Recherche quantitative originale – Soutien aux travailleurs de la santé et détresse psychologique : réflexion sur la situation actuelle et la période suivant la pandémie de COVID-19

Revue PSPMC

Table des matières |

Rima Styra, M.D., M. Ed.Note de rattachement des auteurs 1; Laura Hawryluck, M.D., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 2; Allison McGeer, M.D., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 3; Michelle Dimas, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 4; Eileen Lam, BPHENote de rattachement des auteurs 1; Peter Giacobbe, M.D., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 5; Gianni Lorello, M.D.Note de rattachement des auteurs 6; Neil Dattani, M.D., DFCMNote de rattachement des auteurs 7; Jack Sheen, B. Sc. S.Note de rattachement des auteurs 8; Valeria E. Rac, M.D., Ph. D.Note de rattachement des auteurs 9Note de rattachement des auteurs 10; Troy Francis, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 10; Peter E. Wu, M.D., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 11; Wing‑Si Luk, M. Sc. S.Note de rattachement des auteurs 12; Jeya Nadarajah, M.D., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 13; Wayne L. Gold, M.D.Note de rattachement des auteurs 3Note de rattachement des auteurs 11

https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.10.01f
(publié le 29 juin 2022)

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs
Correspondance

Rima Styra, Centre for Mental Health, Réseau universitaire de santé, 200, rue Elizabeth, bureau 8EN-219, Toronto (Ontario)  M5G 2C4; tél. : 416-340-4825; courriel : rima.styra@uhn.ca

Citation proposée

Styra R, Hawryluck L, McGeer A, Dimas M, Lam E, Giacobbe P, Lorello G, Dattani N, Sheen J, Rac VE, Francis T, Wu PE, Luk WS, Nadarajah J, Gold WL. Soutien aux travailleurs de la santé et détresse psychologique : réflexion sur la situation actuelle et la période suivant la pandémie de COVID‑19. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada 2022;42(10):475-485. https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.10.01f

Résumé

Introduction. Cette étude explore la relation entre le soutien émotionnel, le risque perçu et les résultats en matière de santé mentale chez les travailleurs de la santé, qui font face à des taux élevés d’épuisement professionnel et de détresse mentale depuis le début de la pandémie de COVID‑19.

Méthodologie. Une enquête transversale a été menée en ligne au cours de la première vague de la pandémie de COVID‑19 auprès de travailleurs de la santé de divers centres de la région du Grand Toronto (Ontario, Canada) pour évaluer les stratégies d’adaptation, la confiance dans les mesures de lutte contre les infections, l’impact du travail antérieur lors de l’épidémie de SRAS survenue en 2003 et le soutien émotionnel. Les résultats en matière de santé mentale ont été évalués au moyen de l’échelle du trouble d’anxiété généralisée (GAD-7), de l’échelle d’impact des événements – révisée (IES‑R) et du questionnaire sur la santé des patients (PHQ-9).

Résultats. Sur les 3 852 participants, 8,2 % ont eu recours à des services professionnels en santé mentale, 77,3 % ont reçu du soutien émotionnel de la part de membres de leur famille, 74,0 % de la part d’amis et 70,3 % de la part de collègues. Les personnes qui ne se sont pas senties soutenues dans leur travail présentaient des probabilités plus élevées d’éprouver des symptômes d’anxiété modérés et sévères (rapport de cotes [RC] = 2,23; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,84 à 2,69), de trouble de stress post-traumatique (TSPT) (RC = 1,88; IC à 95 % : 1,58 à 2,25) et de dépression (RC = 1,88; IC à 95 % : 1,57 à 2,25). Près de 40 % avaient peur de parler à leur famille des risques auxquels ils étaient exposés au travail. Ceux qui ont pu partager cette information faisaient état d’un risque plus faible d’anxiété (RC = 0,58; IC à 95 % : 0,48 à 0,69), de TSPT (RC = 0,48; IC à 95 % : 0,41 à 0,56) et de dépression (RC = 0,55; IC à 95 % : 0,47 à 0,65).

Conclusion. Les sources informelles de soutien, en particulier la famille, les amis et les collègues, jouent un rôle important dans l’atténuation de la détresse et devraient être encouragées et utilisées davantage par les travailleurs de la santé.

Mots-clés : trouble de stress post-traumatique, TSPT, dépression, anxiété, soutien, lutte contre les infections, épuisement professionnel, santé mentale, soutien psychologique, travailleurs de la santé

Points saillants

  • Les travailleurs de la santé ont surtout eu recours à des sources informelles de soutien émotionnel comme la famille, les amis et les collègues pendant la pandémie de COVID‑19, et un moins grand nombre d’entre eux a sollicité le soutien de professionnels en santé mentale.
  • Les travailleurs de la santé qui avaient confiance en l’efficacité des mesures de lutte contre les infections, et particulièrement dans les politiques organisationnelles, ont fait état de moins de détresse générale.
  • Chez les travailleurs de la santé qui se sentaient soutenus, les taux de prise de médicaments hypnotiques et de consommation d’alcool étaient plus faibles.
  • Le fait de ressentir de l’anxiété pourrait avoir nui à la capacité des travailleurs de la santé à partager l’information avec leur famille concernant leur risque de contracter la COVID‑19 au travail.

Introduction

La pandémie de COVID‑19 a eu de graves répercussions sur le bien-être physique et mental des travailleurs de la santéNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3. La détresse observée est similaire à celle observée précédemment lors d’éclosions du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et de la maladie à virus EbolaNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7. Récemment, de nombreux travailleurs de la santé ont choisi de quitter leur emploi, ce qui compromet la capacité du système à fournir des soins et à se préparer à d’éventuelles vagues et à d’autres crises sanitaires. Par conséquent, il est urgent de mieux comprendre la nature et la portée des modalités de soutien disponibles et leur capacité à atténuer la détresse des travailleurs de la santé alors même que la pandémie perdureNote de bas de page 8.

Le soutien émotionnel et social est efficace pour atténuer la dépression, l’anxiété et d’autres formes de détresse psychologique liées aux événements traumatisantsNote de bas de page 9Note de bas de page 10. Le soutien peut être formel, comme le soutien instrumental et informationnel des organismes de soins de santé et des professionnels en santé mentale, et informel, comme le soutien psychologique de la famille, des amis et des collègues. Pendant la pandémie de COVID‑19, le manque de soutien perçu a conduit à des effets néfastes sur le plan psychologique auxquels on s’attendaitNote de bas de page 11Note de bas de page 12. Alors que le stress vécu par les travailleurs de la santé pendant cette pandémie a été reconnuNote de bas de page 3Note de bas de page 13Note de bas de page 14, il nous reste à mieux comprendre les formes optimales de soutien permettant d’y remédier.

Notre étude, descriptive et exploratoire, vise à déterminer l’impact du soutien émotionnel et pragmatique, par exemple les mesures de lutte contre les infections visent à protéger les travailleurs de la santé.

Méthodologie

Plusieurs résultats en matière de santé mentale fondés sur les mesures de l’anxiété, du trouble de stress post-traumatique (TSPT) et de la dépression pendant la pandémie de COVID‑19 ont été détaillés ailleursNote de bas de page 15. Styra et ses collaborateursNote de bas de page 15 ont observé qu’une proportion importante de travailleurs de la santé présentaient des symptômes modérés ou graves de TSPT (50,2 %), d’anxiété (24,6 %) et de dépression (31,5 %). Une analyse par régression logistique multivariée a montré que les travailleurs de la santé non cliniques étaient plus susceptibles de souffrir d’anxiété (RC = 1,68; IC à 95 % : 1,19 à 2,15, p = 0,01) et de symptômes de dépression (2,03; IC à 95 % : 1,34 à 3,07; p < 0,0001) que le personnel infirmier, les médecins et le personnel paramédicalNote de bas de page 15.

Administration du sondage

Nous avons réalisé une enquête transversale et multicentrique en ligne auprès des travailleurs de la santé de deux hôpitaux tertiaires et deux hôpitaux de soins communautaires de la région du Grand Toronto (Ontario, Canada) où des patients atteints de la COVID‑19 étaient traités. Tous les membres du personnel travaillant dans chacun des quatre hôpitaux ont été invités par courriel interne à participer au sondage. Deux rappels ont été envoyés chaque semaine au cours des deux semaines de la période d’étude. Nous avons adapté un sondage utilisé lors de l’épidémie de SRAS survenue en 2003Note de bas de page 6 et nous l’avons utilisé pour évaluer la santé mentale des travailleurs de la santé et l’impact des mesures de lutte contre les infections pendant la pandémie de COVID‑19.

La collecte de données a eu lieu pendant la première vague de la pandémie de COVID‑19 dans la région du Grand Toronto, du 14 au 28 mai 2020 dans deux centres, du 27 mai au 10 juin 2020 dans le troisième centre et du 19 juin au 3 juillet 2020 dans le quatrième centre.

Approbation de l’éthique de la recherche

Clinical Trials Ontario (CTO no 3189) a accordé son approbation en matière d’éthique pour tous les sites, et le comité d’éthique de chaque site a également accordé son approbation.

Population à l’étude

Tous les membres du personnel travaillant dans chacun des quatre hôpitaux pouvaient répondre au sondage. Nous avons réparti les travailleurs de la santé en quatre groupes : le personnel infirmier, les médecins, le personnel paramédical (pharmaciens, physiothérapeutes, ergothérapeutes, travailleurs sociaux, etc.) et les travailleurs de la santé non cliniques (personnel administratif, personnel de recherche, services de salubrité des lieux, etc.).

Résultats et mesures

L’enquête comportait des questions visant à cerner les dimensions du soutien, que ce soit l’utilisation des ressources en santé mentale ou le soutien informel, par exemple auprès de membres de la famille, de collègues et d’amis. Nous avons évalué la perception des risques personnels et professionnels et les stratégies d’adaptation personnelles ainsi que la perception de l’efficacité des mesures standard de prévention des infections dans les établissements.

Un certain nombre de questions du sondage posées aux travailleurs de la santé portaient sur leur perception de la façon dont les mesures de lutte contre les infections les ont touchés pendant la pandémie de COVID‑19. Par exemple, un énoncé affirmait : « Je crois que les mesures suivantes sont utiles pour me protéger contre la COVID‑19 » et offrait les choix de réponse suivants : « le dépistage des patients et des visiteurs aux entrées des hôpitaux », « le port du masque par tous les travailleurs de la santé dans les zones cliniques », « le rinçage des mains avec un désinfectant à base d’alcool », « le lavage régulier des mains », « en apprendre le plus possible à propos de la COVID‑19 » et « le respect des protocoles et des mesures recommandées ».

Un exemple de question sur le soutien a été : « Je reçois du soutien émotionnel de… », avec les choix de réponse suivants : « professionnel de la santé mentale », « famille », « amis », « collègues » ou « je m’en sors sans aide ».

Les déclarations sur l’impact de la COVID‑19 découlant du milieu de travail incluaient « J’ai peur de parler à ma famille du risque auquel je suis exposé » et « Je me sens soutenu en raison du travail que je fais comme travailleur de la santé ». Les travailleurs de la santé qui avaient travaillé lors de l’épidémie de SRAS survenue en 2003 dans la région du Grand Toronto ont été invités à s’auto-identifier afin qu’il soit possible d’évaluer comment une expérience de travail pendant une épidémie antérieure influe sur l’expérience de travail lors d’une épidémie causée par un agent pathogène nouveau.

Les principaux résultats en santé mentale liés aux symptômes d’anxiété, de TSPT et de dépression ont été évalués au moyen d’instruments d’auto-évaluation validés : l’échelle du trouble d’anxiété généralisée (GAD-7) à 7 éléments pour mesurer l’anxiété; l’échelle d’impact des événements révisée (IES-R) à 22 éléments pour évaluer la présence du TSPT, composée de sous-échelles sur l’intrusion, l’évitement et l’hyperactivité neurovégétative et enfin le questionnaire sur la santé des patients (PHQ-9) comportant 9 éléments pour mesurer la dépression. De plus, nous avons utilisé les scores-seuils pour identifier les symptômes modérés et graves (GAD-7 = 10/15Note de bas de page 16; IES‑R = 24/33Note de bas de page 17; et PHQ-9 = 10/15Note de bas de page 18), les scores les plus élevés correspondant à la présence de symptômes graves.

Analyses statistiques

Nous avons utilisé le progiciel statistique R version 3.6.2 (R Foundation for Statistical Computing, Vienne, Autriche) pour analyser les données recueillies. Des tests du chi carré de Pearson ont servi à analyser les variables catégorielles dans tous les groupes, et des tests de la somme des rangs de Kruskal-Wallis ont été utilisés pour comparer la gravité des symptômes entre les groupes. Le seuil de signification pour chaque analyse a été fixé à α = 0,05, et tous les tests étaient bilatéraux. La signification statistique a été fixée à 0,001.

Nous avons utilisé les scores de domaine globaux pour chaque analyse (GAD-7, IES‑R et PHQ-9). Les mesures des résultats en santé mentale ne suivant pas une distribution normale, elles ont été présentées sous forme de médianes accompagnées d’intervalles interquartiles (IIQ). L’imputation n’a été utilisée que pour le petit nombre d’éléments relevant des caractéristiques individuelles (moins de 10 % manquant aléatoirement) nécessaires afin d’obtenir la puissance adéquate pour l’analyse par régression logistique multivariée. Les données descriptives des tableaux pour les caractéristiques individuelles et les fréquences ont été présentées telles quelles et aucune donnée imputée n’a été utilisée. Les analyses de régression logistique multivariée ont été fondées sur des modèles univariables antérieurs et, ces analyses s’étant révélées significatives, les modèles ont été ajustés pour l’âge, le sexe, le type de travail lié aux soins de santé, la consommation de médicaments hypnotiques, la consommation d’alcool et l’expérience de travail durant l’épidémie de SRAS survenue en 2003 à Toronto.

Résultats

Caractéristiques individuelles

Les participants qui ont répondu au sondage (N = 3 852) étaient membres du personnel infirmier (n = 1 298; 33,6 %), travailleurs de la santé non cliniques (n = 1 122; 29,1 %), membres du personnel paramédical (n = 1 075; 27,9 %) ou médecins (n = 357; 9,3 %). La majorité (84,2 %) des participants se sont identifiés comme des femmes, et un peu plus de la moitié (55,6 %) des participants étaient mariés (tableau 1).

Tableau 1. Caractéristiques individuelles et professionnelles des travailleurs de la santé qui ont participé à l’étude du soutien en santé mentale pendant la première vague de la pandémie de COVID‑19, mai à juillet 2020, région du Grand Toronto (Ontario, Canada)
Caractéristique Nombre (%)
Personnel paramédical (n = 1 075) Personnel infirmier (n = 1 298) Médecins (n = 357) Travailleurs de la santé non cliniques (n = 1 122) Total (n = 3 852)
Sexe
Homme 161 (15,7) 111 (9,0) 153 (44,6) 147 (14,4) 572 (15,8)
Femme 864 (84,3) 1 126 (91,0) 190 (55,4) 875 (85,6) 3 055 (84,2)
Âge (ans)
18 à 25 47 (4,7) 120 (9,8) 3 (0,9) 53 (5,3) 223 (6,2)
26 à 35 376 (37,6) 404 (33,0) 81 (23,5) 262 (26,1) 1 123 (31,5)
36 à 45 262 (26,2) 300 (24,5) 118 (34,3) 251 (25,0) 931 (26,1)
46 à 55 219 (21,9) 229 (18,7) 75 (21,8) 270 (26,9) 793 (22,2)
plus de 55 96 (9,6) 170 (13,9) 67 (19,5) 166 (16,6) 499 (14,0)
État matrimonial
Marié(e) 563 (54,7) 656 (52,6) 261 (75,7) 552 (53,5) 2 032 (55,6)
Célibataire 406 (39,4) 506 (40,6) 77 (22,3) 377 (36,5) 1 366 (37,4)
Divorcé(e)/veuf ou veuve 61 (5,9) 84 (6,7) 7 (2,0) 103 (10,0) 255 (7,0)
Scolarité
Collège ou université 177 (36,8) 259 (42,6) 13 (9,4) 248 (50,1) 697 (40,5)
Professionnel/diplômé 300 (62,4) 341 (56,1) 123 (89,1) 236 (47,7) 1 000 (58,1)
A travaillé pendant l’épidémie de SRAS survenue en 2003
Non 781 (73,1) 922 (71,2) 232 (65,2) 786 (70,3) 2 721 (70,9)
Oui 287 (26,9) 373 (28,8) 124 (34,8) 332 (29,7) 1 116 (29,1)

Abréviation : SRAS, syndrome respiratoire aigu sévère

Soutien émotionnel

Un faible pourcentage de travailleurs de la santé (8,2 %; n = 266) a demandé un soutien professionnel en santé mentale. Toutefois, la majorité des participants ont eu recours à diverses formes de soutien informel, que ce soit la famille (77,3 %; n = 2 649), les amis (74,0 %; n = 2 496) ou les collègues (70,3 %; n = 2 347).

Les travailleurs de la santé qui ont demandé l’aide de professionnels en santé mentale ont obtenu des scores significativement plus élevés pour les symptômes d’anxiété, de TSPT et de dépression (tableau 2) que ceux qui n’ont pas demandé l’aide d’un professionnel. Il n’y avait aucune différence dans la demande de soutien professionnel en santé mentale entre les différentes catégories de travailleurs de la santé. Le personnel infirmier (79 %; n = 905) et le personnel paramédical (71,5 %; n = 681) ont demandé plus souvent un soutien émotionnel à leurs collègues que les travailleurs de la santé non cliniques (60,4 %; n = 549) et les médecins (62,5 %; n = 207) (p < 0,001). Les travailleuses de la santé ont demandé le soutien de leur famille (79 %; n = 2 248), de leurs amis (76,8 %; n = 2 148) et de leurs collègues (73,7 %; n = 2 038) plus souvent que leurs collègues masculins (p < 0,001). Les travailleurs de la santé qui avaient travaillé lors de l’épidémie de SRAS survenue en 2003 (73,9 %; n = 719) se sont tournés plus souvent vers des collègues que ceux qui n’avaient pas travaillé sur le terrain pendant cette période (68,9 %; n = 1 622; p < 0,004) (données non présentées).

Tableau 2. Soutien de la part de professionnels en santé mentale, de membres de la famille, d’amis ou de collègues ou autogestion et scores des tests GAD-7, IES‑R et PHQ-9 des participants pendant la première vague de la pandémie de COVID‑19, mai à juillet 2020, région du Grand Toronto (Ontario, Canada)
RésultatNote de bas de page aNote de bas de page b Professionnel en santé mentale Famille Amis Collègues Autogestion
Non
(n = 2 978)
Oui
(n = 266)
Valeur p Non
(n = 779)
Oui
(n = 2 649)
Valeur p Non
(n = 878)
Oui
(n = 2 496)
Valeur p Non
(n = 991)
Oui
(n = 2 347)
Valeur p Non
(n = 795)
Oui
(n = 2 499)
Valeur p
Total GAD-7
Médiane 5,00 8,00 < 0,001 4,00 5,00 < 0,001 4,00 5,00 < 0,001 5,00 5,00 0,002 10,00 4,00 < 0,001
IIQ 1,00–9,00 4,50–15,00 0,00–8,75 2,00–10,00 0,00–8,00 2,00–10,00 1,00–9,00 2,00–10,00 6,00–15,00 1,00–7,00
IES – Évitement
Médiane 8,00 11,00 < 0,001 7,00 9,00 < 0,001 7,00 9,00 < 0,001 8,00 9,00 < 0,001 12,00 7,00 < 0,001
IIQ 4,00–14,00 6,00–15,00 3,00–14,00 4,00–14,00 2,00–13,00 5,00–14,00 3,00–14,00 4,00–14,00 8,00–17,00 3,00–13,00
IES – Intrusion
Médiane 8,00 13,00 < 0,001 7,00 9,00 < 0,001 6,00 9,00 < 0,001 7,00 9,00 < 0,001 16,00 7,00 < 0,001
IIQ 4,00–15,00 7,00–19,00 2,00–14,00 5,00–16,00 2,00–14,00 5,00–16,00 2,00–15,00 4,00–15,00 9,00–21,00 3,00–12,00
IES – Hyperactivité neurovégétative
Médiane 5,00 10,00 < 0,001 5,00 6,00 < 0,001 4,50 6,00 < 0,001 5,00 6,00 < 0,001 11,00 4,00 < 0,001
IIQ 2,00–10,00 5,00–15,00 1,00–10,00 3,00–11,00 1,00–10,00 3,00–11,00 1,00–10,00 2,00–11,00 6,50–16,00 2,00–8,00
Total IES‑R
Médiane 23,00 34,00 < 0,001 18,00 25,00 < 0,001 18,50 25,00 < 0,001 20,00 24,00 < 0,001 39,00 19,00 < 0,001
IIQ 11,00–38,00 19,00–48,00 7,00–37,00 13,00–40,00 7,00–36,00 13,00–40,00 8,00–38,00 12,00–39,00 26,00–52,00 9,00–33,00
Total PHQ-9
Médiane 6,00 10,00 < 0,001 5,00 6,00 0,002 5,00 7,00 < 0,001 6,00 6,00 0,059 12,00 5,00 < 0,001
IIQ 2,00–11,00 5,00–16,00 1,00–12,00 3,00–11,00 1,00–12,00 3,00–11,00 2,00–12,00 3,00–11,00 7,00–18,00 2,00–9,00

Abréviations : GAD-7, Échelle du trouble d’anxiété généralisée à 7 éléments; IES‑R, Échelle d’impact des événements – révisée, 22 éléments; PHQ-9, Questionnaire sur la santé des patients à 9 éléments.

Note de bas de page a

Plus la médiane est élevée pour une échelle donnée, plus les symptômes associés aux éléments mesurés (anxiété, TSPT et dépression) sont importants.

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Note de bas de page b

Test de la somme des rangs de Kruskal-Wallis.

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Environ 40 % des travailleurs de la santé (n = 1 367), tant les hommes que les femmes, ont déclaré qu’ils avaient peur de divulguer à leur famille le risque auquel ils étaient exposés au travail. Les travailleurs qui ont exprimé leur incapacité à discuter de leur risque avec leur famille ont obtenu des notes significativement plus élevées pour toutes les mesures de détresse psychologique (< 0,001) (tableau 3).

Tableau 3. Associations entre la crainte d’informer la famille du risque perçu et les scores GAD-7, IES‑R et PHQ-9 des participants pendant la première vague de la pandémie de COVID‑19, mai à juillet 2020, région du Grand Toronto (Ontario, Canada)
RésultatNote de bas de page aNote de bas de page b Peur Valeur p
Non
(n = 2 016)
Oui
(n = 1 367)
Total GAD-7
Médiane 4,00 7,00 < 0,001
IIQ 1,00 à 8,00 3,00 à 11,00
Total IES‑R
Médiane 19,00 30,00 < 0,001
IIQ 9,00 à 34,00 16,00 à 46,00
Total PHQ-9
Médiane 5,00 8,00 < 0,001
IIQ 2,00 à 10,00 4,00 à 13,00

Abréviations : GAD-7, Échelle du trouble d’anxiété généralisée à 7 éléments; IES‑R, Échelle d’impact des événements – révisée, 22 éléments; PHQ-9, Questionnaire sur la santé des patients à 9 éléments.

Note de bas de page a

Plus la médiane est élevée pour une échelle donnée, plus les symptômes associés aux éléments mesurés (anxiété, TSPT et dépression) sont importants.

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Note de bas de page b

Test du chi carré de Pearson.

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La décision des travailleurs de la santé d’informer leur famille du risque encouru n’a pas été influencée par leur perception du soutien émotionnel offert par les membres de leur famille. Les médecins étaient plus susceptibles de partager cette information avec leur famille (67,0 %; n = 219) que le personnel infirmier (54,6 %; n = 641) (p < 0,001) (données non présentées).

Près des deux tiers (63,8 %; n = 653) des participants qui avaient travaillé pendant l’épidémie de SRAS survenue en 2003 se sentaient à l’aise de divulguer le niveau de risque à leur famille (p < 0,001) contre 56,9 % (n = 1424) de ceux qui n’avaient pas travaillé pendant cette épidémie (données non présentées).

Stratégies d’adaptation

La plupart des participants (90,5 %; n = 3 143) ont exprimé leur intérêt à en apprendre davantage sur la COVID‑19 (p < 0,001). Plus de la moitié ont déclaré qu’ils se sont adaptés en acceptant le risque perçu (66,2 %), en essayant de ne pas penser au risque (66 %) et en cultivant des pensées positives (93,1 %) (données non présentées). On a relevé des différences importantes dans la perception des risques entre les professions. Une proportion plus élevée parmi les travailleurs de la santé non cliniques (58 %; n = 494) que dans les autres groupes de travailleurs de la santé évitaient les collègues qui prodiguaient des soins aux patients atteints de la COVID‑19 (tableau 4).

Tableau 4. Stratégies d’adaptation des participants pendant la première vague de la pandémie de COVID‑19 selon leur profession, leur sexe et leur expérience de travail lors de l’épidémie de SRAS survenue en 2003, mai à juillet 2020, région du Grand Toronto (Ontario, Canada)
Question Nombre (%)Note de bas de page a
Profession Sexe A travaillé durant l’épidémie de SRAS survenue en 2003
Travailleurs de la santé non cliniques
(n = 1 122)
Personnel paramédical
(n = 1 075)
Personnel infirmier
(n = 1 298)
Médecins
(n = 357)
Valeur p Homme
(n = 572)
Femme (n = 3 055) Valeur p Non
(n = 2 726)
Oui
(n = 1 122)
Valeur p
En apprendre le plus possible sur la COVID‑19
D’accord 873 (91,4) 876 (88,9) 1 084 (91,1) 301 (89,9) 0,226 488 (90,9) 2 579 (90,4) 0,729 2 186 (89,3) 945 (93,3) < 0,001
Prendre des suppléments nutritifs, des vitamines ou des probiotiques
D’accord 511 (57,4) 473 (50,0) 709 (61,2) 78 (23,9) < 0,001 203 (39,3) 1 526 (55,8) < 0,001 1 227 (52,1) 545 (56,5) 0,023
Respecter les protocoles et les mesures recommandées
D’accord 946 (99,0) 978 (99,1) 1 183 (99,5) 332 (98,8) 0,447 532 (99,3) 2 832 (99,1) 0,766 2 424 (99,0) 1 009 (99,6) 0,066
Accepter le risque inhérent
D’accord 632 (67,2) 688 (70,3) 714 (60,6) 236 (70,9) < 0,001 387 (72,6) 1 836 (65,0) < 0,001 1 630 (67,2) 637 (63,6) 0,042
Essayer de ne pas penser au risque
D’accord 652 (68,6) 663 (67,3) 760 (64,2) 203 (60,6) 0,023 339 (63,2) 1 900 (66,7) 0,117 1 627 (66,8) 647 (63,9) 0,107
Peur de parler à sa famille du risque auquel on est exposé
D’accord 324 (35,7) 400 (41,3) 532 (45,4) 108 (33,0) < 0,001 199 (37,5) 1 137 (41,0) 0,126 1 025 (43,1) 339 (34,1) < 0,001
Cultiver des pensées positives
D’accord 896 (93,9) 918 (93,4) 1 090 (92,5) 307 (92,5) 0,550 492 (92,5) 2 653 (93,3) 0,483 2 260 (92,9) 947 (93,7) 0,433
Éviter les endroits bondés / ne pas sortir en public
D’accord 900 (94,5) 930 (94,3) 1 110 (94,1) 309 (92,8) 0,696 503 (94,2) 2 673 (94,1) 0,899 2 291 (94,0) 952 (94,4) 0,730
Éviter les collègues qui ont travaillé ou travaillent avec des patients atteints de la COVID‑19
D’accord 494 (58,0) 353 (38,5) 433 (37,6) 78 (23,7) < 0,001 187 (36,0) 1 140 (42,9) 0,004 971 (42,4) 386 (40,4) 0,278
Hypnotiques pour le sommeil
D’accord 143 (15,1) 106 (10,9) 229 (19,3) 28 (8,5) < 0,001 52 (9,7) 447 (15,6) < 0,001 351 (14,5) 153 (15,1) 0,612
Début/augmentation de la consommation d’alcool
D’accord 254 (26,3) 262 (26,4) 325 (27,5) 843 (25,0) 0,793 147 (27,0) 767 (26,6) 0,826 671 (27,4) 253 (24,9) 0,137

Abréviation : SRAS, syndrome respiratoire aigu sévère.

Note de bas de page a

Test du chi carré de Pearson.

Retour à la référence de la note de bas de page a

Un faible pourcentage de participants (10,9 %; n = 333) envisageaient de changer d’emploi ou de démissionner. Jusqu’à 15,7 % (n = 160) du personnel infirmier songeait à changer d’emploi, contre 9,4 % des travailleurs de la santé non cliniques (n = 78), 8,6 % du personnel paramédical (n = 76) et 5,9 % des médecins (n = 19) (p < 0,001) (données non présentées).

Une grande proportion des participants (72,5 %; n = 2 452) se sentaient soutenus en raison de leur travail dans le domaine de la santé. Les personnes qui se sentaient sans soutien avaient une probabilité significativement plus élevée de ressentir des symptômes modérés et graves de détresse psychologique dans le cadre de l’analyse par régression logistique multivariée : anxiété (RC = 2,23; IC à 95 % : 1,84 à 2,69; p < 0,001), TPST (RC = 1,88; IC à 95 % : 1,58 à 2,25; p < 0,001) et dépression (RC = 1,88; IC à 95 % : 1,57 à 2,25). Les travailleurs de la santé qui ne se sentaient pas soutenus en raison de leur travail étaient également plus susceptibles d’utiliser des médicaments hypnotiques et d’avoir des symptômes modérés à graves d’anxiété (RC = 3,42; IC à 95 % : 2,71 à 4,34), de dépression (RC = 4,03; IC à 95 % : 3,20 à 5,09) et de TSPT (RC = 4,24; IC à 95 % : 3,24 à 5,55). De même, la consommation d’alcool et le manque de soutien étaient associés à une anxiété modérée à sévère (RC = 1,89; IC à 95 % : 1,55 à 2,30), des symptômes de TSPT (RC = 2,12; IC à 95 % : 1,76 à 2,56) et à la dépression (RC = 2,07; IC à 95 % : 1,72 à 2,49). Les travailleurs de la santé qui étaient en mesure d’informer leur famille de leur risque perçu au travail présentaient des taux plus faibles d’anxiété modérée à sévère (RC = 0,58; IC à 95 % : 0,48 à 0,69), de symptômes de TSPT (RC = 0,48; IC à 95 % : 0,41 à 0,56) et de symptômes de dépression (RC = 0,55; IC à 95 % : 0,47 à 0,65) (tableau 5).

Tableau 5. Analyse par régression logistique multivariée des mesures de soutien et de lutte contre les infections sur les résultats modérés/graves en santé mentale des participants pendant la première vague de la pandémie de COVID‑19, mai à juillet 2020, région du Grand Toronto (Ontario, Canada)
Variable Je me sens soutenu en raison du travail que je fais comme travailleur de la santé J’ai peur de parler à ma famille du risque auquel je suis exposé L’EPI offert est suffisant pour me protéger Le dépistage des patients et des visiteurs aux entrées des hôpitaux est utile
RC ajusté
(IC à 95 %)
Valeur p RC ajusté
(IC à 95 %)
Valeur p RC ajusté
(IC à 95 %)
Valeur p RC ajusté
(IC à 95 %)
Valeur p
GAD-7
En désaccord 2,23 (1,84 à 2,69) < 0,001 0,58 (0,48 à 0,69) < 0,001 1,74 (1,40 à 2,18) < 0,001 1,65 (1,30 à 2,10) < 0,001
Âge (ans)
18 à 45 (réf.) réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf.
46 à 59 0,61 (0,49 à 0,78) < 0,001 0,60 (0,48 à 0,76) < 0,001 0,63 (0,50 à 0,79) < 0,001 0,62 (0,49 à 0,78) < 0,001
60 et plus 0,53 (0,39 à 0,71) < 0,001 0,54 (0,40 à 0,73) < 0,001 0,52 (0,38 à 0,70) < 0,001 0,51 (0,38 à 0,69) < 0,001
Sexe
Homme (réf.) réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf.
Femme 1,50 (1,14 à 1,98) 0,004 1,48 (1,13 à 1,95) 0,005 1,50 (1,14 à 1,97) 0,004 1,50 (1,14 à 1,97) 0,004
Profession
Travailleurs de la santé non cliniques (réf.) réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf.
Personnel infirmier 0,97 (0,77 à 1,22) 0,78 0,97 (0,77 à 1,23) 0,81 0,94 (0,75 à 1,19) 0,61 0,99 (0,79 à 1,25) 0,95
Médecins 0,58 (0,40 à 0,86) 0,007 0,60 (0,41 à 0,88) 0,009 0,57 (0,39 à 0,83) 0,004 0,59 (0,40 à 0,86) 0,007
Personnel paramédical 0,90 (0,70 à 1,14) 0,38 0,90 (0,71 à 1,15) 0,40 0,89 (0,70 à 1,14) 0,36 0,92 (0,72 à 1,16) 0,48
Hypnotiques pour le sommeil
Oui 3,42 (2,71 à 4,34) < 0,001 2,84 (2,85 à 4,52) < 0,001 3,51 (2,79 à 4,43) < 0,001 3,55 (2,82 à 4,48) < 0,001
Début/augmentation de la consommation d’alcool
Oui 1,89 (1,55 à 2,30) < 0,001 1,95 (1,60 à 2,37) < 0,001 1,98 (1,63 à 2,40) < 0,001 1,94 (1,60 à 2,35) < 0,001
IES‑R
En désaccord 1,88 (1,58 à 2,25) < 0,001 0,48 (0,41 à 0,56) < 0,001 1,84 (1,49 à 2,26) < 0,001 1,44 (1,16 à 1,80) 0,001
Âge (ans)
18 à 45 (réf.) réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf.
46 à 59 0,78 (0,64 à 0,95) 0,01 0,78 (0,64 à 0,95) 0,01 0,77 (0,64 à 0,94) 0,008 0,76 (0,63 à 0,92) 0,005
60 et plus 0,65 (0,52 à 0,83) < 0,001 0,68 (0,54 à 0,87) 0,002 0,64 (0,51 à 0,81) < 0,001 0,63 (0,50 à 0,80) < 0,001
Profession
Travailleurs de la santé non cliniques (réf.) réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf.
Personnel infirmier 1,12 (0,92 à 1,37) 0,27 1,11 (0,91 à 1,36) 0,32 1,10 (0,90 à 1,34) 0,37 1,15 (0,94 à 1,40) 0,16
Médecins 0,42 (0,31 à 0,57) < 0,001 0,44 (0,32 à 0,59) < 0,001 0,40 (0,30 à 0,54) < 0,001 0,43 (0,32 à 0,58) < 0,001
Personnel paramédical 0,88 (0,71 à 1,10) 0,22 0,89 (0,72 à 1,10) 0,28 0,88 (0,71 à 1,08) 0,21 0,91 (0,74 à 1,11) 0,38
Hypnotiques pour le sommeil
Oui 4,24 (3,24 à 5,55) < 0,001 4,39 (3,36 à 5,75) < 0,001 4,29 (3,28 à 5,62) < 0,001 4,36 (3,34 à 5,69) < 0,001
Début/augmentation de la consommation d’alcool
Oui 2,12 (1,76 à 2,56) < 0,001 2,14 (1,78 à 2,58) < 0,001 2,19 (1,82 à 2,63) < 0,001 2,12 (1,77 à 2,55) < 0,001
PHQ-9
En désaccord 1,88 (1,57 à 2,25) < 0,001 0,55 (0,47 à 0,65) < 0,001 2,10 (1,70 à 2,58) < 0,001 1,69 (1,35 à 2,11) < 0,001
Âge (ans)
18 à 45 (réf.) réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf.
46 à 59 0,83 (0,67 à 1,02) 0,08 0,82 (0,67 à 1,01) 0,07 0,84 (0,68 à 1,03) 0,10 0,83 (0,68 à 1,02) 0,08
60 et plus 0,69 (0,53 à 0,90) 0,007 0,69 (0,53 à 0,90) 0,007 0,70 (0,53 à 0,91) 0,007 0,68 (0,53 à 0,89) 0,004
Profession
Travailleurs de la santé non cliniques (réf.) réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf. réf.
Personnel infirmier 0,89 (0,72 à 1,09) 0,26 0,89 (0,72 à 1,10) 0,29 0,87 (0,70 à 1,07) 0,18 0,90 (0,73 à 1,11) 0,35
Médecins 0,38 (0,27 à 0,54) < 0,001 0,40 (0,28 à 0,57) < 0,001 0,36 (0,26 à 0,52) < 0,001 0,39 (0,28 à 0,55) < 0,001
Personnel paramédical 0,78 (0,63 à 0,98) 0,03 0,80 (0,64 à 1,00) 0,05 0,79 (0,63 à 0,98) 0,04 0,80 (0,64 à 0,99) 0,04
Hypnotiques pour le sommeil
Oui 3,84 (3,04 à 4,85) < 0,001 4,03 (3,20 à 5,09) < 0,001 3,96 (3,14 à 5,00) < 0,001 4,01 (3,19 à 5,05) < 0,001
Début/augmentation de la consommation d’alcool
Oui 2,07 (1,72 à 2,49) < 0,001 2,09 (1,7 à 2,52) < 0,001 2,11 (1,75 à 2,53) < 0,001 2,07 (1,73 à 2,49) < 0,001

Abréviations : EPI, équipement de protection individuelle; GAD-7, Échelle du trouble d’anxiété généralisée à 7 éléments; IC, intervalle de confiance; IES‑R, Échelle d’impact des événements – révisée, 22 éléments; PHQ-9, Questionnaire sur la santé des patients à 9 éléments; RC, rapport de cote; réf., référence.

Mesures de lutte contre les infections

Les travailleurs de la santé qui considéraient que l’équipement de protection individuelle (EPI) offert ne les protégeait pas suffisamment étaient plus susceptibles d’éprouver de l’anxiété (RC = 1,74; IC à 95 % : 1,40 à 2,18; p < 0,001), des symptômes de TSPT (RC = 1,84; IC à 95 % : 1,49 à 2,26; p < 0,001) et de la dépression (RC = 2,10; IC à 95 % : 1,70 à 2,58; p < 0,001) (tableau 5). Les participants qui ne faisaient pas confiance aux processus de dépistage des patients et des visiteurs à l’entrée de l’hôpital présentaient également des taux plus élevés d’anxiété (RC = 1,65; 1,30 à 2,10; p < 0,001), de symptômes de TSPT (RC = 1,44; 1,16 à 1,80; p < 0,001) et de dépression (RC = 1,69; 1,35 à 2,11; p < 0,001).

En outre, les personnes qui n’étaient pas d’accord que les mesures de lutte contre les infections en place étaient suffisantes (équipement de protection individuelle adéquat et dépistage des patients et des visiteurs des hôpitaux) étaient plus susceptibles d’obtenir des scores élevés pour les symptômes modérés à sévères pour toutes les mesures (tableau 5). Des taux élevés de détresse psychologique ont également été observés chez les travailleurs de la santé qui étaient en désaccord avec l’efficacité du lavage des mains de routine (dépression : RC = 2,67, IC à 95 % : 1,10 à 6,47, p < 0,03) et du rinçage des mains avec un désinfectant à base d’alcool (anxiété : RC = 1,67, IC à 95 % : 1,09 à 2,58, p < 0,02; symptômes de TSPT : RC = 1,19, IC à 95 % : 1,27 à 2,90, p < 0,002; dépression : RC = 1,72, IC à 95 % : 1,14 à 2,59, p < 0,01).

Analyse

D’après nos résultats, les travailleurs de la santé ont eu recours à diverses modalités de soutien psychologique pendant la pandémie de COVID‑19 : environ les trois quarts ont obtenu du soutien émotionnel de la part de membres de leur famille (77,3 %), de leurs amis (74,0 %) et de leurs collègues (70,3 %). Environ 8 % ont demandé un soutien formel en santé mentale. Ce recours à un soutien formel en santé mentale peut relever de plusieurs facteurs : l’auto‑identification d’une détresse psychologique grave nécessitant une intervention; des relations préexistantes avec un soutien en santé mentale ou encore des problèmes de santé mentale antérieurs exacerbés par les restrictions sociales et les défis en milieu de travail pendant la pandémie de COVID‑19.

Le faible taux global d’accès à un soutien en santé mentale peut être attribuable à la difficulté d’accès à ce soutien en raison des longues heures de travail et de la stigmatisation associée à la demande ou au besoin de soutien en santé mentale. Par ailleurs, les travailleurs de la santé peuvent penser que le soutien informel qu’ils obtiennent de la part de collègues, de membres de la famille et d’amis est adéquat et ils ne se tournent vers un soutien professionnel en santé mentale que lorsqu’ils éprouvent une plus grande détresse psychologique. Les travailleurs de la santé sont susceptibles d’éprouver davantage de détresse psychologique en raison du manque de soutien, et ceux qui ressentent une détresse psychologique élevée sont plus susceptibles de percevoir le soutien disponible comme étant insuffisant.

D’autres études sur les travailleurs de la santé pendant la pandémie de COVID‑19 présentent les mêmes conclusions sur l’importance vitale du soutien de la famille, des amis et des collègues. On sait que le soutien familial atténue le sentiment d’isolement et favorise une santé mentale positiveNote de bas de page 19, tandis que le manque de soutien social de la part de la famille et des amis est associé à des niveaux plus élevés d’anxiété, de symptômes de TSPT et de dépressionNote de bas de page 11 et à un risque accru d’épuisement professionnelNote de bas de page 12. On sait aussi que le soutien des collègues est associé à la résilience, qui est un facteur de protection contre la détresse psychologiqueNote de bas de page 20Note de bas de page 21. Les participants ayant travaillé lors de l’épidémie de SRAS en 2003 étaient plus susceptibles de demander le soutien de collègues. L’épidémie de SRAS étant survenue il y a près de 20 ans, les travailleurs de la santé encore en poste durant la pandémie de COVID‑19 pourraient être mieux intégrés à leur milieu de travail et bénéficier ainsi d’un réseau stable et étendu de collègues capables de leur fournir du soutien. Les travailleurs de la santé qui ont traité des personnes atteintes de la COVID‑19 ont tissé des liens de camaraderie plus étroits avec leurs collègues grâce à leur expérience communeNote de bas de page 22. Cela peut s’apparenter à certaines expériences communes de travail lors de l’épidémie de SRAS survenue en 2003, qui ont aidé à atténuer la détresse.

Les travailleurs de la santé qui ont déclaré avoir parlé de leur risque perçu avec leur famille ont obtenu des scores plus faibles pour l’anxiété, le TSPT et la dépression. On ne sait pas clairement si les personnes qui ont fait part de leur risque perçu étaient moins anxieuses à l’égard du risque et se sentaient donc en mesure d’en parler avec leur famille, ou si le fait de parler de leur risque avec leur famille réduisait leur détresse parce que leur famille était maintenant consciente de leur risque. Une autre explication pourrait être que la communication du risque perçu à la famille a permis de réduire la détresse des participants, car ceux-ci se sont alors vus dans le rôle de la personne qui doit montrer l’exemple et tenter de réduire l’anxiété des membres de sa famille en restant elle-même calme.

Bien que la famille ait joué un rôle pour soutenir les travailleurs de la santé, 36,9 % (n = 1 367) d’entre eux n’ont pas parlé du risque qu’ils percevaient avec les membres de leur famille. Un certain nombre de facteurs peuvent avoir joué un rôle dans cette absence de divulgation, notamment le désir d’éviter à la famille toute préoccupation au sujet du risque personnel perçu et du risque potentiel, ainsi que la crainte que les membres de la famille réagissent négativement. Le partage de l’information est une étape positive vers le soutien et l’atténuation de la détresse psychologique potentielle et des conflits familiaux possibles. De plus, alors que les travailleurs de la santé reçoivent de l’information et de la formation sur la lutte contre les infections et que leur lieu de travail est apte à leur fournir des ressources en santé mentale, offrir des ressources supplémentaires aux membres de la famille pourrait s’avérer une intervention utile et pertinente.

Une perception négative de l’effet protecteur des mesures de lutte contre les infections en établissement, un sentiment global de manque de soutien et l’hésitation à discuter du risque avec la famille ont tous été associés à la consommation d’alcool et de médicaments hypnotiques, ainsi qu’à un risque accru de symptômes modérés ou graves d’anxiété, de TSPT et de dépression dans notre étude. Le stress causé par une pandémie peut entraîner une dépendance accrue aux substances pour soulager la détresse psychologique et peut également exacerber une consommation préexistante. Il a été prouvé que le soutien social perçu réduisait la consommation d’alcool et de médicaments hypnotiques, en particulier lors d’événements stressants de la vieNote de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25. La relation étroite entre le soutien, la santé mentale et la consommation de substancesNote de bas de page 26 devrait être prise en compte dans les interventions multidimensionnelles destinées aux travailleurs de la santé, surtout parce que ces derniers sont susceptibles d’adopter des comportements « de fuite ou d’évitement » pour soulager leur détresseNote de bas de page 5Note de bas de page 12Note de bas de page 27. De l’information et des ressources sur des comportements d’adaptation plus sains et sur les effets mentaux et physiques de la consommation de substances pourraient constituer une aide utile pour ce groupe potentiellement vulnérable.

Un faible pourcentage des personnes interrogées (10,9 %; n = 333) envisageaient de quitter le milieu des soins de santé, un désir dont on sait qu’il est influencé de manière générale par les expériences individuelles de stress professionnel, comme le soutien en milieu de travail, le sentiment d’efficacité et la capacité à effectuer son travailNote de bas de page 28. Il s’agit là de facteurs importants dont on doit tenir compte pour assurer le maintien en poste des travailleurs. Notre étude a été effectuée relativement tôt au début de la pandémie de COVID‑19, et les nouvelles données sur l’augmentation des départsNote de bas de page 29 suggèrent que les répercussions des expériences individuelles prolongées de stress en milieu de travail devront faire l’objet d’une analyse plus approfondie. Ces aspects du stress en milieu de travail ont d’importantes répercussions pour les organisations, et des changements à l’échelle du système sont peut-être nécessaires pour maintenir le sentiment de sécurité, d’efficacité et d’autonomie du personnel afin de faciliter le maintien en poste pendant et après la pandémie. Le soutien de leur organisation et celui de la société contribuent à renforcer la satisfaction et la résilience des travailleurs de la santéNote de bas de page 30. Le soutien collectif aux travailleurs de la santé au début de la pandémie a semblé universel : des marques de reconnaissance, qui se manifestaient notamment par des encouragements de la part des résidents du quartier ou encore par des dons de repas de la part de restaurateurs locaux, ont pu contribuer à atténuer le stress des travailleurs de la santé. On sait aussi que le soutien de la famille et des amis contribue au développement d’un sentiment d’utilité et d’appartenance, que ce soutien a une incidence directe sur la prévention de la détresse psychologique et qu’il favorise le respect des restrictions mises en place pour prévenir les infections ainsi que les attitudes positives à leur égardNote de bas de page 19.

L’EPI est une mesure de protection pour le personnel de première ligne lors d’éclosions de maladies infectieuses, et les inquiétudes concernant la disponibilité de l’EPI (ce qui a souvent été perçu comme un manque de soutien de la part de l’organisation) sont un prédicteur d’effets néfastes sur le plan psychologiqueNote de bas de page 4Note de bas de page 31Note de bas de page 32. Notre étude révèle que la confiance envers les mesures organisationnelles est associée au niveau de détresse psychologique et suggère qu’il est bénéfique pour les travailleurs de la santé de comprendre le rôle de chaque mesure dans la prévention des infections et de comprendre pourquoi les protocoles sont modifiés à la lumière de nouvelles données sur la transmission. La capacité à se conformer aux protocoles de lutte contre les infections peut favoriser une certaine auto-efficacité pour ce qui est de sa propre sécuritéNote de bas de page 31, tandis qu’un approvisionnement fiable et constant d’EPI donne aux travailleurs l’impression que leur organisation se soucie d’eux et les soutientNote de bas de page 4Note de bas de page 32. Nos constatations révèlent l’existence d’un lien entre les symptômes de détresse et le degré de confiance envers les mesures de protection mises en œuvre dans les hôpitaux, soit un EPI adéquat, le dépistage des visiteurs et la perception de l’efficacité du rinçage des mains avec un désinfectant à base d’alcool. La confiance dans les mesures de lutte contre les infections peut réduire la détresse, mais le fait d’essayer de suivre correctement les mesures de lutte contre les infections est parfois susceptible d’accroître la détresse, particulièrement lorsque les recommandations liées aux mesures nécessaires sont fréquemment modifiées.

Pendant la pandémie, l’information a évolué rapidement, ce qui a rendu la communication bidirectionnelle et la transparence vitalesNote de bas de page 33. Une étude qualitative sur l’expérience des travailleurs de la santé pendant la pandémie a révélé que la transparence organisationnelle avait aidé à atténuer le stress et la peur de l’inconnu et qu’elle avait aidé les travailleurs à s’adapter aux changements en matière de protocoles et d’information disponibleNote de bas de page 30. Des stratégies efficaces de communication quotidienne sont nécessaires pour minimiser les malentendus susceptibles d’exacerber la détresseNote de bas de page 34. Il faut que les stratégies visant à recueillir et à intégrer les rétroactions des travailleurs de la santé de première ligne soient bien définies et mises en œuvreNote de bas de page 35. Il a été prouvé que les lacunes dans les données et le manque de transparence constituent des problèmes permanents qui minent la confiance dans la réponse à la pandémieNote de bas de page 36.

Limites

Cette étude comporte plusieurs limites. Premièrement, pour pouvoir inclure à la fois les médecins, le personnel infirmier, le personnel paramédical et les travailleurs de la santé non cliniques, il a fallu envoyer par courriel un lien ne permettant aucun ciblage, ce qui nous a empêchés d’estimer le taux de réponse : avec ce type de lien, nous n’avons pas pu savoir combien de travailleurs de la santé ont vu le courriel mais n’ont pas voulu participer.

Deuxièmement, plusieurs hôpitaux ont participé à l’étude mais nous ne sommes pas en mesure de déterminer les différences potentielles entre les établissements en ce qui concerne les facteurs susceptibles d’atténuer ou d’exacerber les problèmes. De plus, nous n’avons pas cherché à savoir si des problèmes de santé mentale ou un soutien formel en santé mentale existaient avant la pandémie, or ces renseignements nous auraient aidés à déterminer dans quelle mesure ces problèmes et ce soutien préexistants contribuent à la détresse psychologique que nous avons documentée.

Enfin, les données ont été recueillies lors de la première vague de la pandémie, soit entre le 14 mai et le 3 juillet 2020, dans les quatre centres. Les biais de déclaration, surtout en période de stress élevé, peuvent avoir amené certains répondants à remplir le sondage de façon plus positive et d’autres à le remplir de façon plus négative. Une enquête de suivi pourrait fournir de l’information sur les stratégies d’adaptation et le soutien à long terme auxquels les participants peuvent avoir eu recours, ainsi que sur les perceptions et la confiance à l’égard des mesures de lutte contre les infections.

Conclusion

Le soutien émotionnel joue un rôle important dans la santé mentale des travailleurs de la santé. Bien que le soutien formel en santé mentale soit important, le réseau de soutien émotionnel de la famille, des amis et des collègues est également précieux pour les travailleurs de la santé. Ces liens, en particulier le soutien des membres du ménage, jouent un rôle essentiel dans le bien-être général des travailleurs de la santé.

Il semble que la confiance quant à la pertinence des mesures de lutte contre les infections et que la clarté perçue des communications sur les stratégies de lutte soient inversement liées au degré de stress et d’incertitude. Outre l’information sur les mesures à l’échelle de l’organisation, le fait d’avoir des renseignements sur les comportements sains d’adaptation personnelle peut favoriser le bien-être et le maintien en poste des travailleurs, ce qui permet de conserver des effectifs sur long terme, qui soient en bonne santé et solides.

Remerciements

Cette étude a été financée par la Toronto COVID‑19 Action Initiative de l’Université de Toronto. Les sources de financement n’ont joué aucun rôle dans la conception de l’étude, la collecte et l’analyse des données, la rédaction du manuscrit ou la décision de publier.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

RS, LH, AM, MD, PG, ND, GL, WL et WG ont participé à la conception de l’étude. RS, LH, AM, GL et GT ont participé à l’acquisition du financement. RS, LH, AM, MD, JS, PG, ND, GL, PW, JN et WG ont mené l’enquête. RS, LH, AM, MD, JS, PG, ND, GL, PW, WL, JN et WG ont préparé les données. RS, TF et VR ont effectué l’analyse formelle. RS, LH, GT et EL ont rédigé la première ébauche du manuscrit. Tous les auteurs ont revu le manuscrit.

Le contenu de cet article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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