s’ils influençaient les résultats.

Rôle des facteurs liés au sexe dans l’itinérance chez les femmes : violence, pauvreté et problèmes de garde d’enfants

Huit des 13 étudesNote de bas de page 29Note de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 36Note de bas de page 38Note de bas de page 40Note de bas de page 41 ont mentionné qu’une prévalence élevée de violence entre partenaires intimes était un facteur d’itinérance spécifique au sexe. La population cible des interventions dans cinq des étudesNote de bas de page 29Note de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 40 était des femmes victimes de violence exercée par leur partenaire intime. Les mauvais traitements donnent lieu à des problèmes de santé plus graves et à des coûts plus élevés en matière de soins de santé pour les femmesNote de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33. Une étudeNote de bas de page 32 a mis l’accent sur l’importance d’intervenir auprès des auteurs de violence et pas simplement auprès des victimes, et sur la nécessité d’approfondir les recherches sur l’efficacité des deux approches.

Le manque d’accès des femmes à diverses ressources (revenu, éducation ou soutien social, etc.) et le manque de contrôle sur ces ressources ont également été mentionnés dans six étudesNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 33Note de bas de page 38Note de bas de page 40Note de bas de page 41 comme un facteur fondamental conduisant les femmes à l’itinérance. Une étudeNote de bas de page 29 a souligné que le fait de combiner le soutien social à un meilleur accès aux ressources, menant à une plus grande autonomie financière chez les femmes, a amélioré leur capacité à sortir d’une relation de violence. Une autre étudeNote de bas de page 41 a révélé que le fait de montrer aux mères qu’elles peuvent accéder à des prestations gouvernementales et des programmes d’emploi pour réduire la pauvreté et offrir des possibilités permettait de mieux gérer le traumatisme associé à l’itinérance. Il a été prouvé que la dépendance financière des femmes à l’égard de leurs agresseurs est un obstacle qui les empêche de quitter une situation de violenceNote de bas de page 33.

Le manque d’accès à des services de garde constitue un autre élément associé aux ressources qui touche de façon disproportionnée les femmes en situation d’itinérance. Les familles qui se retrouvent en situation d’itinérance sont majoritairement dirigées par des femmesNote de bas de page 34Note de bas de page 41. Une étude a révélé que le manque de services de garde augmentait le risque d’itinérance chez les femmesNote de bas de page 36. Trois études ont indiqué que l’absence de services de garde constituait un obstacle à l’accès aux rendez-vous pour des services médicaux ou sociauxNote de bas de page 30Note de bas de page 33 ou une cause potentielle de perte lors du suiviNote de bas de page 31. Samuels et ses collaborateurs ont souligné le stress supplémentaire associé au fait de devenir sans-abri avec des enfantsNote de bas de page 41, tandis que Speirs et ses collaborateurs ont signalé que les femmes en situation d’itinérance ont besoin d’un endroit sûr pour elles et leurs enfantsNote de bas de page 30.

Interventions fondées sur des données probantes et pratiques exemplaires pour soutenir les femmes en situation d’itinérance

Plusieurs interventions ont été examinées dans le cadre des études de recherche primaires et secondaires sélectionnées, que ce soit en matière de soutien social, de défense des intérêts et de gestion de cas ou d’aide au logement fixe (tableau 2).

Tableau 2. Aperçu de la recherche sur les interventions visant à soutenir les femmes en situation ou à risque d’itinérance
Populations étudiées
  • Femmes en situation d’itinérance qui vivent dans un refuge d’urgence
    (centre d’accueil pour les victimes de violence familiale ou centre d’accueil pour les familles en situation d’itinérance)
  • Femmes sans domicile fixe dans la collectivité
    (itinérantes cachées, ou « couch surfers », qui dorment temporairement chez des amis ou de la famille)
  • Femmes à risque d’itinérance
    (femmes enceintes qui subissent une escalade de la violence, femmes à risque  d’expulsion)
Interventions
  • Interventions en matière de soutien social, de défense des intérêts et de gestion de cas
    • Interventions dans les refuges et après le passage en refuge
      • interventions en temps critique, consultation de groupe, résolution de problèmes, gestion du stress, développement des compétences parentales, gestion de cas, défense des intérêts après le passage en refuge, etc.
    • Interventions communautaires de soins primaires
      • éducation structurée, communautés thérapeutiques, interventions brèves en matière de défense des intérêts, etc.
  • Interventions de soutien pour un logement fixe
    • Interventions familiales en temps critique avec logement ordinaire
    • Logement supervisé fixe avec gestion de cas intégrée ou logement parallèle
    • Subventions importante pour un logement fixe (p. ex. bons d’aide au logement pour les locataires)
Résultats mesurés
  • Accès aux ressources en matière de soins de santé et de soutien sur le plan social
  • Accès à des logements fixes abordables et de qualité
  • Santé mentale/physique des femmes (dépression, détresse psychosociale, toxicomanie, etc.)
  • Sécurité personnelle (exposition continue à la violence, taux de récidive)
  • Estime de soi, liens sociaux et autonomie de la personne
  • Intégrité familiale (séparation des enfants, placement en famille d’accueil)
  • Stabilité scolaire de l’enfant (ou des enfants), résultats scolaires, santé et bien-être de l’enfant

Interventions en matière de soutien social, de défense des intérêts et de gestion de cas

Quatre examens systématiques et trois essais randomisés ont fourni des données probantes sur les interventions en matière de soutien social, de défense des intérêts et de gestion de cas qui ont permis d’améliorer considérablement la santé mentale, l’appartenance sociale, le temps nécessaire au relogement et l’utilisation des services de santé chez les femmes en situation d’itinéranceNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 40Note de bas de page 41. Le plus souvent, ces interventions ont été effectuées par le personnel de soutien des refuges pour victimes de violence familiale, ces refuges constituant un important type de soutien temporaire au logement et sont utilisés comme plateforme pour effectuer de nombreuses autres interventions.

Femmes en refuge d’urgence vivant une situation d’itinérance

De nombreux types d’interventions en matière de soutien social, de défense des intérêts et de gestion de cas ont été étudiés pour les femmes vivant dans des refuges d’urgence. Ainsi, Constantino et ses collaborateursNote de bas de page 33 ont évalué un programme de huit semaines comprenant des séances hebdomadaires de 90 minutes offertes par une infirmière diplômée se rendant dans les refuges afin de donner aux victimes de violence familiale des conseils sur la façon d’accéder aux ressources locales et de promouvoir leur estime d’elles-mêmes. Comparativement au groupe témoin, les femmes ayant suivi ce programme ont considérablement amélioré leur perception des disponibilités en ressources de soutien et ont vu leurs symptômes de détresse psychologique réduits.

Les interventions en temps critique (ITC) sont des approches fondées sur les forces visant à élargir les réseaux sociaux et à assurer la continuité des soins pendant les périodes de transition difficiles dans la vie des individus (comme quitter un refuge pour victimes de violence familiale et emménager dans un nouveau domicile). Les gestionnaires de cas offrent un soutien pratique et émotionnel de une à trois heures par semaine pendant plusieurs mois (par exemple pour aider à meubler l’appartement, pour offrir une écoute active ou pour orienter la cliente vers des ressources de soutien). Ce type de soutien réduit les symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT) ainsi que les besoins en soins de santé non satisfaits, en particulier chez les populations en situation minoritaire qui ne parlent pas la langue localeNote de bas de page 40.

Une méta-analyse réalisée par Jonker et ses collaborateursNote de bas de page 29 a examiné diverses interventions de soutien social individuel et en groupe offert aux femmes en situation d’itinérance qui vivent dans un refuge d’urgence après une escalade de violence entre partenaires intimes, notamment les consultations de groupe, les formations sur les capacités d’adaptation, les techniques de résolution de problèmes, la musicothérapie, les techniques cognitivo-comportementales, le développement des compétences parentales, la gestion du stress et de brefs services de défense des intérêts en séance individuelle. Les auteurs ont constaté que ces interventions de soutien social, tant pendant le séjour en refuge qu’après celui-ci, permettaient aux femmes d’améliorer efficacement leurs résultats en matière de santé mentale, de réduire la violence subie et d’améliorer également leurs résultats sur le plan social.

L’examen systématique effectué par Wathen et MacMillan a également révélé que chez les femmes qui avaient passé au moins une nuit dans un refuge, « des données acceptables indiquaient que celles qui ont pu profiter d’un programme spécifique de services de défense des intérêts et de counseling ont mentionné un plus faible taux de récidive de violence et une meilleure qualité de vie »Note de bas de page 32, p.589 [traduction libre]. Les services de défense des intérêts offerts aux femmes après leur passage en refuge exigent qu’elles consacrent de quatre et six heures chaque semaine, pendant dix semaines, à élaborer des plans de sécurité (au besoin) et à accéder aux ressources locales en matière de logement, d’emploi et de soutien social. Rivas et ses collaborateurs ont spécifiquement examiné les interventions en matière de défense des intérêts et ont également constaté que ce type d’intervention intensive auprès de femmes en refuge pour victimes de violence familiale a permis d’améliorer la qualité de vie et de réduire la violence physique pendant un à deux ans après l’interventionNote de bas de page 31.

Femmes vivant dans la collectivité en situation d’itinérance cachée ou à risque d’itinérance

Speirs et ses collaborateursNote de bas de page 30 ont effectué un examen systématique des interventions efficaces utilisables par les infirmières communautaires pour aider les femmes en situation d’itinérance au sein de la population (itinérance cachée ou risque d’itinérance). Ils ont constaté que les interventions de soutien social, comme les séances structurées de formation et de soutien (avec ou sans défenseur ou personne offrant du soutien) et les communautés thérapeutiques, permettaient de réduire la détresse psychologique et le recours aux soins de santé, d’améliorer l’estime de soi et de réduire la consommation de drogues et d’alcool (comme formes d’adaptation inappropriées).

Wathen et MacMillanNote de bas de page 32 ont également tenté de répertorier les interventions fondées sur des données probantes susceptibles d’être utilisées dans les milieux de soins primaires pour réduire la violence entre partenaires intimes, et par conséquent de protéger les femmes à risque d’itinérance contre l’escalade de la violence. Ils n’ont toutefois pas trouvé suffisamment de données probantes aptes à dépister systématiquement la violence exercée par un partenaire intime chez toutes les femmes en contexte de soins primaires, et ce, alors que la recherche de cas ciblés demeure importante pour les femmes qui présentent des problèmes liés à la violence afin de les orienter vers un spécialiste et de leur offrir du soutien.

Rivas et ses collaborateursNote de bas de page 31 ont constaté, selon des données acceptables, que de brefs services de défense des intérêts pouvaient apporter de petits avantages à court terme en matière de santé mentale et réduire la violence, tout particulièrement chez les femmes enceintes, dans la mesure où la violence exercée par le partenaire intime est susceptible d’augmenter pendant la grossesse, ce qui, en retour, peut entraîner une hausse du risque d’itinérance et d’autres conséquences néfastes.

Interventions en matière d’aide pour obtenir un logement fixe

Quatre essais randomisés ont examiné les interventions en matière d’aide pour obtenir un logement fixe qui ont permis d’améliorer la stabilité résidentielle et qui ont eu une incidence positive sur la santé mentale, la qualité de vie et les résultats en matière de toxicomanieNote de bas de page 34Note de bas de page 35Note de bas de page 36Note de bas de page 41.

Les interventions familiales en temps critique (IFTC) font appel à des gestionnaires de cas qui aident les mères d’enfants âgés de plus de neuf mois à établir et à maintenir des liens efficaces avec les ressources locales et à accéder aux services pertinents pour elles (en particulier aux services en matière de santé mentale, de garde d’enfants et d’emploi). Grâce à l’aide obtenue pour remplir les demandes de prestations, les femmes peuvent graduellement repérer les sources stables de soutien et de logement dans leur collectivité et effectuer une transition vers ceux-ciNote de bas de page 41. Plusieurs mères en situation d’itinérance qui ont eu accès à des ITFC et à des logements répartis en différents lieux ont ainsi pu quitter le refuge et obtenir un logement stable beaucoup plus rapidement : les trois quarts d’entre elles ont obtenu un logement dans les 100 jours, comparativement à 300 jours ou plus pour les familles ayant reçu les services habituelsNote de bas de page 41. Tous les refuges, ceux exigeant l’abstinence comme les autres, ont observé une augmentation du nombre de jours pendant lesquels les femmes ont été logées, ont travaillé et ont été abstinentes, et les refuges exigeant l’abstinence ont réussi à réduire un peu plus l’incidence de la toxicomanieNote de bas de page 36.

McHugo et ses collaborateursNote de bas de page 35 ont comparé les logements fixes avec services de soutien et services intégrés de gestion de cas (« logement intégré ») et les logements fixes ordinaires avec services de gestion de cas fournis en parallèle (« logement parallèle ») et ils ont constaté que les deux types d’interventions favorisaient une augmentation de la stabilité résidentielle et une réduction de l’itinérance fonctionnelle, du temps passé en milieu institutionnel et de l’exposition à la violence interpersonnelle, en particulier chez les femmes bénéficiant des services de logement intégré. Les auteurs font remarquer que « la constatation la plus surprenante dans cette étude est l’émergence du genre comme variable modératrice »Note de bas de page 35, p.979 [traduction libre]. Ainsi, les propriétaires de logements se sont révélés plus susceptibles de considérer les hommes comme potentiellement menaçants, alors que les femmes « étaient souvent perçues comme des victimes et se voyaient accorder des décisions plus clémentes concernant leur logement »Note de bas de page 35, p.979 [traduction libre]. Parmi les participants au volet avec logement parallèle, les femmes ont ainsi passé plus de temps dans un logement stable et affiché une plus grande satisfaction globale à l’égard de la vie que leurs homologues masculins.

L’étude Family Options a engagé des familles ayant passé au moins sept jours dans un refuge pour famillesNote de bas de page 34. Plus des deux tiers des familles inscrites étaient des familles monoparentales en situation d’itinérance dirigées par une femme. Les familles ont été réparties aléatoirement en deux groupes, celles qui bénéficieraient de l’une des trois interventions et celles incluses dans un groupe témoin bénéficiant des soins habituels, à savoir que les familles doivent trouver leur propre logement sans avoir accès à des interventions précises ou à un soutien supplémentaire. L’accès prioritaire à des subventions importantes pour un logement fixe a constitué l’intervention la plus efficace. Ces subventions pour un logement fixe se présentent souvent sous la forme d’une aide continue au logement et incluent des bons d’aide au logement pour les locataires, ce qui permet aux familles de louer l’appartement de leur choix sur le marché du logement privé mais de ne verser qu’un maximum de 30 % de leur revenu mensuel rajusté pour celui-ci, le reste du montant étant couvert par la subvention. Ces subventions étaient parfois accompagnées d’aide à la recherche d’un logement au départ, mais elles se sont révélées très efficaces même non accompagnées services de soutien supplémentaires. Chez les familles qui ont eu accès à des subventions pour un logement fixe sous forme de bons pour le paiement du loyer, on a pu observer, comparativement à celles qui ont reçu les soins habituels, des réductions notoires de l’itinérance, de l’instabilité résidentielle, du recours à un refuge d’urgence jusqu’à 18 mois après l’intervention, de l’insécurité alimentaire, de l’exposition à la violence et de la détresse psychosocialeNote de bas de page 34. Ces familles ont également vécu un plus petit nombre de séparations des enfants et de placements de ces derniers en famille d’accueil, tout comme d’importantes améliorations en matière de stabilité scolaire et de nombreuses autres dimensions du bien-être chez les adultes et les enfants.

À l’opposé, pour les autres familles, celles ayant bénéficié comme interventions d’un relogement communautaire rapide avec aide locative temporaire renouvelable pendant un maximum de 18 mois ou un logement temporaire pour un maximum de 24 mois dans des bâtiments contrôlés par des agences offrant des services de soutien, ces types d’intervention n’ont eu que très peu d’influence sur l’incidence de la violence subie par un partenaire intime, de la situation d’itinérance, de la stabilité résidentielle ou du taux de préservation de la famille. En outre, ces interventions, pourtant presque aussi coûteuses que les subventions pour un logement fixe, se sont révélées nettement moins efficaces sur de multiples aspects et n’ont eu qu’une valeur ajoutée marginale par rapport à la fourniture de soins habituelsNote de bas de page 34.

Analyse

Cet examen de la portée avec analyse fondée sur le sexe et l’équité a permis de cerner différentes interventions fondées sur des données probantes et pratiques exemplairesNote de bas de page 42 aptes à surmonter les obstacles liés au sexe à l’origine de l’itinérance chez les femmes, notamment l’exposition à la violence familiale et le manque d’autonomie financière. Ces interventions sont le soutien social, la défense des intérêts et la gestion des cas (par exemple services de défense des intérêts après le passage en refuge, communautés thérapeutiques, consultation en groupe, interventions en temps critique) ainsi qu’une aide financière pour un logement fixe (en particulier une aide au logement locatif pour les locataires), avec ou sans gestion de cas.

Les interventions pour lesquelles il existe des données probantes cohérentes et solides sur l’ensemble des études sont les services de défense des intérêts après le passage en refuge, les subventions pour un logement fixe et la gestion de cas. Pour les femmes qui se retrouvent en situation d’itinérance en raison d’une violence subie par un partenaire intime, l’accès aux services de défense des intérêts après le passage en refuge a entraîné un plus faible taux de récidive de la violence, un meilleur accès aux ressources et une meilleure qualité de vieNote de bas de page 32. Il a aussi été démontré que les subventions pour un logement fixe (comme les bons d’aide au logement pour les locataires) destinées aux femmes qui ont des enfants et ont passé au moins sept jours dans un refuge pour famille ont permis de réduire l’instabilité résidentielle, l’insécurité alimentaire, l’exposition à la violence et la détresse psychosociale et ont en outre amélioré grandement la stabilité scolaire et le bien-être des enfantsNote de bas de page 34. L’ajout de la gestion de cas, notamment les IFTC, a aidé les femmes à sortir des refuges et à accéder à un logement stable plus rapidementNote de bas de page 41, tout en réduisant l’exposition à la violence subie par un partenaire intime, à l’itinérance et au temps passé en institutionNote de bas de page 35.

La pertinence de ces interventions est confirmée par l’examen des données probantes effectué par le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifsNote de bas de page 43, le Guide to Community Preventive ServicesNote de bas de page 44 américain et les nouvelles Lignes directrices de pratique clinique pour les personnes sans‑abri, logées précairement ou ayant connu l’itinérance du Journal de l’Association médicale canadienneNote de bas de page 19.

Le soutien offert doit non seulement être fondé sur des données probantes mais doit également tenir compte des traumatismes vécusNote de bas de page 45. Les femmes en situation ou à risque d’itinérance subissent de nombreuses pertes traumatisantes, en particulier la perte d’un lieu sûr où vivre, des perturbations au travail et l’instabilité qui en découle pour la familleNote de bas de page 46. Les femmes devraient donc prendre part aux décisions qui les touchent et être habilités à choisir les types d’interventions qui leur conviennent, à elles et à leur situation particulière, afin de disposer d’une plus grande marge de manœuvre lorsque vient le moment de déterminer leur avenir et celui de leur familleNote de bas de page 47.

Points forts et limites

L’un des principaux points forts de cette étude est l’inclusion d’une analyse fondée sur le sexe et l’équité, qui a permis de mieux comprendre les différents parcours qui conduisent les femmes à l’itinérance ainsi que les différentes approches conçues pour soutenir celles déjà en situation d’itinérance ou à risque de l’être, particulièrement dans des cas de violence subie par un partenaire intime et de pauvreté.

L’une des limites de cette étude est liée au fait qu’une grande partie des données probantes disponibles porte sur des femmes en situation d’itinérance qui vivent dans un refuge d’urgence (refuge pour victimes de violence familiale ou refuge pour familles en situation d’itinérance), ce qui signifie qu’on dispose de très peu de données pour orienter les décisions en matière d’intervention communautaire et toucher la proportion nettement plus importante de femmes itinérantes cachées ou à risque d’itinérance. Les données probantes sont également très hétérogènes. Des études différentes ont examiné des sous-populations différentes, des types d’interventions variés (souvent des interventions complexes à composantes multiples) et des mesures des résultats disparates, ce qui rend également très difficile la réalisation d’une synthèse quantitative (de type méta-analyse) permettant de déterminer l’efficacité et l’ampleur de l’effet de chaque intervention effectuée. De plus, même si la stratégie de recherche reposait sur les termes « wom*n »[femme(s)] et « female » [féminine], nous sommes conscients que certaines données spécifiques à certaines sous-populations de femmes, par exemple les femmes trans, ont pu ne pas avoir été adéquatement cernées et abordées dans cette recherche.

Conséquences en matière de politiques et de pratiques

Bien que les femmes vivant au Canada aient un niveau de scolarité élevé, le Canada se situe bien en deçà des autres pays à revenu élevé en matière de participation économique des femmes, d’indice de rémunération et d’émancipation politiqueNote de bas de page 48. De plus, chaque année, au Canada, 96 000 personnes, des femmes en majorité, déclarent à la police avoir été victimes de violence de la part de leur partenaire intimeNote de bas de page 49. Il est notoire que ce chiffre n’est qu’une grossière sous-estimation du nombre réel de femmes victimes de violence interpersonnelle, ce qui, combiné au manque d’autonomie financière, constitue un facteur important d’exposition à un risque d’itinérance. Si les refuges offrent un logement temporaire en temps de crise, ces expériences sont très perturbatrices. Les femmes et les enfants ont plutôt besoin d’un logement sûr, abordable et fixe doté de ressources et de soutiens sociaux adéquats pour surmonter les défis liés à la dynamique familiale et à l’exposition à la violence ou, à tout le moins, d’une stratégie de sortie leur permettant de reconstruire leur vie sans avoir besoin de s’abriter dans des refuges, lesquels demeurent souvent un « dernier recours ».

Conclusion

Pendant la pandémie de COVID-19, il est devenu plus urgent que jamais de répondre aux besoins des femmes en situation ou à risque d’itinérance, alors que les familles sont obligées de demeurer à la maison dans un espace restreint, que les écoles et les garderies sont fermées pendant de longues périodes et que le taux de violence familiale a augmenté partout dans le mondeNote de bas de page 50. Les femmes ont subi près des trois quarts des pertes d’emploi au Canada pendant la première vague de COVID-19. La pandémie a aussi mis en relief le fort pourcentage de femmes qui travaillent dans le secteur des services de garde et des soins aux aînés, des secteurs souvent sous-financés qui englobent une grande part de travail informel et non rémunéré, et ce, même s’ils sont essentiels au fonctionnement de notre économie et de notre sociétéNote de bas de page 51.

Même avant la COVID, les femmes ayant des enfants, en particulier les mères monoparentales, gagnaient moins que les femmes sans enfantNote de bas de page 52. Les interventions favorisant l’émancipation économique des femmes et les réformes juridiques sont au cœur des approches visant à prévenir la violence entre partenaires intimesNote de bas de page 53, ce qui en retour peut prévenir l’itinérance. Il est temps d’imaginer un Canada post-COVID où l’on mettrait fin à l’itinérance des femmes et des enfants en investissant davantage dans la promotion de l’équité entre les sexesNote de bas de page 51. Cela est susceptible d’exiger un certain nombre de changements structurels, notamment la formalisation du travail en soins en lui attribuant une échelle salariale et des avantages sociaux, la transformation des normes sexuelles, l’amélioration de l’accès aux services de garde, l’assurance de l’équité salariale, la création de possibilités de congé parental et de conciliation travail-vie privée, l’assurance d’une protection de l’emploi pour les personnes handicapées et divers autres politiques et programmes favorisant l’équité.

Pour créer des environnements sociaux plus favorables à la santé tout au long de la vie, il faut aider les familles à renforcer les liens entre adultes et entre adultes et enfants et favoriser les compétences socio‑émotionnelles pour les familles par l’entremise de rencontres prénatales et de programmes de visites à domicile par des infirmières, ainsi que dans les services de garde et les écoles, afin d’augmenter la stabilité familiale et de réduire la violence entre partenaires intimes et les expériences négatives vécues pendant l’enfance, qui sont souvent des précurseurs de l’itinérance.

Puisque le nombre de femmes et d’enfants dans des refuges ne représente que la partie émergée de l’iceberg, une démarche populationnelle peut améliorer les résultats pour un bien plus grand nombre de femmes et leurs enfants, avant que cela devienne une situation de criseNote de bas de page 54. Il faut donc déployer davantage d’efforts pour prendre la mesure de la partie de l’iceberg « sous la surface », celle de la violence entre partenaires intimes et de l’itinérance cachée chez les femmes, afin de mieux comprendre l’ampleur réelle de cette situation et ses causes précises, afin de mieux soutenir les femmes vivant cette expérience et afin de prévenir l’itinérance.

Remerciements

Ce rapport a été financé, en partie, par l’Agence de la santé publique du Canada. Les auteurs aimeraient également remercier Kaitlin Schwan et Arlene Hache de leur avoir donné la permission de reproduire la figure 1.

Conflits d’intérêts

Aucun conflit d’intérêts n’est déclaré par les auteurs.

Contribution et déclaration des auteurs

Tous les auteurs ont joué un rôle dans la conception de l’étude. SM, CM et OM ont dirigé l’extraction et l’analyse initiale des données. AA a rédigé la version finale du manuscrit. Tous les auteurs ont ensuite examiné et approuvé la version définitive pour publication.

Les auteurs assument la responsabilité du contenu de l’article et des points de vue qui y sont exprimés, ces derniers ne reflétant pas nécessairement ceux du gouvernement du Canada.

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