Recherche quantitative originale – Bien-être des membres des Forces armées canadiennes pendant la pandémie de COVID-19 : influence des comportements propices à la santé

Revue PSPMC

Page précedente | Table des matières |

Kerry A. Sudom, Ph. D.; Jennifer E.C. Lee, Ph. D.

https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.3.05f
© Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, représentée par le ministre de la Santé et le ministère de la Défense nationale, 2022

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteures

Direction générale Recherche et analyse pour le personnel militaire, Ministère de la Défense nationale, Ottawa (Ontario), Canada

Correspondance

Kerry Sudom, ministère de la Défense nationale, 60, promenade Moodie, Ottawa (Ontario) K2H 8E9; Courriel : kerry.sudom@forces.gc.caKerry Sudom, ministère de la Défense nationale, 60, promenade Moodie, Ottawa (Ontario) K2H 8E9; Courriel : kerry.sudom@forces.gc.ca

Citation proposée

Sudom KA, Lee JEC. Bien-être des membres des Forces armées canadiennes pendant la pandémie de COVID-19 : influence des comportements propices à la santé. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2022;42(3):128-137. https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.3.05f

Résumé

Introduction. La pandémie de COVID-19 a été associée à une augmentation de la dépression, de l’anxiété et de diverses autres répercussions négatives en santé mentale. Il est important de comprendre les comportements qui ont une influence positive sur la santé afin d’élaborer des stratégies de maintien et d’amélioration du bien-être pendant la pandémie.

Méthodologie. Cette étude a porté sur les membres de la Force régulière des Forces armées canadiennes (N = 13 668) qui ont participé  l’Enquête de l’Équipe de la Défense sur la COVID-19, mené en avril et mai 2020. Nous avons analysé le recours à des comportements propices à la santé et la mesure dans laquelle ces comportements ont été associés à l’anxiété, à la dépression et à des changements autodéclarés de l’état de santé et du stress par rapport à la période précédant la pandémie.

Résultats. La dépression et l’anxiété ont été ressenties par respectivement 14 % et 15 % des répondants, 36 % des personnes interrogées ont déclaré que leur santé mentale s’était altérée depuis le début de la pandémie et près de la moitié ont fait état d’une dégradation de leur santé physique et de niveaux de stress plus élevés. Les comportements les plus courants mentionnés par les répondants pour maintenir ou améliorer leur santé étaient faire de l’exercice physique en plein air, manger sainement et maintenir la connexion avec ses proches. Bien que la plupart des comportements aient été associés à de meilleurs résultats en matière de santé, la méditation et la connexion avec ses proches ont été corrélé à une moins bonne santé.

Conclusion. L’adoption de comportements comme l’exercice physique et une alimentation saine a généralement conduit à de meilleurs résultats pour la santé. Les liens inattendus en ce qui concerne la méditation et la connexion avec ses proches ont pu être recadrés en lien avec leur utilisation en période de stress chez les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, en lien également avec des recherches antérieures sur les stratégies d’adaptation et enfin en lien avec les répercussions de la pandémie et de l’éloignement physique sur les liens sociaux. Ces conclusions pourraient avoir des répercussions sur le choix des stratégies de promotion de comportements sains pendant la pandémie et lors d’autres crises similaires.

Mots-clés : santé mentale, adaptation, comportements propices à la santé, militaire, COVID-19, stress, dépression, anxiété

Points saillants

  • Cette étude a porté sur les comportements et les indicateurs en matière de santé chez le personnel militaire canadien au début de la pandémie de COVID-19.
  • Les comportements les plus couramment adoptés pour améliorer ou maintenir son état de santé ont été l’activité physique, une alimentation saine et un sommeil suffisant. Bon nombre de ces comportements ont été associés à une meilleure santé mentale et physique et à des niveaux de stress inférieurs.
  • Ces résultats fournissent de précieux renseignements sur la prévalence des comportements favorisant la santé et sur leurs liens avec les indicateurs du bien-être.
  • Nos conclusions font ressortir les principaux domaines à cibler potentiellement dans les futurs programmes de promotion de la santé et les interventions connexes afin de préserver ou d’améliorer la santé et de maintenir l’état de préparation opérationnelle du personnel militaire.

Introduction

Les recherches menées depuis le début de la pandémie de COVID-19 ont mis en évidence les répercussions substantielles de cette dernière sur la santé mentale. Une augmentation de la dépression et de l’anxiété chez les Canadiens a par exemple été signalée tôt au début de la pandémieNote de bas de page 1, et un nombre plus important de Canadiens ont déclaré avoir une moins bonne santé mentale par rapport à avant la pandémieNote de bas de page 2. En outre, un déclin de la santé mentale a également été observé par rapport à la période prépandémique chez les vétérans des États-UnisNote de bas de page 3.

Les comportements favorisant la santé ou les activités visant à maintenir ou à améliorer la santé peuvent avoir un impact positif sur le bien-être en temps normal. Toutefois, les mesures de santé publique mises en place pour freiner la propagation du virus, en particulier l’obligation de confinement à domicile, les restrictions en matière de rassemblements et l’accès restreint aux ressources récréatives, peuvent avoir affecté la capacité ou la motivation à adopter ces comportements, avec des répercussions subséquentes sur la santé mentale et physique. Bien qu’une grande partie de la recherche sur les conséquences individuelles de la pandémie ait porté sur ses effets sur la santé mentale, peu d’études se sont intéressées aux comportements favorisant la santé et ont vérifié dans quelle la mesure la pandémie et les mesures de lutte connexes en santé publique ont entravé l’adoption de comportements visant à promouvoir ou à maintenir la santé. Compte tenu de l’augmentation des données probantes sur l’incidence de la pandémie sur la santé mentale, il est important de se concentrer sur l’atténuation des répercussions en santé mentale et sur la gestion de la santé psychologique à long terme.

De nombreuses recherches ont souligné l’importance des comportements propices à la santé pour la santé mentale et physique et le bien-être. Par exemple, l’activité physique a été associée à des niveaux plus faibles de stress, de dépression et d’anxiétéNote de bas de page 4, et son efficacité comme traitement de la dépression et de l’anxiété a été prouvéeNote de bas de page 5Note de bas de page 6. Une consommation plus élevée de fruits et légumes a été associée à un risque plus faible de maladies cardiovasculaires, de cancer et de dépression, ainsi qu’à un plus grand bien-être psychologiqueNote de bas de page 7. Le sommeil est particulièrement important pour la santé, car la dégradation de sa qualité entraîne un risque accru d’anxiété et de dépressionNote de bas de page 8. Les comportements sociaux sont également importants, aussi bien pour la santé physique que la santé mentaleNote de bas de page 9, et la santé sociale peut s’avérer être une protection efficace contre les effets néfastes sur la santé mentale et physique en situation de stressNote de bas de page 10. En effet, le manque de soutien social a été l’un des principaux facteurs associés à une gravité accrue des problèmes de santé mentale chez les vétérans pendant la pandémieNote de bas de page 11, et un réseau social prépandémique élargi a eu un effet protecteur contre l’augmentation de la détresse psychologique chez les vétérans pendant la pandémieNote de bas de page 3. D’autres comportements, comme la méditation et une connexion de la personne à sa spiritualité, ont également donné des résultats positifs pour la santéNote de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14.

On sait que les comportements favorisant la santé peuvent avoir des répercussions positives sur le maintien ou l’amélioration de la santé mentale et physique. Or des changements dans ces comportements ont pu survenir pendant la pandémie du fait de perturbations dans les activités normales, comme les restrictions sur les rassemblements et la fermeture des installations de conditionnement physique et de loisirs, dont celles normalement utilisées par les militaires. Plusieurs études ont permis de relever des changements positifs et négatifs dans les comportements liés à la santé pendant la pandémie, bien que la plupart les aient évalués rétrospectivement. Par exemple, alors que plusieurs études ont révélé une augmentation d’une alimentation saineNote de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17, d’autres recherches ont fait état d’une consommation accrue de malbouffe et une diminution de l’activité physique au début de la pandémieNote de bas de page 18.

En outre, plusieurs études ont révélé une diminution de l’activité physique par rapport à avant la pandémieNote de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 21. De plus, on a constaté une augmentation des comportements sédentaires et de l’isolement social au début de la pandémieNote de bas de page 19 ainsi que des changements négatifs sur le plan du sommeilNote de bas de page 22. D’ailleurs, des études montrent qu’une proportion importante de personnes ont été touchées par des problèmes de sommeil pendant la pandémie : un examen systématique a permis d’estimer la prévalence globale groupée des problèmes de sommeil pendant la pandémie à 35,7 %Note de bas de page 23.

Une diminution de l’adoption de comportements positifs peut avoir des répercussions sur la santé. Par exemple, la réduction de l’activité physique et du sommeil depuis le début de la pandémie a été associée à des symptômes plus importants de dépression, d’anxiété et de stressNote de bas de page 22. La réduction de l’activité physique a également été associée à une dégradation du bien-être psychologiqueNote de bas de page 20 et à des sentiments accrus de solitudeNote de bas de page 24, de même que l’augmentation du comportement sédentaire a été associée à une détérioration de la santé physique et mentaleNote de bas de page 25. Chez les travailleurs militaires de la santé en Chine, la mauvaise qualité et la réduction du temps de sommeil pendant la pandémie ont constitué des facteurs de risque majeurs de dépression, d’anxiété généralisée et de symptômes somatiquesNote de bas de page 26. Des changements négatifs dans le régime alimentaire et l’activité physique pendant la pandémie ont également été associés à une dégradation du bien-être subjectifNote de bas de page 15.

À l’opposé, une augmentation de l’adoption de comportements positifs peut entraîner une amélioration de l’état de santé. Ainsi, les personnes inactives qui ont passé plus de temps à une activité physique à l’extérieur pendant la pandémie ont observé une diminution de l’anxiétéNote de bas de page 27, et une augmentation de l’activité physique pendant la pandémie a également été associée à une meilleure santé physiqueNote de bas de page 25. Une saine alimentation et l’activité physique se sont avérées des facteurs de protection contre les effets néfastes de la pandémie sur la santé mentale auprès d’un échantillon de travailleurs de la santéNote de bas de page 28. De plus, l’activité physique, le régime alimentaire et le sommeil ont tous été des facteurs de protection du bien-être mental au début de la pandémie auprès d’un échantillon universitaire, l’activité physique étant le plus important prédicteur à cet égardNote de bas de page 29.

Il ressort clairement des recherches menées au cours de la dernière année que la pandémie de COVID-19 a eu des répercussions importantes sur la santé mentale ainsi que sur l’adoption de comportements favorisant la santé. Toutefois, peu de recherches ont été menées spécifiquement sur la santé mentale et les comportements en matière de santé du personnel militaire actif pendant la pandémie. Fait important, des recherches prospectives récentes ont montré que la santé mentale des vétérans s’est dégradée pendant la pandémieNote de bas de page 3. Bien que les militaires aient fait face à bon nombre des mêmes restrictions en matière de santé publique que la population générale, dont les exigences d’éloignement physique, les déplacements restreints et l’accès réduit aux installations de conditionnement physique, les militaires ont aussi fait face à des problèmes spécifiques susceptibles de les avoir rendus plus vulnérables aux troubles de santé mentale. Par exemple, plusieurs étaient censés occuper des postes « essentiels », ce qui les obligeait à continuer à se rendre sur leur lieu de travail. D’autres ont dû être déployés ou se préparer à être déployés dans le cadre d’opérations où ils pouvaient s’attendre à être confrontés à des situations difficiles sur le plan émotionnel, notamment pour la prestation de soutien dans les établissements de soins de longue durée dans diverses régions du pays.

Comprendre la prévalence des comportements favorisant la santé et leurs liens avec les indicateurs du bien-être peut contribuer à obtenir une bonne perspective sur les principaux domaines à cibler dans les programmes de promotion de la santé et les interventions visant à maintenir la santé et l’état de préparation opérationnelle des militaires tout au long de la pandémie et lors d’autres événements importants potentiellement stressants. Dans ce contexte, cette étude a pour objectif d’analyser le recours à des comportements propices à la santé par les membres de la Force régulière des Forces armées canadiennes (FAC) au début de la pandémie de COVID-19, et l’association de ces comportements avec des indicateurs du bien-être, que ce soit la dépression, l’anxiété ou d’autres changements perçus dans la santé mentale, la santé physique et les niveaux de stress depuis le début de la pandémie.

Méthodologie

Participants

Cette étude a porté sur les membres de la Force régulière (N = 13 668) ayant répondu l’Enquête de l’Équipe de la Défense sur la COVID-19. Les caractéristiques sociodémographiques et militaires de l’échantillon sont présentées dans le tableau 1. La plupart des répondants étaient des hommes (82,0 %), avaient entre 25 et 44 ans (64,8 %) et étaient mariés ou vivaient en union de fait (61,6 %). Environ la moitié de l’échantillon était constituée de militaires du rang (MR) subalternes. Un faible pourcentage a été déployé dans les établissements de soins de longue durée de l’Ontario et du Québec (opération LASER : 7,0 %) ou dans une autre opération (1,2 %). Environ la moitié avaient des enfants de moins de 18 ans à la maison.

Tableau 1. Caractéristiques descriptives de l’échantillon de la Force régulière (N = 13 668) ayant répondu au sondage de l’Équipe de la Défense sur la COVID-19, avril-mai 2020
Caractéristiques Effectifs
(n)
Proportion
(%)
Genre
Masculin 11 252 82,0
Féminin 2 285 16,8
Identité de genre diverse 167 1,2
Âge (ans)
Moins de 25 1 644 12,1
25 à 34 4 719 34,6
35 à 44 4 114 30,2
45 à 54 2 552 18,7
55 ou plus 601 4,4
Enfants à charge
Non 6 072 50,5
Oui 5 940 49,5
État matrimonial
Marié(e)/conjoint(e) de fait 8 400 61,6
Célibataire/divorcé(e)/veuf(ve) 5 233 38,4
Grade
MR subalterne 6 622 48,6
MR supérieur 3 226 23,7
Officier subalterne 2 082 15,3
Officier supérieur 1 700 12,5
Statut de déploiement
Non déployé pour le moment 12 510 91,8
Déployé dans le cadre de l’opération LASER 957 7,0
Déployé dans le cadre d’une autre opération nationale ou internationale 163 1,2

Abréviation : MR, militaire du rang.

Procédure

Une stratégie d’échantillonnage de commodité a été utilisée pour recueillir des données entre avril et mai 2020, dans le cadre de laquelle les membres de l’Équipe de la Défense (à savoir les membres des FAC et les employés civils du ministère de la Défense nationale [MDN]) ont été invités par plusieurs moyens, en particulier des courriels de la chaîne de commandement et des liens sur les sites Web ministériels, à participer à un sondage en ligne. Le consentement à participer au sondage anonyme était implicite. La recherche a été approuvée par le Comité d’examen de la recherche en sciences sociales du MDN.

Mesures

Les comportements propices à la santé ont été évalués à l’aide de 10 éléments adaptés de la série de collecte de données « Répercussions de la COVID-19 sur les Canadiens »Note de bas de page 30 de Statistique Canada. Les répondants ont évalué si, depuis le début de la pandémie, ils avaient adopté l’un ou l’autre des comportements (méditation, exercice, saine alimentation, sommeil suffisant, expression artistique, connexion avec ses proches, connexion spirituelle et apprentissage de quelque chose de nouveau) pour favoriser leur santé mentale, leur santé physique ou les deux. Les réponses ont été classées dans la catégorie « oui » (à savoir l’adoption de ce comportement en faveur de leur santé) ou « non » (à savoir l’absence d’adoption de ce comportement en faveur de leur santé).

L’anxiété a été évaluée à l’aide de l’échelle de dépistage du trouble d’anxiété généralisée à deux éléments (2-item Generalized Anxiety Disorder scale ou GAD-2)Note de bas de page 31. On a demandé aux répondants à quelle fréquence, au cours des deux semaines précédentes, ils avaient été gênés par les problèmes suivants : « un sentiment de nervosité, d’anxiété ou de tension » et « une incapacité à arrêter de s’inquiéter ou à contrôler ses inquiétudes ». La dépression a été évaluée au moyen du questionnaire sur la santé du patient à deux éléments (2-item Patient Health Questionnaire ou PHQ-2)Note de bas de page 32. On a demandé aux répondants à quelle fréquence, au cours des deux semaines précédentes, ils avaient été dérangés par les problèmes suivants : « Peu d’intérêt ou de plaisir à faire des choses » et « Se sentir triste, déprimé(e) ou désespéré(e) ». Pour les deux mesures, des scores-seuils de 3 ou plus ont été utilisés pour indiquer une probable anxiété et une probable dépression.

Les changements perçus dans la santé mentale, la santé physique et les niveaux de stress ont été évalués séparément en demandant aux répondants d’évaluer leur santé mentale, leur santé physique et leurs niveaux de stress par rapport à la période pré-pandémieNote de bas de page 30. Comme l’objectif principal de l’analyse était d’étudier le lien entre des comportements et une dégradation des résultats sur la santé, les réponses ont été classées en deux catégories – « nettement moins bon qu’avant/légèrement moins bons qu’avant » ou « identiques à avant/légèrement mieux qu’avant/nettement mieux qu’avant » – afin de cerner les prédicteurs d’un déclin de santé perçu depuis le début de la pandémie.

Analyses

Les données ont été pondérées selon le sexe, le grade, la première langue officielle et le rattachement professionel des répondants afin que l’échantillon soit représentatif de la population de la Force régulière des FAC. Des analyses de régression logistique multivariées ont été utilisées pour examiner l’association entre les variables indépendantes (l’adoption de comportements liés à la santé) et les variables de résultats (dépression, anxiété, dégradation de la santé mentale, dégradation de la santé physique et niveaux de stress accrus). Les covariables sociodémographiques à associer aux résultats d’intérêt (genre, âge, enfants à charge, état matrimonial et grade) ont été incluses à la première étape. La multicolinéarité a été examinée au moyen de facteurs d’inflation de la variance et de coefficients de corrélation et aucun n’a indiqué la présence de multicolinéarité.

Résultats

La prévalence de l’anxiété, de la dépression et des changements autoévalués de l’état de santé et des niveaux de stress depuis le début de la pandémie est présentée dans le tableau 2. Globalement, 14,3 % des répondants ont obtenu un résultat positif à la mesure de la dépression et 14,5 % à celle de l’anxiété. Un peu plus du tiers (36,3 %) ont fait état d’une dégradation de leur santé mentale depuis le début de la pandémie et près de la moitié ont fait état d’une dégradation de leur santé physique (46,9 %) et de niveaux de stress accrus (45,3 %).

Tableau 2. Prévalence des indicateurs de santé et adoption de comportements favorisant la santé chez les répondants de la Force régulière au sondage de l’Équipe de la Défense sur la COVID-19, avril-mai 2020
Indicateurs de santé Effectifs (n) Proportion (%)
Dépression probable 1 953 14,3
Anxiété probable 1 978 14,5
Santé mentale dégradéeNote de bas de page a depuis le début de la pandémie 4 947 36,2
Santé physique dégradéeNote de bas de page a depuis le début de la pandémie 6 401 46,9
Niveaux de stress accrusNote de bas de page a depuis le début de la pandémie 6 184 45,3
Comportements
Activité physique à l’extérieur 11 522 86,8
Alimentation saine 11 022 83,2
Connexion avec ses proches 10 573 79,9
Sommeil suffisant 10 046 75,7
Activité physique à l’intérieur 9 840 74,3
Apprentissage de quelque chose de nouveau 5 765 43,7
Expression artistique 4 039 30,6
Méditation 2 870 21,9
Connexion à sa spiritualité 2 258 17,2
Autre 1 245 11,5
Note de bas de page a

Regroupe les choix de réponse « légèrement moins bons qu’avant » et « nettement moins bon qu’avant ».

Retour à la référence de la note de bas de page a

La prévalence de l’adoption de comportements propices à la santé est présentée dans le tableau 2. Les comportements les plus courants déclarés par les répondants visant à améliorer leur santé mentale, leur santé physique ou les deux étaient l’activité physique à l’extérieur (86,8 %), une alimentation saine (83,2 %) et la connexion avec leurs proches (79,9 %). Environ les trois quarts des répondants ont également déclaré dormir suffisamment et avoir pratiqué une activité physique à l’intérieur. L’apprentissage de quelque chose de nouveau a été mentionné par près de la moitié des répondants, alors que l’expression artistique, la méditation et la connexion spirituelle ont été moins fréquemment rapportées.

Le tableau 3 présente les rapports de cotes ajustés (RCa) visant à prédire la dépression et l’anxiété, avec toutes les variables incluses dans le modèle. La probabilité de dépression était plus élevée chez les répondants plus jeunes, sans enfant et les militaires du rang (MR) subalternes. L’anxiété était plus élevée chez les femmes, les personnes ayant des enfants et les personnes du groupe d’âge moyen (35 à 44 ans). Faire de l’exercice, manger sainement, dormir suffisamment, se connecter avec ses proches et apprendre quelque chose de nouveau ont été tous associés à une probabilité plus faible de dépression, tandis que les personnes interrogées ayant déclaré méditer pour leur santé étaient 2,15 fois plus susceptibles d’obtenir un score-seuil de dépression (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,88 à 2,46). L’exercice physique, le fait de dormir suffisamment et d’apprendre quelque chose de nouveau étaient associés à une probabilité plus faible d’anxiété, tandis que les personnes ayant déclaré méditer étaient 2,19 fois plus susceptibles d’avoir des symptômes d’anxiété (IC à 95 % : 1,92 à 2,50).

Tableau 3. Liens entre des comportements liés à la santé et la dépression et l’anxiété chez les répondants de la Force régulière au sondage de l’Équipe de la Défense sur la COVID-19, avril-mai 2020
Caractéristiques Modèle 1 : dépression Modèle 2 : anxiété
RCa (IC à 95 %) RCa (IC à 95 %)
Genre
Masculin Réf. Réf.
Féminin 1,14 (0,99 à 1,32) 1,88 (1,65 à 2,15)Note de bas de page a
Âge (ans)
Moins de 25 Réf. Réf.
25 à 34 0,93 (0,76 à 1,15) 1,26 (0,99 à 1,61)
35 à 44 1,12 (0,89 à 1,40) 1,43 (1,11 à 1,85)Note de bas de page a
45 à 54 0,87 (0,68 à 1,12) 1,25 (0,95 à 1,64)
55 ou plus 0,69 (0,47 à 1,00) 1,13 (0,78 à 1,65)
Enfants à charge
Non Réf. Réf.
Oui 0,86 (0,76 à 0,98)Note de bas de page a 1,21 (1,07 à 1,37)Note de bas de page a
État matrimonial
Marié(e)/conjoint(e) de fait Réf. Réf.
Célibataire/divorcé(e)/
veuf(ve)
1,34 (0,99 à 1,30) 0,95 (0,83 à 1,10)
Grade
MR subalterne Réf. Réf.
MR supérieur 0,66 (0,56 à 0,78)Note de bas de page a 0,92 (0,78 à 1,08)
Officier subalterne 0,77 (0,66 à 0,90)Note de bas de page a 0,91 (0,78 à 1,06)
Officier supérieur 0,62 (0,49 à 0,78)Note de bas de page a 0,97 (0,79 à 1,20)
Comportements liés à la santé
Méditation 2,15 (1,88 à 2,46)Note de bas de page a 2,19 (1,92 à 2,50)Note de bas de page a
Activité physique à l’extérieur 0,75 (0,65 à 0,87)Note de bas de page a 0,77 (0,67 à 0,90)Note de bas de page a
Activité physique à l’intérieur 0,78 (0,69 à 0,89)Note de bas de page a 0,81 (0,72 à 0,92)Note de bas de page a
Alimentation saine 0,85 (0,74 à 0,98)Note de bas de page a 1,04 (0,90 à 1,21)
Sommeil suffisant 0,34 (0,30 à 0,38)Note de bas de page a 0,35 (0,31 à 0,40)Note de bas de page a
Expression artistique 0,97 (0,85 à 1,11) 1,13 (0,99 à 1,28)
Connexion avec ses proches 0,83 (0,73 à 0,96)Note de bas de page a 0,94 (0,82 à 1,08)
Connexion à sa spiritualité 0,97 (0,83 à 1,14) 1,00 (0,85 à 1,17)
Apprentissage de quelque chose de nouveau 0,75 (0,66 à 0,85)Note de bas de page a 0,72 (0,64 à 0,81)Note de bas de page a

Abréviations : IC, intervalle de confiance; RCa, rapport de cotes ajusté; MR, militaire du rang; Réf., catégorie de référence.

Note de bas de page a

Ces résultats sont statistiquement significatifs.

Retour à la référence de la note de bas de page a

Le tableau 4 présente les RCa visant à prédire la dégradation autoévaluée de la santé mentale, de la santé physique et des niveaux de stress depuis le début de la pandémie, avec toutes les variables incluses dans le modèle. La probabilité de déclarer une dégradation de la santé mentale était plus élevée chez les femmes, dans le groupe d’âge moyen (35 à 44 ans) et chez les officiers. La probabilité de déclarer une dégradation de la santé physique était plus élevée dans les groupes plus âgés, chez les personnes sans enfant et chez les officiers. La probabilité de déclarer un niveau de stress accru depuis la pandémie était plus élevée chez les femmes, les groupes d’âge de 25 ans et plus, les personnes ayant des enfants à charge à la maison, les répondants mariés et les MR subalternes. L’activité physique à l’intérieur et le fait de dormir suffisamment ont été associés à de meilleurs résultats pour les trois variables dépendantes. L’activité physique à l’extérieur a été associée à une meilleure santé physique et à un niveau de stress inférieur, tandis qu’une alimentation saine a été associée à une meilleure santé mentale et physique. L’expression artistique a été associée à une meilleure santé physique. La connexion à sa spiritualité a été associée à une meilleure santé mentale et l’apprentissage de quelque chose de nouveau à une meilleure santé mentale et à la réduction du niveau de stress. Les personnes ayant déclaré faire de la méditation étaient plus susceptibles de faire état d’une dégradation de leur santé mentale (RCa = 1,49; IC à 95 % : 1,34 à 1,65) et d’un niveau de stress accru (1,42; 1,28 à 1,57) depuis le début de la pandémie. De même, les personnes ayant déclaré se connecter avec leurs proches ont fait état d’une dégradation des résultats sur le plan de la santé pour les trois variables, avec un rapport de cotes ajusté de 1,28 (1,15 à 1,42 pour la dégradation de la santé mentale), de 1,16 (1,05 à 1,28) pour la dégradation de la santé physique et de 1,15 (1,03 à 1,27) pour la hausse des niveaux de stress.

Tableau 4. Liens entre des comportements liés à la santé et les changements autodéclarés de l’état de santé et des niveaux de stress par rapport à avant la pandémie chez les répondants de la Force régulière au sondage de l’Équipe de la Défense sur la COVID-19, avril-mai 2020
Caractéristiques Modèle 3 : dégradation de la santé mentale Modèle 4 : dégradation de la santé physique Modèle 5 : augmentation des niveaux de stress
RCa (IC à 95 %) RCa (IC à 95 %) RCa (IC à 95 %)
Genre
Masculin Réf. Réf. Réf.
Féminin 1,24 (1,12 à 1,39)Note de bas de page a 1,10 (0,99 à 1,22) 1,36 (1,23 à 1,52)Note de bas de page a
Âge (ans)
Moins de 25 Réf. Réf. Réf.
25 à 34 1,17 (0,99 à 1,37) 0,95 (0,82 à 1,11) 1,30 (1,11 à 1,53)Note de bas de page a
35 à 44 1,21 (1,01 à 1,44)Note de bas de page a 0,86 (0,73 à 1,01) 1,51 (1,27 à 1,79)Note de bas de page a
45 à 54 1,07 (0,89 à 1,30) 0,75 (0,63 à 0,90)Note de bas de page a 1,41 (1,17 à 1,71)Note de bas de page a
55 ou plus 0,94 (0,73 à 1,22) 0,76 (0,60 à 0,97)Note de bas de page a 1,42 (1,11 à 1,83)Note de bas de page a
Enfants à charge
Non Réf. Réf. Réf.
Oui 1,02 (0,93 à 1,12) 0,85 (0,78 à 0,93)Note de bas de page a 1,34 (1,23 à 1,47)Note de bas de page a
État matrimonial
Marié(e)/conjoint(e) de fait Réf. Réf. Réf.
Célibataire/divorcé(e)/veuf(ve) 0,98 (0,89 à 1,09) 0,92 (0,84 à 1,01) 0,79 (0,71 à 0,87)Note de bas de page a
Grade
MR subalterne Réf. Réf. Réf.
MR supérieur 1,00 (0,89 à 1,13) 0,92 (0,82 à 1,03) 1,12 (1,00 à 1,26)
Officier subalterne 1,34 (1,20 à 1,50)Note de bas de page a 1,14 (1,02 à 1,27)Note de bas de page a 1,30 (1,16 à 1,45)Note de bas de page a
Officier supérieur 1,41 (1,21 à 1,64)Note de bas de page a 1,28 (1,10 à 1,48)Note de bas de page a 1,67 (1,43 à 1,94)Note de bas de page a
Comportements liés à la santé
Méditation 1,49 (1,34 à 1,65)Note de bas de page a 1,10 (0,99 à 1,22) 1,42 (1,28 à 1,57)Note de bas de page a
Activité physique à l’extérieur 0,92 (0,82 à 1,04) 0,73 (0,65 à 0,82)Note de bas de page a 0,84 (0,74 à 0,94)Note de bas de page a
Activité physique à l’intérieur 0,84 (0,77 à 0,92)Note de bas de page a 0,64 (0,58 à 0,70)Note de bas de page a 0,79 (0,72 à 0,86)Note de bas de page a
Alimentation saine 0,83 (0,74 à 0,93)Note de bas de page a 0,47 (0,42 à 0,53)Note de bas de page a 1,03 (0,92 à 1,15)
Sommeil suffisant 0,39 (0,35 à 0,42)Note de bas de page a 0,60 (0,55 à 0,66)Note de bas de page a 0,39 (0,36 à 0,43)Note de bas de page a
Expression artistique 1,01 (0,92 à 1,11) 0,90 (0,82 à 0,99)Note de bas de page a 1,06 (0,96 à 1,16)
Connexion avec ses proches 1,28 (1,15 à 1,42)Note de bas de page a 1,16 (1,05 à 1,28)Note de bas de page a 1,15 (1,03 à 1,27)Note de bas de page a
Connexion à sa spiritualité 0,87 (0,77 à 0,98)Note de bas de page a 1,00 (0,89 à 1,12) 0,97 (0,86 à 1,09)
Apprentissage de quelque chose de nouveau 0,75 (0,68 à 0,82)Note de bas de page a 1,01 (0,93 à 1,10) 0,73 (0,67 à 0,79)Note de bas de page a

Abréviations : IC, intervalle de confiance; MR, militaire du rang; RCa, rapport de cotes ajusté; Réf., catégorie de référence.
Remarque : La dégradation de la santé mentale et physique et l’augmentation des niveaux de stress regroupent les choix de réponse « légèrement moins bons qu’avant » et « nettement moins bon qu’avant ».

Note de bas de page a

Ces résultats sont statistiquement significatifs.

Retour à la référence de la note de bas de page a

Analyse

Cette étude a porté sur les comportements des membres de la Force régulière des FAC visant à maintenir ou à améliorer leur état de santé au début de la pandémie. Les résultats montrent que les comportements les plus courants ont été l’activité physique, une alimentation saine et un sommeil suffisant. Il n’est pas surprenant que bon nombre de ces comportements soient associés à une santé mentale et physique plus favorable et à des niveaux de stress plus faibles. Parmi les exceptions aux comportements favorables, notons la méditation, qui a été associée à une probabilité accrue de symptômes de dépression et d’anxiété ainsi qu’à une dégradation de la santé mentale et à une augmentation des niveaux de stress depuis le début de la pandémie, ainsi que la connexion avec ses proches, qui a été associée à une dégradation de la santé mentale et physique et à une augmentation des niveaux de stress.

Afin d’assurer un état de préparation opérationnelle optimal, le personnel militaire doit maintenir un niveau élevé de condition physique et de santé. Il n’est donc pas surprenant qu’une grande majorité ait déclaré faire de l’exercice (74,3 % à l’intérieur et 86,8 % à l’extérieur) et manger sainement (83,2 %) afin d’améliorer sa santé, et cela dans des proportions visiblement supérieures à celle de la population canadienne en général. Par exemple, les résultats d’un sondage canadien mené à peu près au même moment ont indiqué que seulement 40 % des Canadiens avaient eu une activité physique à l’intérieur, 57 % à l’extérieur et 23 % avaient modifié leurs choix alimentaires pour améliorer leur santé physique ou mentaleNote de bas de page 30. Ce niveau élevé d’engagement envers ces comportements peut être lié en partie à l’entraînement opérationnel et aux efforts continus pour maintenir la préparation opérationnelle des membres des FAC. Toutefois, les motivations à adopter de tels comportements peuvent aussi dépendre de nombreux autres facteurs. Dans une étude réalisée aux États-Unis, les principaux facteurs ayant motivé l’adoption accrue de comportements propices à la santé étaient le fait d’avoir plus de temps et la nécessité de soulager le stress. En revanche, la diminution de l’adoption de comportements propices à la santé a été également souvent attribuée à une augmentation de l’inquiétude ou du stressNote de bas de page 21.

Les liens entre bon nombre de comportements et une santé et un bien-être plus favorables sont conformes aux résultats de plusieurs études. En ce qui concerne l’exercice, une étude australienne a révélé que les changements négatifs dans l’activité physique et le sommeil étaient liés à une plus grande probabilité de déclarer des symptômes de dépression, d’anxiété et de stressNote de bas de page 22. De même, le lien entre un changement dans l’activité physique et le bien-être chez les Canadiens a été étudiéNote de bas de page 27: les chercheurs ont exploré ce type de liens entre des participants considérés comme actifs et d’autres considérés comme inactifs d’après les niveaux déclarés d’activité physique et ont constaté que les changements dans l’activité physique ont été associés à des résultats de bien-être seulement chez les Canadiens qui n’étaient généralement pas actifs physiquement : les Canadiens physiquement inactifs devenus plus actifs ont fait état d’une amélioration de leur bien-être social, émotionnel et psychologique.

Le fait de dormir suffisamment a été associé aux meilleurs résultats en termes d’indicateurs de santé et de bien-être. Le sommeil est maintenant reconnu comme une composante cruciale d’une santé optimale. Il a été prouvé qu’un sommeil inadéquat entraîne l’apparition ou l’exacerbation de plusieurs maladies chroniquesNote de bas de page 33. Par conséquent, la santé du sommeil a été définie comme une mesure essentielle pour préserver l’état de santé global pendant la pandémieNote de bas de page 8.

Malgré de nombreuses études mettant en évidence les effets bénéfiques de la méditation sur le bien-êtreNote de bas de page 13, le recours à cette pratique a été associé à une dégradation plutôt qu’à une amélioration de la santé mentale. L’une des interprétations possibles est que les membres de la Force régulière ayant fait état d’une dégradation de leur santé mentale ont pratiqué la méditation afin de gérer leurs symptômes. Une étude sur la population américaine a effectivement révélé que le recours à la méditation de pleine conscience ou spirituelle était plus répandu chez les personnes souffrant de dépressionNote de bas de page 34. Cette même étude a également révélé que près du tiers des personnes qui pratiquaient la méditation de pleine conscience le faisaient pour traiter une affection particulière, et que la grande majorité (soit un peu plus de 90 %) le faisait pour gérer leur stress ou pour leur bien-être émotionnel. La méditation est également de plus en plus intégrée à la pratique clinique pour traiter les troubles de santé mentaleNote de bas de page 35. Par conséquent, le lien observé entre cette pratique et la dégradation de la santé mentale dans notre étude pourrait s’expliquer par une adoption plus fréquente de la méditation chez les membres du personnel davantage enclins à avoir (ou qui avaient au moment de l’étude) une moins bonne santé mentale, plutôt que par un effet négatif de la méditation en tant que telle sur la santé et le bien-être.

À l’instar de la méditation, l’appartenance sociale a été associée à une amélioration du bien-être, notamment à une réduction du stress psychologique pendant le confinement lié à la COVID-19Note de bas de page 36. Or la connexion avec ses proches a été associée à une probabilité plus élevée de dégradation de la santé et d’augmentation du stress. Bien que nous ayons initialement supposé que le fait de se connecter à ses proches pouvait servir d’indicateur d’appartenance sociale, il est possible que cet indicateur ne soit pas pertinent à cet égard. La recherche sur le soutien social a mis en évidence l’importance de tenir compte non seulement de la quantité, mais aussi de la qualité du soutien social que reçoivent les personnes, des données probantes suggérant que la qualité de ce soutien est plus importante en tant que facteur de protection contre la dépressionNote de bas de page 9Note de bas de page 37. Ainsi, les membres des FAC ont peut-être consacré beaucoup de temps à se connecter avec leurs proches, mais on ignore si la qualité de ces liens répondait à leurs besoins, en particulier au début de la pandémie, alors que de nombreux liens étaient probablement virtuels en raison des exigences d’éloignement physique.

Des chercheurs ont de plus souligné l’importance des relations sociales pour l’humeur, la décrivant comme une « voie à double sens » entre la personne et son réseau socialNote de bas de page 38,p.300. Dans la mesure où les discussions des membres des FAC avec leurs proches portaient sur les facteurs de stress associés à la pandémie et à l’afflux d’informations provenant des médias, ces interactions peuvent avoir exacerbé les émotions négatives. C’est peut-être particulièrement le cas des membres des FAC qui ont utilisé les médias sociaux pour entretenir les liens avec leurs proches, étant donné que le fait d’avoir des interactions fréquentes avec les médias sociaux pendant la pandémie a été associé à la dépression et à l’anxiétéNote de bas de page 39.

Points forts et limites

Outre la grande taille de son échantillon, les forces de cette étude reposent sur l’accent mis sur un vaste éventail de comportements favorisant la santé et d’indicateurs de santé, avec des mesures validées pour les symptômes de dépression et d’anxiétéNote de bas de page 31Note de bas de page 32. Il s’agit également de la première étude portant sur les comportements et indicateurs liés à la santé chez le personnel militaire canadien au début de la pandémie et cernant les impacts de l’application des mesures de santé publique visant à limiter la propagation de la COVID-19. Néanmoins, il convient de mentionner quelques limites.

Étant donné que le sondage devait avoir une vaste portée et couvrir de nombreux sujets outre la santé mentale, seules des mesures abrégées et certaines questions ont été incluses, afin de maintenir une longueur raisonnable et de rendre la tâche moins pénible pour les participants. Par conséquent, chaque comportement lié à la santé a été évalué au moyen d’un seul élément, qui ne reflétait pas la fréquence ou la durée de son adoption. Aucun renseignement supplémentaire n’a été recueilli quant aux comportements ou troubles préexistants, ce qui rend impossible toute évaluation des changements dans les comportements favorisant la santé. En ce qui concerne les indicateurs de santé utilisés comme résultats dans cette étude, un dépistage positif découlant du questionnaire PHQ-2 ou de l’échelle GAD-2 n’est pas nécessairement synonyme d’un diagnostic de dépression ou d’anxiété, car il s’agit d’outils de dépistage simplifiésNote de bas de page 31Note de bas de page 32, alors que les changements autodéclarés en matière de santé mentale, de santé physique et de niveaux de stress étaient fondés sur un rappel rétrospectif. Ainsi, des recherches futures utilisant des mesures plus détaillées des comportements liés à la santé, avec des variables permettant d’évaluer l’étendue et la fréquence de ces comportements, sont nécessaires.

Comme l’illustre l’analyse portant sur les liens inattendus entre une dégradation de la santé et du bien-être et la méditation et la connexion avec des proches, la nature transversale du sondage offre un défi considérable en matière d’interprétation des résultats. En l’absence d’idée claire sur le sens des liens, en particulier du lien entre les comportements positifs et la santé mentale, les mécanismes et chemins particuliers qui lient les comportements et les indicateurs de santé demeurent flous. Une étude longitudinale est nécessaire pour déterminer la causalité des liens entre les variables ainsi que les répercussions de la pandémie elle-même sur les comportements liés à la santé et à la santé mentale.

Du fait de contraintes de temps, nous n’avons pas utilisé d’échantillonnage probabiliste, ce qui a limité notre capacité à faire des inférences concernant la population des FAC. Toutefois, la composition sociodémographique de l’échantillon reflétait bien la population, et une pondération statistique a été faite pour tenir compte des différences. De plus, l’étude a uniquement porté sur les membres de la Force régulière et n’est donc pas généralisable à tous les militaires des FAC. D’autres recherches porteront sur les membres de la Force de réserve ainsi que sur les employés civils de l’Équipe de la Défense. Enfin, le sondage a été réalisé au début de la pandémie alors que l’éloignement physique et d’autres mesures de santé publique n’avaient été mis en place que récemment. Les conclusions peuvent par conséquent ne refléter que le contexte à ce moment précis.

Conclusion

Il s’agit de la première étude portant sur les comportements liés à la santé et les indicateurs de santé chez le personnel militaire canadien en contexte de pandémie. Les résultats fournissent de précieux renseignements sur la prévalence des comportements favorisant la santé et leurs liens avec les indicateurs du bien-être, permettant de mettre en lumière des domaines clés à cibler potentiellement dans les programmes et interventions futurs de promotion de la santé. Les comportements les plus étroitement liés au bien-être sont prometteurs dans la mesure où ce sont facteurs modifiables, qui pourraient être mis à profit pour préserver ou améliorer la santé et maintenir l’état de préparation opérationnelle du personnel militaire en contexte de pandémie.

Conflits d’intérêts

Les auteures déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteures et avis

KS et JL ont participé à la conception de l’étude. KS a analysé les données et les deux auteures ont participé à l’interprétation des résultats. Les deux auteures ont contribué à la rédaction et à la révision de l’article ainsi qu’à l’approbation du manuscrit final.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteures et ne reflètent pas nécessairement ceux du gouvernement du Canada

Page précedente | Table des matières |

Détails de la page

Date de modification :