Recherche quantitative originale – Analyse coût-utilité de l’incidence des inhalateurs électroniques de nicotine sur les coûts et les résultats des soins de santé au Canada

Revue PSPMC

Page précedente | Table des matières |

Catherine M. Pound, M.D., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Doug Coyle, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2

https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.1.05f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs
Correspondance

Catherine Pound, Département de médecine pédiatrique, Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, 401, chemin Smyth, Ottawa (Ontario) K1H 8L1; tél. : 613-737-7600, poste 2701; courriel : cpound@cheo.on.ca

Citation proposée

Pound CM, Coyle D. Analyse coût-utilité de l’incidence des inhalateurs électroniques de nicotine sur les coûts et les résultats des soins de santé au Canada. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2022;42(1):32-41. https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.1.05f

Résumé

Introduction. Nous avons déterminé l’incidence des inhalateurs électroniques de nicotine sur les coûts et les résultats liés à la santé au Canada en fonction de leur effet sur les taux d’arrêt du tabagisme et d’initiation au tabagisme.

Méthodologie. Nous avons utilisé des modèles de Markov selon le genre pour estimer les années de vie actualisées sur un horizon à vie, les années de vie ajustées en fonction de la qualité (AVAQ) et les coûts des soins de santé liés au tabagisme pour des cohortes de garçons et de filles de 15 à 19 ans, selon des scénarios où 1) les inhalateurs électroniques de nicotine sont accessibles (statu quo), 2) les inhalateurs électroniques de nicotine ne sont aucunement accessibles et 3) les inhalateurs électroniques de nicotine sont accessibles sur ordonnance d’un fournisseur de soins de santé pour l’arrêt du tabagisme, en complément aux outils de cessation tabagique actuellement reconnus. L’analyse a été effectuée du point de vue d’un système de soins de santé financé par des fonds publics.

Résultats. Les résultats sont exprimés pour 1 000 personnes et reposent sur les valeurs attendues obtenues par une simulation de Monte-Carlo avec 10 000 itérations. Pour les garçons de 15 à 19 ans, les années de vie, les AVAQ et les coûts des soins de santé liés au tabagisme étaient de respectivement 41 553, 35 871 et 79 645 964 $ CA lorsque les inhalateurs électroniques de nicotine étaient accessibles, de respectivement 41 568, 35 894 et 79 645 960 $ CA lorsque les inhalateurs électroniques de nicotine n’étaient pas accessibles et de respectivement 41 570, 35 897 et 79 605 869 $ CA lorsque les inhalateurs électroniques de nicotine étaient accessibles sur ordonnance seulement. Pour les filles, les années de vie, les AVAQ et les coûts des soins de santé liés au tabagisme étaient de respectivement 43 596, 37 416 et 69 242 856 $ CA lorsque les inhalateurs électroniques de nicotine étaient accessibles, de respectivement 43 610, 37 438 et 69 085 926 $ CA lorsque les inhalateurs électroniques de nicotine n’étaient pas accessibles et de respectivement 43 611, 37 438 et 69 076 034 $ CA lorsque les inhalateurs électroniques de nicotine étaient accessibles sur ordonnance seulement. Ainsi, les scénarios dans lesquels les inhalateurs électroniques de nicotine ne sont pas accessibles ou ne sont accessibles que sur ordonnance l’emportent sur le statu quo.

Conclusion. Ces résultats montrent qu’un changement de politique qui rendrait les inhalateurs électroniques de nicotine inaccessibles à la population canadienne ou accessibles sur ordonnance seulement permettrait probablement d’améliorer la santé de la population et de réduire les coûts des soins de santé.

Mots-clés : produits du tabac, tabagisme, arrêt du tabagisme, inhalateurs électroniques de nicotine, vapotage, analyse coût-avantage

Points saillants

  • Les fumeurs qui souhaitent arrêter de fumer ont souvent recours au vapotage.
  • Le vapotage peut favoriser l’initiation au tabagisme chez les jeunes, ce qui a des effets négatifs à long terme sur la santé.
  • D’après les résultats de cette étude, et avec nos hypothèses, la restriction de l’accès au vapotage est susceptible d’améliorer la santé de la population et de réduire les coûts des soins de santé.
  • Les changements de politique qui restreignent l’accès au vapotage doivent être évalués avec prudence afin d’éviter les dommages collatéraux comme des effets négatifs sur la santé des fumeurs et des ex-fumeurs qui utilisent le vapotage comme stratégie de réduction des méfaits.

Introduction

Malgré une diminution considérable de la prévalence du tabagisme au cours des 50 dernières annéesNote de bas de page 1, l’usage du tabac demeure la cause la plus courante de maladies et de décès évitables au CanadaNote de bas de page 2. En 2012, les coûts du tabagisme s’élevaient à 16 milliards de dollars canadiens, la majorité des coûts indirects (9,5 milliards de dollars canadiens) étant liés à la perte de salaire due à l’invalidité à long terme et à la mortalité prématurée, et la plus grande partie des coûts directs (6,5 milliards de dollars canadiens) étant associés aux coûts des soins de santéNote de bas de page 2. Étant donné les répercussions du tabagisme sur la population canadienne, le gouvernement du Canada s’est fixé comme objectif de réduire la prévalence du tabagisme à moins de 5 % d’ici 2035Note de bas de page 3. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’étudier attentivement les stratégies d’arrêt du tabagisme et les stratégies de prévention de l’initiation au tabagisme.

Le vapotage, qui consiste à utiliser des inhalateurs électroniques de nicotine, est une stratégie d’arrêt du tabagisme couramment employée. Au Canada, près du tiers des fumeurs et des ex-fumeurs déclarent avoir utilisé le vapotage pour essayer de cesser de fumerNote de bas de page 4. On craint toutefois que le vapotage n’entraîne une augmentation de l’initiation au tabagisme chez les jeunesNote de bas de page 5Note de bas de page 6, une association qui fait néanmoins l’objet de débats, car certaines études laissent entrevoir un risque négligeable d’initiation au tabagisme par le vapotage chez les jeunes à l’échelle de la populationNote de bas de page 7Note de bas de page 8. Au Canada, 11 % des jeunes de moins de 25 ans et 32 % des adolescents de 15 à 17 ans qui ont déjà fumé quotidiennement ont utilisé des inhalateurs électroniques de nicotine avant de commencer à fumer des cigarettes traditionnellesNote de bas de page 5. La prévalence croissante du vapotage au fil du temps est également préoccupante. Entre 2013 et 2019, la proportion de jeunes Canadiens de 15 à 19 ans qui ont adopté le vapotage est passée de 20 % à 36 %, tandis que, du côté des Canadiens de 20 à 24 ans, cette proportion a grimpé de 20 % à 48 %Note de bas de page 9Note de bas de page 10

Si les inhalateurs électroniques de nicotine peuvent avoir un effet positif sur l’arrêt du tabagismeNote de bas de page 11Note de bas de page 12, leur incidence sur l’initiation au tabagisme chez les jeunes est préoccupante. Afin de déterminer si les avantages procurés par les inhalateurs électroniques de nicotine pour l’arrêt du tabagisme suffisent à compenser les conséquences négatives sur la santé de l’augmentation de l’initiation au tabagisme, nous avons effectué une analyse coût-utilité de l’incidence des inhalateurs électroniques de nicotine sur l’espérance de vie, les années de vie ajustées en fonction de la qualité (AVAQ) et les coûts des soins de santé liés au tabagisme au Canada La vente de produits de vapotage contenant de la nicotine est actuellement autorisée pour les adultes de 18 ans et plus au CanadaNote de bas de page 13, bien que certaines provinces aient imposé un âge minimum plus élevé.

Méthodologie

Nous avons utilisé des modèles de Markov selon le genre pour étudier les comportements en matière de tabagismes des non-fumeurs, des fumeurs et des ex-fumeurs en ce qui concerne les inhalateurs électroniques de nicotine et pour étudier l’incidence des inhalateurs électroniques de nicotine sur la mortalité et les maladies liées au tabagisme dans des cohortes de filles et de garçons de 15 à 19 ans. Nous avons estimé les années de vie, les AVAQ et les coûts des soins de santé liés au tabagisme selon trois scénarios : 1) le statu quo, dans lequel les inhalateurs électroniques de nicotine sont largement accessibles 2) l’interdiction totale des inhalateurs électroniques de nicotine et 3) l’accès limité aux inhalateurs électroniques de nicotine pour l’arrêt du tabagisme, sur ordonnance d’un professionnel de la santé seulement. Dans le scénario fondé sur l’accessibilité sur ordonnance, nous avons modélisé l’incidence des inhalateurs électroniques de nicotine comme une solution qui s’ajoute aux outils d’arrêt du tabagisme actuellement approuvés et non comme une solution qui les remplace.

L’analyse des scénarios de référence a été effectuée du point de vue d’un système de soins de santé financé par des fonds publics. Bien que les coûts des soins de santé publics relèvent de la compétence des ministères provinciaux, les résultats sont généralisables à tous les ministères, puisque les données ont été extraites d’enquêtes nationales sur la population. Nous avons adopté un horizon temporel à vie pour prendre en considération les coûts et les effets globaux sur la santé durant toute la vie.

Collecte de données

Nous avons utilisé, dans la mesure du possible, des données provenant d’enquêtes sur la population canadienne, que nous avons complétées par des données recueillies à partir d’une revue de la littérature. Bien que nous ayons d’abord envisagé d’avoir recours à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC)Note de bas de page 14 parce qu’elle permet d’obtenir des renseignements sur un grand nombre de Canadiens (plus de 100 000 Canadiens de 12 ans et plus), nous avons finalement extrait les données précises sur le statut tabagique et le vapotage de l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues (ECTAD) de 2017Note de bas de page 4. Même si la taille de l’échantillon est plus petite (environ 16 000 Canadiens de 15 ans et plus), l’ECTAD comporte davantage de données relatives au tabagisme et au vapotage et elle suréchantillonne le groupe des 15 à 24 ans, qui est la population la plus susceptible de commencer à fumerNote de bas de page 4. Nous avons stratifié les données par groupe d’âge et par genre.

Conception des modèles

Nous avons extrait la répartition selon l’âge pour chacun des statuts tabagiques (non-fumeurs, fumeurs et ex-fumeurs) de l’ECTAD de 2017Note de bas de page 4 et simulé la progression de la cohorte au cours de la vie, de 15 à 105 ans (figure 1).

Dans les scénarios où les inhalateurs électroniques de nicotine sont accessibles, nous avons analysé l’incidence des inhalateurs électroniques de nicotine sur l’initiation au tabagisme entre 15 et 24 ans ainsi que leur incidence sur l’arrêt du tabagisme entre 25 et 105 ans. Nous avons choisi l’âge de 25 ans comme seuil entre les jeunes et les adultes, car les données des enquêtes sur la population canadienneNote de bas de page 4Note de bas de page 14 montrent que le nombre de non-fumeurs qui commencent à fumer ou à vapoter après l’âge de 25 ans est extrêmement faible.

Dans le scénario où les inhalateurs électroniques de nicotine sont accessibles sur ordonnance seulement pour l’arrêt du tabagisme, nous avons supposé un accès réduit aux inhalateurs électroniques de nicotine pour les fumeurs, puisque près de 15 % des Canadiens de plus de 12 ans n’ont pas accès à un fournisseur de soins de santé primairesNote de bas de page 15. Nous avons utilisé un cycle de six mois, étant donné que l’arrêt du tabagisme est habituellement défini comme une abstinence soutenue d’au moins six moisNote de bas de page 16. Cette durée représente donc la période minimale requise pour passer du statut de fumeur à celui d’ex-fumeur.

Nous avons extrait le statut tabagique de l’ECTAD en nous fondant sur les catégories traditionnelles de tabagisme utilisées dans l’enquête (fumeur quotidien actuel, fumeur occasionnel actuel, ancien fumeur quotidien, ancien fumeur occasionnel, fumeur à titre expérimental, abstinent à vie), que nous avons regroupées dans les nouvelles catégories suivantes :

  • Fumeurs quotidiens : fumeurs quotidiens actuels
  • Anciens fumeurs quotidiens : anciens fumeurs quotidiens et fumeurs occasionnels qui ont déjà été fumeurs quotidiens
  • Personnes n’ayant jamais fumé/fumeurs à titre expérimental/fumeurs occasionnels (n’ayant jamais été fumeurs quotidiens) : fumeurs à titre expérimental, abstinents à vie, anciens fumeurs occasionnels et fumeurs occasionnels qui n’ont jamais été fumeurs quotidiens

Nous avons regroupé les fumeurs occasionnels qui ont déjà été fumeurs quotidiens avec les anciens fumeurs quotidiens pour obtenir une estimation prudente des coûts et des AVAQ perdues associés aux maladies liées au tabagisme. Les fumeurs occasionnels qui ont déjà été fumeurs quotidiens présentent probablement un risque plus élevé de maladies liées au tabagisme que les anciens fumeurs quotidiens qui sont maintenant complètement abstinents, mais ils présentent aussi probablement un risque moins élevé de maladies liées au tabagisme que les fumeurs quotidiens. Le fait de regrouper les fumeurs occasionnels qui ont déjà été fumeurs quotidiens avec les fumeurs quotidiens aurait pour effet de gonfler les coûts liés aux maladies et les AVAQ perdues, lesquelles ont été fondées sur les estimations du risque pour les fumeurs quotidiens.

Les fumeurs occasionnels qui n’ont jamais été fumeurs quotidiens ont été regroupés dans la catégorie « personnes n’ayant jamais fumé/fumeurs à titre expérimental/fumeurs occasionnels (n’ayant jamais été fumeurs quotidiens) », car il est également peu probable que les coûts et les AVAQ perdues associés aux maladies liées au tabagisme pour ces personnes soient les mêmes que pour les fumeurs quotidiens.

Ces catégories permettent donc d’adopter l’approche la plus prudente pour estimer les coûts et les AVAQ perdues associés aux maladies liées au tabagisme.

Outre le statut tabagique, nous avons également inclus les catégories suivantes :

  • Personnes ayant déjà utilisé des inhalateurs électroniques de nicotine (modèle pour les 15 à 24 ans) : personnes ayant déjà vapoté
  • Doubles utilisateurs (modèle pour les 25 à 105 ans) : personnes ayant utilisé des cigarettes électroniques pour arrêter de fumer dans les deux années précédant l’enquête
  • Décès

Les schémas des modèles pour chaque scénario sont présentés dans la figure 1.

Figure 1. Modèles de Markov illustrant les comportements tabagiques dans trois scénarios en fonction de l’accessibilité des inhalateurs électroniques de nicotine
Figure 1. La version textuelle suit.
Figure 1 - Équivalent textuel
  • Modèles de Markov pour le scénario 1 (statu quo)
    • Personne n’ayant jamais fumé (point d’entrée dans le modèle) est lié à la fois personne ayant déjà utilisé des inhalateurs électroniques de nicotine (statut pour la cohorte de jeunes uniquement) et fumeur de cigarettes (statut pour les cohortes de jeunes et d’adultes). Personne ayant déjà utilisé des inhalateurs électroniques de nicotine est lié à fumeur de cigarettes. Fumeur de cigarettes est lié à ex-fumeur de cigarettes (statut pour les cohortes de jeunes et d’adultes) et double utilisateur (statut pour la cohorte d’adultes uniquement). Ex-fumeur de cigarettes est lié à fumeur de cigarettes. Double utilisateur est lié à ex-fumeur de cigarettes. Tous ces comportements mènent à la décès (décès).
  • Modèles de Markov pour le scénario 2 (inhalateurs électroniques de nicotine non accessibles)
    • Personne n’ayant jamais fumé (point d’entrée dans le modèle) est lié à fumeur de cigarettes (statut pour les cohortes de jeunes et d’adultes). Fumeur de cigarettes est lié à ex-fumeur de cigarettes (statut pour les cohortes de jeunes et d’adultes. Ex-fumeur de cigarettes est lié à fumeur de cigarettes. Personne ayant déjà utilisé des inhalateurs électroniques de nicotine et double utilisateur ne sont pas lies aux autres comportements. Tous ces comportements mènent à la décès (décès).
  • Modèles de Markov pour le scénario 3 (accessibilité sur ordonnance)
    • Personne n’ayant jamais fumé (point d’entrée dans le modèle) est lié à fumeur de cigarettes (statut pour les cohortes de jeunes et d’adultes). Fumeur de cigarettes est lié à ex-fumeur de cigarettes (statut pour les cohortes de jeunes et d’adultes) et double utilisateur (statut pour la cohorte d’adultes uniquement). Ex-fumeur de cigarettes est lié à fumeur de cigarettes. Personne ayant déjà utilisé des inhalateurs électroniques de nicotine n’est pas lies aux autres comportements. Double utilisateur est lié à ex-fumeur de cigarettes. Tous ces comportements mènent à la décès (décès).

Abréviation : IEN, inhalateurs électroniques de nicotine.

Exigences en matière de données

Probabilités de transition

Nous avons obtenu les probabilités de transition selon l’âge et le genre pour l’initiation au tabagisme, la poursuite du tabagisme et l’arrêt du tabagisme dans les trois scénarios principaux.

L’ECTAD permet de déterminer la proportion d’une cohorte d’âge et de genre donnée selon le statut tabagique (fumeur quotidien, fumeur occasionnel, ancien fumeur, ancien fumeur occasionnel, fumeur à titre expérimental et abstinent à vie) au moment de l’enquête. Elle permet également d’obtenir l’âge auquel un fumeur quotidien a commencé à fumer et le temps écoulé depuis qu’un ancien fumeur quotidien a arrêté de fumer. À partir de ces renseignements, il a été possible d’établir la proportion d’une cohorte d’âge et de genre donnée selon le statut tabagique au début de chaque cohorte d’âge et de genre. En supposant que la transition d’un statut tabagique à un autre (c.-à-d. la probabilité d’initiation au tabagisme et la probabilité d’arrêt du tabagisme) reste constante au sein d’un groupe d’âge et de genre particulier, nous avons pu obtenir les probabilités de transition par calage des données en déterminant les probabilités qui reproduisent la proportion dans chaque catégorie de statut tabagique (fumeur, ancien fumeur et personne n’ayant jamais fumé) à la fois au début de la cohorte d’âge et au moment de l’enquête (on trouvera un exemple de calcul dans le document sur les probabilités de transition).

Nous avons utilisé un risque relatif (RR) d’initiation au tabagisme chez les utilisateurs d’inhalateurs électroniques de nicotine par rapport aux non-utilisateurs qui a été tiré de la littératureNote de bas de page 17 (RR = 2,18, intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,65 à 2,83), car il s’agissait d’un RR plus prudent que celui que nous avons extrait des données issues de l’ECTAD (RR = 7,83 chez les hommes et 9,09 chez les femmes). L’écart important entre les RR semble être attribuable à la petite taille de l’échantillon de l’ECTAD. Nous avons appliqué le RR tiré de la littérature aux cohortes de hommes et de femmes de 15 à 24 ans afin de déterminer les probabilités de transition relatives à l’initiation au tabagisme quotidien pour les utilisateurs d’inhalateurs électroniques de nicotine par rapport aux non-utilisateurs au moyen d’un processus de calage supplémentaire. Un rapport de cotes ajusté (RCA) légèrement plus prudent de 1,79 a été décrit dans une étude observationnelle canadienneNote de bas de page 18 mais, dans le cadre de cette étude, nous avons choisi le RR de 2,18 mentionné ci-dessus car cette mesure de RR est plus généralisable à d’autres populations que le RCA. Enfin, nous avons obtenu le RR d’arrêt du tabagisme chez les utilisateurs d’inhalateurs électroniques de nicotine par rapport aux non-utilisateurs (RR = 1,05 chez les hommes et 1,08 chez les femmes) à partir des données de l’ECTAD et nous l’avons appliqué à la cohorte des 25 ans et plus afin de déterminer les probabilités de transition chez les utilisateurs d’inhalateurs électroniques de nicotine par rapport aux non-utilisateurs d’inhalateurs électroniques de nicotine. Ce RR représente les avantages conférés par les inhalateurs électroniques de nicotine en matière d’arrêt du tabagisme qui s’ajoutent aux avantages observés avec les autres outils d’arrêt du tabagisme actuellement offerts.

Mortalité selon le statut tabagique

Nous avons obtenu les probabilités annuelles de mortalité pour chaque cohorte d’âge et de genre auprès de Statistique CanadaNote de bas de page 19. Nous avons ensuite estimé les probabilités de décès à six mois pour chaque cohorte d’âge et de genre en fonction du statut tabagique en utilisant un processus de calage combinant les données sur la mortalité de Statistique Canada et les données de référence de l’ECTAD sur le statut tabagique. Nous avons également estimé le RR de mortalité selon l’âge et le genre en fonction du statut tabagique en nous fondant sur la littératureNote de bas de page 20 (on trouvera un exemple de calcul dans le document sur le calcul des probabilités).

Maladies liées au tabagisme

Nous avons obtenu la prévalence des maladies liées au tabagisme (maladie pulmonaire obstructive chroniqueNote de bas de page 21 [MPOC], coronaropathieNote de bas de page 22, accident vasculaire cérébral [AVC]Note de bas de page 22) selon l’âge et le genre à partir des données sur la population canadienne (les données sont accessibles dans les tableaux supplémentaires). Pour le cancer du poumonNote de bas de page 23, seule l’incidence était disponible, mais étant donné la courte survie médiane des personnes atteintes d’un cancer du poumon (16,9 mois)Note de bas de page 24, l’incidence semblait en étroite corrélation avec la prévalence annuelle. Nous avons choisi d’inclure ces maladies parce qu’elles représentent environ 75 % de la mortalité liée au tabagisme dans les pays développésNote de bas de page 25. Nous avons tiré de la littératureNote de bas de page 20 le RR de développer ces maladies pour chaque statut tabagique. Nous avons obtenu par calage les probabilités de développer chaque maladie selon l’âge et le genre.

Maladies liées au vapotage

Compte tenu de la rareté des données concernant les effets à long terme sur la santé de l’utilisation prolongée des inhalateurs électroniques de nicotine, nous avons fait l’hypothèse qu’il n’y en a pas. Il est peu probable que ce soit le cas, car de nouvelles données démontrent que les inhalateurs électroniques de nicotine pourraient être associés au développement de la MPOCNote de bas de page 26Note de bas de page 27, et ce, indépendamment du tabagisme. Cependant, vu le manque de données probantes claires, cette hypothèse permet d’adopter l’approche la plus prudente.

Coûts

Nous avons recueilli dans la littérature les coûts semestriels moyens liés au traitement des personnes présentant un cancer du poumonNote de bas de page 28, une MPOCNote de bas de page 29 ou une coronaropathieNote de bas de page 30 et des personnes ayant subi un AVCNote de bas de page 31. Nous avons converti les coûts des années précédentes en dollars de l’année courante à l’aide de la feuille de calcul de l’inflation de la Banque du Canada. Tous les coûts sont présentés en dollars canadiens de 2020 (les données sont accessibles dans les tableaux supplémentaires).

Valeurs d’utilité

Nous avons recueilli, à partir des données sur la population canadienneNote de bas de page 14, les valeurs d’utilité selon l’âge et le genre pour les personnes n’ayant jamais fumé, auxquelles nous avons appliqué les données de désutilité liées au statut tabagiqueNote de bas de page 32. Les données de désutilité pour chacune des maladies liées au tabagisme (cancer du poumon, MPOC, infarctus du myocarde, coronaropathie et AVC) proviennent d’une étude menée au Royaume‑UniNote de bas de page 33 (les données sont accessibles dans les tableaux supplémentaires). Nous avions prévu d’utiliser les données de désutilité canadiennes, mais celles-ci ne permettent pas de faire la distinction entre le cancer du poumon et les autres types de cancersNote de bas de page 34. Les valeurs de désutilité pour les autres maladies liées au tabagisme étaient comparables dans les études du Royaume-Uni et du Canada.

Analyses statistiques

Nous avons réalisé toutes les analyses sous la forme d’une analyse coût-utilité afin de tenir compte des coûts ainsi que des avantages monétaires et utilitaires. Nous avons choisi une approche coût‑utilité car il était possible qu’un scénario mène à un gain d’AVAQ mais pas nécessairement à une réduction des coûts des soins de santé, les répercussions sanitaires et économiques de l’initiation au tabagisme se manifestant de nombreuses années plus tard que celles liées à l’arrêt du tabagisme.

Nous avons fait appel à des distributions de probabilités pour tenir compte de l’incertitude relative aux paramètres d’intérêt. Nous avons utilisé des distributions bêta pour les probabilités de transition et les valeurs d’utilité, des distributions log-normales pour les RR et des distributions gamma pour les valeurs de désutilité et les coûts incertains (les données sont accessibles dans les tableaux supplémentaires). Nous avons réalisé l’analyse probabiliste à l’aide d’une simulation de Monte-Carlo avec 10 000 itérations pour garantir la stabilité des données. Nous avons défini un seuil de volonté de payer de 50 000 $ CA par AVAQ aux fins de l’interprétation des résultats. Tous les résultats ont été pondérés de manière égale, quelles que soient les caractéristiques des personnes concernées par l’intervention. Conformément aux lignes directrices de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS)Note de bas de page 35, un taux d’actualisation annuel de 1,5 % a été appliqué à tous les coûts et à toutes les valeurs d’utilité. Les intervalles de confiance n’ont pas été calculés, car ils ne sont pas considérés comme significatifs dans le cadre des évaluations économiques, celles-ci visant à éclairer des décisions binaires. Dans ce contexte, l’utilisation d’intervalles de confiance ne fait pas partie des pratiques exemplairesNote de bas de page 35Note de bas de page 36. L’étude n’a pas nécessité l’approbation d’un comité d’éthique de la recherche étant donné qu’elle s’appuie sur des données accessibles au public.

Hypothèses

Deux grandes hypothèses générales sous-tendent l’analyse proposée dans ce cadre. Premièrement, nous avons supposé que le vapotage n’avait pas de répercussions à long terme, compte tenu du fait que les inhalateurs électroniques de nicotine sont encore relativement nouveaux. Comme nous l’avons déjà dit, il est peu probable que ce soit le cas. Toutefois, étant donné que la plupart des effets à long terme du vapotage sur la santé ne sont pas encore connus, cette hypothèse permet d’adopter l’approche la plus prudente. Deuxièmement, nous avons supposé que le taux de rechute du tabagisme était stable dans tous les groupes d’âge, car nous n’avons trouvé aucun taux de rechute du tabagisme stratifié selon l’âge dans notre revue de la littérature. Cependant, en vieillissant, les personnes sont peut-être moins susceptibles de recommencer à fumer, car davantage de temps s’écoule depuis la date à laquelle elles ont arrêté de fumer.

Analyses de sensibilité

Afin de tenir compte de l’incertitude des hypothèses sur lesquelles repose l’analyse, nous avons effectué de multiples analyses de sensibilité :

  • un taux de rechute qui augmente de 10 % avec chaque décennie de vie;
  • un taux de rechute qui diminue de 10 % avec chaque décennie de vie;
  • un RR de 1,79 pour l’initiation au tabagisme par le vapotageNote de bas de page 18;
  • une diminution de 90 % de l’accès aux inhalateurs électroniques de nicotine (au lieu de 100 %) pour toutes les personnes dans le scénario 2 et pour les jeunes dans le scénario 3, afin de tenir compte de l’accès au marché noir et des commandes en ligne;
  • une diminution de 80 % de l’accès aux inhalateurs électroniques de nicotine (au lieu de 100 %) pour toutes les personnes dans le scénario 2 et pour les jeunes dans le scénario 3, afin de tenir compte de l’accès au marché noir et des commandes en ligne;
  • une diminution de 50 % de l’accès aux inhalateurs électroniques de nicotine (au lieu de 15 %) en raison de la difficulté d’accès aux soins de santé dans le scénario où les inhalateurs électroniques de nicotine sont accessibles sur ordonnance seulement;
  • une diminution de 10 % de l’accès aux inhalateurs électroniques de nicotine (au lieu de 15 %), car l’accès aux soins de santé pourrait être plus facile que prévu dans le scénario où les inhalateurs électroniques de nicotine sont accessibles sur ordonnance seulement;
  • un taux d’actualisation de 0 %;
  • un taux d’actualisation de 5 %;
  • un scénario dans lequel le vapotage chez les jeunes augmente de 50 %;
  • un scénario dans lequel le vapotage chez les jeunes n’augmente pas le risque d’initiation au tabagisme;
  • un scénario dans lequel le vapotage n’augmente pas le taux d’arrêt du tabagisme.

Résultats

Le tableau 1 résume l’incidence des inhalateurs électroniques de nicotine sur l’espérance de vie, les AVAQ et les coûts des soins de santé liés au tabagisme au Canada selon nos trois scénarios : le statu quo, c’est-à-dire l’accès actuel aux inhalateurs électroniques de nicotine, l’interdiction totale des inhalateurs électroniques de nicotine et l’accès limité aux inhalateurs électroniques de nicotine pour l’arrêt du tabagisme uniquement, sur ordonnance d’un professionnel de la santé. Les résultats sont présentés pour 1 000 personnes. Les rapports coût/efficacité différentiels (RCED) n’étaient pas pertinents, car tous les autres scénarios l’emportent sur le scénario 1.

Dans les analyses de sensibilité, les scénarios 2 et 3 ont permis aux femmes de réaliser des économies dans toutes les situations par rapport au statu quo, sauf dans celle où nous avons supposé qu’il n’y avait pas de lien entre le vapotage chez les jeunes et l’initiation au tabagisme. Chez les hommes, les scénarios 2 et 3 ont permis de réaliser des économies dans la plupart des analyses de sensibilité (sauf, encore une fois, dans l’analyse où nous avons supposé qu’il n’y avait pas de lien entre le vapotage chez les jeunes et l’initiation au tabagisme) et seraient autrement considérés comme rentables sur la base d’une volonté de payer de 50 000 $ CA (taux de rechute diminuant de 10 % avec chaque décennie de vie : RCED de 628 $ CA pour le scénario 2 comparativement au scénario 1; augmentation à 90 % de l’accès à un médecin : RCED de 28 $ CA pour le scénario 2 comparativement au scénario 1; taux d’actualisation de 0 % : RCED de 285 $ CA pour le scénario 2 comparativement au scénario 1; les données sont accessibles dans les analyses de sensibilité).

Tableau 1. Incidence des inhalateurs électroniques de nicotine sur les années de vie, les AVAQ et les coûts des soins de santé liés au tabagisme pour 1 000 personnes selon divers scénarios, actualisés à 1,5 %
Catégorie IEN largement accessibles (scénario 1) IEN totalement inaccessibles (scénario 2) Écart entre le scénario 2 et le scénario 1 IEN accessibles sur ordonnance pour l’arrêt du tabagisme (scénario 3) Écart entre le scénario 3 et le scénario 1
Hommes
Années de vie 41 553 41 568 15 41 570 17
AVAQ 35 871 35 894 23 35 897 26
Coûts 79 645 964 $ CA 79 645 960 $ CA -3 $ CA 79 605 869 $ CA -40 095 $ CA
Femmes
Années de vie 43 596 43 610 14 43 611 15
AVAQ 37 416 37 438 21 37 438 22
Coûts 69 242 856 $ CA 69 085 926 $ CA -156 930 $ CA 69 076 034 $ CA -166 821 $ CA

Abréviations : AVAQ, années de vie ajustées en fonction de la qualité; IEN, inhalateurs électroniques de nicotine.
Remarque : En raison des valeurs arrondies, les données figurant dans les colonnes « écart entre les scénarios » peuvent différer légèrement des valeurs calculées à partir des données déclarées dans le tableau.

Analyse

D’après nos résultats, et en fonction des hypothèses de l’étude, un scénario dans lequel les inhalateurs électroniques de nicotine sont complètement inaccessibles à la population canadienne entraînerait une amélioration de la santé de la population et une réduction des coûts des soins de santé par rapport au statu quo. Un scénario dans lequel les inhalateurs électroniques de nicotine sont accessibles sur ordonnance seulement conduirait à des avantages encore plus importants et à une réduction encore plus marquée des coûts des soins de santé par rapport aux deux autres scénarios analysés.

Les avantages sanitaires et économiques considérables conférés par l’arrêt du tabagisme justifient les stratégies de réduction des méfaits. L’objectif principal de la réduction des méfaits est de diminuer l’incidence des comportements qui sont généralement associés à des conséquences négativesNote de bas de page 37, ce qui, dans le cas du tabagisme, implique l’inhalation de toxines liées à la combustion du tabac. Comme les inhalateurs électroniques de nicotine ne nécessitent pas la combustion du tabacNote de bas de page 38, ils sont considérés comme plus sûrs que les cigarettes et peuvent donc servir d’outil de réduction des méfaits en aidant les fumeurs à se tourner vers une habitude moins nocive.

On sait que l’arrêt du tabagisme entraîne des gains sanitaires et économiques importants. Par exemple, la European Study on Quantifying Utility of Investment in Protection from Tobacco (EQUIPT) a montré que, pour chaque fumeur qui n’arrête pas de fumer dans un délai de 12 mois, le système supporte un coût supplémentaire à vie de 6 460 dollars américains et ce fumeur voit son espérance de vie diminuer de 0,66 an et son nombre d’AVAQ à vie diminuer de 1,09 par rapport à un fumeur qui arrête de fumer dans le même délaiNote de bas de page 39.

Cependant, les résultats de notre étude sont préoccupants : le fait que le scénario 2 (inhalateurs électroniques de nicotine totalement inaccessibles) l’emporte sur le statu quo donne à penser que les méfaits engendrés à long terme par l’augmentation de l’initiation au tabagisme chez les jeunes vapoteurs sont plus importants que les avantages des inhalateurs électroniques de nicotine sur l’arrêt du tabagisme. On le voit encore plus dans le scénario 3, dans lequel les inhalateurs électroniques de nicotine ne sont pas accessibles aux jeunes, mais le demeurent pour l’arrêt du tabagisme, ce qui se traduit par les résultats les plus positifs.

Nos résultats s’alignent sur ceux de certaines études antérieures. Soneji et ses collaborateursNote de bas de page 40 ont démontré que, bien que les inhalateurs électroniques de nicotine soient associés à une augmentation des années de vie gagnées grâce à leur effet sur l’arrêt du tabagisme, ils augmentent de manière disproportionnée les années de vie perdues en raison de la hausse de l’initiation au tabagisme chez les jeunes. Une conclusion similaire a été tirée par Kalkhoran et ses collaborateursNote de bas de page 41 qui, par la modélisation de divers scénarios aux États‑Unis et au Royaume‑Uni, ont montré que toutes les situations dans lesquelles les inhalateurs électroniques de nicotine augmentaient l’initiation au tabagisme entraînaient des méfaits nets.

En revanche, d’autres études ont apporté des résultats contradictoires. Cherng et ses collaborateursNote de bas de page 42 ont montré que, dans de multiples scénarios, les inhalateurs électroniques de nicotine semblaient avoir davantage d’influence sur l’arrêt du tabagisme que sur l’initiation au tabagisme. Leur étude n’a toutefois porté que sur la prévalence du tabagisme et n’a pas pris en considération d’autres mesures sanitaires ou économiques. Enfin, Levy et ses collaborateursNote de bas de page 43 ont prévu une réduction de 21 % des décès attribuables au tabagisme et une diminution de 20 % des années de vie perdues selon les modèles projetés d’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine aux États‑Unis au moment de leur étude. L’étude prévoyait une diminution de plus de 35 % du tabagisme à l’âge de 25 ans lorsque les inhalateurs électroniques de nicotine étaient accessibles. Toutefois, les auteurs ont supposé que seulement 5 % des jeunes utilisateurs d’inhalateurs électroniques de nicotine n’ayant jamais fumé deviendraient fumeurs quotidiens, or cela représente environ la moitié de la proportion observée chez les Canadiens de moins de 25 ansNote de bas de page 4.

Même si nos résultats prouvent que le fait de limiter l’accès de la population canadienne aux inhalateurs électroniques de nicotine, que ce soit en les interdisant complètement ou en les rendant accessibles sur ordonnance seulement, pourrait entraîner des avantages pour la santé de la population et une réduction des coûts des soins de santé, il faut considérer cette conclusion avec réalisme. L’interdiction totale des inhalateurs électroniques de nicotine permettrait d’offrir la plus grande protection à la population n’ayant jamais fumé, mais elle annulerait les gains de santé réalisés par les fumeurs qui ont réduit ou cessé leur consommation de cigarettes en passant aux inhalateurs électroniques de nicotine.

En outre, certains craignent que l’interdiction des inhalateurs électroniques de nicotine n’entraîne l’émergence d’un marché noirNote de bas de page 44, et donc une augmentation des produits dangereux. Le scénario 3, dans lequel les fumeurs ont accès aux inhalateurs électroniques de nicotine par l’intermédiaire d’un médecin, présente les résultats les plus positifs. Ce scénario permettrait aux fumeurs de continuer à utiliser les inhalateurs électroniques de nicotine tout en limitant l’exposition des jeunes. La possibilité de couverture par les régimes d’assurance maladie provinciaux pourrait être étudiée, ce qui pourrait réduire les obstacles financiers. Cependant, ce scénario soulève également d’importants problèmes d’équité. Les Canadiens à faible revenu sont beaucoup plus susceptibles d’avoir des besoins non comblés en matière de soins de santéNote de bas de page 45 et de connaître des difficultés d’accès à un médecin, mais ils sont aussi plus susceptibles de fumerNote de bas de page 46. Ces facteurs doivent être pris en considération lors de l’étude des options stratégiques.

Forces et limites

La principale force de notre étude est qu’elle s’appuie sur des données recueillies à l’échelle de la population canadienne. Nos hypothèses concernant l’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine, leurs effets à long terme sur la santé et leur incidence sur l’initiation au tabagisme sont demeurées très prudentes pour éviter que les avantages éventuels des inhalateurs électroniques de nicotine soient sous-estimés. La cohérence de nos conclusions dans l’ensemble des analyses de sensibilité donne également de la crédibilité à nos résultats.

Toutefois, certaines populations ne sont pas représentées dans l’ECTAD (résidents du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, personnes vivant à temps plein en institution et personnes n’ayant pas accès à un téléphone terrestre ou cellulaireNote de bas de page 47), ce qui limite la généralisation de nos résultats à ces groupes. De plus, l’ECTAD est susceptible de sous-estimer la prévalence du tabagisme en raison des taux de non-réponse plus élevés, que l’on pense être liés à l’inclusion de questions relatives à l’alcool et aux drogues, des questions qui ont tendance à être fortement associées au tabagismeNote de bas de page 48. Il est donc plausible qu’il en résulte une sous-estimation des coûts présentés dans notre analyse, notamment des coûts des soins de santé. De plus, ayant été créés en 2003, les inhalateurs électroniques de nicotine représentent une technologie relativement nouvelle et les données d’innocuité à long terme ne sont donc pas encore disponibles, ce qui rend la formulation d’hypothèses à long terme difficileNote de bas de page 38.

Enfin, dans le scénario fondé sur l’accessibilité sur ordonnance seulement, nous avons axé notre estimation de l’arrêt du tabagisme par l’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine sur les personnes qui ont eu recours aux inhalateurs électroniques de nicotine pour arrêter de fumer au cours des deux dernières années. Un scénario dans lequel les inhalateurs électroniques de nicotine sont prescrits par des professionnels de la santé aurait peut-être pour effet de modifier la perception des risques et les normes sociales relatives au vapotage, ainsi que de réduire le coût des inhalateurs électroniques de nicotine, car ceux-ci pourraient alors être subventionnés par des programmes de santé provinciaux. Il pourrait en résulter une hausse de la proportion de fumeurs utilisant les inhalateurs électroniques de nicotine comme outil d’arrêt du tabagisme par rapport à l’estimation utilisée dans la présente évaluation, ce qui rendrait le scénario fondé sur l’accessibilité sur ordonnance encore plus économique par rapport au statu quo.

Conclusion

Des études comme celle-ci, qui s’intéresse à l’incidence des inhalateurs électroniques de nicotine sur les coûts et les résultats des soins de santé, fournissent de précieux renseignements. Bien que nos résultats tendent à indiquer qu’il serait rentable de restreindre l’accès aux inhalateurs électroniques de nicotine, que ce soit en les interdisant complètement ou en les rendant accessibles sur ordonnance seulement, des facteurs tels que l’équité et la faisabilité doivent être pris en considération. Il a été démontré que d’autres mécanismes d’intervention, tels que l’augmentation des taxesNote de bas de page 49 et une réglementation stricte en matière de marketing, ont une incidence sur l’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine. Il y aurait lieu de réaliser d’autres recherches afin de déterminer la gamme de politiques idéale qui permettrait d’atteindre un équilibre entre la réduction de l’initiation au tabagisme par l’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine et la prestation d’un soutien en tant qu’outil d’arrêt du tabagisme. D’autres données sont également nécessaires concernant l’incidence à long terme des inhalateurs électroniques de nicotine sur la santé.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

C.P. a conçu l’étude, effectué les analyses, interprété les données, rédigé le manuscrit initial puis revisé l’article. D.C. a participé à la conception de l’étude, a revu les analyses, a participé à l’interprétation des données et a revisé l’article. Les deux auteurs ont approuvé la version finale de l’article et sont responsables de toutes les dimensions du travail.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

Page précedente | Table des matières |

Détails de la page

Date de modification :