Recherche quantitative originale – Catégories de consommation de substances et symptômes d’anxiété et de dépression chez les élèves du secondaire au Canada

Gillian C. Williams, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Karen A. Patte, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Mark A. Ferro, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Scott T. Leatherdale, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.5.02f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Correspondance : Gillian C. Williams, École de santé publique et des systèmes de santé, Université de Waterloo, 200, avenue University Ouest, Waterloo, ON N2L 3G1; courriel : gillian.williams@uwaterloo.ca

Résumé

Introduction. Peu d’études ont évalué les habitudes de consommation de substances chez les adolescents canadiens. Cette étude transversale porte sur les catégories de consommation de substances chez les élèves du secondaire au Canada et leurs associations avec l’anxiété et la dépression.

Méthodologie. Cette étude repose sur des données de l’année 6 (2017-2018) de l’étude COMPASS. Les élèves (n = 51 767) ont fait état de leur consommation de substances (alcool, cannabis, cigarettes et cigarettes électroniques) et de leurs symptômes d’anxiété et de dépression. Nous avons utilisé une analyse par classes latentes pour créer les catégories de consommation de substances et une analyse de régression logistique multinomiale pour examiner la manière dont l’anxiété et la dépression étaient associées à l’appartenance à une catégorie.

Résultats. Dans l’ensemble, 40 % des élèves ont indiqué souffrir d’anxiété ou de dépression (50 % des filles et 29 % des garçons) et 60 % des élèves ont fait état d’une consommation de substances (60 % des filles et 61 % des garçons). Nous avons établi trois catégories de consommation de substances : la polyconsommation, la double consommation et la non-consommation. Les plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de polyconsommation plutôt qu’à la catégorie de non-consommation étaient les filles souffrant à la fois d’anxiété et de dépression (rapport de cote [RC] = 4,09; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 3,59 à 4,65]), suivies des filles souffrant de dépression uniquement (RC = 2,65; IC à 95 % : 2,31 à 3,04) et des garçons souffrant à la fois d’anxiété et de dépression (RC = 2,48; IC à 95 % : 2,19 à 2,80). La symptomatologie a également été associée à l’appartenance à la catégorie de double consommation, sauf pour les garçons souffrant d’anxiété uniquement (RC = 1,13; IC à 95 % : 0,94 à 1,37).

Conclusion. Les élèves du secondaire au Canada s’adonnent à une double consommation et à une polyconsommation de substances, et on a pu associer l’anxiété et la dépression à ces types de consommation. Les filles affichent une prévalence plus élevée d’anxiété et de dépression et devraient, de ce fait, constituer une priorité en matière de programmation en santé mentale.

Mots clés : anxiété, dépression, consommation d’alcool, consommation de cannabis, tabagisme, vapotage, analyses des classes latentes, adolescent

Points saillants

  • 40 % des élèves ont fait état de symptômes d’anxiété ou de dépression et 60 % d’une consommation de substances.
  • Les filles affichaient une prévalence plus élevée d’anxiété ou de dépression (50 % contre 29 %).
  • De manière générale, l’anxiété et la dépression étaient associées à la double consommation et à la polyconsommation de substances.
  • Les filles souffrant à la fois d’anxiété et de dépression étaient les plus susceptibles de relever de la catégorie de polyconsommation de substances.

Introduction

En 2017, 57 % des Canadiens de 15 à 19 ans ont déclaré avoir consommé de l’alcool, 19 % ont déclaré avoir consommé du cannabis, 8 % ont déclaré avoir fumé des cigarettes et 23 % ont déclaré avoir essayé la cigarette électroniqueNote de bas de page 1. Ces comportements sont associés à des résultats défavorables sur le plan mental, physique et scolaireNote de bas de page 2Note de bas de page 3. Des données récentes montrent en particulier que 23 % des élèves canadiens de la 9e à la 12e année consomment plus d’une substance, ce que l’on appelle la polyconsommationNote de bas de page 4.

Alors que la prévalence de la non-consommation de substances est stable chez les élèves du secondaire depuis cinq ans, on observe une augmentation de la polyconsommation chez les adolescents, probablement en raison de l’émergence de la cigarette électroniqueNote de bas de page 5. Un examen systématique récent a rassemblé des données probantes solides sur la présence de plusieurs sous-groupes de consommation de substances chez les adolescents, les catégories les plus communes étant une faible consommation, la consommation d’une ou de deux substances, une polyconsommation générale modérée et une polyconsommation élevéeNote de bas de page 6. Malheureusement, il existe peu de travaux de recherche sur les habitudes de consommation de substances des adolescents canadiens et sur la façon dont l’usage de la cigarette électronique s’inscrit dans ce contexteNote de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9. Cela est préoccupant, car la polyconsommation est associée à des risques plus élevés d’effets néfastes sur la vie sociale et sur la santéNote de bas de page 10Note de bas de page 11.

L’âge a toujours été considéré comme un facteur de risque de polyconsommation de substancesNote de bas de page 6Note de bas de page 12. Le lien entre le sexe et la polyconsommation est quant à lui plus nuancé : la plupart des études ont montré que les garçons sont plus susceptibles d’appartenir à des catégories de consommation plus élevéeNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 9Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18, mais d’autres études ont fait état soit d’aucune différenceNote de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22, soit d’un risque accru pour les filles dans certaines catégories de polyconsommationNote de bas de page 23Note de bas de page 24, soit de classes latentes différentesNote de bas de page 25. Parmi les autres facteurs individuels associés à la polyconsommation, on peut citer un statut socio-économique plus faible, une consommation de substances précoce, peu de liens sociaux et la consommation de substances par les parents et les pairsNote de bas de page 6Note de bas de page 12Note de bas de page 16Note de bas de page 24Note de bas de page 26Note de bas de page 27Note de bas de page 28Note de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 34.

La consommation de substances a également été associée à l’anxiété et à la dépression chez les adolescentsNote de bas de page 35Note de bas de page 36. Il s’agit d’un problème courant chez les adolescents : le tiers des élèves du secondaire en Ontario fait état de symptômes modérés à graves d’anxiété ou de dépressionNote de bas de page 37. En général, les élèves qui font état d’une polyconsommation sont plus souvent en mauvaise santé mentale, et souffrent notamment d’anxiété et de dépressionNote de bas de page 11Note de bas de page 38Note de bas de page 39Note de bas de page 40. Une étude a cependant relevé des effets protecteurs liés au fait d’intérioriser ses problèmes (une mesure de l’anxiété, de la dépression et des symptômes somatiques) sur la polyconsommation chez les adolescentsNote de bas de page 24.

La plupart des travaux portant sur la polyconsommation et une mauvaise santé mentale chez les adolescents ont ciblé la dépression. Toutefois, il existe une prévalence élevée de comorbidité : 25 à 50 % des jeunes souffrant de dépression répondent également aux critères d’un trouble anxieuxNote de bas de page 41. Ces jeunes courent un risque plus élevé que leurs symptômes durent plus longtemps, d’être atteints d’une déficience plus importante, de connaître une récurrence de la maladie et d’avoir recours à des services de santé mentaleNote de bas de page 41. Il est donc important de considérer simultanément la dépression et l’anxiété dans les analyses.

Dans le contexte des connaissances limitées dont on dispose actuellement, nos objectifs étaient de déceler les catégories de consommation de substances présentes chez les élèves canadiens du secondaire et d’analyser leurs associations transversales avec les symptômes d’anxiété et de dépression.

Méthodologie

Conception

L’étude COMPASS est une étude de cohorte prospective qui recueille chaque année au Canada des données auprès des élèves de la 9e à la 12e année en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario, et auprès des élèves du secondaire 1 à 5 au Québec (l’équivalent de la 7e à la 11e année). Les élèves d’un niveau équivalent à la 7e et à la 8e année ou auxquels aucun niveau n’était attribuable ont été classés dans la catégorie « Autres ». Pour examiner les tendances transversales de la consommation de substances, nous avons utilisé pour notre étude les données du questionnaire destiné aux élèves de l’année 6 (A6 : 2017-2018) de l’étude COMPASS soumis à 122 écoles, soit 16 en Colombie-Britannique, 8 en Alberta, 61 en Ontario et 37 au Québec. Les écoles ont été sélectionnées pour l’échantillon en fonction de l’utilisation autorisée de protocoles de consentement passifNote de bas de page 42. La description complète de l’étude COMPASS est disponible en ligne et en version impriméeNote de bas de page 43.

Participants

Au total, 66 434 élèves ont participé à l’année 6 de l’étude COMPASS. Le taux de réponse des élèves était de 81,8 % et la principale raison de non-réponse était l’absence au moment de la collecte des données. Parmi les répondants, 51 767 ont fourni des données complètes (renseignements complets sur les covariables et au moins une mesure portant sur la consommation de substances) et ont été inclus dans l’échantillon final. Aucune différence significative n’a été observée en utilisant les tests du chi carré entre les répondants inclus et les répondants exclus en raison de données manquantes (données disponibles sur demande).

Mesures

Consommation de substances

Les élèves ont été invités à faire part de leur consommation d’alcool (« Au cours des 12 derniers mois, à quelle fréquence as-tu consommé de l’alcool, c’est-à-dire bu plus d’une gorgée? »), de leur consommation de cannabis (« Au cours des 12 derniers mois, combien de fois as-tu consommé de la marijuana ou du cannabis [un joint, du pot, du « weed », du « hash »]?), de leur usage de la cigarette (« As-tu déjà essayé de fumer une cigarette, ne serait-ce que quelques bouffées [« puffs »]? » et « Au cours des 30 derniers jours, combien de jours as-tu fumé au moins une cigarette? ») et de leur usage de la cigarette électronique (« As-tu déjà essayé la cigarette électronique, aussi appelée la e-cigarette? » et « Au cours des 30 derniers jours, combien de jours as-tu utilisé une e-cigarette? »). Il convient de noter que ces mesures ne correspondent pas à une consommation problématique de substances et ne doivent pas être interprétées comme telles.

Anxiété

Nous avons utilisé l’échelle GAD-7 (Generalized Anxiety Disorder 7)Note de bas de page 44 pour évaluer les symptômes d’anxiété généralisée. Le GAD-7 rend compte des sentiments perçus d’inquiétude, de peur et d’irritabilité sur une période de deux semaines. On a demandé aux élèves à quelle fréquence ils étaient gênés par chaque symptôme, avec comme possibilités de réponse « jamais », « plusieurs jours », « plus de la moitié des jours » ou « presque tous les jours ». L’échelle GAD-7 s’est révélée fiable chez les adolescents (α = 0,91)Note de bas de page 45 et, dans l’étude, elle a fourni un coefficient alpha de 0,91 pour les filles et de 0,90 pour les garçons. Lors du dépistage des troubles anxieux, un score de 10 constituant le seuil recommandé pour une évaluation plus approfondie, ce seuil a été choisi pour classer les élèves comme présentant une symptomatologie d’anxiété cliniquement pertinente (« anxiété » dans la suite du texte)Note de bas de page 44.

Dépression

L’échelle de dépression du Center for Epidemiological Studies (CES-D-10)Note de bas de page 46Note de bas de page 47 a été utilisée pour évaluer les symptômes de dépression. Les divers énoncés évaluent les caractéristiques de la dépression clinique, que ce soit l’affect négatif, l’anhédonie ou les symptômes somatiques, par exemple : « J’ai senti que tout ce que je faisais demandait un effort » ou « Je ne suis pas arrivé à passer à l’action ». On a demandé aux élèves à quelle fréquence ils avaient ressenti chaque symptôme au cours des sept derniers jours, avec les possibilités de réponse suivantes : « jamais ou moins d’une journée », « 1 ou 2 jours », « 3 ou 4 jours » ou « 5 à 7 jours ». L’échelle CES-D-10 s’est révélée fiable chez les adolescents (α = 0,85)Note de bas de page 46 et, dans l’étude, elle a fourni un coefficient alpha de 0,74 pour les filles et de 0,78 pour les garçons. Un score de 10 ou plus indique une symptomatologie de dépression cliniquement pertinente (« dépression » dans la suite du texte)Note de bas de page 46.

Covariables

La polyconsommation est associée à divers comportements à risqueNote de bas de page 11Note de bas de page 48Note de bas de page 49Note de bas de page 50Note de bas de page 51 ainsi qu’au niveau de soutien offert par la famille et les amisNote de bas de page 4. L’absentéisme a été utilisé comme mesure de comportement à risque des élèves. On a posé la question suivante aux élèves : « Au cours des 4 dernières semaines, combien de cours auxquels tu aurais dû assister as-tu manqués? ». Les élèves ayant déclaré avoir manqué des cours ont été classés comme absentéistes. Pour savoir si les élèves avaient le sentiment de bénéficier du soutien de leur famille et de leurs amis, on leur a demandé dans quelle mesure ils étaient d’accord avec l’affirmation suivante : « Je peux parler de mes problèmes avec ma famille/avec mes amis ». Les élèves ayant sélectionné « en accord » ou « fortement en accord » ont été classés comme bénéficiant du soutien de leur famille ou de leurs amis.

Comme dans d’autres études sur la santé des adolescentsNote de bas de page 52, nous avons inclus le sexe (garçon, fille), le niveau scolaire (9, 10, 11, 12, autre), l’origine ethnique (Blanc, non-Blanc) et l’argent de poche hebdomadaire (aucun, 1 $ à 20 $, 21 $ à 100 $, 100 $ et plus, « je ne sais pas ») comme covariables individuelles.

Analyse statistique

Des statistiques descriptives ont été produites pour l’ensemble de l’échantillon. Nous avons utilisé les statistiques du chi carré et le V de Cramer pour comparer les statistiques descriptives par sexe pour les variables catégorielles. Le V de Cramer est une mesure de la taille de l’effet variant entre 0 et 1, les valeurs supérieures à 0,1 indiquant la présence d’un effetNote de bas de page 53.

Nous avons effectué une analyse par classes latentes (ACL)Note de bas de page 54 pour créer des catégories de consommation de substances et étudier leurs associations avec l’anxiété et la dépression, à l’aide de la version 8.2 de Mplus (Muthen and Muthen, Los Angeles, Californie, États-Unis). L’ACL est un modèle de mesure qui utilise des variables catégorielles pour définir des classes latentes homogènes au sein de données mutuellement exclusives et exhaustivesNote de bas de page 54. Tout d’abord, nous avons paramétré une série de modèles d’ACL pour déterminer quel nombre de catégories correspondraient le mieux aux données. Nous avons utilisé les indicateurs catégoriels de consommation d’alcool, de consommation de cannabis, d’utilisation de cigarettes et d’utilisation de cigarettes électroniques comme indicateurs pour les classes latentes.

En utilisant une ACL pour groupes multiples, nous avons recherché les différences statistiquement significatives d’appartenance à une catégorie selon le sexe (p < 0,05). Le sexe a d’abord été utilisé comme variable de regroupement des élèves pour explorer les différences entre les garçons et les filles. Nous avons comparé, avec des tests du chi carré sur l’invariance des mesures, des modèles dans lesquels les catégories étaient d’abord fixées puis des modèles dans lesquels elles étaient autorisées à varier selon le sexe. Ces tests ont révélé des différences de catégories importantes chez les garçons et chez les filles. Les valeurs du critère d’information d’Akaike (CIA) et du critère d’information bayésien (CIB) ont indiqué une meilleure correspondance du modèle lorsque les catégories étaient autorisées à varier selon le sexe. C’est pourquoi des catégories distinctes ont été créées pour les élèves garçons et pour les élèves filles, et que les étapes suivantes ont été réalisées séparément pour les garçons et pour les filles.

Pour déterminer le type d’ACL le mieux adapté, nous avons commencé par une solution à une seule catégorie, puis nous avons ajouté des catégories jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’adéquation. Nous avons utilisé le logarithme du rapport de vraisemblance, le CIA, le CIB et le test du rapport de vraisemblance ajusté de Lo-Mendell-Rubin (LMRT) comme indicateurs d’adéquation du modèle. Des valeurs plus faibles obtenues pour le logarithme du rapport de vraisemblance, pour le CIA et pour le CIB indiquent une meilleure adéquationNote de bas de page 55. Le LMRT détermine si un modèle comportant k catégories offre une meilleure adéquation qu’un modèle comportant k-1 catégories : un résultat significatif indique que tel est le casNote de bas de page 56. Nous avons utilisé ces critères de sélection du modèle, combinés à la possibilité d’interprétation du modèle, pour répartir les répondants au sein des classes latentes appropriées. Bien que l’entropie n’ait pas été utilisée pour la sélection du modèle, nous la présentons sous la forme d’un indicateur de classification, variant entre 0 et 1, les valeurs les plus élevées indiquant une meilleure séparation des classes latentesNote de bas de page 54Note de bas de page 57.

Après avoir déterminé les catégories de consommation de substances à l’aide de l’ACL, nous avons procédé à une régression logistique multinomiale afin d’examiner dans quelle mesure l’anxiété et la dépression étaient associées à la probabilité d’appartenir à chaque catégorie, à l’aide de la commande R3STEP de MplusNote de bas de page 58. Les covariables incluses dans le modèle étaient le sexe, le niveau scolaire, l’origine ethnique, l’argent de poche hebdomadaire, le soutien familial, le soutien des amis et l’absentéisme scolaire. Les commandes TYPE=COMPLEX et CLUSTER de MPlus ont été utilisées pour rendre compte du sentiment d’appartenance des élèves envers leur école.

Résultats

Statistiques descriptives

Environ la moitié de l’échantillon était constitué de filles, et plus des deux tiers ont déclarés être Blancs (tableau 1). En 2017-2018, 40 % des élèves ont déclaré n’avoir consommé aucune substance, 22 % ont déclaré avoir consommé une substance (c’est-à-dire avoir consommé de l’alcool ou du cannabis au cours des 12 derniers mois ou avoir déjà essayé la cigarette ou la cigarette électronique) et 38 % ont déclaré une consommation de deux substances ou plus. Un peu plus de la moitié des élèves ont déclaré avoir bu de l’alcool au cours des 12 derniers mois (52 %), alors que la majorité a déclaré n’avoir pas consommé de cannabis au cours des 12 derniers mois (77 %). Dans l’ensemble, 23 % des élèves ont déclaré avoir déjà essayé la cigarette et 37 %, la cigarette électronique. La majorité des élèves ont déclaré avoir bénéficié du soutien de leur famille (59 %) et de leurs amis (76 %) et n’avoir pas manqué de cours au cours des quatre semaines précédant l’enquête (67 %). Dans l’ensemble, 40 % des élèves ont indiqué souffrir d’anxiété ou de dépression. Les tests du chi carré ont révélé des différences importantes selon le sexe pour toutes les variables, à l’exception du niveau scolaire, tandis que le V de Cramer a révélé un effet uniquement pour l’usage de la cigarette électronique (jamais essayé: filles 32 %, garçons 41 %) et l’anxiété et la dépression (anxiété ou dépression : filles 50 %; garçons 29 %).

Tableau 1. Caractéristiques descriptives de l’échantillon COMPASS pour l’année 6 (2017-2018), selon le sexe (Colombie-Britannique, Alberta, Ontario et Québec, Canada)
Variable Échantillon total
(n = 51 767)
Filles
(n = 26 308)
Garçons
(n = 25 459)
Chi carré/
test t,
valeur p
V de Cramer
n % n % n %
Niveau scolaire
9 12 197 23,6 6 212 23,6 5 985 23,5 0,91 0,00
10 12 767 24,7 6 493 24,7 6 274 24,6
11 12 406 24,0 6 328 24,0 6 078 23,9
12 8 168 15,8 4 111 15,6 4 057 15,9
AutreNote de bas de page a 6 229 12,0 3 164 12,0 3 065 12,0
Origine ethnique
Blanc 34 890 67,4 17 859 67,9 17 031 66,9 0,02 0,01
Autre origine 16 877 32,6 8 449 32,1 8 428 33,1
Argent de poche hebdomadaire
Aucun 8 318 16,1 3 777 14,4 4 541 17,8 < 0,01 0,08
1 $ à 20 $ 13 029 25,2 6 750 25,7 6 279 24,7
21 $ à 100 $ 12 433 24,0 6 755 25,7 5 678 22,3
100 $ et plus 9 819 19,0 4 545 17,3 5 274 20,7
Ne sait pas 8 168 15,8 4 481 17,0 3 687 14,5
Consommation d’alcool dans les 12 derniers mois
Aucune 24 537 47,6 12 184 46,5 12 353 48,7 < 0,01 0,08
Moins d’une fois par mois 10 532 20,4 5 939 22,7 4 593 18,1
1 à 3 fois par mois 11 930 23,1 6 256 23,9 5 674 22,4
1 fois par semaine ou plus 4 568 8,9 1 838 7,0 2 730 10,8
Données manquantes 200
Consommation de cannabis dans les 12 derniers mois
Aucune 39 808 77,1 20 459 77,9 19 349 76,2 < 0,01 0,06
Moins d’une fois par mois 4 959 9,6 2 724 10,4 2 235 8,8
1 à 3 fois par mois 3 088 6,0 1 556 5,9 1 532 6,0
1 fois par semaine ou plus 3 790 7,3 1 515 5,8 2 275 9,0
Données manquantes 122
Usage de la cigarette
N’a jamais fumé 39 820 77,0 20 456 77,8 19 364 76,1 < 0,01 0,04
A déjà fumé 7 049 13,6 3 609 13,7 3 440 13,5
1 à 5 jours (dans le mois précédent) 2 790 5,4 1 358 5,2 1 432 5,6
6 jours et plus (dans le mois précédent) 2 067 4,0 869 3,3 1 198 4,7
Données manquantes 41
Usage de la cigarette électronique
N’a jamais essayé 32 616 63,4 17 733 67,7 14 883 58,9 < 0,01 0,13
A déjà essayé 7 522 14,6 3 741 14,3 3 781 15,0
1 à 5 jours (dans le mois précédent) 6 844 13,3 3 278 12,5 3 566 14,1
6 jours et plus (dans le mois précédent) 4 494 8,7 1 447 5,5 3 047 12,1
Données manquantes 291
Soutien de la famille
Non 21 245 41,0 11 632 44,2 9 613 37,8 < 0,01 0,07
Oui 30 522 59,0 14 676 55,8 15 846 62,2
Soutien des amis
Non 12 684 24,5 6 012 22,9 6 672 26,2 < 0,01 −0,04
Oui 39 083 75,5 20 296 77,2 18 787 73,8
Absentéisme
Non 34 648 66,9 17 212 65,4 17 436 68,5 < 0,01 −0,03
Oui 17 119 33,1 9 096 34,6 8 023 31,5
Symptômes d’anxiété et de dépression
Aucun 31 335 60,5 13 224 50,3 18 111 71,1 < 0,01 0,24
Anxiété seulement 2 209 4,3 1 450 5,5 759 3,0
Dépression seulement 7 764 15,0 4 206 16,0 3 558 14,0
Les deux 10 459 20,2 7 428 28,2 3 031 11,9

Remarques : Les symptômes d’anxiété ont été évalués à l’aide de l’échelle GAD-7 et les symptômes de dépression ont été évalués à l’aide de l’échelle CES-D-10. Un score de 10 ou plus a été utilisé comme seuil pour indiquer la présence d’anxiété ou de dépression. Le soutien de la famille et celui des amis a été mesuré grâce aux réponses des élèves ayant acquiescé à l’affirmation  « Je peux parler de mes problèmes avec ma famille/avec mes amis ».

Footnote a

Principalement les équivalents des 7e et 8e années.

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Catégories de consommation de substances

Nous avons choisi un modèle à trois catégories pour sa meilleure adéquation : il comportait des valeurs plus faibles pour les critères de sélection du modèle et permettait une interprétation plus appropriée que les modèles à plus ou à moins de catégories (tableau 2).

Tableau 2. Indices d’adéquation des modèles à classes latentes (1 à 7 classes) de consommation de substances pour l’année 6 (2017-2018) de l’étude COMPASS, selon le sexe
Nombre
de classes
Logarithme du rapport
de vraisemblance
PL CIA CIB LMRT
valeur p
Entropie
Fille
1 −96 491,1 12 193 006,2 193 066,2 1,00
2 −84 113,0 25 168 276,0 168 400,9 0,00 0,82
3 82 633,7 38 165 343,4 165 533,4 0,00 0,76
4 −82 435,3 51 164 972,6 165 227,6 0,02 0,78
5 −82 247,2 64 164 622,4 164 942,3 0,77 0,74
6 −82 191,3 77 164 536,7 164 921,6 0,78 0,69
7 −82 157,8 90 164 495,5 164 945,5 0,79 0,72
Garçon
1 −100 222,3 12 200 468,7 200 528,3 1,00
2 −86 759,7 25 173 569,5 173 693,6 0,00 0,84
3 85 059,5 38 170 195,0 170 383,7 0,00 0,76
4 −84 853,8 51 169 810,0 170 062,9 0,06 0,73
5 −84 744,9 64 169 617,7 169 935,6 0,26 0,74
6 −84 706,9 77 169 567,8 169 950,2 0,66 0,74
7 N’a pas convergé

Abréviations : CIA, Critère d’information d’Akaike; CIB, critère d’information bayésien; LMRT, test de Lo-Mendell-Rubin; PL, paramètres libres.
Remarques : Les caractères gras indiquent le modèle de catégorie choisi. « – » indique l’absence de valeur.

Nous avons nommé les trois catégories définies dans cette étude « polyconsommation », « double consommation » et « non-consommation » (tableau 3, figure 1). La catégorie à forte consommation, la polyconsommation, correspondait à 11 % de l’échantillon de filles et 15 % de l’échantillon de garçons et correspondait à la plus forte probabilité de consommation pour toutes les substances. Les filles relevant de cette catégorie étaient les plus susceptibles de consommer de l’alcool d’une à trois fois par mois et du cannabis une fois par semaine ou plus souvent, d’avoir déjà essayé la cigarette et d’avoir déjà essayé la cigarette électronique pendant six jours ou plus au cours du mois écoulé. Les garçons de cette catégorie étaient les plus susceptibles de consommer de l’alcool et du cannabis une fois par semaine ou plus, d’avoir consommé des cigarettes d’un à cinq jours au cours du mois écoulé et d’avoir utilisé la cigarette électronique six jours ou plus au cours du mois écoulé. La catégorie de la double consommation correspondait à 26 % de l’échantillon de filles et 26 % de l’échantillon de garçons et correspondait également à une probabilité relativement élevée de consommation d’alcool et d’usage de la cigarette électronique et à une probabilité plus faible de consommation de cannabis et de tabagisme. Enfin, la catégorie de non-consommation correspondait aux élèves ayant déclaré une consommation nulle ou faible, soit 62 % de l’échantillon de filles et 59 % de l’échantillon de garçons. Les élèves de cette catégorie étaient davantage susceptibles d’avoir déclaré ne pas avoir consommé d’alcool ou de cannabis au cours des 12 derniers mois et de n’avoir jamais essayé la cigarette ou la cigarette électronique.

Tableau 3. Probabilités conditionnelles de réponse aux énoncés et prévalence des classes latentes de comportements de consommation de substances pour l’année 6 (2017-2018) de l’étude COMPASS, selon le sexe
Variable Filles Garçons
Catégorie 1
Polyconsommation
Catégorie 2
Double consommation
Catégorie 3
Non-consommation
Catégorie 1
Polyconsommation
Catégorie 2
Double consommation
Catégorie 3
Non-consommation
Prévalence des classes latentes 11,4 % 26,2 % 62,4 % 14,7 % 26,0 % 59,3 %
Consommation d’alcool dans les 12 derniers mois
Aucune 0,04 0,10 0,73 0,05 0,15 0,76
Moins d’une fois par mois 0,11 0,35 0,19 0,09 0,32 0,14
1 à 3 fois par mois 0,49 0,47 0,08 0,40 0,43 0,08
1 fois ou plus par semaine 0,36 0,08 0,01 0,47 0,10 0,02
Consommation de cannabis dans les 12 derniers mois
Aucune 0,11 0,63 1,00 0,13 0,63 0,99
Moins d’une fois par mois 0,21 0,27 0,00 0,17 0,22 0,01
1 à 3 fois par mois 0,28 0,09 0,00 0,22 0,10 0,00
1 fois ou plus par semaine 0,41 0,02 0,00 0,49 0,05 0,00
Usage de la cigarette
N’a jamais fumé 0,12 0,64 0,98 0,12 0,66 0,98 
A déjà fumé 0,33 0,31 0,02 0,29 0,29 0,02
1 à 5 jours (dans le mois précédent) 0,30 0,05 0,00 0,30 0,04 0,00
6 jours et plus (dans le mois précédent) 0,25 0,01 0,00 0,30 0,01 0,00
Usage de la cigarette électronique
N’a jamais essayé 0,15 0,35 0,95 0,06 0,23 0,90
A déjà essayé 0,17 0,34 0,04 0,09 0,34 0,07
1 à 5 jours (dans le mois précédent) 0,33 0,27 0,01 0,27 0,32 0,02
6 jours et plus (dans le mois précédent) 0,35 0,04 0,00 0,58 0,11 0,00
Figure 1. Probabilités de consommation de substances avec le modèle à classes latentes comportant trois catégories pour l’année 6 (2017-2018) de l’étude COMPASS, selon le sexe
Figure 1. Probabilités de consommation de substances avec le modèle à classes latentes comportant trois catégories pour l’année 6 (2017-2018) de l’étude COMPASS, selon le sexe
Description textuelle : Figure 1
Probabilités de consommation de substances avec le modèle à classes latentes comportant trois catégories pour l’année 6 (2017-2018) de l’étude COMPASS, selon le sexe
Classes latentes Alcool Cannabis Cigarette Cigarette électronique
Filles
Catégorie 1
Polyconsommation
0,96 0,894 0,876 0,846
Catégorie 2
Double consommation
0,896 0,375 0,359 0,653
Catégorie 3
Non-consommation
0,273 0,005 0,019 0,055
Garçons
Catégorie 1
Polyconsommation
0,955 0,872 0,883 0,944
Catégorie 2
Double consommation
0,846 0,367 0,338 0,773
Catégorie 3
Non-consommation
0,237 0,01 0,022 0,097

Maladie mentale et catégories de consommation de substances

L’anxiété et la dépression ont d’abord été explorées de manière descriptive, au sein de chaque catégorie de consommation de substances (figure 2). Chez les filles, celles qui souffraient uniquement d’anxiété étaient 1,48 fois (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,20 à 1,83) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de polyconsommation et étaient 1,33 fois (1,16 à 1,51) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de double consommation qu’à la catégorie de non-consommation (tableau 4). Celles souffrant uniquement de dépression étaient 2,65 fois (2,31 à 3,04) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de polyconsommation et 1,48 fois (1,34 à 1,64) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de double consommation qu’à la catégorie de non-consommation. Enfin, les filles souffrant à la fois d’anxiété et de dépression étaient 4,09 fois (3,59 à 4,65) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de polyconsommation et 1,81 fois (1,65 à 1,99) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de double consommation qu’à la catégorie de non-consommation.

Figure 2. Estimation de la proportion d’élèves signalant des symptômes cliniquement significatifs d’anxiété, de dépression ou des deux dans chacune des trois classes latentes de consommation de substances pour l’année 6 (2017‑2018) de l’étude COMPASS, selon le sexe
Figure 2. Estimation de la
      proportion d’élèves signalant des symptômes cliniquement significatifs d’anxiété, de dépression ou des deux dans chacune des trois classes latentes de consommation de substances pour l’année 6 (2017‑2018) de l’étude COMPASS, selon le sexe
Description textuelle : Figure 2
Estimation de la proportion d’élèves signalant des symptômes cliniquement significatifs d’anxiété, de dépression ou des deux dans chacune des trois classes latentes de consommation de substances pour l’année 6 (2017-2018) de l’étude COMPASS, selon le sexe
Classes latentes Symptômes de dépression et d'anxiété Symptômes de dépression uniquement Symptômes d'anxiété uniquement
Females
Catégorie 1
Polyconsommation
47,3 20,4 4,2
Catégorie 2
Double consommation
33,3 17,3 6,0
Catégorie 3
Non-consommation
22,6 14,6 5,6
Males
Catégorie 1
Polyconsommation
20,3 18,1 3,3
Catégorie 2
Double consommation
12,1 14,9 3,2
Catégorie 3
Non-consommation
9,8 12,6 2,8
Tableau 4. Appartenance à une catégorie de consommation de substances en fonction des symptômes d’anxiété et de dépression pour l’année 6 (2017-2018) de l’étude COMPASS, selon le sexe
Symptômes Rapports de cote (IC à 95%)
Appartenance à
la catégorie 1 plutôt que 3Note de bas de page a
Appartenance à la
catégorie 2 plutôt que 3Note de bas de page a
Filles
Aucun symptôme 1,00 1,00
Symptômes d’anxiété uniquement 1,48 (1,20 à 1,83) 1,33 (1,16 à 1,51)
Symptômes de dépression uniquement 2,65 (2,31 à 3,04) 1,48 (1,34 à 1,64)
Les deux 4,09 (3,59 à 4,65) 1,81 (1,65 à 1,99)
Garçons
Aucun symptôme 1,00 1,00
Symptômes d’anxiété uniquement 1,41 (1,14 à 1,73) 1,13 (0,94 à 1,37)
Symptômes de dépression uniquement 1,69 (1,52 à 1,87) 1,21 (1,10 à 1,34)
Les deux 2,48 (2,19 à 2,80) 1,18 (1,05 à 1,32)

Abréviation : IC, intervalle de confiance.
Remarque : Les modèles sont ajustés pour le niveau scolaire, l’origine ethnique, l’argent de poche hebdomadaire, le soutien de la famille, le soutien des amis et l’absentéisme.

Note de bas de page a

La catégorie 1 correspond à la polyconsommation, la catégorie 2 à la double consommation et la catégorie 3 à la non-consommation.

Retour à la référence de la note de bas de page a

Chez les garçons, ceux qui souffraient uniquement d’anxiété étaient 1,41 fois (1,14 à 1,73) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de polyconsommation qu’à la catégorie de non‑consommation. Les différences entre la catégorie de double consommation et la catégorie de non‑consommation n’étaient pas statistiquement significatives. Les garçons souffrant uniquement de dépression étaient 1,69 fois (1,52 à 1,87) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de polyconsommation et 1,21 fois (1,10 à 1,34) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de double consommation, comparativement à la catégorie de non-consommation. Enfin, les garçons souffrant à la fois d’anxiété et de dépression étaient 2,48 fois (2,19 à 2,80) plus susceptibles d’appartenir à la catégorie de polyconsommation et 1,18 fois (1,05 à 1,32) qu’à la catégorie de double consommation.

Analyse

Cette étude porte sur un échantillon d’adolescents canadiens provenant d’écoles de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec. Nous avons constaté que trois adolescents sur cinq consommaient une ou plusieurs substances et que deux élèves sur cinq présentaient une symptomatologie psychiatrique cliniquement pertinente. La cooccurrence de l’anxiété et de la dépression s’est révélée élevée, surtout chez les filles, et peu d’élèves ont indiqué ressentir seulement de l’anxiété. La forte prévalence de consommation de substances et de symptômes d’anxiété ou de dépression au sein de cette population, qui vit une période de développement importante, est préoccupante.

Malgré les tests statistiques indiquant que les catégories différaient selon le sexe, les catégories établies pour les filles et celles établies pour les garçons se sont révélées similaires. Dans les deux cas, les résultats de l’ACL ont fourni trois modèles de consommation de substances : la polyconsommation, la double consommation et la non-consommation. Cependant, si les catégories elles-mêmes étaient similaires, une plus grande proportion de garçons relevait de la catégorie de polyconsommation et les garçons étaient plus susceptibles de consommer des substances à une fréquence plus élevée. Ce résultat va dans le sens de recherches ayant montré que les garçons sont plus susceptibles d’appartenir à des catégories de consommation plus élevéeNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 9Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18, même si d’autres recherches n’ont constaté aucune différenceNote de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22 ou ont observé un risque accru pour les filles dans certaines catégories de polyconsommation (en particulier, la consommation non médicale de médicaments sur ordonnance, non mesurée dans notre étude)Note de bas de page 23Note de bas de page 24. Il convient de souligner que les mesures de consommation de substances n’établissant aucune différence entre une consommation simultanée (c’est-à-dire une « véritable » consommation concomitante) et une consommation conjointe (c’est-à-dire une consommation séquentielle), les élèves relevant de la catégorie de polyconsommation au sens de notre étude ne consommaient pas nécessairement ces substances simultanément. 

Ces résultats vont également dans le sens général d’une étude systématique récente qui a relevé les modèles typiques de consommation de substances chez les adolescents : une catégorie de consommation faible ou nulle comprenant la majorité des adolescents, une catégorie de consommation d’alcool prédominante et enfin des groupes de consommation élevée de plusieurs substancesNote de bas de page 6. Cependant, les résultats de notre étude diffèrent sur deux points principaux. Premièrement, nous n’avons obtenu qu’un seul groupe de polyconsommation, alors que d’autres études ont obtenu un groupe de consommation modérée de plusieurs substances et un groupe de consommation élevée de plusieurs substancesNote de bas de page 14 24 59Note de bas de page 60Note de bas de page 61Note de bas de page 62, bon nombre de ces enquêtes ayant par ailleurs inclus des substances illicites (ecstasy, amphétamines, cocaïneNote de bas de page 14Note de bas de page 24Note de bas de page 59) que nous n’avons pas incluses dans notre étude.

Deuxièmement, au lieu qu’une catégorie de consommation d’alcool prédominante, nous étions plutôt en présence d’une catégorie de double consommation, à l’alcool s’ajoutant la cigarette électronique. De ce point de vue, notre étude se rapproche d’une étude américaine qui a obtenu également une catégorie de consommation d’alcool et d’usage de cigarette électroniqueNote de bas de page 9. Ces résultats soulignent que les stratégies de prévention et de traitement à destination des adolescents doivent tenir compte de leurs réelles habitudes de consommation de substances, ce qui inclut la double consommation et la polyconsommation.

Notre étude fait ressortir l’importance d’inclure la cigarette électronique et le vapotage dans l’analyse des habitudes de consommation de substances chez les adolescents. Ces usages sont souvent associés aux questions sur les cigarettes au sens de produit du tabac, alors que les tendances en matière de consommation sont divergentesNote de bas de page 63. Par exemple, en 2017-2018, 13 % des adolescents ont déclaré avoir exclusivement fait usage de cigarette électronique, alors que seulement 3 % ont déclaré avoir seulement fumé des cigarettes et 5 % avoir eu un double usage, or on sait que l’usage de la cigarette électronique est prédicteur d’un futur double usageNote de bas de page 64. Alors que plusieurs études ont fait état d’une catégorie de consommation d’« alcool uniquement »Note de bas de page 25Note de bas de page 61Note de bas de page 65, ce n’est pas ce que nous avons constaté dans cette étude. Notre catégorie de double consommation touchait un quart des élèves, et la présence de cette catégorie est le signe que les élèves qui auparavant consommaient seulement de l’alcool quelques fois par mois font peut-être maintenant également usage de cigarettes électroniques. Dans la catégorie de polyconsommation, l’usage de la cigarette électronique était plus fréquent que dans la catégorie de double consommation. En raison des effets négatifs de la nicotine sur le développement du cerveauNote de bas de page 66 et des effets à long terme largement inconnus de l’usage de la cigarette électronique sur la santé pulmonaireNote de bas de page 67, la prévalence de cette catégorie de double consommation est préoccupante et devrait être prise en compte dans les futurs travaux de recherche portant sur la consommation de substances chez les adolescents. Il est important que le travail de surveillance intègre le suivi de consommation des nouvelles substances qui apparaissent sur le marché et la manière dont les nouveaux produits et les changements de réglementation ont une influence potentielle sur les profils de consommation de substances chez les adolescents.

Les statistiques descriptives montrent une gradation de la prévalence des symptômes d’anxiété ou de dépression en fonction des catégories de consommation de substance (figure 2). Les élèves relevant de la catégorie de polyconsommation étaient ceux ayant la plus forte prévalence d’anxiété et de dépression, suivis de ceux de la catégorie de double consommation et enfin de ceux de la catégorie de non-consommation. Si d’autres études ont également relevé cette gradation, elles ne l’ont pas fait en fonction du sexeNote de bas de page 11Note de bas de page 38. Or il est important de souligner que la prévalence de l’anxiété et de la dépression dans le groupe à faible risque (c’est-à-dire la non‑consommation) chez les filles (23 %) était similaire à la prévalence dans le groupe à risque élevé (c’est-à-dire la polyconsommation) chez les garçons (20 %). Cela implique que les filles devraient constituer une priorité en matière de programmation en santé mentale.

Notre étude révèle une association entre les catégories de consommation de substances et l’anxiété et la dépression. Ces résultats correspondent à ceux de nombreuses autres études ayant porté sur la consommation de substances chez les adolescents et l’anxiété ou la dépressionNote de bas de page 11Note de bas de page 38Note de bas de page 39. Bien que notre recherche ne porte pas sur l’orientation de l’effet, on peut proposer certaines théories explicatives de cette relation. La première repose sur l’hypothèse selon laquelle les individus consomment des substances pour composer avec des symptômes préexistantsNote de bas de page 68. Cette hypothèse est étayée par des données probantes montrant que la dépression pendant l’adolescence permet de prédire une future hausse de la consommation de substances, avec cependant des variations selon le sexe et les substances utiliséesNote de bas de page 28Note de bas de page 69Note de bas de page 70. Il demeure que les données probantes ne soutiennent pas toujours cette orientation de l’effetNote de bas de page 35. D’autres chercheurs émettent l’hypothèse que la baisse de l’humeur résulte directement de la consommation de substances à l’adolescenceNote de bas de page 71. Quelle que soit l’orientation de l’effet, ces résultats soulignent la nécessité d’évaluer les symptômes d’anxiété et de dépression chez les élèves dont on a découvert qu’ils consommaient des substances et vice versa.

Il convient de noter que, à la différence des conclusions que nous pouvons tirer de notre étude, Halladay et ses collaborateursNote de bas de page 6 ont fait état de sous‑groupes distincts d’adolescents ayant des problèmes de consommation de substances et d’adolescents ayant des problèmes de santé mentale. Bien que nous n’ayons pas pu identifier ces élèves dans les analyses de régression, ils étaient présents à l’étape de l’analyse descriptive de notre échantillon : par exemple, 28 % des filles et 58 % des garçons relevant de la catégorie de polyconsommation n’ont pas fait état de symptômes d’anxiété ou de dépression.

Points forts et limites

Notre étude compte plusieurs points forts. L’étude COMPASS repose sur un échantillon de grande taille et utilise des mesures fondées sur des outils de surveillance nationauxNote de bas de page 52. Le questionnaire est associé à un protocole d’information active et de consentement passif pour encourager la participation et la déclaration honnêtes, ce qui se révèle particulièrement important dans le cadre de recherche sur la consommation de substances et la santé mentaleNote de bas de page 42Note de bas de page 72Note de bas de page 73. De plus, cette étude a obtenu un bon taux de participation, avec des données disponibles pour 78 % de l’ensemble des répondants. Enfin, nous avons utilisé des échelles homologuées pour l’anxiété et la dépression afin d’évaluer les symptômes des élèves. 

Notre étude n’est cependant pas exempte de limites. Tout d’abord, nous avons utilisé des données transversales, ce qui ne permet pas les inférences causales. Deuxièmement, l’étude COMPASS a été conçue pour effectuer des évaluations des changements apportés aux programmes et aux politiques scolaires, et utilise donc un échantillon de commodité qui n’est pas représentatif de l’ensemble des élèves du secondaire au Canada. Troisièmement, il existe des limitations en lien avec le questionnaire utilisé. Il pourrait d’abord y avoir un biais de déclaration dans les questions sur la consommation de substances en raison de la nature illicite de ces substances pour les mineurs, où les répondants pourraient avoir sous-déclaré leur consommation. De plus, il existe d’autres substances illicites qui n’ont pas été analysées dans l’étude, ce qui est également susceptible d’avoir contribué à une sous-déclaration de la consommation de substances. Enfin, le questionnaire ne comportait pas de définition précise de l’utilisation de la cigarette électronique et pourrait de ce fait avoir conduit à l’inclusion d’une consommation de cannabis. En outre, les mesures de l’anxiété, de la dépression et de la consommation de substances n’impliquent pas la présence de troubles cliniques diagnostiqués. Ces troubles sont très répandus et ont une incidence importante sur l’utilisation des services de santé chez les jeunesNote de bas de page 74Note de bas de page 75. Par ailleurs, nous ne disposions pas de mesures concernant la consommation de substances par les pairs ou au sein de la famille, une réalité que l’on sait associée à une initiation précoce et à une consommation en augmentation tout au long de l’adolescenceNote de bas de page 26. Nous avons néanmoins réussi à intégrer des variables indiquant le soutien de la famille et le soutien des amis, qui ont été toutes deux associées à la polyconsommation, respectivement négativement et positivementNote de bas de page 4. En outre, il n’y avait aucune mesure disponible de la psychopathologie des parents, dont on sait qu’elle constitue un facteur de risque important chez les enfantsNote de bas de page 76Note de bas de page 77. Quatrièmement, beaucoup de données étaient manquantes pour les variables de résultat dans cette étude (19 %). Cependant, nous n’avons pas relevé de différences significatives dans les tests du chi carré en ce qui concerne les variables de résultat entre les personnes incluses et celles exclues en raison de données manquantes.

Conclusion

La moitié des filles et près d’un tiers des garçons ont fait état de symptômes d’anxiété ou de dépression cliniquement pertinents. La cooccurrence de l’anxiété et de la dépression s’est révélée fréquente, peu d’élèves ayant déclaré ressentir uniquement de l’anxiété. Nous avons défini trois catégories de consommation de substances : la polyconsommation, la double consommation et la non-consommation. Les élèves souffrant à la fois d’anxiété et de dépression et ceux souffrant de dépression seulement étaient plus susceptibles de relever des catégories de polyconsommation ou de double consommation que de la catégorie de non-consommation. L’anxiété a été associée à l’appartenance à la catégorie de polyconsommation chez les filles ainsi que chez les garçons et a également été associée à la catégorie de double consommation chez les filles.

Remerciements

L’étude COMPASS a reçu le soutien d’une subvention ponctuelle de l’Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), grâce à l’attribution du financement prioritaire « Obesity-Interventions to Prevent or Treat » (Interventions pour prévenir ou traiter l’obésité) (OOP-110788; subvention accordée à S. Leatherdale), d’une subvention de fonctionnement de l’Institut de la santé publique et des populations des IRSC (MOP-114875; subvention accordée à S. Leatherdale), d’une subvention de projet des IRSC (PJT-148562; subvention accordée à S. Leatherdale), d’une subvention ponctuelle des IRSC (PJT-149092; subvention accordée à K. Patte et S. Leatherdale), d’une subvention de projet des IRSC (PJT-159693; accordé à K. Patte), d’une subvention d’équipe des IRSC (CVP-429107; accordée à S. Leatherdale) et d’un accord de financement de la recherche conclu avec Santé Canada (no 1617-HQ-000012; attribué à S. Leatherdale). L’étude COMPASS au Québec est également financée par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et par la Direction régionale de santé publique du CIUSSS de la Capitale-Nationale. Gillian C. Williams bénéficie d’une bourse d’études supérieures de l’Ontario (BESO).

Conflits d’intérêts

Scott Leatherdale est rédacteur scientifique adjoint de la revue PSPMC, mais il s’est retiré du processus d’évaluation de cet article. Les auteurs déclarent n’avoir aucun autre conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

Gillian C. Williams a conçu cette recherche, effectué les analyses et rédigé le manuscrit dans le cadre de sa thèse de doctorat par articles à l’Université de Waterloo. Scott T. Leatherdale a supervisé Gillian C. Williams dans la conception de son projet et dans la rédaction du manuscrit. Karen A. Patte et Mark A. Ferro ont fourni des idées et des réflexions qui ont alimenté l’analyse et ils ont révisé le manuscrit du point de vue de son contenu intellectuel de fond. Scott T. Leatherdale a conçu l’étude COMPASS, a rédigé la proposition de financement, a élaboré les outils et a dirigé la mise en œuvre et la coordination de l’étude. Tous les auteurs ont aidé Gillian C. Williams à concevoir l’étude et à structurer l’analyse et ils ont approuvé la version finale du manuscrit.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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