Recherche qualitative originale – La maladie pulmonaire associée au vapotage (MPAV) au Canada : une analyse descriptive des cas de MPAV signalés entre septembre 2019 et décembre 2020

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Un corrigendum a été publié le 17 août 2022, dans le volume 42, numéro 8, pour corriger une erreur de calcul ayant paru dans cet article.

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Melissa M. Baker, Ph. D.; Theresa D. Procter, M. Sc.; Lisa Belzak, M.H.P.; Susanna Ogunnaike-Cooke, M. Sc.

https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.1.06f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs

Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario), Canada

Correspondance

Melissa M. Baker, Division des méfaits liés aux substances, Centre de surveillance et de recherche appliquée, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario) K1S 5H4; tél. : 343-542-1186; courriel : vapingillness-maladievapotage@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Baker MM, Procter TD, Belzak L, Ogunnaike-Cooke S. La maladie pulmonaire associée au vapotage (MPAV) au Canada : une analyse descriptive des cas de MPAV signalés entre septembre 2019 et décembre 2020. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2022;42(1):42-51. https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.1.06f

Résumé

Introduction. Cette étude a eu pour but d’étudier les caractéristiques personnelles et cliniques des cas de maladie pulmonaire associée au vapotage (MPAV) signalés au Canada entre septembre 2019 et décembre 2020, de comparer l’épidémiologie des cas de MPAV au Canada à celle des cas de lésions pulmonaires associées à l’utilisation de produits destinés aux cigarettes électroniques ou au vapotage (EVALI, « e-cigarette or vaping product use-associated lung injury ») aux États-Unis et de tenter d’expliquer les différences entre les deux pays.

Méthodologie. Un groupe de travail fédéral-provincial-territorial a élaboré une définition nationale d’éclosion, un ensemble de données minimal et un formulaire de déclaration de cas pour l’identification et la surveillance des cas de MPAV au Canada. L’analyse descriptive a porté sur les caractéristiques et l’épidémiologie des cas de MPAV signalés.

Résultats. Parmi les 20 cas de MPAV signalés, aucun n’a entraîné de décès. Parmi ces cas, 5 (25 %) concernaient des jeunes de 15 à 19 ans, 10 (50 %) des adultes de 20 à 49 ans et 5 (25 %) des adultes de 50 ans ou plus. Soixante pour cent des patients étaient des hommes. La moitié (50 %) ont eu besoin d’assistance respiratoire. Les trois quarts (75 %) ont déclaré avoir utilisé des produits de vapotage contenant de la nicotine et 40 % ont dit avoir utilisé des produits de vapotage contenant du cannabis. Parmi ceux ayant déclaré leur fréquence de vapotage, la plupart (71 %) ont indiqué vapoter quotidiennement. La prévalence des cas de MPAV (0,9 par million) s’est révélée inférieure à celle des cas d’EVALI (8,5 par million). Les caractéristiques personnelles et le comportement de vapotage se sont également révélés différents.

Conclusion. Plusieurs cas de MPAV ont été signalés au Canada entre septembre 2019 et décembre 2020. Cependant, leur prévalence s’est révélée beaucoup plus faible que celle des cas d’EVALI observés lors de l’éclosion aux États-Unis, et les facteurs en cause ne sont peut-être pas les mêmes. Les cas de MPAV au Canada dépendent de facteurs complexes et multifactoriels. Des recherches sont nécessaires pour comprendre les effets à court et à long terme du vapotage de nicotine et de cannabis sur la santé.

Mots-clés : utilisation de la cigarette électronique, cigarette électronique, vapotage, vapotage de nicotine, tétrahydrocannabinol (THC), vapotage de cannabis, maladie pulmonaire, lésion pulmonaire

Points saillants

  • Au Canada, l’utilisation des cigarettes électroniques est en hausse, particulièrement chez les jeunes.
  • Entre septembre 2019 et décembre 2020, 20 cas de maladie pulmonaire associée au vapotage (MPAV) ont été signalés au Canada.
  • Au Canada, la prévalence des cas de MPAV par habitant est plus faible que celle des cas de lésions pulmonaires associées à l’utilisation de produits destinés aux cigarettes électroniques ou au vapotage (EVALI) aux États-Unis. Des différences dans les caractéristiques des patients et les produits utilisés ont également été trouvées.

Introduction

Au Canada, l’utilisation des cigarettes électroniques (ou dispositifs de vapotage) est en hausse, particulièrement chez les jeunes. Entre 2015 et 2019, le nombre de Canadiens de 15 ans ou plus qui ont déclaré avoir déjà vapoté (de la nicotine) est passé de 13 % à 16 %Note de bas de page 1Note de bas de page 2, les groupes d’âge les plus jeunes ayant la fréquence la plus élevée : 36 % chez les jeunes (15 à 19 ans) et 48 % chez les jeunes adultes (20 à 24 ans), contre 12 % chez les adultes (de 25 ans ou plus) en 2019Note de bas de page 2. Parmi les élèves de la 7e à la 12e année au Canada, 20 % ont dit avoir utilisé des cigarettes électroniques au cours des 30 derniers jours en 2018-2019, soit le double du nombre d’élèves qui ont déclaré en avoir fait usage au cours des 30 derniers jours en 2016-2017 (10 %)Note de bas de page 1Note de bas de page 3.

Des résultats similaires ont été observés en 2019 : l’utilisation d’un dispositif de vapotage au cours des 30 derniers jours s’est révélée plus répandue chez les jeunes et les jeunes adultes (15 % dans les deux cas) que chez les adultes (3 %) au CanadaNote de bas de page 2. En 2019, 9 % des Canadiens âgés de 15 ans ou plus ont déclaré avoir déjà vapoté des produits contenant du cannabis, et 3 % des Canadiens ont dit l’avoir fait au cours des 30 derniers jours, les jeunes adultes (7 %) étant plus nombreux que les jeunes et les adultes (3 % dans les deux cas) à déclarer en avoir fait usage au cours des 30 derniers joursNote de bas de page 3.

Les cigarettes électroniques et les produits de vapotage ont été commercialisés comme étant une solution de rechange potentiellement moins nocive que les produits combustibles. Cependant, les risques d’effets aigus et chroniques à long terme demeurent en grande partie inconnusNote de bas de page 4. L’exposition à des substances chimiques potentiellement nocives pendant le vapotage est variable et dépend de la composition du liquide ou du produit de vapotage, du statut légal et de la source du produit ainsi que de la façon dont le produit est utilisé. Aux États-Unis, on a relevé plus de 500 substances chimiques dans les cartouches et les liquides utilisés dans les produits de vapotage contenant de la nicotine et ceux contenant du cannabis, en particulier différentes quantités de nicotine, des cannabinoïdes, des composés organiques volatils, de l’acétate de vitamine E, des composés conjugués du silicium et divers terpènes, des métaux et des pesticidesNote de bas de page 5Note de bas de page 6.

En août 2019, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis ont signalé une éclosion de lésions pulmonaires associées à l’utilisation de produits destinés aux cigarettes électroniques ou au vapotage (EVALI, ou « e-cigarette or vaping product use-associated lung injury »). À la demande de l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a avisé les autorités sanitaires provinciales et territoriales de la possibilité de cas semblables et de la nécessité d’accroître la vigilance.

Les études menées sur les cas d’EVALI aux États-Unis ont porté sur les facteurs communs et les caractéristiques cliniques des cas d’EVALI. Il a toutefois été impossible d’associer une substance, un produit ou un dispositif en particulier à l’ensemble des cas. Néanmoins, on a constaté que l’acétate de vitamine E, un additif présent dans les produits à base de cannabis (et généralement absent des produits à base de nicotine) provenant de sources informelles telles que les amis, la famille et le marché illégal, était fortement lié à l’éclosion de cas d’EVALI aux États-Unis : 82 % des patients atteints d’EVALI ont déclaré avoir utilisé des produits de vapotage contenant du cannabis, et 78 % d’entre eux ont dit s’être procuré ces produits auprès de sources informelles. Cependant, on ne dispose pas de données probantes suffisantes pour exclure la contribution d’autres substances chimiques dans un produit de vapotage, qu’il contienne ou non du cannabis, car des cas d’EVALI sont survenus chez des personnes qui n’ont pas déclaré avoir vapoté des produits contenant du cannabisNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9.

La gravité et la non-spécificité des symptômes de maladie pulmonaire associée au vapotage (MPAV) compliquent le diagnostic pour les médecins, surtout si le patient ne mentionne pas qu’il a vapoté récemment. Les patients susceptibles d’être atteints de MPAV peuvent se présenter dans une clinique de soins primaires comme au service des urgences d’un hôpital, et le traitement peut nécessiter l’hospitalisation du patient ou son admission dans une unité de soins intensifs (USI), l’administration d’une antibiothérapie ou d’une corticothérapie, une supplémentation en oxygène, une ventilation assistée ou même le maintien des fonctions vitalesNote de bas de page 10. L’étude des tendances des cas de MPAV au Canada contribue à enrichir la base de données probantes qui nous permet de mieux comprendre les effets nocifs graves liés au vapotage et la prise en charge clinique des cas soupçonnés de MPAV. Par conséquent, les objectifs de cette étude étaient 1) d’étudier les caractéristiques personnelles et cliniques des cas de MPAV signalés au Canada entre septembre 2019 et décembre 2020, 2) de comparer l’épidémiologie des cas de MPAV au Canada à celle des cas d’EVALI aux États-Unis et 3) de tenter d’expliquer les différences épidémiologiques entre le Canada et les États-Unis.

Méthodologie

Données sur les cas

Afin de coordonner une enquête d’envergure nationale, en septembre 2019, le Conseil des médecins hygiénistes en chef (CMHC) du Canada a approuvé la mise sur pied du groupe de travail fédéral-provincial-territorial (FPT) sur la MPAV, dont les membres seraient chargés d’élaborer une approche commune pour détecter les cas de MPAV, pour enquêter sur ces cas et pour les signaler dans leur sphère de compétence. Le groupe de travail FPT sur la MPAV a créé des outils de collecte de données, une définition nationale d’éclosion de cas de maladie pulmonaire grave associée au vapotage ou au tamponnage (« dabbing ») (tableau 1), un ensemble de données minimal pour normaliser la collecte de données et un formulaire de déclaration de cas. Le vapotage consiste à inhaler un aérosol généré par un produit de vapotage alors que le tamponnage (« dabbing ») consiste à inhaler des vapeurs très chaudes d’huiles, de concentrés ou d’extraits de cannabis chauffés.

Les données sur les comportements autodéclarés de vapotage ont été obtenues lors des entrevues initiales et de suivi avec le patient ou, si le patient n’était pas en mesure de participer aux entrevues, avec des membres de sa famille proche. Les autorités de santé publique provinciales et territoriales ont soumis les données anonymisées sur les cas à l’ASPC après avoir vérifié qu’un cas était effectivement un cas probable ou confirmé de MPAV au sens de la définition nationale de cas en vigueur dans leur sphère de compétence. Santé Canada a également interrogé activement les bases de données disponibles à la recherche d’effets indésirables, qu’ils soient signalés par le patient ou par l’industrie, associés à des produits de vapotage avec ou sans nicotine, des produits de vapotage contenant du cannabis et des cigarettes électroniques ou dispositifs de vapotage. Au Canada, quatre incidents possibles de lésions pulmonaires associées au vapotage ont été détectés et signalés à l’ASPC.

Au Canada, les efforts d’enquête et de déclaration ont été axés sur les patients hospitalisés, selon une définition de cas et une stratégie semblables à celles de l’enquête menée aux États-Unis. Cependant, l’Alberta, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et le Québec ont élargi leur enquête pour y inclure les consultations externes et les consultations de médecins de famille. En mars 2020, lorsque la transmission de la COVID-19 s’est généralisée au Canada, la surveillance active des cas de MPAV a été interrompue et les activités de surveillance ont été limitées à la surveillance et à la déclaration des effets indésirables ainsi qu’à la déclaration des incidents dans le cadre des programmes de surveillance réglementaire en vigueur de Santé Canada. Les caractéristiques des cas d’EVALI proviennent des données de santé publique et de la littérature. Notre étude (qui porte sur la période allant de septembre 2019 à décembre 2020) et cet article ont été approuvés par le groupe de travail FPT sur la MPAV du CMHC. Il n’a pas été nécessaire de soumettre l’étude à l’approbation d’un comité d’éthique, étant donné qu’elle s’inscrit dans les activités courantes de surveillance en santé publique.

Tableau 1. Définition de cas confirmé et de cas probable de maladie pulmonaire associée au vapotage (MPAV) et de lésions pulmonaires associées à l’utilisation de produits destinés aux cigarettes électroniques ou au vapotage (EVALI) dans le contexte d’une éclosion
Statut Maladie pulmonaire associée au vapotage (MPAV) Lésions pulmonaires associées à l’utilisation de produits destinés aux cigarettes électroniques ou au vapotage (EVALI)
Cas confirmé Antécédents de vapotage ou de tamponnage (dabbing)Note de bas de page a dans les 90 jours précédant l’apparition des symptômes
ET
Infiltrat pulmonaire, tel que des opacités sur une radiographie thoracique simple ou des opacités en verre dépoli sur une tomographie thoracique
ET
Absence d’infection pulmonaire lors du bilan initial. Les critères minimaux comprennent un test de détection d’un multiplex (panel) viral respiratoire négatif, PCR pour détecter le virus de la grippe ou une épreuve de dépistage rapide de la grippe, si l’épidémiologie locale soutient les tests. Tous les autres tests de détection des maladies infectieuses respiratoires indiqués cliniquement (ex. antigène urinaire pour Legionella, culture des expectorations si toux productive, culture LBA si effectuée, hémoculture, infections respiratoires opportunistes liées au VIH si approprié) doivent être négatifs
ET
Aucune indication dans le dossier médical d’autres diagnostics plausibles (ex. processus cardiaque, rhumatologique ou néoplasique)
Utilisation d’une cigarette électronique (vapotage) ou tamponnageNote de bas de page a dans les 90 jours précédant l’apparition des symptômes
ET
Infiltrat pulmonaire, tel que des opacités sur une radiographie thoracique simple ou des opacités en verre dépoli sur une tomographie thoracique
ET
Absence d’infection pulmonaire lors du bilan initial. Les critères minimaux sont les suivants : résultat négatif au panel viral respiratoire et à la recherche de la grippe par PCR ou au test de dépistage rapide de la grippe, si la situation épidémiologique locale justifie les tests. Tous les autres tests de détection des maladies infectieuses respiratoires cliniquement indiqués (p. ex. détection de l’antigène de Streptococcus pneumoniae et de Legionella dans les urines, culture des expectorations en présence d’une toux productive, culture du liquide de LBA si ce test est effectué, hémoculture, détection des infections respiratoires opportunistes liées au VIH, s’il y a lieu) doivent être négatifs
ET
Aucune indication dans le dossier médical d’autres diagnostics plausibles (p. ex. d’origine cardiaque, rhumatologique ou néoplasique)
Cas probable Antécédents de vapotage ou de tamponnage dans les 90 jours précédant l’apparition des symptômes
ET
Infiltrat pulmonaire, tel que des opacités sur une radiographie thoracique simple ou des opacités en verre dépoli sur une tomographie thoracique
ET
Infection détectée par culture ou PCR, mais l’équipe clinique croit que ce n’est pas la seule cause du processus sous-jacent de la maladie respiratoire
OU
Les critères minimaux non atteints pour exclure une infection pulmonaire (test non effectué) et l’équipe clinique croit que ce n’est pas la seule cause du processus sous-jacent de la maladie respiratoire
ET
Aucune indication dans le dossier médical d’autres diagnostics plausibles (p. ex. processus cardiaque, rhumatologique ou néoplasique)
Utilisation d’une cigarette électronique (vapotage) ou tamponnage dans les 90 jours précédant l’apparition des symptômes
ET
Infiltrat pulmonaire, tel que des opacités sur une radiographie thoracique simple ou des opacités en verre dépoli sur une tomographie thoracique
ET
Infection détectée par culture ou par PCR, mais l’équipe clinique croit que l’infection n’est pas la seule cause du processus sous-jacent des lésions pulmonaires
OU
Les critères minimaux pour exclure une infection pulmonaire ne sont pas remplis (tests non effectués), et l’équipe clinique croit que l’infection n’est pas la seule cause du processus sous-jacent des lésions pulmonaires
ET
Aucune indication dans le dossier médical d’autres diagnostics plausibles (p. ex. d’origine cardiaque, rhumatologique ou néoplasique)

Sources :
MPAV : Gouvernement du Canada. La définition de cas nationale des maladies pulmonaires graves associées au vapotage et au “dabbing” [Internet]. Ottawa (Ont) : Gouvernement du Canada; 2019 [modifié le 11 octobre 2019; consulté le 5 octobre 2021]. En ligne à : https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/maladie-pulmonaire-vapotage/professionnels-sante/definition-nationale-cas.html
EVALI : Centers for Disease Control and Prevention (CDC). 2019 lung injury surveillance primary case definitions, September 18, 2019 [Internet]. Atlanta (GA) : CDC; 2019 [consulté le 5 octobre 2021]. En ligne à : https://www.cdc.gov/tobacco/basic_information/e-cigarettes/assets/2019-Lung-Injury-Surveillance-Case-Definition-508.pdf
Abréviations : LBA, lavage bronchoalvéolaire; PCR, réaction en chaîne par polymérase; VIH, virus de l’immunodéficience humaine.

Note de bas de page a

Le tamponnage ou dabbing est l’inhalation de vapeurs très chaudes d’huiles, de concentrés ou d’extraits de cannabis chauffés.

Retour à la référence de la note de bas de page a

Analyses de laboratoire

Les laboratoires de la Direction générale des opérations réglementaires et de l’application de la loi (DGORAL) de Santé Canada ont effectué des essais analytiques sur des échantillons de produits de vapotage afin d’identifier et de quantifier les substances qui présentent un intérêt dans le cadre des enquêtes sur la MPAV. Dans la mesure du possible, les patients ont fourni des échantillons des substances vapotées avant l’apparition des symptômes. Les laboratoires de la DGORAL de Santé Canada ont également acheté des produits de la marque que les patients ont déclaré avoir consommés et en ont analysé des échantillons, qui ont servi d’échantillons témoins. Les laboratoires de la DGORAL de Santé Canada ont effectué les analyses chimiques des liquides à vapoter à l’aide de méthodes analytiques validées qui font appel aux techniques de chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CG-SM) et de chromatographie en phase liquide à haute performance couplée à un détecteur à barrette de photodiodes (CLHP-BPD). Pour que l’on considère les analytes comme étant détectés, il fallait absolument que leur présence dans l’échantillon ait été confirmée par les deux méthodes. Le Laboratoire de la sécurité des produits (LSP) de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs (DGSESC) de Santé Canada a également fourni des services de laboratoire pour l’analyse des dispositifs de vapotage liés aux cas, sous forme d’une évaluation visuelle, d’une mesure de la résistance des éléments chauffants et de la recherche de métaux lourds dans les éléments chauffants à l’aide d’un appareil portable d’analyse par fluorescence aux rayons X.  

Analyse statistique

Étant donné le petit nombre de cas, l’analyse descriptive a été effectuée à l’aide de feuilles de calcul MS Excel pour présenter en détail les caractéristiques et l’épidémiologie des 20 cas de MPAV au Canada. Aucun lien statistique n’a été examiné et aucun test d’hypothèse n’a été réalisé étant donné la puissance statistique insuffisante, due à la petite taille de l’échantillon ainsi qu’à la disponibilité et l’exhaustivité des données. Compte tenu de ce petit nombre de cas, les cas confirmés et les cas probables ont été combinés pour les besoins des analyses.

Résultats

Au cours de la période de l’étude, les autorités sanitaires provinciales et territoriales ont signalé à l’ASPC 20 cas de MPAV, dont aucun n’a entraîné de décès. Sur ces 20 cas, 8 ont été classés comme cas confirmés et 12 comme cas probables au sens de la définition nationale de cas dans le contexte d’une éclosion.

Des renseignements détaillés ont été fournis pour 75 % (15 cas sur 20) des cas de MPAV signalés au Canada entre le 1er septembre 2019 et le 31 décembre 2020.

Les données sur les caractéristiques individuelles de base, les symptômes, l’apparition des symptômes, le statut d’hospitalisation et la ou les substance(s) vapotée(s) étaient disponibles pour tous les cas. Certains autres renseignements détaillés sur les cas étaient disponibles : antécédents médicaux (13 cas sur 20), interventions médicales (13 cas sur 20), source de la ou des substance(s) vapotée(s), fréquence d’utilisation et dispositifs de vapotage utilisés (14 cas sur 20) et utilisation d’autres substances (combustibles ou autres moyens de consommation; 16 cas sur 20).

Caractéristiques individuelles

Sur l’ensemble des cas, 25 % (5 cas sur 20) sont survenus chez des jeunes de 15 à 19 ans, 50 % (10 cas sur 20) chez des personnes de 20 à 49 ans et 25 % (5 cas sur 20) chez des personnes de 50 ans ou plus. Des cas ont été signalés au Québec, en Colombie-Britannique, en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Alberta et à Terre-Neuve-et-Labrador.

Symptômes

Pour les cas signalés entre le 1er septembre 2019 et le 31 décembre 2020, les dates d’apparition des symptômes sont allées du 5 mai 2019 au 11 avril 2020. Dans la moitié des cas (50 %, 10 cas sur 20), les symptômes sont apparus entre les mois d’août 2019 et d’octobre 2019.

Les 20 patients ont fait état de symptômes respiratoires, 25 % (5 cas sur 20) d’entre eux ayant dit n’avoir éprouvé que des symptômes respiratoires (p. ex. toux, essoufflement) et 75 % (15 cas sur 20) ayant fait état d’une combinaison de symptômes respiratoires, digestifs (p. ex. nausées, diarrhée), constitutionnels (p. ex. frissons, fatigue) ou autres (p. ex. fièvre, perte d’appétit, perte de poids). Huit patients (40 %) ont indiqué avoir eu de la fièvre. Sur les 20 patients, 3 (15 %) ont présenté un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Les autres symptômes signalés ont été des maux de dos, des engourdissements ou des picotements, de la confusion, une perte de mémoire à court terme, un écoulement nasal, une pression dans les sinus, un mal de gorge, de la transpiration, de l’incontinence fécale, des problèmes d’équilibre et des symptômes urinaires.

Les hommes ont été plus nombreux que les femmes à signaler une toux et des symptômes constitutionnels (toux : 10 hommes sur 12 [83 %] par rapport à 4 femmes sur 8 [50 %]; symptômes constitutionnels : 10 hommes sur 12 [83 %] par rapport à 3 femmes sur 8 [38 %]).

Antécédents médicaux

Des renseignements détaillés sur les problèmes de santé préexistants et d’autres facteurs de risque étaient disponibles pour 65 % des cas de MPAV (13 cas sur 20). Parmi eux, 62 % des patients (8 cas sur 13) ont dit avoir un ou plusieurs problèmes de santé ou facteurs de risque préexistants. Chez les patients qui ont indiqué avoir un problème de santé ou un facteur de risque préexistant, 63 % (5 cas sur 8) présentaient une affection respiratoire ou pulmonaire préexistante, soit de l’asthme ou une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). La majorité des patients qui ont signalé des problèmes de santé ou des facteurs de risque préexistants (75 %, ou 6 cas sur 8) étaient âgés de 40 ans ou plus. Aucune différence entre les sexes n’a été observée en ce qui concerne le nombre de problèmes de santé ou de facteurs de risque préexistants signalés.

Hospitalisation et admission dans une unité de soins intensifs (USI)

Sur les 20 patients atteints de MPAV, 80 % (16 cas sur 20) ont été hospitalisés. Des renseignements détaillés sur la date de l’admission à l’hôpital et la date du congé étaient disponibles pour 14 des 16 patients hospitalisés. La durée médiane du séjour à l’hôpital était de 6 jours (intervalle de 2 à 54 jours). Sur les 14 patients pour lesquels des renseignements étaient disponibles, 86 % (12 cas sur 14) ont été hospitalisés pendant 10 jours ou moins. Sur les 16 patients hospitalisés, 50 % (8 cas sur 16) ont été admis dans une USI.

Interventions et traitements médicaux

Sur les 20 patients atteints de MPAV, 55 % (11 cas sur 20) ont eu besoin d’une intervention respiratoire. De ce nombre, 55 % (6 cas sur 10) ont reçu de l’oxygène au moyen d’une canule nasale, tandis que les autres ont dû faire l’objet d’interventions de soutien plus intensives telles qu’une ventilation (3 cas sur 11), une ventilation en pression positive continue (VPPC; 1 cas sur 11) ou une oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO; 1 cas sur 11). Des traitements médicaux supplémentaires ont été administrés à plusieurs patients, dont un traitement antimicrobien, une corticothérapie ou les deux. Le pourcentage de patients atteints de MPAV qui ont eu besoin d’une intervention respiratoire était plus élevé chez les personnes de 40 ans ou plus (67 %, 6 cas sur 9) que chez celles de 39 ans ou moins (45 %, 5 cas sur 11). Aucune différence entre les sexes n’a été observée en matière de type d’intervention.

Comportements de vapotage

Sur les 20 patients atteints de MPAV, 75 % (15 cas sur 20) ont déclaré avoir vapoté des produits à base de nicotine. Sur ces 15 patients, 12 (80 %) ont indiqué avoir vapoté exclusivement des produits à base de nicotine. Sept patients ont dit avoir vapoté des produits aromatisés à base de nicotine, et la plupart d’entre eux ont déclaré avoir utilisé plus d’un arôme (5 cas sur 7). Les arômes déclarés étaient le tabac (2 cas), les fruits (comme pomme verte, goyave de Chine, mélange de baies ou mangue; 6 cas) et d’autres arômes (comme barbe à papa, gomme à bulles, menthe ou vanille; 3 cas). Au total, 40 % des patients atteints de MPAV (8 cas sur 20) ont signalé avoir consommé par vapotage ou par tamponnage des produits contenant du cannabis. Sur ces 8 patients, 5 (63 %) ont déclaré n’avoir vapoté que du cannabis (ce qui renvoie à une vaste catégorie de substances inhalées contenant des extraits de cannabis).

Le vapotage de nicotine exclusivement a été mentionné par des hommes et des femmes de tous les groupes d’âge, tandis que le vapotage exclusif de cannabis n’a été mentionné que par des hommes et des femmes de moins de 60 ans. Quant aux patients ayant déclaré avoir vapoté à la fois des produits contenant de la nicotine et des produits contenant du cannabis, tous étaient des hommes de moins de 20 ans. Les femmes étaient plus nombreuses que les hommes (60 %, ou 3 cas sur 5) à déclarer n’avoir vapoté que du cannabis, tandis que les hommes étaient plus nombreux que les femmes (58 %, ou 7 cas sur 12) à indiquer n’avoir vapoté que de la nicotine.

Différents types de dispositifs peuvent être utilisés pour vapoter, produisant un aérosol inhalable de nicotine, de substance aromatisée ou d’extraits de cannabis. Les extraits de cannabis peuvent se présenter sous forme liquide, semi-solide ou solide (p. ex. cristaux [« shatters »] ou cire [« wax »]). Des renseignements détaillés sur le type de dispositif de vapotage ou de tamponnage utilisé étaient disponibles pour 14 des 20 cas de MPAV. Les types de dispositifs mentionnés ont été les cigarettes électroniques stylos munies d’un réservoir (rechargeable), d’une cartouche préremplie (à usage unique) ou de cartouches jetables. Un dispositif de tamponnage (p. ex. pipe à eau) et d’autres dispositifs ont également été signalés. La plupart des patients (71 %, 10 cas sur 14) ont déclaré utiliser leur dispositif quotidiennement. Les renseignements sur la quantité de substance consommée par utilisation ou le nombre d’utilisations par jour n’étaient pas fournis. Aucun patient n’a indiqué avoir utilisé un dispositif modifié, mais un patient a affirmé avoir modifié la substance de vapotage.

Outre les substances vapotées, on disposait de données sur des produits à base de nicotine et d’autres substances ayant été consommés par d’autres moyens (p. ex. inhalés, injectés, ingérés, brûlés) pour 70 % des patients (14 cas sur 20). Les trois quarts de ces patients (79 %, 11 cas sur 14) ont déclaré consommer ou avoir déjà consommé du tabac combustible et 57 % (8 cas sur 14) ont mentionné consommer ou avoir déjà consommé du cannabis combustible.

Résultats des analyses de laboratoire portant sur les substances et les dispositifs

En date du 3 juin 2020, les laboratoires de la DGORAL de Santé Canada avaient reçu et analysé 59 échantillons liés à 8 cas (35 échantillons témoins, 16 échantillons de produits provenant de patients et 8 échantillons prélevés à partir du dispositif d’un patient, soit la substance et des prélèvements réalisés par écouvillonnage sur différentes parties du dispositif). De l’acétate de vitamine E a été détecté à une concentration très faible (0,279 mg/ml) dans un échantillon témoin. Rien n’indique qu’une telle concentration aurait pu causer des symptômes de MPAV. À la lumière d’une analyse des risques liés à l’exposition et des renseignements sur la toxicité qui concernent les échantillons analysés provenant de patients atteints de MPAV, il a été impossible d’attribuer les symptômes de MPAV à une substance détectée ou quantifiée en particulier. Si les substances détectées sont très faiblement toxiques par voie orale, leur toxicité par inhalation est inconnue pour la plupart d’entre elles. On a également analysé les liquides de vapotage à la recherche de métaux lourds tels que le cadmium, l’arsenic, le plomb et le mercure. Aucun métal lourd n’a été détecté dans les liquides analysés (tableau 2).

Le LSP de la DGSESC de Santé Canada a reçu 11 dispositifs et a évalué 7 d’entre eux. Aucune constatation importante n’est ressortie de l’évaluation visuelle ou de la mesure de la résistance des éléments chauffants réalisées par le LSP de la DGSESC de Santé Canada, et aucun métal lourd n’a été détecté au-dessus de la limite de détection de l’appareil d’analyse par fluorescence aux rayons X (moins de 10 parties par million).

Tableau 2. Résumé de l’analyse des liquides de vapotage effectuée par les laboratoires de la DGORAL de Santé Canada en lien avec les cas de MPAV au Canada entre septembre 2019 et décembre 2020
Type d’échantillon de liquide de vapotage Résultats
Témoin
(n = 35)
Nicotine
  • Présente dans 22 échantillons; dans tous les échantillons, la teneur était conforme à la teneur alléguée sur l’étiquette
  • Dans les 13 autres échantillons, la teneur en nicotine était inférieure à la limite de détection; dans tous les échantillons, la teneur était conforme à la teneur alléguée sur l’étiquette

Autres substances

  • Agents aromatisants (p. ex. vanilline, benzoate de benzyle, benzaldéhyde)
  • Diluants (alcool benzylique)
Patient
(n = 16)
Nicotine
  • Présente dans 11 échantillons
  • Dans 6 échantillons, la teneur en nicotine était conforme à la teneur alléguée sur l’étiquette; 5 échantillons n’étaient pas assez importants pour que la teneur puisse être déterminée; dans 5 échantillons, la nicotine n’a pas été détectée (la teneur était inférieure à la limite de détection), ce qui est conforme à l’allégation figurant sur l’étiquette

THC

  • Présent dans 4 échantillons (provenant d’un seul patient)

Autres substances

  • La vanilline a été détectée dans un échantillon 
Liquide extrait de dispositifs de patients (n = 8) Nicotine
  • Présente dans 8 échantillonsNote de bas de page a; les échantillons n’étaient pas assez importants pour que la teneur puisse être déterminée

Autres substances

  • La vanilline a été détectée dans 3 échantillons; des traces de cocaïne (sur l’embout du vaporisateur) ont été détectées dans un échantillon

Abréviations : DGORAL, Direction générale des opérations réglementaires et de l’application de la loi; MPAV, maladie pulmonaire associée au vapotage; THC, tétrahydrocannabinol.

Note de bas de page a

En plus de prélever un échantillon de liquide dans les dispositifs, on a également prélevé des échantillons sur le dispositif proprement dit par écouvillonnage de différentes parties ou composantes, d’où le nombre plus élevé d’échantillons que de dispositifs soumis pour l’analyse.

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Analyse

Entre septembre 2019 et décembre 2020, 20 cas de MPAV ont été signalés au Canada, soit une prévalence de 0,9 cas par million d’habitantNote de bas de page *. En date du 18 février 2020, les CDC avaient signalé 2 807 cas d’EVALI et 68 décès aux États-Unis, ce qui représente une prévalence d’environ 8,5 cas par million d’habitants. Étant donné que le nombre de cas est plus faible au Canada et que les systèmes de réglementation et de soins de santé sont différents, il est difficile de comparer les caractéristiques des cas d’EVALI aux États-Unis à celles des cas de MPAV au Canada. Alors que l’éclosion de cas d’EVALI aux États-Unis a été caractérisée par une forte hausse du nombre de visites aux services des urgences au cours de l’été 2019, suivie d’un pic en septembre 2019Note de bas de page 11, au Canada, un petit nombre de cas (entre 1 et 4) a été signalé chaque mois entre septembre 2019 et avril 2020Note de bas de page .

Du point de vue géographique, aux États-Unis, des cas d’EVALI ont été signalés dans les 50 États, dans le District de Columbia et dans 2 des territoires (Porto Rico et les îles Vierges américaines). Les taux étaient variables selon les États, les États du nord du Midwest (comme l’Illinois, l’Indiana et le Minnesota) ayant enregistré un taux plus élevé de cas que les autres ÉtatsNote de bas de page 11Note de bas de page 12. Bien que la réglementation sur le vapotage soit différente selon les provinces, la majorité des cas de MPAV au Canada (80 %) ont été signalés en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, les trois provinces les plus peuplées du Canada, qui comptent 75 % de la population canadienne. Cet élément laisse penser qu’il n’y a pas de cœur géographique pour les cas de MPAV au Canada comme il semble y en avoir aux États-Unis.

Au Canada, près de la moitié des cas de MPAV (45 %) concernaient des personnes de 40 ans ou plus, et davantage les hommes (60 %) que les femmes. À titre de comparaison, aux États‑Unis, les trois quarts (76 %) des cas d’EVALI concernaient des personnes de 34 ans ou moins, et les hommes (66 %) étaient également plus touchés que les femmesNote de bas de page 11. Ainsi, au Canada, les cas de MPAV sont associés à une proportion plus élevée de patients plus âgés que les cas d’EVALI aux États-Unis, et les cas de MPAV, comme les cas d’EVALI, sont plus fréquents chez les hommes que chez les femmes.

Entre août et novembre 2019, environ 95 % des patients atteints d’EVALI aux États-Unis avaient été hospitalisésNote de bas de page 13. Au Canada, la plupart (80 %) des patients atteints de MPAV ont été hospitalisés. Cependant, ce pourcentage est probablement attribuable aux stratégies de recherche des cas, qui étaient limitées aux patients hospitalisés dans la majorité des provinces et des territoires. En élargissant la portée de la recherche des cas au-delà des hôpitaux, comme certaines provinces l’ont fait, il a été possible de détecter d’autres cas dans les cliniques et les services des urgences. Le fait de se concentrer sur les patients hospitalisés a peut-être entraîné une sous-déclaration des cas susceptibles d’avoir présenté des symptômes plus légers ou qui ont été résolus par des interventions ambulatoires, ne requérant donc pas d’hospitalisation.

Au Canada, la substance la plus souvent vapotée par les patients atteints de MPAV était la nicotine. Aux États-Unis, la majorité des patients atteints d’EVALI ont déclaré avoir utilisé des produits contenant du cannabis qu’ils se sont procurés auprès de sources informellesNote de bas de page 11. Par exemple, 91 % des cas d’EVALI au Minnesota et trois grappes de patients au Wisconsin (8 cas) impliquaient des produits de vapotage contenant du cannabis obtenus auprès de sources informelles telles que des amis, des membres de la famille ou des revendeurs en personne ou en ligne, et 75 % des produits contenant du THC signalés en Californie provenaient également de sources informellesNote de bas de page 14-16. Au Canada, un patient atteint de MPAV a indiqué avoir modifié les substances de vapotage, ce qui pourrait avoir modifié les propriétés chimiques du liquide vapoté et contribué aux effets indésirablesNote de bas de page 10. De même, des traces de cocaïne détectées sur un dispositif peuvent laisser penser que la personne souhaitait tenter une expérience de consommation différente, ce qui a pu produire des effets néfastes sur sa santé. La différence de prévalence entre les cas de MPAV et d’EVALI pourrait être attribuable à la proportion accrue de patients ayant déclaré avoir vapoté des produits contenant du cannabis obtenus auprès de sources informelles aux États-Unis.

Au Canada, il se peut que plus d’un facteur susceptible d’avoir contribué à la maladie ait été présent en même temps que l’éclosion de cas d’EVALI aux États-Unis. L’éclosion de cas d’EVALI aux États‑Unis est fortement liée à l’acétate de vitamine E ajouté aux produits de vapotage contenant du cannabis obtenus auprès de sources informellesNote de bas de page 11Note de bas de page 17Note de bas de page 18. Or, au Canada, les concentrations d’acétate de vitamine E détectées n’étaient pas suffisantes pour pouvoir établir un lien avec les cas signalés. Une concentration de 0,279 mg/ml (0,03 %) d’acétate de vitamine E a été détectée dans un échantillon témoin au Canada; des concentrations de 23 % à 88 % ont été détectés dans des échantillons de cas d’EVALINote de bas de page 19. La présence possible d’autres substances chimiques dans les produits de vapotage ne peut être écartée comme facteur contributif.Note de bas de page 20 En outre, les problèmes de santé préexistants compliquent l’évaluation des cas.

Les différences de réglementation entre le Canada et les États-Unis pourraient également avoir contribué aux différences dans les caractéristiques des cas des deux pays. Les dispositions législatives adoptées par le Canada en octobre 2019 régissant les extraits de cannabis inhalés, ce qui inclut les produits de vapotage contenant du cannabis, restreignent étroitement les additifs, les ingrédients et les substances de base ainsi que les contaminants (p. ex. les pesticides et les métaux lourds) susceptibles de présenter un risque de préjudice à la santé humaineNote de bas de page 21Note de bas de page 22Note de bas de page 23. Cependant, les extraits de cannabis inhalés qui sont couramment utilisés avec des accessoires tels que des dispositifs de vapotage n’ont été mis en marché légalement qu’en décembre 2019, ce qui implique que les produits utilisés durant une partie de la durée de l’enquête, avant décembre 2019, peuvent ne pas avoir été conformes à cette réglementation. Aux États-Unis, ces produits ne faisaient l’objet d’aucune surveillance fédérale au moment de l’éclosion, ce qui a obligé chaque État à élaborer son propre ensemble de règlements et de restrictions, aboutissant à une réglementation variable d’un État à l’autre. Des États comme le Colorado et la Californie, où la consommation de cannabis chez les adultes est légalisée, ont signalé des taux d’EVALI inférieurs à ceux des États où la consommation de cannabis est illégaleNote de bas de page 24. La variabilité de la réglementation aux États-Unis n’a sans doute pas eu d’impact sur les produits utilisés par les Canadiens, dans la mesure où l’importation de produits contenant du cannabis par les consommateurs est interdite au Canada. Cela réduit la probabilité que des produits falsifiés en provenance des États-Unis aient été importés légalement sur le marché canadienNote de bas de page 25.

L’éclosion de cas d’EVALI aux États-Unis a probablement entraîné une surveillance et une connaissance accrues du risque d’effets nocifs liés au vapotage au Canada, ce qui a pu contribuer à la détection ou à l’identification de cas qui n’auraient peut-être pas été signalés autrement ou regroupés à l’échelle nationaleNote de bas de page 26Note de bas de page 27Note de bas de page 28. Les structures de gouvernance et les relations bien établies avec le Réseau pancanadien de santé publique, le CMHCNote de bas de page 29, les autorités sanitaires provinciales et territoriales et les médias pourraient avoir accéléré l’échange de renseignements en temps opportun, rehaussé la sensibilisation et amélioré la surveillance du risque d’effets nocifs lié aux produits de vapotage. De plus, la publication en septembre 2019 d’une mise à jour visant à mettre en garde la population canadienne en général contre le risque possible de MPAVNote de bas de page 30 pourrait avoir encouragé des comportements d’autorégulation (p. ex. s’abstenir d’utiliser des produits illicites et cesser d’utiliser des produits de vapotage en cas de malaise). Il sera nécessaire de poursuivre la recherche et la surveillance pour comprendre l’effet de ce message sur les changements de comportement.

Forces et limites

Notre étude, qui porte sur les tendances des cas de MPAV au Canada, contribue à enrichir la base de données probantes et, par conséquent, à assurer une meilleure compréhension des effets nocifs graves liés au vapotage ainsi que de la prise en charge clinique des cas soupçonnés de MPAV.

Cependant, les résultats de l’étude doivent être interprétés à la lumière de certaines limites. La petite taille de l’échantillon (20 cas) et les renseignements limités sur les cas inclus dans l’étude ont limité les analyses et l’interprétation des résultats, de sorte qu’il a été difficile de cerner un facteur de risque en particulier. Les données peuvent être sujettes à des biais de déclaration des patients, des membres de leur famille et des fournisseurs de soins de santé, car la plupart des données ont été recueillies rétrospectivement, et certains patients ne se souvenaient pas des produits utilisés. Certaines personnes ont peut‑être hésité à divulguer l’utilisation de produits de vapotage contenant du cannabis, étant donné que ces produits étaient illégaux sur le marché canadien jusqu’en décembre 2019, ce qui a pu leur faire craindre la stigmatisation associée à l’utilisation de produits illégaux et les répercussions de leur aveu. Compte tenu du petit échantillon de produits analysé par les laboratoires de la DGORAL de Santé Canada et le LSP de la DGSESC de Santé Canada, les résultats des analyses de laboratoire ne doivent pas être interprétés comme des causes définies de MPAV. De plus, au Canada, aucun échantillon prélevé par lavage bronchoalvéolaire n’a été analysé, alors que c’est cette méthode d’analyse qui a joué un rôle clé dans la détection de l’acétate de vitamine E dans le cadre de l’enquête menée aux États-Unis. Les cas et les comportements de vapotage ont probablement été sous-déclarés dans des proportions similaires au Canada et aux États-Unis.

La MPAV est un diagnostic d’exclusion, et l’éventail de symptômes qu’elle peut causer est vaste. Les patients qui consultent aux services des urgences avec des symptômes légers ou dont les symptômes se résorbent grâce à des interventions ambulatoires peuvent avoir fait l’objet de sous-déclaration ou ne pas avoir été détectés. Sans base de référence, il est difficile de déterminer si les taux de cas de type MPAV diffèrent selon la fréquence et la durée d’utilisation, et les chiffres chez les seuls patients vapoteurs ne permettent pas de le savoir. Compte tenu de la prévalence du vapotage au sein de la population canadienne, en particulier chez les jeunes, et de la nature non spécifique de la définition de cas et des symptômes présents, on ne peut exclure la possibilité que le vapotage soit associé par coïncidence à la MPAV dans au moins certains cas. En outre, comme plus de la moitié des cas sont classés comme étant probables, la possibilité d’erreurs de diagnostic et de facteurs de confusion impose une certaine prudence, les patients atteints d’infections respiratoires ou d’autres affections qui causent des infiltrats peuvent avoir été identifiés comme des patients atteints de MPAV en raison d’antécédents de vapotage mais qui ne sont peut-être pas liés à leurs symptômes.

De surcroît, plus des deux tiers des patients atteints de MPAV ont déclaré consommer ou avoir déjà consommé du tabac combustible, du cannabis combustible ou les deux, ce qui les expose à des lésions pulmonaires possiblement sans lien avec le vapotage. De nombreux patients ont également fait état de problèmes de santé préexistants susceptibles d’avoir nui à leur fonction pulmonaire et d’avoir contribué à aggraver la maladie dans certains cas. À partir de février 2020, moment où l’épidémie de COVID-19 a commencé au Canada, des cas probables ou confirmés de COVID-19 pourraient avoir été confondus avec des cas possibles de MPAV, étant donné le chevauchement des symptômes et de la progression de la maladieNote de bas de page 31. Même si les provinces et les territoires continuent de surveiller et de signaler les cas de MPAV, la réduction de la surveillance active des cas de MPAV imposée par la transmission de la COVID-19 au Canada pourrait avoir joué un rôle dans la sous-déclaration des cas depuis mars 2020.

Conclusion

Même si, en général, on considère que le vapotage entraîne une exposition plus faible aux substances toxiques connues que la consommation de tabac combustible, on ignore encore beaucoup de choses au sujet du vapotage de substances, une pratique qui n’est pas sans risques. Des cas de MPAV ont été détectés au Canada entre septembre 2019 et décembre 2020, quoiqu’avec une prévalence bien moindre que celle des cas d’EVALI aux États-Unis, et avec un mécanisme sans doute différent. Contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis, où l’acétate de vitamine E a été identifié comme un nouvel adultérant dans les produits contenant du cannabis obtenus de sources informelles, cet ingrédient n’a pas été détecté en quantité suffisante dans les produits analysés liés aux cas de MPAV au Canada. Bien que des produits à base de nicotine aient été utilisés par la majorité des patients atteints de MPAV et aient été détectés dans plusieurs échantillons de produits, on ne peut présumer une relation de cause à effet pour le moment. Il a été impossible d’associer les cas de MPAV à un agent causal en particulier.

À mesure que la prévalence de l’utilisation de produits de vapotage contenant de la nicotine et du cannabis augmente au Canada, en particulier chez les jeunes qui n’ont jamais fumé auparavant, d’autres recherches devront être menées pour mieux comprendre comment l’évolution des habitudes d’utilisation des produits de vapotage, incluant la fréquence et l’intensité de l’utilisation, peut contribuer à des effets nocifs aigus et chroniques, dont la MPAV, la dépendance à la nicotine ou au cannabis et l’évolution des tendances du tabagisme. De plus, il est important d’assurer la formation continue des médecins de soins primaires, des cliniciens des services des urgences et des autres fournisseurs de soins de santé primaires ou de soins de santé aux patients externes (comme les infirmières praticiennes) pour qu’ils gardent à l’esprit la MPAV comme diagnostic possible.

Les facteurs qui influent sur la MPAV au Canada sont probablement complexes et multiples. Bien qu’il manque de données probantes dans ce domaine, il importe d’étudier les effets à court et à long terme du vapotage de la nicotine et du cannabis sur la santé, notamment l’influence possible sur la susceptibilité aux maladies infectieuses. Il est important de maintenir la sensibilisation et la vigilance pour permettre la détection et la déclaration des cas de MPAV par les fournisseurs de soins de santé, afin de dresser un portrait complet de la MPAV au Canada et de mieux caractériser les facteurs ayant une influence sur la MPAV.

Remerciements

Les auteures souhaitent souligner le soutien apporté par leurs partenaires provinciaux et territoriaux ainsi que par le groupe de travail FPT sur la MPAV dans le cadre de l’enquête sur les cas de MPAV et de l’élaboration de cet article. Elles tiennent également à remercier les collaborateurs de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada. L’exactitude des données a été vérifiée par les autorités sanitaires provinciales et territoriales qui les ont soumises.

Conflits d’intérêts

Les auteures déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteures et avis

MB, LB et SOC ont contribué à la conception et à l’élaboration de l’étude. MB et TP ont préparé le matériel et ont fait l’acquisition, l’analyse et l’interprétation des données. MB et TP ont rédigé la première ébauche du manuscrit en fonction des commentaires de toutes les auteures. Toutes les auteures ont lu et approuvé la version définitive du manuscrit.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteures; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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