Recherche quantitative originale – Adopter une perspective axée sur le genre pour comprendre les changements autodéclarés dans la consommation d’alcool et de cannabis pendant la deuxième vague de la pandémie de COVID-19 au Canada, septembre à décembre 2020

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Kate Hill MacEachern, Ph. D.; Jeya Venugopal, M.P.H.; Mélanie Varin, M. Sc.; Murray Weeks, Ph. D.; Nousin Hussain, M.P.H.; Melissa M. Baker, Ph. D.

https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.11.03f
(Publié le 27 septembre 2021)

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs

Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario), Canada

Correspondance

Kate Hill MacEachern, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario) K1A 0K9; Tél. : 343-553-7514; courriel : katy.hillmaceachern@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Hill MacEachern K, Venugopal J, Varin M, Weeks M, Hussain N, Baker MM. Adopter une perspective axée sur le genre pour comprendre les changements autodéclarés dans la consommation d’alcool et de cannabis pendant la deuxième vague de la pandémie de COVID-19 au Canada, septembre à décembre 2020. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2021. https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.11.03f

Résumé

Introduction. On a fait état d’une augmentation de la consommation d’alcool et de cannabis, ainsi que des méfaits qui en découlent depuis le début la pandémie de COVID‑19. Les données disponibles montrent que la consommation de substances psychoactives et les dommages qui y sont associés diffèrent selon le genre. Pourtant, aucune étude canadienne n’a adopté de perspective axée sur le genre relativement à la consommation d’alcool et de cannabis pendant cette période. Nos objectifs étaient 1) de fournir des estimations de la prévalence selon le genre d’une consommation autodéclarée accrue d’alcool et de cannabis et 2) d’analyser les associations stratifiées selon le genre entre les variables sociodémographiques et de santé mentale et la consommation d’alcool et de cannabis.

Méthodologie. À l’aide des données de l’enquête sur la COVID‑19 et la santé mentale, nous avons calculé des estimations de prévalence représentatives à l’échelle nationale, spécifique à chaque genre, et les avons ventilées par variables sociodémographiques et de santé mentale. Quatre modèles de régression logistique ont été utilisés pour évaluer la probabilité d’une consommation autodéclarée accrue d’alcool et de cannabis.

Résultats. La prévalence d’une consommation autodéclarée accrue d’alcool (16,2 % chez les femmes, 15,2 % chez les hommes) et de cannabis (4,9 % chez les femmes, 5,8 % chez les hommes) ne diffère pas selon le genre. Pour les deux genres, le revenu, l’appartenance à un groupe dit « racialisé », le fait d’avoir travaillé au cours de la semaine précédente, le fait d’être parent ou tuteur légal d’un enfant de moins de 18 ans et le fait d’avoir reçu un résultat positif au dépistage de la dépression et de l’anxiété sont associés à une consommation accrue d’alcool. Les hommes et les femmes âgés de 18 à 44 ans ou ayant obtenu un résultat positif au dépistage de la dépression étaient plus susceptibles de déclarer une consommation accrue de cannabis. Chez les femmes, le niveau d’éducation est significativement associé à une consommation accrue d’alcool. Chez les hommes, le fait d’être parent ou tuteur légal est associé de manière significative à une probabilité moindre d’augmentation de la consommation de cannabis.

Conclusion. Lors de la deuxième vague de la pandémie, les facteurs sociodémographiques ainsi que la dépression et l’anxiété ont été associés de manière similaire à une augmentation de la consommation d’alcool et de cannabis, tant chez les hommes que chez les femmes.

Mots-clés : consommation de substances, alcool, cannabis, genre, santé mentale, anxiété, dépression

Points saillants

  • Entre septembre et décembre 2020, 16,2 % des femmes et 15,2 % des hommes ont déclaré avoir augmenté leur consommation d’alcool. Au cours de la même période, 4,9 % des femmes et 5,8 % des hommes ont déclaré avoir augmenté leur consommation de cannabis.
  • Dans l’ensemble, les facteurs associés à la consommation d’alcool et de cannabis dans les modèles de régression stratifiés par genre étaient similaires.
  • Chez les femmes, des niveaux de scolarité plus élevés étaient significativement associés à une consommation accrue d’alcool.
  • Les hommes qui étaient parents ou tuteurs légaux étaient significativement moins susceptibles d’avoir déclaré une consommation accrue de cannabis.
  • Chez les hommes comme chez les femmes, le dépistage des symptômes de la dépression était significativement associé à une probabilité plus élevée de consommation accrue d’alcool et de cannabis.

Introduction

La pandémie de COVID‑19 a entraîné des changements sans précédent dans la vie quotidienne à travers le monde. Entre le premier cas de COVID‑19 détecté en janvier 2020 et mai 2021, le Canada a signalé plus de 1,3 million de cas et plus de 25 000 décèsNote de bas de page 1. Des données probantes indiquent que la pandémie actuelle a une incidence négative sur la population, certains Canadiens signalant une détérioration de leur santé mentaleNote de bas de page 2, des défis économiques et une augmentation des comportements de consommation de substancesNote de bas de page 3. La consommation de substances réglementées, comme le cannabis et l’alcool, a augmenté au cours de la première et de la deuxième vague de la pandémieNote de bas de page 3. Ces augmentations pourraient mener à des habitudes de consommation à risque ou à des méfaits liés aux substancesNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6. Afin d’élaborer des politiques, des programmes et des stratégies de réduction des risques efficaces, il est nécessaire de comprendre les facteurs sociodémographiques susceptibles de contribuer aux changements de consommation d’alcool et de cannabis. Il convient notamment d’adopter une perspective axée sur le genre vis-à-vis des changements autodéclarés dans la consommation d’alcool et de cannabis pendant la deuxième vague de la pandémie de COVID‑19 au Canada (de septembre à décembre 2020).

Les conséquences de la COVID‑19 sur la santé mentale au Canada sont de plus en plus claires. Les résultats récents d’une série de sondages pondérés à l’échelle nationale ont montré que la prévalence de l’anxiété et de la dépression était à son plus haut niveau en février 2021, comparée à celle de la première vague de collecte de données qui coïncidait avec le début de la pandémie au CanadaNote de bas de page 7. Selon Recherche en santé mentale Canada, la proportion de Canadiens ayant déclaré être très anxieux était quatre fois plus élevée en février 2021 qu’avant la pandémieNote de bas de page 7. De plus, la proportion de participants ayant fait état de niveaux élevés de dépression en février 2021 était 13 % plus élevée qu’avant la pandémie (17 % contre 4 %)Note de bas de page 7. Les données de ce sondage représentatif à l’échelle nationale ont montré que la proportion de participants ayant fait état d’un niveau élevé d’anxiété était semblable dans toutes les provinces, mais qu’elle était plus élevée chez les femmes (31 % comparativement à 19 % chez les hommes)Note de bas de page 7.

Des données laissent penser que certains se tournent vers la consommation de substances comme stratégie d’adaptation à la pandémieNote de bas de page 8Note de bas de page 9. Par exemple, l’Association canadienne pour la santé mentale a rapporté que 17 % des participants à une enquête représentative à l’échelle nationale avaient augmenté leur consommation de substances pour s’adapter à la pandémie au CanadaNote de bas de page 3. En cohérence avec ces résultats, quelques études canadiennes ont révélé une augmentation de la consommation d’alcool et de cannabis au cours des première et deuxième vagues de COVID‑19Note de bas de page 3Note de bas de page 10Note de bas de page 11. De manière générale, d’après les données canadiennes disponibles pour avril 2020 à mars 2021, la prévalence de l’augmentation de la consommation d’alcool se situe entre 18 % et 32 % et celle de l’augmentation de la consommation de cannabis entre 6 % et 34 %Note de bas de page 3Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. La variabilité des estimations est probablement due aux caractéristiques de l’échantillon, les estimations les plus faibles étant fondées sur un échantillon d’enquête complet et les estimations les plus élevées étant fondées sur un sous-ensemble de participants ayant déclaré consommer de l’alcool et du cannabis. Dans l’ensemble, les données indiquent une augmentation de la consommation d’alcool et de cannabis chez certains adultes canadiens.

Très peu d’études ont fait état de différences entre les genres en matière de consommation d’alcool et de cannabis pendant la pandémie, et aucune étude canadienne n’a fourni d’estimations représentatives de la consommation par genre à l’échelle nationale. D’après les données canadiennes recueillies avant la pandémie de COVID‑19, plus d’hommes que de femmes ont déclaré consommer du cannabisNote de bas de page 13 et de l’alcoolNote de bas de page 14Note de bas de page 15. De plus, au Canada, les taux d’hospitalisations et de décès liés à l’alcool et au cannabis étaient plus élevés chez les hommes que chez les femmes, ce qui révèle un fardeau plus lourd pour les hommesNote de bas de page 16.

Cependant, des études ont montré que la consommation d’alcoolNote de bas de page 14 et de cannabisNote de bas de page 17 est en hausse chez les femmes au Canada. Dans le même ordre d’idées, une analyse des tendances des visites aux services d’urgence de l’Ontario de 2003 à 2016 a révélé que les hospitalisations attribuables à l’alcool ont augmenté chez les femmes à un taux ajusté selon l’âge qui s’est révélé 1,63 fois supérieur à celui des hommesNote de bas de page 18. De plus, selon un rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé, de 2001 à 2017, les décès attribuables à l’alcool ont augmenté de 26 % chez les femmes, comparativement à une augmentation de 5 % chez les hommesNote de bas de page 16. Compte tenu de ces tendances, ainsi que de l’augmentation de la consommation d’alcool et de cannabis pendant la pandémie, il est important de comprendre les comportements de consommation en fonction du genre afin d’éclairer les stratégies de réduction des risques.

L’objectif de cette étude consistait à offrir des estimations de prévalence stratifiées par genre en matière de changements autodéclarés dans la consommation d’alcool et de cannabis selon divers facteurs sociodémographiques et consistait également à évaluer les associations stratifiées selon le genre entre facteurs sociodémographiques et changements autodéclarés dans la consommation d’alcool et de cannabis.

Méthodologie

Conception de l’étude et taille de l’échantillon

Les données ont été obtenues à partir de l’Enquête sur la COVID‑19 et la santé mentale (ECSM). Il s’agit d’une enquête transversale, représentative à l’échelle nationale, à réponse rapide, menée par Statistique Canada dans le but d’évaluer les répercussions de la COVID‑19 sur la santé mentale et le mieux-être de la population canadienne. Cette enquête a été menée entre le 11 septembre et le 4 décembre 2020 auprès de 30 000 foyers dans les 10 provinces et dans les capitales des trois territoires du Canada, ce qui a permis de constituer un échantillon de 14 689 participants âgés de 18 ans et plus. Au sein de l’échantillon initial, 84 % des répondants ont accepté de partager leurs données avec l’Agence de la santé publique du Canada, ce qui a permis d’obtenir un échantillon final de 12 344 participants pour nos analyses. Ont été exclues de l’enquête les personnes vivant dans des réserves ou d’autres établissements autochtones, les membres à temps plein des Forces armées canadiennes et les personnes vivant en institution. D’autres renseignements sur l’ECSM sont disponibles sur le site Internet de Statistique CanadaNote de bas de page 19.

Mesures

Variables sociodémographiques

Les caractéristiques sociodémographiques qui ont été sélectionnées sont le genre, l’âge, le niveau de scolarité, le quintile de revenu total du ménage, le fait d’avoir travaillé au cours de la semaine précédente, le fait d’être parent ou tuteur légal d’un ou de plusieurs enfants de moins de 18 ans et celui d’appartenir à une minorité visible (oui/non). L’ECSM a utilisé le terme « minorité visible » pour désigner les répondants autres que les Autochtones qui ne sont pas d’origine caucasienne ni d’origine ethnique blanche. Pour les besoins de cet article, nous nommerons cette variable « membre d’un groupe dit "racialisé"» (oui/non). Notez que l’enquête a recueilli le genre et non le sexe assigné à la naissance. Le genre est une construction sociale et fait référence aux caractéristiques, comportements et rôles qu’une société a attribués aux femmes et aux hommesNote de bas de page 20. Les participants devaient répondre à la question « Quel est votre genre? » et choisir entre « homme », « femme » ou « autre identité de genre ». Cette dernière catégorie formait 0,2 % de l’échantillon, ce qui limitait la possibilité d’obtenir des estimations fiables pour ce groupe. Par conséquent, cette catégorie n’a pas été incluse dans les analyses.

Variables relatives à la santé mentale

Afin de réaliser nos analyses, des variables dichotomiques de seuil ont été utilisées pour les symptômes de trouble d’anxiété généralisée (TAG) modéré à sévère et de trouble dépressif majeur (TDM). Pour le TAG, les participants ont été classés positifs au dépistage avec un score de 10 ou plus sur l’échelle du trouble d’anxiété généralisée (GAD-7)Note de bas de page 21. Pour le TDM, les participants ont été classés positifs au dépistage avec un score de 10 ou plus au Questionnaire sur la santé du patient à 9 questions (PHQ-9)Note de bas de page 22.

Changements autodéclarés dans la consommation de substances

Pour obtenir une mesure des changements dans la consommation de substances, on a posé les questions suivantes aux participants : « Comment votre consommation d’alcool a-t-elle changé comparativement à avant la pandémie de COVID‑19? » et « Comment votre consommation de cannabis a-t-elle changé comparativement à avant la pandémie de COVID‑19? ». Les options de réponse des participants étaient les suivantes : « Augmentation », « Diminution » et « Aucun changement ». La diminution autodéclarée de consommation et l’absence de changement ont été regroupées pour créer une variable dichotomique pour les changements dans la consommation de substances, les deux groupes étant l’augmentation et la diminution ou absence de changement. Les réponses codées comme « non déclaré » ont été traitées comme manquantes et ces participants ont été exclus des analyses (n = 43).

Analyses statistiques

Les répondants ayant déclaré n’avoir jamais consommé de cannabis ont été regroupés dans la catégorie « Aucun changement ». Des analyses de sensibilité pour les changements autodéclarés dans la consommation de cannabis ont été effectuées pour voir si les tendances des variables désagrégées et des associations dans les modèles de régression logistique étaient différentes entre l’échantillon entier, qui comprenait des personnes n’ayant jamais consommé de cannabis (n = 8 843) et un sous-échantillon, qui comprenait uniquement des personnes ayant consommé du cannabis au cours de leur vie (n = 3 487). Les analyses de sensibilité ont révélé que les tendances des variables désagrégées et des associations dans les modèles logistiques étaient similaires entre l’échantillon entier et le sous-échantillon. On peut par conséquent considérer que nos estimations rendent compte des changements autodéclarés dans la consommation d’alcool et de cannabis pendant la pandémie de COVID‑19 pour l’ensemble de la population canadienne, qui inclut des individus n’ayant jamais consommé de cannabis et ne consommant pas d’alcool.

L’ensemble des données a été stratifié par genre pour toutes les analyses (nfemmes = 7 063; nhommes = 5 255). Pour obtenir des estimations de prévalence spécifiques à chaque genre, les données ont été ventilées par variables sociodémographiques et de santé mentale. Toutes les estimations de prévalence ont été pondérées à l’aide des poids d’échantillonnage de l’enquête fournis par Statistique Canada afin de générer des résultats représentatifs à l’échelle nationale. Des analyses de régression logistique spécifiques à chaque genre ont été menées pour obtenir des estimations des associations entre les variables sociodémographiques et l’augmentation autodéclarée de la consommation d’alcool et de cannabis. Pour les modèles de régression, le revenu total du ménage a été traité comme une variable continue pour faciliter l’interprétation. Au total, nous avons utilisé quatre modèles de régression logistique. La variance a été estimée par la méthode bootstrap et la version 7.1 du logiciel SAS Enterprise Guide (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, États-Unis).

Résultats

Les caractéristiques des échantillons sont présentées dans le tableau 1. Tant pour les hommes que pour les femmes, le quintile de revenu total du ménage est réparti de manière égale. La majorité des hommes et des femmes avaient entre 25 et 64 ans (68,8 % des femmes, 67,9 % des hommes), étaient titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires (69,3 % des femmes, 68,3 % des hommes) et avaient travaillé au cours de la semaine précédente (54,8 % des femmes, 61,7 % des hommes). En outre, la majorité des répondants ne se déclaraient pas comme appartenant à un groupe dit « racialisé » (77,7 % des femmes, 73,6 % des hommes) et n’étaient pas parents ou tuteurs légaux d’un enfant de moins de 18 ans (71,9 % des femmes, 72,9 % des hommes). Enfin, la plupart des répondants de notre échantillon d’étude n’avaient pas présenté de symptômes modérés à graves de TAG (83,8 % des femmes, 90,1 % des hommes) ou de TDM (82,5 % des femmes, 87,4 % des hommes).

Dans l’ensemble, 16,2 % des femmes et 15,2 % des hommes au Canada ont déclaré une consommation accrue d’alcool depuis le début de la pandémie de COVID‑19. De plus, 4,9 % des femmes et 5,8 % des hommes ont déclaré une consommation accrue de cannabis. Au sein du sous-échantillon de personnes ayant déjà consommé du cannabis dans leur vie, 20,1 % des hommes et 20,3 % des femmes ont déclaré une consommation accrue de cannabis depuis le début de la pandémie de COVID‑19.

Tableau 1. Caractéristiques sociodémographiques des participants à l’enquête ayant déclaré des changements dans leur consommation d’alcool et de cannabis pendant la pandémie de COVID-19, par genreNote de bas de page a
Variable Caractéristiques de l’échantillon
Femmes Hommes
Pourcentage IC à 95 % Pourcentage IC à 95 %
Membre d’un groupe dit « racialisé »
Oui 22,27 20,67 à 23,87 26,36 24,61 à 28,11
Non 77,73 76,13 à 79,33 73,64 71,89 à 75,39
Groupe d’âge (ans)
18 à 24 7,85 6,68 à 9,03 11,10 9,68 à 12,52
25 à 44 36,19 35,01 à 37,37 34,71 33,31 à 36,12
45 à 64 32,56 32,50 à 32,61 33,17 33,06 à 33,28
65 et plus 23,40 23,35 à 23,46 21,01 20,93 à 21,10
Niveau de scolarité
Sans diplôme d’études secondaires 7,74 6,82 à 8,66 7,45 6,41 à 8,49
Diplôme d’études secondaires 23,01 21,39 à 24,62 24,21 22,33 à 26,09
Diplôme d’études postsecondaires 69,25 67,53 à 70,98 68,34 66,42 à 70,26
Quintile de revenu total du ménage
Q1 22,08 20,65 à 23,51 20,05 18,41 à 21,69
Q2 20,33 18,85 à 21,81 20,03 18,50 à 21,56
Q3 22,74 21,09 à 24,38 22,10 20,35 à 23,85
Q4 17,62 16,08 à 19,16 18,97 17,29 à 20,65
Q5 17,23 15,69 à 18,76 18,85 17,19 à 20,52
A travaillé la semaine précédente
Oui 54,75 53,13 à 56,37 61,71 59,90 à 63,51
Non 45,25 43,63 à 46,87 38,29 36,49 à 40,10
Parent ou tuteur légal d’un enfant de moins de 18 ans
Oui 28,14 26,82 à 29,46 27,12 25,64 à 28,59
Non 71,86 70,54 à 73,18 72,88 71,41 à 74,36
Symptômes de TAG
Oui 16,20 14,80 à 17,59 9,92 8,65 à 11,20
Non 83,80 82,41 à 85,20 90,08 88,80 à 91,35
Symptômes de TDM
Oui 17,51 16,02 à 19,00 12,61 11,23 à 14,00
Non 82,49 81,00 à 83,98 87,39 86,00 à 88,78

Source des données : Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale de 2020.
Abréviations : IC, intervalles de confiance, TAG, trouble d’anxiété généralisé, TDM, trouble dépressif majeur; Q, quintile.

Note de bas de page a

Les analyses ont été effectuées au sein d’un même genre et non entre les genres.

Retour à la référence de la note de bas de page a

Estimations de la prévalence stratifiée par genre

Les estimations stratifiées par genre de l’augmentation de la consommation d’alcool sont présentées dans le tableau 2. Pour les deux genres, la prévalence d’une consommation autodéclarée accrue d’alcool était significativement plus élevée chez les membres du groupe dit « non racialisé » (18,5 % des femmes, 17,1 % des hommes) que chez les membres du groupe dit « racialisé » (8,4 % des femmes, 10,2 % des hommes) et plus élevée dans le groupe des 25 à 44 ans (20,8 % des femmes, 19,0 % des hommes) que dans les autres groupes d’âge (7,3 % pour les femmes et 17,2 % pour les hommes). La prévalence d’une consommation autodéclarée accrue d’alcool a augmenté de manière significative à chaque niveau de scolarité pour les femmes (4,1 % à 19,6 %) et au niveau inférieur aux études secondaires pour les hommes (5,8 % à 12,5 %). La prévalence d’une consommation autodéclarée accrue d’alcool augmentait avec le quintile de revenu total du ménage (7,2 % à 27,8 % pour les femmes, 7,9 % à 26,6 % pour les hommes).

En outre, les personnes ayant travaillé au cours de la semaine précédente (20,4 % des femmes, 19,2 % des hommes) et les parents ou tuteurs légaux d’un ou de plusieurs enfants de moins de 18 ans (23,3 % des femmes, 21,7 % des hommes) présentaient une prévalence significativement plus élevée de consommation autodéclarée accrue d’alcool que les personnes qui n’avaient pas travaillé au cours de la semaine précédente (10,8 % des femmes, 8,6 % des hommes) et qui n’étaient pas parents ou tuteurs légaux d’un enfant de moins de 18 ans (13,4 % des femmes, 12,7 % des hommes). Enfin, le pourcentage de consommation autodéclarée accrue d’alcool était environ deux fois plus élevé chez les hommes et les femmes présentant des symptômes de TAG (26,4 % des femmes, 29,8 % des hommes) et de TDM (26,3 % des femmes, 29,5 % des hommes) que chez les personnes ne présentant aucuns symptômes de TAG (14,2 % des femmes, 13,6 % des hommes) et de TDM (13,8 % des femmes, 13,1 % des hommes).

Tableau 2. Estimations de la prévalence des participants à l’enquête ayant déclaré avoir augmenté leur consommation d’alcool pendant la pandémie de COVID-19, par genreNote de bas de page a
Variable Augmentation chez les femmes Augmentation chez les hommes
Pourcentage IC à 95 % Pourcentage IC à 95 %
Total 16,18 14,90 à 17,46 15,19 13,79 à 16,58
Membre d’un groupe dit « racialisé »
Oui 8,40 5,70 à 11,11 10,16 7,35 à 12,96
Non 18,51 17,10 à 19,91 17,05 15,39 à 18,70
Groupe d’âge (ans)
18 à 24 16,76 10,29 à 23,24 11,92 6,61 à 17,24
25 à 44 20,81 18,40 à 23,21 19,03 16,26 à 21,79
45 à 64 17,24 15,09 à 19,39 17,21 14,81 à 19,61
65 et plus 7,28 5,64 à 8,92 7,34 5,38 à 9,30
Niveau de scolarité
Sans diplôme d’études secondaires 4,09 1,88 à 6,29 5,77 3,17 à 8,38
Diplôme d’études secondaires 10,22 7,72 à 12,71 12,54 9,47 à 15,62
Diplôme d’études postsecondaires 19,59 17,95 à 21,22 17,19 15,48 à 18,89
Quintile de revenu total du ménage
Q1 7,22 5,32 à 9,12 7,93 5,69 à 10,17
Q2 14,38 11,67 à 17,09 11,07 8,09 à 14,05
Q3 15,38 12,71 à 18,05 16,41 13,11 à 19,70
Q4 24,71 20,62 à 28,79 17,97 14,71 à 21,23
Q5 27,80 23,60 à 32,00 26,64 22,14 à 31,14
A travaillé la semaine précédente
Oui 20,40 18,47 à 22,32 19,21 17,18 à 21,24
Non 10,85 9,23 à 12,47 8,64 6,93 à 10,35
Parent ou tuteur légal d’un enfant de moins de 18 ans
Oui 23,25 20,50 à 26,00 21,73 18,89 à 24,58
Non 13,41 11,99 à 14,83 12,73 11,11 à 14,35
Symptômes de TAG
Oui 26,42 22,16 à 30,67 29,81 23,78 à 35,84
Non 14,17 12,90 à 15,44 13,58 12,17 à 14,99
Symptômes de TDM
Oui 26,32 22,43 à 30,21 29,46 24,07 à 34,84
Non 13,75 12,47 à 15,02 13,12 11,70 à 14,54

Source des données : Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale de 2020.
Abréviations : IC, intervalles de confiance, TAG, trouble d’anxiété généralisé, TDM, trouble dépressif majeur; Q, quintile.

Note de bas de page a

Les analyses ont été effectuées au sein d’un même genre et non entre les genres.

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Les estimations de prévalence d’une consommation autodéclarée accrue de cannabis stratifiée par genre et ventilée par caractéristiques sociodémographiques et par variables de santé mentale sont présentées dans le tableau 3. Chez les hommes comme chez les femmes, la prévalence d’une consommation autodéclarée accrue de cannabis diminue significativement avec l’âge (12,5 % à 1,1 % pour les femmes, 11,1 % à 0,8 % pour les hommes). Chez les femmes, les estimations n’étaient pas significativement différentes, mais étaient légèrement plus élevées pour les membres du groupe dit « non racialisé » (5,2 %) et les parents ou tuteurs légaux d’un ou plusieurs enfants de moins de 18 ans (5,1 %) par rapport aux membres du groupe dit « racialisé » (4,1 %) et aux femmes qui n’étaient pas parentes ou tutrices légales (4,9 %). Chez les hommes, la prévalence était similaire parmi les membres de groupes dits « racialisés » (6,0 % de membres de groupes dits « racialisés », 5,8 % de membres de groupes dits « non racialisés »), et les hommes qui n’étaient pas parents ou tuteurs légaux (6,3 %) par rapport à ceux qui l’étaient (4,4 %).

Les estimations de prévalence pour le niveau de scolarité, les groupes de quintiles de revenu et le fait d’avoir travaillé au cours de la semaine précédente ou non n’étaient pas significativement différentes pour les hommes et pour les femmes. Toutefois, le pourcentage de consommation autodéclarée accrue de cannabis était près de quatre fois plus élevé chez les hommes et les femmes présentant des symptômes de TAG (12,6 % des femmes, 18,2 % des hommes) et de TDM (14,2 % des femmes, 16,1 % des hommes) que chez les personnes ne présentant aucuns symptômes de TAG (3,5 % des femmes, 4,5 % des hommes) et de TDM (3,0 % des femmes, 4,3 % des hommes).

Tableau 3. Estimations de la prévalence des participants à l’enquête qui ont déclaré avoir augmenté leur consommation de cannabis pendant la pandémie de COVID-19, par genreNote de bas de page a
Variable Augmentation chez les femmes Augmentation chez les hommes
Pourcentage IC à 95 % Pourcentage IC à 95 %
Total 4,94 4,11 à 5,77 5,81 4,78 à 6,84
Membre d’un groupe dit « racialisé »
Oui 4,13 1,98 à 6,28 5,97 3,51 à 8,44
Non 5,16 4,29 à 6,03 5,80 4,69 à 6,90
Groupe d’âge (ans)
18 à 24 12,48 7,03 à 17,94 11,14 5,44 à 16,85
25 à 44 6,92 5,30 à 8,53 9,10 6,98 à 11,23
45 à 64 3,68 2,61 à 4,75 3,74 2,68 à 4,80
65 et plus 1,10 0,45 à 1,75 0,84 0,21 à 1,47
Niveau de scolarité
Sans diplôme d’études secondaires 3,30 0,60 à 6,01 3,95 0,00 à 8,82
Diplôme d’études secondaires 4,33 2,88 à 5,78 5,81 3,56 à 8,06
Diplôme d’études postsecondaires 5,35 4,32 à 6,37 6,03 4,85 à 7,22
Quintile de revenu total du ménage
Q1 3,84 2,39 à 5,28 4,57 2,68 à 6,46
Q2 4,34 2,83 à 5,86 5,62 3,38 à 7,87
Q3 6,91 4,41 à 9,40 5,76 3,53 à 7,99
Q4 6,70 4,31 à 9,09 6,23 4,19 à 8,27
Q5 3,53 2,04 à 5,01 7,37 4,05 à 10,68
A travaillé la semaine précédente
Oui 5,76 4,64 à 6,88 6,68 5,30 à 8,05
Non 3,89 2,68 à 5,09 4,44 2,86 à 6,01
Parent ou tuteur légal d’un enfant de moins de 18 ans
Oui 5,13 3,70 à 6,57 4,36 3,09 à 5,62
Non 4,87 3,87 à 5,87 6,31 4,97 à 7,65
Symptômes de TAG
Oui 12,61 9,52 à 15,69 18,18 12,50 à 23,87
Non 3,49 2,70 à 4,28 4,55 3,56 à 5,54
Symptômes de TDM
Oui 14,20 10,74 à 17,65 16,13 11,64 à 20,61
Non 3,04 2,40 à 3,69 4,28 3,28 à 5,29

Source des données : Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale de 2020.
Abréviations : IC, intervalles de confiance, TAG, trouble d’anxiété généralisé, TDM, trouble dépressif majeur; Q, quintile.

Note de bas de page a

Les analyses ont été effectuées au sein d’un même genre et non entre les genres.

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Régressions logistiques stratifiées par genre

Les rapports de cotes corrigés (RCC) par genre sont présentés dans le tableau 4. Pour les hommes comme pour les femmes, la probabilité d’augmentation autodéclarée de la consommation d’alcool augmente avec le revenu (RCCfemmes = 1,11, IC à 95 % : 1,07 à 1,15, RCChommes = 1,12, 1,06 à 1,17). Pour les deux genres, les membres du groupe dit « non racialisé » (RCCfemmes = 2,95, 1,95 à 4,48, RCChommes = 2,35, 1,62 à 3,40), le fait d’avoir travaillé au cours de la semaine précédente (RCCfemmes = 1,32, 1,01 à 1,72, RCChommes = 1,54, 1,08 à 2,21), le fait d’être parent ou tuteur légal d’un ou plusieurs enfants de moins de 18 ans (RCCfemmes = 1,46, 1,13 à 1,90, RCChommes = 1,38, 1,05 à 1,82), ainsi que le fait d’avoir des symptômes de TDM (RCCfemmes = 1,86, 1,36 à 2,54, RCChommes = 2,35, 1,58 à 3,50) et de TAG (RCCfemmes = 1,65, 1,18 à 2,32, RCChommes = 1,72, 1,14 à 2,61) étaient significativement associés à une probabilité plus élevée de consommation accrue d’alcool. La probabilité d’avoir déclaré une consommation accrue d’alcool était plus de trois fois supérieure chez les femmes ayant suivi des études postsecondaires (RCC = 3,05, 1,47 à 6,32) par rapport aux femmes n’ayant pas terminé leurs études secondaires.

Chez les hommes comme chez les femmes, le fait d’être âgé de 18 à 24 ans (RCCfemmes = 6,22, 2,09 à 18,49, RCChommes = 7,82, 1,67 à 36,69) et de 25 à 44 ans (RCCfemmes = 4,73, 1,87 à 11,93, RCChommes = 11,32, 2,69 à 47,61), et le fait d’avoir des symptômes de TDM (RCCfemmes = 3,30, 1,76 à 6,18, RCChommes = 2,18, 1,20 à 3,95) étaient significativement associés à une probabilité plus élevée d’avoir déclaré une consommation accrue de cannabis. Les femmes de 18 à 24 ans étaient 6,22 fois (2,09 à 18,49) plus susceptibles d’avoir déclaré une consommation accrue de cannabis et les femmes de 45 à 64 ans l’étaient 2,52 fois (1,11 à 5,70). Les hommes qui étaient parents ou tuteurs légaux d’un ou plusieurs enfants de moins de 18 ans étaient moins susceptibles d’avoir déclaré une consommation accrue de cannabis (RCC = 0,42, 0,26 à 0,67). Les hommes présentant des symptômes de TAG étaient plus de deux fois plus susceptibles d’avoir déclaré une consommation accrue de cannabis (RCC = 2,44, 1,32 à 4,54).

Tableau 4. Rapports de cotes corrigés (RCC) des participants à l’enquête qui ont déclaré avoir augmenté leur consommation d’alcool et de cannabis pendant la pandémie de COVID-19, par genreNote de bas de page a
Variable Augmentation de la consommation d’alcool Augmentation de la consommation de cannabis
Femmes
RCC (IC à 95 %)
Hommes
RCC (IC à 95 %)
Femmes
RCC (IC à 95 %)
Hommes
RCC (IC à 95 %)
Membre d’un groupe dit « racialisé »
Oui Réf. Réf. Réf. Réf.
Non 2,95 (1,95 à 4,48) 2,35 (1,62 à 3,40) 1,57 (0,84 à 2,94) 1,48 (0,86 à 2,54)
Groupe d’âge (ans)
18 à 24 1,76 (0,92 à 3,37) 1,34 (0,65 à 2,79) 6,22 (2,09 à 18,49) 7,82 (1,67 à 36,69)
25 à 44 1,28 (0,86 à 1,90) 1,67 (1,05 à 2,66) 4,73 (1,87 à 11,93) 11,32 (2,69 à 47,61)
45 à 64 1,23 (0,86 à 1,76) 1,46 (0,94 à 2,26) 2,52 (1,11 à 5,70) 3,90 (0,97 à 15,71)
65 et plus Réf. Réf. Réf. Réf.
Niveau de scolarité
Sans diplôme d’études secondaires Réf. Réf. Réf. Réf.
Diplôme d’études secondaires 1,60 (0,75 à 3,43) 1,42 (0,73 à 2,79) 1,28 (0,34 à 4,80) 2,59 (0,30 à 22,23)
Études postsecondaires 3,05 (1,47 à 6,32) 1,71 (0,90 à 3,25) 1,99 (0,57 à 6,97) 2,76 (0,32 à 23,55)
Revenu total du ménage (continu) 1,11 (1,07 à 1,15) 1,12 (1,06 à 1,17) 1,00 (0,94 à 1,06) 1,04 (0,97 à 1,11)
A travaillé la semaine précédente
Oui 1,32 (1,01 à 1,72) 1,54 (1,08 à 2,21) 0,97 (0,58 à 1,61) 1,23 (0,71 à 2,11)
Non Réf. Réf. Réf. Réf.
Parent ou tuteur légal d’un enfant de moins de 18 ans
Oui 1,46 (1,13 à 1,90) 1,38 (1,05 à 1,82) 0,76 (0,46 à 1,26) 0,42 (0,26 à 0,67)
Non Réf. Réf. Réf. Réf.
Symptômes de TAG
Oui 1,65 (1,18 à 2,32) 1,72 (1,14 à 2,61) 1,38 (0,71 à 2,68) 2,44 (1,32 à 4,54)
Non Réf. Réf. Réf. Réf.
Symptômes de TDM
Oui 1,86 (1,36 à 2,54) 2,35 (1,58 à 3,50) 3,30 (1,76 à 6,18) 2,18 (1,20 à 3,95)
Non Réf. Réf. Réf. Réf.

Source des données : Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale de 2020.
Abréviations : RCC, rapport de cotes corrigé, IC, intervalles de confiance, TAG, trouble d’anxiété généralisée, TDM, trouble dépressif majeur, Réf., référence.

Note de bas de page a

Pour chaque substance, les analyses ont été effectuées au sein d’un même genre et non entre les genres.

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Analyse

Comme les répercussions de la pandémie de COVID‑19 au Canada vont au-delà de la maladie elle-même, une priorité essentielle consiste à évaluer les effets à court et à long terme des mesures de santé publique liées à la COVID‑19 sur le mieux-être de la population, dont l’une des dimensions est la consommation de substances. Une partie importante de cette stratégie consiste à en comprendre les répercussions pour certains sous-groupes précis de population et à déterminer où des risques disproportionnés de méfaits peuvent survenir. D’après certaines données canadiennes, à la fois les hommes et les femmes subissent des méfaits liés à la consommation de substances depuis le début de la pandémieNote de bas de page 6. Plus précisément, on a constaté une augmentation du nombre d’hospitalisations liées à l’alcool et au cannabis et de décès liés à la consommation de substances (alcool, cannabis et autres substances) chez les hommes et chez les femmes entre mars et septembre 2020 par rapport à la même période en 2019Note de bas de page 6. Compte tenu de cette augmentation des méfaits et de la possibilité de charges de morbidité différentesNote de bas de page 23, il est essentiel de comprendre les habitudes de consommation en fonction du genre pour élaborer des stratégies d’atténuation.

À la fois chez les hommes et chez les femmes, le revenu, l’appartenance à un groupe dit « racialisé », le fait d’avoir travaillé au cours de la semaine précédente, le fait d’être parent ou tuteur légal d’un enfant âgé de moins de 18 ans et le fait d’avoir obtenu un résultat positif au test de dépistage du TDM ou du TAG augmentent la probabilité d’avoir déclaré une consommation accrue d’alcool. En ce qui concerne la consommation autodéclarée accrue de cannabis, le fait d’être âgé de 18 à 44 ans et le fait d’être dépisté positif pour le TDM sont associés à une probabilité accrue pour les hommes et les femmes. De même, nous avons constaté que les parents ou tuteurs légaux d’un ou plusieurs enfants âgés de moins de 18 ans présentaient une prévalence plus élevée de consommation autodéclarée accrue d’alcool par rapport aux autres, tant chez les hommes que chez les femmes.

Nos résultats sont cohérents avec ceux d’une étude représentative à l’échelle nationale menée auprès de 3 000 personnes lors de la première vague de la pandémie au Canada : Gadermann et ses collaborateursNote de bas de page 24 ont constaté que 27,7 % des parents ont déclaré avoir augmenté leur consommation d’alcool en mai 2020, contre 16,1 % des autres. Après ajustement pour divers facteurs, nous avons constaté que le fait d’être parent ou tuteur légal d’enfants de moins de 18 ans était significativement associé à une probabilité plus élevée de déclarer une consommation accrue d’alcool. Les enquêtes à venir devraient évaluer les répercussions élargies de la COVID‑19 (dont la consommation de substances et ses méfaits) sur les parents afin de permettre des stratégies ciblées de réduction des méfaits et adaptées aux divers besoins des familles.

D’autres résultats importants, également en cohérence avec ce qui se dégage de la littérature, ont trait aux associations entre les symptômes d’anxiété et de dépression et l’augmentation de la consommation de substances. Deux études menées au Canada ont montré que le fait de souffrir d’une mauvaise santé mentale pendant la pandémie est lié à une consommation accrue d’alcool et de droguesNote de bas de page 3Note de bas de page 11. De même, nous avons constaté que les adultes canadiens qui avaient obtenu un résultat positif au test de dépistage du TAG, du TDM ou des deux étaient beaucoup plus susceptibles d’avoir déclaré une consommation accrue d’alcool et de cannabis. Ces résultats sont préoccupants et soulignent la nécessité de fournir aux Canadiens un soutien approprié pour faire face aux divers facteurs de stress liés à la pandémie ou aggravés par celle-ci.

De manière générale, les facteurs sociodémographiques sont associés de manière similaire à une consommation accrue d’alcool chez les hommes et chez les femmes. On note toutefois quelques différences notables. Chez les femmes, nous avons constaté que le fait d’avoir fait des études postsecondaires est significativement associé à une autodéclaration de consommation accrue d’alcool. L’éducation et d’autres indices du statut socioéconomique (par exemple le revenu) sont généralement associés à la consommation d’alcoolNote de bas de page 25Note de bas de page 26, or cette association s’est révélée significative uniquement pour les femmes, ce qui était inattendu. C’est peut-être le signe d’une charge accrue pour les femmes pendant la pandémie, qui doivent jongler avec des exigences concurrentes liées à la famille ou à la prestation de soins et au travailNote de bas de page 27.

Chez les hommes, le fait d’être parent ou tuteur légal d’un enfant de moins de 18 ans est associé à une probabilité moindre d’augmentation de la consommation de cannabis. Les recherches futures devraient permettre de déterminer si cela est révélateur de schémas de consommation élargis spécifiques au genre. Par exemple, en 2020, fumer était le mode de consommation de cannabis le plus courant, et la prévalence est restée stable par rapport à 2019 pour les hommes. Cependant, ce mode de consommation a diminué de 64,2 % à 52,5 % chez les femmes qui consommaient du cannabisNote de bas de page 28. Compte tenu du risque d’exposition secondaire chez les enfants du fait que les parents fument du cannabisNote de bas de page 29Note de bas de page 30, les hommes ayant des enfants à la maison sont peut-être moins susceptibles de fumer du cannabis. Les données relatives aux effets néfastes sur la santé des enfants exposés à la fumée secondaire de cannabis et aux comportements susceptibles de modifier les risques chez les parents qui consomment du cannabis sont limitées, et des recherches supplémentaires sont nécessaires. Nos résultats indiquent également que les hommes présentant un dépistage positif pour le TAG sont significativement plus susceptibles d’avoir déclaré une consommation accrue de cannabis. Cette association peut être bidirectionnelle, étant donné que l’utilisation fréquente de produits à base de cannabis à forte puissance (plus fréquente chez les hommes) peut augmenter la probabilité de développer un TAGNote de bas de page 31.

Forces et limites

À notre connaissance, il s’agit de la première étude canadienne à utiliser une perspective axée sur le genre dans l’analyse de d’une consommation autodéclarée accrue d’alcool et de cannabis pendant la pandémie de COVID‑19 au moyen d’une vaste enquête représentative à l’échelle nationale. En outre, nos résultats stratifiés par genre corroborent des recherches antérieures montrant une association entre santé mentale et consommation d’alcool et de cannabis au sein de la population canadienne.

Cependant, ces données présentent des limites. Les changements dans la consommation de substances étaient autodéclarés et le taux de changement n’était pas quantifié, ce qui signifie que tout degré de changement a été traité de la même manière, indépendamment de la manière dont ces changements pouvaient avoir affecté les niveaux absolus de consommation, qui pouvaient ou non correspondre aux directives de consommation de substances à faible risque. Les études à venir auraient besoin d’une évaluation plus nuancée des changements dans les habitudes de consommation de substances, notamment d’un suivi continu des répondants afin d’évaluer l’évolution de leur consommation. De plus, les résultats liés à l’augmentation de la consommation de cannabis pourraient ne pas être uniquement attribuables aux expériences associées à la COVID‑19, étant donné la récente légalisation du cannabis à des fins récréatives et les changements subséquents dans les habitudes de consommation et les attitudes sociétales envers cette consommation. Enfin, on ne peut déduire de relations de causalité des associations observées, étant donné la nature transversale de l’enquête.

Conclusion

Au cours de la deuxième vague de la pandémie de COVID‑19, 16,2 % des femmes et 15,2 % des hommes ont déclaré avoir augmenté leur consommation d’alcool, tandis que 4,9 % des femmes et 5,8 % des hommes ont déclaré avoir augmenté leur consommation de cannabis. Les données laissent penser que les parents ou tuteurs légaux d’enfants de moins de 18 ans et les personnes présentant des symptômes de TAG et de TDM sont sans doute confrontés à des difficultés durant cette période et choisissent, comme mécanisme d’adaptation potentiel, de commencer à consommer de l’alcool et du cannabis ou d’augmenter leur consommation. Bien que les tendances générales dans les augmentations autodéclarées de consommation d’alcool et de cannabis aient été similaires chez les hommes et les femmes, il est nécessaire de mener d’autres enquêtes pour qualifier le degré de changement des habitudes de consommation et augmenter l’échantillonnage au sein de populations diversifiées selon le genre. Ces résultats soulignent le besoin en ressources ciblées et en soutien approprié pour les parents et les soignants, ainsi que la nécessité de mettre l’accent sur les directives relatives à la consommation d’alcool à faible risque et à la consommation de cannabis à faible risque dans le contexte d’une urgence de santé publique.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Lil Tonmyr (Agence de la santé publique du Canada) et Statistique Canada pour leur contribution à la conception de l’Enquête sur la COVID‑19 et la santé mentale. Nous tenons également à remercier le personnel de Statistique Canada et du programme d’accès et coordination des données (PACD) de l’Agence de la santé publique du Canada pour leur aide à la diffusion des données. Nous tenons à remercier toutes les personnes de Statistique Canada qui ont participé à la collecte des données. Enfin, nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont participé à cette enquête.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

KHM a contribué à la conception des travaux, à l’analyse des données, à l’interprétation des données ainsi qu’à la rédaction et à la révision de l’article. JV a contribué à la conception des travaux, à l’analyse des données, à l’interprétation des données ainsi qu’à la rédaction et à la révision de l’article. MV a contribué à la conception, à l’analyse des données, ainsi qu’à la rédaction et à la révision de l’article. MW a contribué à l’interprétation des données et aux révisions de l’article. NH a contribué à l’interprétation des données, ainsi qu’à la rédaction et à la révision de l’article. MMB a contribué à la conception des travaux, à l’interprétation des données et aux révisions de l’article. 

Les auteurs assument la responsabilité du contenu de l’article et des points de vue qui y sont exprimés; ceux-ci ne reflètent pas nécessairement ceux du gouvernement du Canada.

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