Recherche quantitative originale – Facteurs associés aux dépenses élevées en soins de santé chez les patients atteints de schizophrénie

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Andrew J. Stewart, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Scott B. Patten, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Kirsten M. Fiest, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Tyler S. Williamson, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; James P. Wick, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 2; Paul E. Ronksley, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.10.02f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs
Correspondance

Paul E. Ronksley, Département des sciences de la santé communautaire, Faculté de médecine Cumming, Université de Calgary, Cal Wenzel Precision Health Building, 3280 Hospital Drive NW, Calgary (Alberta)  T2N 4Z6; tél. : 403-220-8820; courriel : peronksl@ucalgary.ca

Citation proposée

Stewart AJ, Patten SB, Fiest KM, Williamson TS, Wick JP, Ronksley PE. Facteurs associés aux dépenses élevées en soins de santé chez les patients atteints de schizophrénie. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2022;42(10):486-495. https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.10.02f

Résumé

Introduction. La compréhension des motifs de la grande variation des dépenses en soins de santé chez les patients atteints de schizophrénie est susceptible de contribuer à l’élaboration d’interventions visant à améliorer les résultats pour les patients et l’efficience des dépenses en soins de santé. Notre étude visait à déterminer les facteurs associés aux dépenses élevées en soins de santé chez les patients atteints de schizophrénie.

Méthodologie. Cette étude transversale en série a utilisé les dossiers de santé administratifs de résidents de l’Alberta (Canada) entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2017 ainsi que les méthodes provinciales d’établissement des coûts afin de calculer les dépenses totales en soins de santé et les coûts par secteur. Les facteurs modifiant la probabilité d’être un patient à coût élevé (dans le 95e percentile ou plus) atteint de schizophrénie ont été estimés au moyen d’équations d’estimation généralisées.

Résultats. Cette étude a recueilli 242 818 années-personnes d’observations chez 38 177 patients atteints de schizophrénie. Une probabilité accrue d’être un patient à coût élevé a été associée à un âge plus jeune (18 à 29 ans), le fait d’être de sexe masculin, un état de logement instable et des besoins de soins dans de multiples spécialités médicales. Les associations estimées les plus fortes entre l’état d’un patient à coût élevé et la comorbidité concernaient le cancer métastatique (RC = 2,26) et la cirrhose (RC = 2,07). À l’opposé, la polypharmacie a été associée à une diminution de la probabilité de coûts élevés comparativement aux patients non traités.

Conclusion. Les facteurs associés au fait d’être un patient à coût élevé résultent d’interactions complexes entre facteurs individuels, facteurs structurels et facteurs liés au traitement. Les efforts visant à améliorer les résultats des patients et à faire face à la hausse des coûts des soins de santé doivent tenir compte de la valeur de l’affectation des ressources au dépistage précoce et au soutien des patients atteints de schizophrénie ainsi qu’à la prévention et à la gestion de la comorbidité.

Mots-clés : schizophrénie, recherche sur les services de santé, comorbidité, dépenses en soins de santé

Points saillants

  • Les patients plus jeunes atteints de schizophrénie (18 à 29 ans) étaient plus susceptibles que les patients plus âgés d’être des patients à coûts élevés.
  • Sur les 29 comorbidités évaluées, 17 ont été associées à une probabilité accrue d’être un patient à coût élevé.
  • Une contribution plus importante de spécialités médicales augmente la probabilité d’être un patient à coût élevé.
  • La probabilité pour un patient d’être un patient à coût élevé est 2,49 fois plus forte s’il est mal logé que s’il est logé de façon stable. Cela laisse penser que les facteurs de risque à l’origine des coûts transcendent les domaines cliniques et les caractéristiques individuelles.

Introduction

Des études fondées sur la population ont montré qu’une petite proportion de patients utilisent la majorité des ressources en soins de santéNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5 et qu’environ 5 % de la population de patients utilisent 65 % des ressources en santéNote de bas de page 2Note de bas de page 6. Les caractéristiques cliniques et individuelles de ces « patients à besoins élevés et à coûts élevés » sont très variablesNote de bas de page 7 et la présence de problèmes de santé mentale sous-jacents a été ciblée comme un facteur clé de l’utilisation des soins de santé et des dépenses afférentesNote de bas de page 8Note de bas de page 9.

La schizophrénie est un problème de santé mentale qu’on sait associé à des niveaux élevés d’incapacité et de recours aux soins de santéNote de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. Les coûts économiques de la prestation de services de santé mentale sont très variables d’un patient à l’autreNote de bas de page 13. La littérature a établi un lien entre divers facteurs et l’augmentation des dépenses de santé, notamment l’âge, le sexe, le nombre de contacts sociaux, la durée et la fréquence des hospitalisations, la situation socioéconomique, l’accès à des sources de soutien communautaires et les stratégies de prise en charge pharmaceutiqueNote de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18. On s’attend à ce que l’augmentation de la multimorbidité chez les patients atteints de schizophrénie conduise à une augmentation accrue des besoins en soins de santé et de l’utilisation des ressources en santé par cette populationNote de bas de page 19.

La littérature décrivant les caractéristiques des patients à coût élevé atteints de schizophrénie continue à augmenter au fur et à mesure que la prise en charge de cette maladie évolue. La plus grande proportion de dépenses directes en soins de santé pour les patients atteints de schizophrénie correspond depuis longtemps aux patients hospitalisésNote de bas de page 11. Le coût des médicaments d’ordonnance pour les antipsychotiques de deuxième génération dépasse pour la première fois les dépenses hospitalières et vient modifier cette tendanceNote de bas de page 19. Les patients atteints de schizophrénie vivent plus longtemps et leur traitement est de plus en plus complexe à mesure que d’autres problèmes chroniques se développentNote de bas de page 19. Enfin, il reste à réaliser des études de grande envergure pour caractériser l’ensemble de cette population de patients.

Le coût de la prestation de soins de santé en Amérique du Nord continuant à augmenter, il est important de consigner l’évolution des tendances démographiques et des dépenses pour que l’analyse de l’efficience des dépenses demeure pertinente. Il est nécessaire d’améliorer notre connaissance des facteurs cliniques et sociodémographiques qui influencent les dépenses en soins de santé dans cette population de patients afin de déterminer quels domaines de la prise en charge des patients ont les plus grands effets potentiels sur les résultats pour la santé et la qualité de vie. Dans cette optique, nous avons mené une étude de population à l’aide de données administratives sur la santé de la province canadienne de l’Alberta afin de déterminer les facteurs associés à des coûts élevés chez les patients atteints de schizophrénie.

Méthodologie

Sources des données

Nous avons mené une étude transversale en série à l’aide de données administratives et cliniques de la province de l’Alberta (Canada) recueillies entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2017 (dix sections transversales d’un an). Ces données fournissent des renseignements sur les hospitalisations (Base de données sur les congés des patients), les visites à l’urgence (Système national d'information sur les soins ambulatoires), les factures des praticiens, le réseau de données pharmaceutiques (pour recueillir des renseignements sur les ordonnances des patients externes), le fichier du registre de la santé de la population et enfin les données de l’Alberta Vital Statistics (pour les renseignements sur la date du décès) tenus à jour par le ministère de la Santé de l’Alberta. Nous avons utilisé, pour choisir les ensembles de données, les travaux réalisés antérieurement par notre groupe de rechercheNote de bas de page 20.

Population à l’étude

Nous avons identifié les patients atteints de schizophrénie de 18 ans et plus à l’aide d’un algorithme validé de détermination des cas. La présence de schizophrénie a été définie comme suit : « 1 hospitalisation ou 2 demandes de remboursement par un médecin en deux ans ou moins associées à un code F20.X, F21.X, F23.2 ou F25.X de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, dixième révision (CIM-10) ou à un code “295.X” de la CIM-9 »Note de bas de page 21Note de bas de page 22Note de bas de page 23. Cet algorithme a une valeur prédictive positive reconnue de 87 % et une sensibilité de 87 %Note de bas de page 21. Les patients atteints de schizophrénie sont entrés dans la cohorte à la date où on leur a attribué leur premier code CIM propre à la schizophrénie et ont été suivis jusqu’à leur décès, leur départ du système de santé de l’Alberta ou au suivi de fin d’étude (31 décembre 2017).

Calcul des coûts

Le coût moyen par patient a été estimé pour chaque année civile de 2008 à 2017. L’information sur les microcoûts n’étant pas disponible à l’échelle provinciale, nous avons estimé les coûts des hospitalisations et des visites aux services d’urgence en utilisant les pondérations du volume des ressources (RIW) pour chaque rencontre multipliées par le coût moyen en Alberta d’une rencontre « type ». Les Instituts canadiens d’information sur la santé (ICIS) calculent les RIW annuelles en utilisant les codes de diagnostic les plus responsables de la CIM-10 pour définir les cas de maladie analogue à partir d’échantillons de patientsNote de bas de page 24. L’utilisation des ressources par ces groupes est mesurée et utilisée pour déterminer l’utilisation moyenne des ressources pour un traitement complet, de l’admission au congé, dans un cas « type ». Cette valeur est ensuite pondérée pour tenir compte de l’utilisation accrue des ressources associée à une comorbidité et à des complications médicales supplémentaires. Il a été établi que les estimations des RIW offrent une bonne corrélation avec la norme de référence des micro-coûtsNote de bas de page 25.

Le coût des visites des médecins en consultation externe a été établi à partir du Health Schedule of Medical Benefits de l’Alberta. Les coûts des médicaments ont été estimés en multipliant par la quantité délivrée le coût correspondant à l’Alberta Drug Benefit List pour les médicaments.

Cette analyse des coûts a porté uniquement sur les dépenses directes en soins de santé. Les coûts non médicaux directs (transport et hébergement nécessaires pour se rendre à des rendez-vous médicaux, soins informels fournis par des soignants non rémunérés, soins formels fournis par des soignants professionnels, etc.) et les coûts non médicaux indirects (absentéisme au travail, retraite forcée en raison d’une maladie, etc.) ne peuvent pas être obtenus à partir des sources de données utilisées.

Pour faciliter la comparaison avec la littérature déjà publiée, un patient à coût élevé atteint de schizophrénie a été défini comme un patient dont les coûts de soins de santé annuels directs se situent au 95e percentile ou plus. La classification a été faite de manière indépendante pour chaque exercice entre 2008 et 2017Note de bas de page 1Note de bas de page 6Note de bas de page 9Note de bas de page 26.

Modèle comportemental de Gelberg-Andersen pour les populations vulnérables

Les facteurs de risque de l’état de patient à coût élevé sélectionnés pour cette étude reposent sur le modèle comportemental de Gelberg-Andersen pour les populations vulnérablesNote de bas de page 27. Ce modèle utilise une approche holistique pour décrire les facteurs associés à l’utilisation des soins de santéNote de bas de page 27. Il comprend trois domaines, avec une attention particulière accordée à la vulnérabilité : les facteurs environnementaux (comme la géographie ou environnement social), les caractéristiques de la population (comme les facteurs prédisposants, facilitants et les besoins) et les comportements sanitaires (comme la recherche de soins spécialisés ou d’autres tendances dans l’accès aux soins de santé)Note de bas de page 27. Les variables tirées des sources de données administratives provinciales ont été jumelées à ces domaines (tableau 1).

Tableau 1. Variables utilisées pour la modélisation des coûts directs à partir du modèle comportemental de Gelberg-Andersen pour les populations vulnérables
Environnement Caractéristiques de la population Comportement sanitaire
Caractéristiques prédisposantes Ressources facilitantes Besoins
Système de soins de santé à payeur uniqueNote de bas de page a
  • Âge
  • Sexe
  • Défavorisation matérielle et sociale (statut socioéconomique)
  • Comorbidités
  • Résidence urbaine ou rurale
  • Lien avec les soins primaires
  • Stabilité du logement
  • Comorbidités
  • Durée de la maladie
  • Exposition au traitement
  • Exposition à la polypharmacie
  • Rencontres avec des spécialistes
  • Rencontres avec des psychiatres
  • Rencontres avec des omnipraticiens

Données sur les patients et les ordonnances

Nous avons extrait les caractéristiques personnelles et cliniques de tous les patients des mêmes ensembles de données administratives, à savoir l’âge, le sexe et le code postal (pour établir la résidence en milieu urbain ou rural). Nous avons utilisé les données du recensement et les codes postaux pour calculer l’indice de défavorisation matérielle et sociale comme approximation du statut socioéconomiqueNote de bas de page 28.

Les profils de comorbidité ont été déterminés à l’aide de 29 algorithmes de détermination des cas définis par Tonelli et al.Note de bas de page 21. Une mesure de substitution pour la stabilité du logement a été générée en effectuant une recherche dans les dossiers de soins de santé pour trouver des antécédents d’itinérance (code Z59 de la CIM-10) ou un code postal associé à un refuge.

Enfin, des renseignements annuels sur les ordonnances (Système de classification anatomique, thérapeutique et chimique [ATC] et date de l’ordonnance) ont été obtenus pour chaque patient par l’entremise du Pharmaceutical Information Network de l’Alberta. Nous avons utilisé ces données pour déterminer le nombre de produits pharmaceutiques prescrits à chaque patient par année civile. Nous avons défini la polypharmacie comme la prescription de 5 à 9 médicaments différents et la polypharmacie extrême comme la prescription de 10 médicaments différents ou plus en une seule année. Cette définition est celle qui est le plus fréquemment utilisée dans la littératureNote de bas de page 29.

Nous avons utilisé le numéro d’identification du médicament (DIN) de chaque médicament antipsychotique prescrit pour déterminer s’il a été administré par voie orale ou par injection. Les codes de demande de remboursement des médecins ont été utilisés pour déterminer la spécialité médicale associée aux soins. Nous avons produit une mesure de substitution du traitement de la comorbidité en comptant le nombre de spécialités différentes observées au cours de la période à l’étude, c’est-à-dire au-delà des soins reçus par des omnipraticiens et des psychiatres.

Modèles et analyse

Les caractéristiques individuelles et cliniques des patients ont été synthétisées à l’aide de moyennes et d’écarts-types, de médianes et d’intervalles interquartiles ou encore de proportions, selon les cas. La variable de résultat pour cette étude était la probabilité d’être un patient à coût élevé.

Nous avons construit des modèles en utilisant des équations d’estimation généralisées parce que ces dernières fournissent des estimations des effets de la moyenne de la population et qu’on a constaté qu’elles offraient des estimations robustes, même dans les cas où de l’incertitude entoure les structures de covarianceNote de bas de page 30. Les probabilités d’être un patient à coût élevé ont été liées à des variables d’exposition au moyen d’un lien logit. Une matrice de covariance non structurée a été sélectionnée, étant donné le grand nombre d’observations disponibles et la possibilité d’améliorer l’ajustement du modèle en limitant les hypothèses liées à la structure de covariance des relations.

Nous avons élaboré des modèles de régression univariée pour chaque facteur et créé par la suite une matrice de corrélation pour évaluer la colinéarité. Après avoir vérifié l’absence de fortes corrélations entre les variables, nous avons utilisé une série de modèles pour estimer les associations entre les diverses expositions et la probabilité d’être un patient à coût élevé. Les modèles ont été générés de façon itérative à l’aide d’une approche de construction prospective pour assurer la convergence. Pour générer le modèle le plus parcimonieux, nous avons exclu les comorbidités associées à une valeur de p supérieure ou égale à 0,05. Une analyse de sensibilité nous a permis de comprendre les répercussions du choix des seuils pour les coûts élevés (à savoir les 90e et 99e centiles des dépenses en soins de santé).

Toutes les analyses ont été effectuées à l’aide de la version 16 de Stata (StataCorp LLC, College Station, Texas, États-Unis)Note de bas de page 31. Cette étude suit les directives de la déclaration REporting of studies Conducted using Observational Routinely-collected Data (RECORD)Note de bas de page 32. Le Conseil conjoint d’éthique de la recherche en santé de l’Université de Calgary a approuvé cette étude et a accordé une dérogation au consentement du patient (REB16-1575).

Résultats

Cette étude a permis de recueillir 242 818 années-personnes d’observations correspondant à 38 177 patients adultes atteints de schizophrénie au cours de la période de dix ans visée par l’étude. Les hommes ont fourni 138 285 années-personnes d’observations et les femmes, 104 533 (voir le tableau 2). Sur ces 38 177 patients, 2 463 ont été définis comme des patients à coût élevé sur la base du percentile de 95 % des dépenses de santé (12 146 années-personnes).

Tableau 2. Comparaison des patients adultes (18 ans et plus) à coût élevé et à coût non élevé atteints de schizophrénie selon les caractéristiques personnelles et cliniques
Caractéristiques Années-personnes (n et %) Nombre total d’années-personnes (n et % d’années-personnes de la cohorte)
Coût élevé Coût non élevé
Tranche d’âge (ans)
18 à 29 2404 (5,6) 40 246 (94,4) 42 650 (17,6)
30 à 39 1905 (4,0) 45 358 (96,0) 47 263 (19,5)
40 à 49 1844 (3,8) 46 869 (96,2) 48 713 (20,1)
50 à 59 2388 (4,6) 48 997 (95,4) 51 385 (21,2)
60 à 69 1818 (6,1) 27 939 (93,9) 29 757 (12,3)
70 à 79 1103 (8,0) 12 713 (92,0) 13 816 (5,7)
80 et plus 672 (7,5) 8341 (92,5) 9013 (3,7)
Sexe
Homme 6613 (5,0) 131 672 (95,0) 138 285 (57,0)
Femme 5533 (5,3) 99 000 (94,7) 104 533 (43,1)
Stabilité du logement
Logement instable 2220 (16,4) 11 291 (83,6) 13 511 (5,6)
Logement stable 9926 (4,3) 219 381 (95,7) 229 307 (94,4)
Défavorisation sociale manquante (pas d’adresse) 1408 (6,3) 20 960 (93,7) 22 368 (10,1)
Indice de défavorisation
1er quartile (le moins défavorisé) 867 (4,4) 19 910 (95,6) 20 777 (9,4)
2e quartile 739 (4,1) 17 157 (95,9) 17 896 (8,1)
3e quartile 1235 (4,3) 27 478 (95,7) 28 713 (13,0)
4e quartile 2324 (5,0) 44 504 (95,0) 46 828 (21,2)
5e quartile (le plus défavorisé) 4328 (5,1) 79 716 (94,9) 84 044 (38,1)
Années depuis le diagnostic
0 à 2 (1er quintile) 3873 (6,0) 60 467 (94,0) 64 340 (26,5)
3 à 5 (2e quintile) 1919 (4,2) 43 534 (95,8) 45 453 (18,7)
6 à 9 (3e quintile) 1753 (4,3) 39 477 (95,7) 41 230 (17,0)
10 à 15 (4e quintile) 2261 (4,7) 45 962 (95,3) 48 223 (19,9)
16 à 23 (5e quintile) 2340 (5,4) 41 232 (94,6) 43 572 (17,9)
Nombre de spécialistes consultésNote de bas de page a
0 (aucun) 603 (0,6) 93 945 (99,4) 94 548 (38,9)
1 1547 (3,1) 49 159 (96,9) 50 706 (20,9)
2 2135 (5,4) 37 411 (94,6) 39 546 (16,3)
3 ou plus 2340 (4,0) 41 232 (96,0) 58 018 (23,9)
Accès aux soins d’un omnipraticien ou d’un psychiatre
Aucun omnipraticien ou psychiatre 13 (0,8) 1644 (99,2) 1657 (0,7)
Omnipraticien seulement 866 (1,0) 83 561 (99,0) 84 427 (34,8)
Psychiatre seulement 88 (0,6) 14 057 (99,4) 14 145 (5,8)
Omnipraticien et psychiatre 11 179 (7,8) 131 410 (92,2) 142 589 (58,7)
Nombre de médicaments prescrits
0 1498 (3,8) 38 436 (96,2) 39 934 (16,5)
1 ou 2 907 (2,7) 32 543 (97,3) 33 450 (13,8)
3 à 5 (polypharmacie) 1641 (3,3) 48 626 (96,7) 50 267 (20,7)
6 ou plus (polypharmacie extrême) 8100 (6,8) 111 067 (93,2) 119 167 (49,1)
Ordonnance d’antipsychotique
Aucune 6178 (3,9) 153 126 (96,1) 159 304 (65,6)
Antipsychotique oral 5837 (7,0) 77 008 (93,0) 82 845 (34,1)
Antipsychotique injectable 40 (16,8) 198 (83,2) 238 (0,1)
Antipsychotique oral et injectable 91 (26,8) 340 (73,2) 431 (0,2)
Comorbidités
Abus d’alcool 4893 (8,4) 58 302 (91,6) 63 195 (26,0)
Asthme 1658 (8,6) 17 279 (91,4) 18 937 (7,8)
Fibrillation auriculaire 878 (12,0) 6418 (88,0) 7296 (3,0)
Cancer (lymphome) 139 (16,0) 732 (84,0) 871 (0,4)
Cancer (métastatique) 377 (17,5) 1783 (82,5) 2160 (0,9)
Cancer (non métastatique) 582 (10,9) 4771 (89,1) 5353 (2,2)
Insuffisance cardiaque chronique 1570 (12,8) 10 722 (87,2) 12 292 (5,1)
Maladie rénale chronique 4612 (6,8) 62 744 (93,2) 67 356 (27,7)
Douleur chronique 2912 (7,8) 34 566 (92,2) 37 478 (15,4)
Maladie pulmonaire chronique 3595 (8,3) 39 735 (91,7) 43 330 (17,8)
Hépatite B virale chronique 48 (6,6) 679 (93,4) 727 (0,3)
Cirrhose 231 (21,1) 862 (78,9) 1093 (0,5)
Démence 3523 (10,9) 28 774 (89,1) 32 297 (13,3)
Dépression 9745 (8,4) 106 090 (91,6) 115 835 (47,7)
Diabète 3336 (7,6) 40 637 (92,4) 43 973 (18,1)
Épilepsie 1599 (7,9) 18 601 (92,1) 20 200 (8,3)
Hypertension 5349 (7,4) 66551 (92,6) 71900 (29,6)
Hypothyroïdie 2354 (7,4) 29 461 (92,6) 31 815 (13,1)
Maladie inflammatoire de l’intestin 250 (7,7) 2977 (92,3) 3227 (1,3)
Syndrome du côlon irritable 727 (8,0) 8323 (92,0) 9050 (3,7)
Sclérose en plaques 312 (10,1) 2762 (89,9) 3074 (1,3)
Infarctus du myocarde 285 (8,5) 3074 (91,5) 3359 (1,4)
Maladie de Parkinson 1028 (10,0) 9300 (90,0) 10 328 (4,3)
Ulcère gastroduodénal 183 (23,6) 592 (76,4) 775 (0,3)
Maladie vasculaire périphérique 258 (10,0) 2310 (90,0) 2568 (1,1)
Psoriasis 210 (6,7) 2907 (93,3) 3117 (1,3)
Accident vasculaire cérébral 1813 (9,8) 16 742 (90,2) 18 555 (7,6)
Polyarthrite rhumatoïde 457 (9,5) 4377 (90,5) 4834 (2,0)
Constipation sévère 1287 (15,8) 6879 (84,2) 8166 (3,4)

Le seuil du percentile de 95 % pour les coûts variait, sur les 10 ans étudiés, entre 62 998 $ et 74 906 $ (dollars canadiens de 2017) en fonction de l’inflation, et les 5 % des patients à coût le plus élevé ont compté pour entre 47,4 % et 54,9 % des dépenses totales de la cohorte au cours d’une année donnée (données non présentées).

Les années-personnes d’exposition n’étaient pas réparties également entre les patients à coût élevé et les patients à coût non élevé. Par exemple, les patients à coût élevé comptaient pour 16,4 % des années-personnes passées dans un logement instable. Les patients plus âgés ont aussi été comptabilisés dans une proportion plus importante dans le groupe des patients à coût élevé. Les 29 comorbidités évaluées étaient surreprésentées dans le groupe des patients à coût élevé (voir le tableau 2).

La plupart des facteurs relevés dans le modèle comportemental de Gelberg-Andersen pour les populations vulnérablesNote de bas de page 27 ont été jugés importants dans notre analyse univariée. Parmi les exceptions notables se trouvaient la résidence rurale/urbaine d’une personne et le nombre de visites à des omnipraticiens et à des psychiatres (données disponibles sur demande auprès des auteurs).

Plusieurs tendances sont ressorties de l’analyse multivariée (voir la figure 1). Les probabilités estimées d’être un patient à coût élevé étaient les plus élevées chez les patients de 18 à 29 ans (RC = 1,63; IC à 95 % : 1,51 à 1,77; p < 0,01) comparativement à ceux de 40 à 49 ans. Les femmes atteintes de schizophrénie avaient moins de probabilités d’être à coût élevé que les hommes (RC = 0,87; IC à 95 % : 0,83 à 0,92; p < 0,01). La probabilité d’être un patient à coût élevé en cas de logement instable était 2,49 fois plus élevée qu’en cas de logement stable (IC à 95 % : 2,34 à 2,65; p < 0,01).

Figure 1. Associations conditionnelles pour la catégorie « coût élevé » chez les patients adultes (18 ans et plus) atteints de schizophrénie
Figure 1. La version textuelle suit.
Figure 1 - Équivalent textuel
Figure 1. Associations conditionnelles pour la catégorie « coût élevé » chez les patients adultes (18 ans et plus) atteints de schizophrénie
Caractéristiques individuelles et cliniques RC (IC à 95 %)
18 à 29 ans 1,63 (1,51 à 1,77)
30 à 39 ans 1,18 (1,09 à 1,28)
40 à 49 ans (réf) Référence
50 à 59 ans 0,99 (0,92 à 1,07)
60 à 69 ans 1,02 (0,94 à 1,11)
70 à 79 ans 1,03 (0,92 à 1,14)
80 ans et plus 0,93 (0,82 à 1,06)
Sexe (réf : homme) 0,87 (0,83 à 0,92)
Logement instable 2,49 (2,34 à 2,65)
Polypharmacie (réf : aucun medicament d’ordonnance)
1 à 4 médicaments d’ordonnance 0,70 (0,63 à 0,77)
5 à 9 médicaments d’ordonnance (polypharmacy) 0,63 (0,58 à 0,69)
10 médicaments d’ordonnance et plus (polypharmacie extrême) 0,62 (0,58 à 0,67)
Nombre de spécialités médicales impliques dans les soins (réf : 0)
1 spécialité médicale 3,67 (3,30 à 4,08)
2 spécialités médicales 5,99 (5,40 à 6,64)
3 spécialités médicales et plus 14,70 (13,31 à 16,23)
Exposition aux antipsychotiques (réf : aucune)
Antipsychotique oral 1,87 (1,79 à 1,96)
Antipsychotique injectable 4,24 (2,47 à 7,28)
Médicamentation orale + antipsychotique injectable 4,97 (3,66 à 6,75)
Comorbidités
Abus d’alcool 1,35 (1,29 à 1,43)
Asthme 1,15 (1,06 à 1,24)
Fibrillation auriculaire 1,21 (1,06 à 1,34)
Lymphome 1,86 (1,38 à 2,35)
Cancer métastatique 2,26 (1,97 à 2,60)
Insuffisance cardiaque 1,50 (1,38 à 1,62)
Embolie pulmonaire 1,07 (1,01 à 1,14)
Cirrhose 2,07 (1,73 à 2,48)
Démence 2,04 (1,92 à 2,17)
Dépression 2,64 (2,50 à 2,78)
Diabète sucré 1,11 (1,05 à 1,18)
Hypertension 1,16 (1,09 à 1,23)
Hypothyroïdie 1,17 (1,10 à 1,25)
Sclérose en plaques 1,26 (1,08 à 1,46)
Maladie de Parkinson/symptômes parkinsoniens 1,32 (1,20 à 1,45)
Accident vasculaire cerebral 1,16 (1,08 à 1,25)
Constipation 1,74 (1,61 à 1,88)

Abréviations : IC, intervalle de confiance; RC, rapport de cotes; réf, référence.

L’augmentation du nombre de médicaments d’ordonnance a été associée à une diminution de la probabilité que le patient soit à coût élevé. Les patients classés comme ayant une polypharmacie extrême (10 médicaments d’ordonnance différents ou plus) étaient environ 0,62 fois moins susceptibles d’être à coût élevé que les patients sans médicaments d’ordonnance (IC à 95 % : 0,58 à 0,67; p < 0,01). Les patients qui recevaient des formulations d’antipsychotiques à la fois injectables et orales étaient associés à la probabilité estimée la plus élevée d’être à coût élevé (RC = 4,97; IC à 95 % : 3,66 à 6,75; p < 0,01).

Dans le modèle de régression, la plus grande différence dans les probabilités d’être un patient à coût élevé a été observée chez les patients ayant reçu des soins de trois spécialités médicales ou plus comparativement à ceux n’ayant pas reçu de soins spécialisés (à l’exclusion des omnipraticiens et des psychiatres). Le rapport de cotes estimatif était de 14,70 (IC à 95 % : 13,31 à 16,23; p < 0,01). L’augmentation de la contribution de spécialités médicales a fait augmenter la probabilité d’être un patient à coût élevé (voir la figure 1).

Parmi les comorbidités évaluées, les probabilités les plus élevées d’être un patient à coût élevé (par rapport aux patients sans comorbidité d’intérêt) étaient associées à un cancer métastatique (RC = 2,26; IC à 95 % : 1,97 à 2,60; p < 0,01), à une cirrhose (RC = 2,07; IC à 95 % : 1,73 à 2,48; p < 0,01) et à un lymphome (RC = 1,86; IC à 95 % : 1,48 à 2,35; p < 0,01). Cependant, d’autres troubles de santé mentale ont également été classés comme étant élevés parmi les comorbidités. La dépression a été associée à un rapport de cotes de 2,63 (IC à 95 % : 2,50 à 2,78; p < 0,01) et la démence avec un rapport de cotes de 2,04 (IC à 95 % : 1,92 à 2,17; p < 0,01).

Les analyses de sensibilité utilisant le 90e et celles utilisant le 99e centile pour les « coûts élevés » ont produit des résultats semblables (disponibles sur demande auprès des auteurs).

Analyse

À l’aide de 10 années de données administratives sur la santé recueillies auprès de patients atteints de schizophrénie en Alberta (Canada), nous avons relevé plusieurs associations notables entre la probabilité d’être un patient à coût élevé et certaines caractéristiques personnelles, la complexité médicale sous-jacente et les soins reçus. Bon nombre de ces facteurs sont pertinents sur le plan des politiques et nécessitent une analyse des moyens selon lesquels les stratégies de gestion actuelles peuvent être adaptées pour améliorer les résultats pour la santé tout en tenant compte de la viabilité du système de santé.

Nous avons constaté que les patients plus jeunes atteints de schizophrénie (18 à 29 ans) étaient plus susceptibles d’être des patients à coûts élevés. Le niveau élevé de besoins en soins de santé chez les patients plus jeunes et nouvellement diagnostiqués atteints de schizophrénie est bien établi. Nicholl et al.Note de bas de page 33 ont observé un fardeau économique considérablement plus élevé dans l’année suivant le traitement d’un premier épisode psychotique par rapport aux patients chroniques. De même, Jin et al.Note de bas de page 34 ont signalé que, comparativement aux patients plus âgés, les patients plus jeunes atteints de schizophrénie présentaient des taux plus élevés d’utilisation des services pour cinq des six catégories de services évaluées (patients hospitalisés, salle d’urgence, maison de crise, patients externes et traitement de jour).

La détection précoce de la schizophrénie, qui donne aux patients et aux cliniciens plus de temps pour éviter les conséquences graves associées au développement de la psychose, pourrait contrer cette association avec l’âge. La schizophrénie est souvent identifiée pour la première fois au début de l’âge adulte, avec l’apparition de la psychoseNote de bas de page 12. Or une série de facteurs de risque détectables à la naissance ou pendant l’enfance permet d’identifier les enfants à risque : des antécédents familiaux de schizophrénie, la présence du syndrome de la délétion 22q11,2 (ou plusieurs autres variations du nombre de copies de gènes) et la manifestation infantile de symptômes psychotiques transitoiresNote de bas de page 35. Sommer et al.Note de bas de page 35 ont laissé entendre que l’on pourrait réaliser des gains d’efficacité en matière de soins de santé en offrant des interventions ciblées aux enfants présentant ces facteurs de risque. Parmi les interventions prometteuses se trouvent celles qui s’attaquent à la maturation sous-optimale des voies neuronales pendant l’enfance (traitement avec des antagonistes de neurotransmetteurs et supplémentation alimentaire), la réduction des facteurs environnementaux défavorables pendant l’enfance par le recours à une formation en compétences sociales et des interventions précoces pour prévenir la consommation de drogues et enfin l’amélioration de la résilience grâce à la remédiation cognitive et à la formation axée sur les exercicesNote de bas de page 35.

Cette association entre l’âge et un coût élevé renforce la valeur d’une détection précoce de la schizophrénie. Il existe en Alberta des programmes d’intervention en cas de premier épisode ou de psychose précoce et nos résultats montrent que certains patients pourraient bénéficier de l’élargissement de ces programmes.

L’apparition précoce de la schizophrénie a des conséquences profondes, car elle se produit souvent au cours d’années critiques. La schizophrénie a souvent une incidence sur le niveau de scolarité, le développement professionnel et les relations personnelles du patientNote de bas de page 12. De ce fait, l’itinérance est courante chez ces patients. Cette situation est préoccupante, car la situation de vie d’un patient a une incidence sur sa capacité à accéder à des traitements et à des soins de santé. Notre travail a permis de montrer qu’il existe une association étroite entre le fait d’être mal logé (notre mesure substitut de l’itinérance) et être un patient à coût élevé.

Nous avons déjà déterminé que de nouvelles formulations antipsychotiques peuvent être associées à une réduction des coûts d’hospitalisationNote de bas de page 19. Cependant, ces traitements ne peuvent pas aider une personne qui n’y a pas accès de façon constante. Bien que cette recherche soit axée sur les coûts de soins de santé directs, l’investissement dans des initiatives de logement avec services de soutien, comme les politiques « Logement d’abord », qui visent à placer les patients en santé mentale dans un logement stable le plus rapidement possible, peut constituer un moyen important d’améliorer les résultats et l’efficience des dépenses en soins de santé. Dans une étude pilote canadienne, les participants au programme At Home/Chez Soi randomisés pour recevoir une intervention de Logement d’abord ont pu obtenir un logement stable beaucoup plus rapidement que le groupe témoin suivant le traitement habituelNote de bas de page 36. La stabilité du logement a des retombées importantes pour les patients atteints de schizophrénie qui sont sans-abri, et nous croyons que l’accès précoce à ce type de soutien chez les patients plus jeunes peut changer de façon marquée la trajectoire de leur maladie et leur qualité de vie. Par ailleurs, les ratios entre prix des logements et revenu continuent d’augmenter et les Canadiens à faible revenu, âgés et célibataires sont de plus en plus exclus du marché du logementNote de bas de page 37. Il faut faire des efforts pour éviter que les patients atteints de schizophrénie soient laissés pour compte.

Les patients atteints de schizophrénie dépendent fortement de la gestion pharmaceutique de leurs symptômes. Contrairement à nos hypothèses, nous avons constaté une association négative entre la probabilité d’être un patient coûteux et le nombre de médicaments d’ordonnance, la plus forte réduction des probabilités étant observée chez ceux ayant une polypharmacie extrême (10 médicaments ou plus prescrits en une année). La réduction des risques pour les personnes avec polypharmacie peut être fonction d’une meilleure prise en charge de la comorbidité et d’une approche plus active pour trouver des options de traitement antipsychotique efficaces tout en réduisant au minimum les effets secondaires du traitement. Par ailleurs, différents profils de polypharmacie peuvent être associés de façon différente à la probabilité d’être un patient à coût élevé. Compte tenu de cette incertitude, il est nécessaire d’explorer davantage cette tendance.

La comorbidité sous-jacente est aussi un facteur important à prendre en considération lorsqu’on discute des coûts médicaux élevés. Sur les 29 comorbidités évaluées, 17 étaient associées à une probabilité accrue d’être un patient à coût élevé. Nous avons observé que les troubles neurologiques et de santé mentale comme la démence et la dépression étaient fortement associés à un état de coût élevé. Les problèmes de santé concomitants sont souvent négligés pendant le traitement des patients atteints de schizophrénieNote de bas de page 38. Or la force de ces associations rappelle qu’un diagnostic de schizophrénie chez un patient ne doit pas éclipser son besoin de prise en charge et de prévention des nombreux troubles comorbides associés à cette population. Comme c’est le cas pour de nombreuses affections médicales, l’amélioration de la coordination des soins et des liens entre les spécialités médicales peut grandement contribuer à l’amélioration des résultats pour les patients et mener à une réduction des dépenses totales.

Bien que la prise en compte de chaque morbidité aide à améliorer notre compréhension des conditions qui contribuent aux dépenses élevées en soins de santé, elle ne fournit pas un tableau complet. La multimorbidité chez les patients atteints de schizophrénie est courante et certaines études estiment qu’elle se produit de deux à trois fois plus souvent que dans la population en généralNote de bas de page 39. Bien que nous n’ayons pas évalué la multimorbidité directement dans nos modèles, nous avons inclus de l’information sur le nombre de spécialités médicales différentes mises à contribution dans les soins d’un patient. Un nombre accru de spécialités médicales correspond à l’association la plus forte avec la probabilité de coûts élevés. Il se peut que le niveau de participation des spécialistes soit un indicateur du niveau de complexité médicale au sein de cette population. Cela laisse entendre que les interventions visant à aborder la complexité médicale des patients conduiraient à une augmentation de l’efficience des soins de santé.

Bien qu’elle ne porte pas spécifiquement sur la schizophrénie, la Lancet Psychiatry Commission sur la protection de la santé physique des personnes vivant avec une maladie mentale a élaboré un plan détaillé d’intervention pour les personnes risquant de développer une maladie mentale, les patients qui reçoivent leur premier traitement et ceux qui reçoivent des soins en continuNote de bas de page 40. Il est possible de réduire la complexité médicale en améliorant l’intégration entre les soins de santé physique et mentale, en offrant des interventions de formation pour réduire la dissimulation diagnostique et en étudiant plus à fond l’atténuation des effets à long terme des antipsychotiquesNote de bas de page 40.

Forces et limites

L’un des points forts de cette étude est l’utilisation de données administratives fondées sur la population, qui permettent une évaluation complète du sous-ensemble de patients atteints de schizophrénie qui engagent des coûts directs élevés en soins de santé. Nous avons été en mesure de saisir 12 146 années-personnes d’exposition relevant de 2 463 patients ayant été jugés à coût élevé sur une période de 10 ans. Cette information nous a permis de fournir des estimations pour un ensemble diversifié de variables individuelles, systémiques et liées au traitement associées à l’utilisation des soins de santé et aux dépenses en soins de santé.

L’utilisation des données administratives pour cette enquête comporte certaines limites inévitables. Premièrement, comme les données n’ont pas été recueillies spécifiquement pour cette enquête, nous avons utilisé des variables indirectes. Par exemple, un algorithme pour identifier l’itinérance dans les données administratives a récemment été mis au point en OntarioNote de bas de page 41. Cet algorithme s’appuie sur les données du Système d’information ontarien sur la santé mentale (SIOSM), qui fournit des renseignements détaillés sur l’utilisation des services de santé mentale dont on ne dispose pas en Alberta. Par conséquent, nous avons utilisé un algorithme adapté qui, selon nous, a une spécificité élevée, mais qui peut néanmoins sous-estimer le lien entre l’itinérance et le fait de relever de la catégorie « à coût élevé ».

Deuxièmement, les coûts sociaux et indirects associés à la schizophrénie (absentéisme, congés de maladie, baisse de la productivité au travail chez les patients et les soignants, chômage, incapacité permanente et perte de productivité en raison d’un décès prématuré) n’étaient pas disponibles dans ces ensembles de données. Comme on estime que les coûts indirects associés à la schizophrénie représentent entre 50 % et 85 % des coûts totauxNote de bas de page 42, l’absence de cette information a limité notre capacité à quantifier le coût total attribuable à la schizophrénie ou le rôle que pourraient jouer les programmes de soutien communautaire sur les tendances observées.

Malgré cela, nous croyons que notre description des associations entre les divers facteurs liés aux patients et aux soins et la probabilité d’être un patient à coût élevé atteint de schizophrénie saisit une dynamique importante, qui peut aider à éclairer les approches fondées sur des données probantes visant à améliorer les résultats pour les patients et conduire à des économies.

Nos constatations ne sont peut-être pas généralisables à d’autres pays étant donné le système de soins de santé à payeur unique du Canada, mais elles semblent généralisables à d’autres provinces canadiennes. Par exemple, de Oliveira et al.Note de bas de page 8 ont constaté une association semblable entre l’état des coûts élevés et l’âge chez les patients atteints de schizophrénie en Ontario et Rais et al.Note de bas de page 43 ont signalé une répartition semblable des coûts entre les patients à coûts élevés et la population générale en Ontario.

Enfin, notre travail vise à combler une lacune importante en analysant des données qui ne dépendent pas des pressions de sélection de l’échantillon associées aux cliniques et qui sont donc davantage représentatives de la population réelle de patients ayant accès aux services de santé.

Conclusion

Les données présentées ici donnent à penser que les facteurs individuels, les facteurs structurels et les facteurs liés au traitement jouent tous un rôle dans la détermination de dépenses de santé élevées chez les patients atteints de schizophrénie. Ces travaux confirment plusieurs associations rapportées dans la littérature et soulignent que la complexité médicale sous-jacente et la prise en charge subséquente de la multimorbidité jouent un rôle important dans le sous-ensemble de patients qui dominent les dépenses en soins de santé. Nous espérons que ces conclusions mèneront à des analyses poussées et éclaireront les discussions stratégiques sur l’affectation des ressources et les efforts à long terme visant à réduire les dépenses en santé tout en améliorant les soins pour les patients atteints de schizophrénie.

Remerciements

Ce travail est appuyé par une subvention de fonctionnement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et repose en partie sur des données fournies par Santé Alberta et les Services de santé de l’Alberta.

Conflits d’intérêts

Aucun

Contributions des auteurs et avis

Conception : AS, PR et SP. Méthodologie : AS, PR et SP. Logiciels : AS et JW. Validation : JW. Analyse structurée : AS et PR. Chercheur : AS. Ressources : PR. Responsable de la collecte de données : JW. Rédaction de la version originale : AS. Rédaction, correction et révisions : AS, PR, SP, TW et KF. Création de figures : AS. Supervision : PR and SP. Gestion de projet : AS. Financement : PR.

L’interprétation et les conclusions sont celles des chercheurs et ne représentent pas le point de vue du gouvernement de l’Alberta; ni le gouvernement de l’Alberta ni le ministère de la Santé de l’Alberta ne se sont prononcés sur cette étude.

Le contenu et les points de vue exprimés dans cet article sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux du gouvernement du Canada.

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