Éditorial – Repenser un rythme favorable à la santé à l’ère de la pandémie de COVID-19

Revue PSPMC

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Sarah A. Moore, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 3; Leigh M. Vanderloo, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 4Note de rattachement des auteurs 5; Catherine S. Birken, M.D., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 6Note de rattachement des auteurs 7; Laurene A. Rehman, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.4.01f

Rattachement des auteures
Correspondance

Sarah A. Moore, École de santé et de performance humaine, Faculté des sciences de la santé, Université Dalhousie, C.P. 15000, Halifax (N.‑É.)  B3H 4R2; courriel : sarah.moore@dal.ca

Citation proposée

Moore SA, Vanderloo LM, Birken CS, Rehman LA. Repenser un rythme favorable à la santé à l’ère de la pandémie de COVID-19. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2022;42(4):141-145. https://doi.org/10.24095/hpcdp.42.4.01f

Résumé

Est‑ce que l’horaire auquel les enfants, les adolescents et les adultes sont actifs, demeurent sédentaires (par exemple devant un écran) et dorment ont une influence sur leur état de santé général? Ce numéro spécial de Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada rassemble quatre articles qui présentent des données probantes et des recommandations concernant l’horaire des comportements en matière de mouvement : trois revues systématiques portant sur les associations entre les indicateurs de l’état de santé et les horaires d’activité physique, de sédentarité et de sommeil et un commentaire sur l’importance de ces données probantes pour les pratiques, les politiques et la recherche.

Cet éditorial prépare le terrain pour ce numéro spécial en décrivant les effets des restrictions de santé publique liées à la COVID‑19 sur un rythme favorable à la santé. Maintenant semble un moment idéal pour réévaluer de quelle manière et selon quel horaire nous devrions être physiquement actifs, demeurer sédentaires et dormir pour favoriser notre santé.

Mots‑clés : comportements en matière de mouvement, horaire, résultats en matière de santé, adaptations, restrictions de santé publique

Est‑ce que notre horaire d’activité, de sédentarité et de sommeil a une influence sur notre santé?

Les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures ont été établies pour optimiser la santé de la population en encourageant les personnes de tous les âges à être plus actives et moins sédentaires et à bien dormirNote de bas de page 1. Malgré cela, les bulletins sur l’activité physique de ParticipACTION, qui sont les évaluations les plus exhaustives de l’activité physique, de la sédentarité et du sommeil au Canada, indiquent qu’un très grand nombre de Canadiens ne respectent pas les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heuresNote de bas de page 2Note de bas de page 3.

Les bienfaits pour la santé des comportements en matière de mouvement peuvent varier selon le moment de la journée auquel ils sont pratiqués. Les associations entre activité physique et risque de maladie cardiovasculaire diffèrent selon l’horaire de l’activité physique (matin, après‑midi ou soir). Par exemple, dans une étude, les patients atteints d’une maladie cardiovasculaire qui faisaient de l’exercice le soir présentaient un risque d’infarctus du myocarde aigu inférieur à ceux qui faisaient une activité physique de type sportif le matinNote de bas de page 4.

L’horaire de sédentarité joue aussi un rôle : il existe des données probantes selon lesquelles la sédentarité liée aux écrans est plus nuisible en soirée que pendant la journéeNote de bas de page 5. Les bienfaits d’une bonne nuit de sommeil peuvent aussi dépendre de l’horaire. Par exemple, un horaire de sommeil tardif a été associé à un risque accru de symptômes autodéclarés de dépression chez les enfants et les adolescentsNote de bas de page 6.

Jusqu’à présent, l’horaire des comportements en matière de mouvement – plus spécifiquement de l’activité physique, de la sédentarité et du sommeil en relation avec divers résultats en matière de santé – n’a jamais été analysé en profondeur. En raison de la faible quantité de données probantes sur le sujet, les recommandations demeurent limitées. D’où ce numéro spécial de Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada sur l’horaire des comportements en matière de mouvement sur 24 heures.

Horaire des comportements en matière de mouvement et résultats en matière de santé : résumé des constatations

Ce numéro spécial met en lumière la relation entre, d’une part, l’horaire de l’activité physique, de la sédentarité et du sommeil et, d’autre part, l’état de santé. Le passage à une approche intégrée à l’égard des comportements en matière de mouvementNote de bas de page 1 nous permet de comprendre que l’activité physique, la sédentarité et le sommeil sont interdépendants et que l’horaire auquel est pratiqué l’un des types de comportement a une influence sur les autres. Les trois revues systématiques présentées dans ce numéro spécial ont couvert collectivement 125 études ayant porté sur 465 518 participants différents (toutes les recherches datent de janvier 2021). Janssen et ses collaborateursNote de bas de page 7, qui se sont intéressés aux études chez les adultes, ont analysé l’horaire de l’activité physique par rapport à l’adiposité, aux marqueurs cardiométaboliques, au cancer, à la masse musculaire, à la santé mentale, au risque de décès, aux capacités physiques et à la mobilité ainsi qu’au sommeilNote de bas de page 7. Les résultats des études étaient variables et la qualité des données était généralement faible. Les auteurs sont d’avis que l’on devrait faire de l’activité physique au moment qui nous convient le mieuxNote de bas de page 7.

Saunders et ses collaborateursNote de bas de page 8 ont étudiés l’effet des horaires de sédentarité liés aux écrans et non liés aux écrans sur la qualité du sommeil des enfants et des adolescents. D’après leurs résultats, le fait de passer du temps devant un écran en soirée et avant de dormir est associé à une diminution de la durée et de la qualité du sommeilNote de bas de page 8. Même si la qualité des données des études retenues était généralement faible, les auteurs ont pu conclure que les enfants et les adolescents devraient limiter le temps passé devant un écran avant de se coucher pour améliorer la qualité de leur sommeilNote de bas de page 8.

Dutil et ses collaborateursNote de bas de page 9 ont aussi centré leur recherche sur les enfants et les adolescents. Les études retenues pour leur revue systématique portaient sur le lien entre, d’une part, l’horaire du sommeil et, d’autre part, les accidents et les blessures, l’adiposité, les facteurs de risque cardiométaboliques, les capacités cognitives et le rendement scolaire, les comportements alimentaires, la régulation des émotions et enfin la qualité de vie et le bien‑êtreNote de bas de page 9. D’après leurs résultats, un endormissement tardif pourrait être associé à des effets négatifs sur les fonctions cognitives et le rendement scolaire, les comportements alimentaires et la régulation des émotions chez les enfants et les adolescentsNote de bas de page 9. Les données utilisées dans cette revue ont elles aussi été jugées de faible qualitéNote de bas de page 9. Les auteurs ont recommandé que les enfants et les adolescents se couchent plus tôt et que leur heure de coucher soit ajustée afin qu’ils bénéficient d’un nombre suffisant d’heures de sommeilNote de bas de page 9.

Enfin, le commentaire de Tomasone et ses collaborateursNote de bas de page 10 offre des recommandations concernant les pratiques, les politiques et la recherche ainsi qu’une boîte d’outils de communication pour aider les Canadiens à optimiser leurs comportements en matière de mouvement. Ce commentaire fournit des suggestions en fonction des milieux (par exemple éducation, travail, services communautaires)Note de bas de page 10. Tomasone et ses collaborateursNote de bas de page 10 offrent également des conseils pratiques pour mettre en œuvre les recommandations. Ces conseils sont formulés dans un contexte où un grand nombre de personnes vivant au Canada sont moins actives et plus sédentaires qu’avant en raison des restrictions liées à la pandémie. Ce commentaire tombe donc à point pour aider les Canadiens à « profiter au maximum de leur journée »Note de bas de page 1.

Changements dans l’activité, la sédentarité et le sommeil depuis la COVID‑19

En effet, depuis deux ans, les horaires d’activité physique, de sédentarité et de sommeil des Canadiens ont changéNote de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13. Ce numéro spécial tombe donc particulièrement à point, étant donné le contexte de la pandémie de COVID‑19. Les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heuresNote de bas de page 1 ont été établies à l’origine parce que les recherches montraient qu’une quantité suffisante d’activité physique, une réduction du temps de sédentarité et du temps passé devant un écran et un sommeil adéquat étaient associés à une meilleure santé physique et mentaleNote de bas de page 14. Or, depuis le début de la pandémie de COVID‑19, un grand nombre d’enfants et d’adolescentsNote de bas de page 11Note de bas de page 12comme d’adultesNote de bas de page 13 au Canada n’ont pas été assez actifs, n’ont pas dormi suffisamment et ont été trop sédentaires (devant un écran). Il ne fait donc aucun doute que la COVID‑19 a apporté son lot de défis, notamment sur le plan de la santé et de l’économieNote de bas de page 15. Maintenant, deux ans après la déclaration de pandémie, nous avons une meilleure idée de ses effets collatéraux sur la santé, notamment sur le plan de la sédentarité, du temps passé devant un écran et de l’altération des horaires de sommeil. Ces modifications des comportements en matière de mouvement ont été associées – ce qui est préoccupant – à de moins bons résultats en matière de santé physique et mentaleNote de bas de page 16.

De nombreuses personnes ont dû modifier leurs horaires et leurs habitudes au cours de la pandémie de COVID‑19. Bon nombre d’entre nous avons fait l’école à distance ou avons travaillé depuis la maison sans pouvoir participer à des programmes récréatifs ou sportifs (les centres d’entraînement ayant été temporairement fermés) et nous avons passé plus de temps sédentaires et devant un écran du fait des restrictions liées à la pandémieNote de bas de page 17. Des données probantes montrent que les enfants canadiens et les personnes qui s’occupent d’eux ont largement respecté les mesures de santé publique, comme rester à la maison et limiter les rassemblements sociaux, mais l’observance de ces mesures a été associée à une réduction de l’activité physique et à une augmentation du temps passé devant un écran chez les enfants et les adolescentsNote de bas de page 18 et cette augmentation du temps passé devant un écran a été associée à la dépression, à l’anxiété, à l’hyperactivité et à l’irritabilité chez les jeunesNote de bas de page 19.

De manière générale, les Canadiens ont non seulement diminué leur niveau d’activité mais aussi modifié le moment où ils étaient actifs. Nous avons moins compté sur les activités structurées et les programmes intérieurs aux horaires prédéterminés, et certaines personnes en ont profité pour modifier leur horaire de travail et être actifs à l’extérieur, dans la natureNote de bas de page 20, alors que d’autres ont commencé à utiliser des applications de conditionnement physique et à suivre des programmes virtuels au moment qui leur convient le mieuxNote de bas de page 21. Les heures de coucher et de lever ont sans doute changé chez ceux qui suivaient des cours à distance ou travaillaient depuis la maisonNote de bas de page 22. L’allègement des restrictions nous permet de reprendre les habitudes et les horaires que nous avions avant la pandémie, mais aussi d’en créer de nouveaux. À la veille de ce changement, c’est certainement le moment idéal pour évaluer comment et quand les Canadiens peuvent être actifs de manière à optimiser leur état de santé.

Repenser notre activité en contexte de COVID‑19 : recommandations

La pandémie de COVID‑19 pourrait avoir des effets à long terme sur nos horaires et nos habitudes. Les habitudes quotidiennes sont de type primaire (nécessaires pour répondre à nos besoins biologiques, comme l’alimentation, l’hygiène et le sommeil) ou secondaire (liées aux motivations et aux préférences personnelles, comme les loisirs, l’activité physique, les pratiques liées au travail et aux études)Note de bas de page 23. Ces horaires et habitudes ont été profondément bouleversés avec la pandémie de COVID‑19 : moins d’enfants et d’adolescents ont participé à des activités physiques et sportives organisées et davantage d’adultes ont travaillé à temps partiel ou à temps plein depuis la maisonNote de bas de page 24. Est‑il possible pour les enfants, les adolescents et les adultes d’envisager de nouvelles manières d’intégrer plus d’activité dans leur quotidien? Par exemple, ceux qui s’occupent d’enfants et d’adolescents pourraient réserver du temps pour des activités physiques et des jeux non structurés durant leur journéeNote de bas de page 25. Les adultes pourraient faire davantage de pauses actives durant leur journée ou choisir des transports actifs pour se déplacerNote de bas de page 26. Voici quelques recommandations simples pour bouger, réduire la sédentarité et améliorer le sommeil dans notre vie quotidienne :

  • Intégrez du mouvement dès le début de votre journée – allez à l’école ou au travail à pied, en vélo ou par un autre moyen de transport à roues.
  • Passez du temps dehors – essayez des jeux en espaces naturels ou la récolte de pièces libres (« loose parts ») et trouvez de nouveaux sentiers et espaces de plein air.
  • Utilisez l’activité physique comme moyen d’interagir et de reprendre contact avec votre famille et vos amis.
  • Prévoyez des pauses pour bouger et installez des rappels sur vos applications pour limiter le temps passé devant un écran.
  • Créez des zones sans écran à la maison (comme les chambres) et des moments sans écran (par exemple pendant les repas).
  • Établissez des routines sans écran avant l’heure du coucher.
  • Prévoyez votre journée du lendemain la veille pour ne pas avoir à vous précipiter le matin.
  • Appliquez les principes de réduction des méfaits au temps passé devant un écran, mais restez pragmatique et empathiqueNote de bas de page 27.
  • Suivez une approche axée sur la famille et les amis pour établir ensemble des objectifs et vous aider mutuellement – jouez ensemble et inspirez des comportements sains en matière de mouvementNote de bas de page 28.
  • Demandez de l’aide, particulièrement si vous faites face à des difficultés ou si vous avez besoin de stratégies ciblées ou personnalisées (par exemple avec des enfants et adolescents atteints de handicaps)Note de bas de page 29.

Limites de ce numéro spécial et prochaines étapes

Ce numéro spécial de Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada offre un survol global des liens possibles entre les horaires des activités et divers résultats en matière de santé. Il est néanmoins important de reconnaître les limites des études utilisées.

Bien que les revues aient été effectuées selon une méthodologie de revue systématique rigoureuse et fondée sur des données probantes, leurs auteurs n’ont pas été en mesure de faire des méta‑analyses en raison du caractère hétérogène des études retenues, de leurs méthodes et de leurs résultats. Comme Janssen et ses collaborateursNote de bas de page 7 se sont principalement intéressés aux bienfaits des différents horaires d’activité physique chez les adultes, il serait utile que les études et revues futures portent sur les enfants et les adolescents. Inversement, Saunders et ses collaborateursNote de bas de page 8 et Dutil et ses collaborateursNote de bas de page 9 ayant analysé des études en lien avec la sédentarité et le sommeil exclusivement chez les enfants et les adolescents (il existe une revue antérieure sur l’horaire de sommeil et la santé chez les adultesNote de bas de page 30), les revues à venir devraient élargir leur portée de manière à inclure les horaires de sédentarité et divers résultats en matière de santé chez les adultes.

Par ailleurs, les études et revues à venir ne devraient pas se limiter aux résultats en matière de santé, mais elles devraient aussi inclure des études sur les horaires de sédentarité en lien avec d’autres indicateurs de santé. Il serait ainsi utile d’étudier les effets de l’âge, du sexe ou genre, de l’appartenance ou origine ethnique, du statut socioéconomique, de la structure familiale, des handicaps et d’autres facteurs pour accroître la précision des recommandations et mettre sur pied des interventions adaptées aux personnes susceptibles de connaître des obstacles à l’adoption de comportements sains en matière de mouvement. À la lumière de la littérature émergente dans le domaine, il pourrait être également utile d’étudier le rôle et l’horaire de l’activité physique, de la sédentarité et du sommeil pour la réduction des symptômes de la COVID‑19 de longue duréeNote de bas de page 31Note de bas de page 32.

Conclusion

Les trois revues systématiques de ce numéro spécial font la synthèse des données probantes sur la relation entre l’horaire des comportements en matière de mouvement et la santé. Le commentaire propose quant à lui des ressources et des conseils pratiques sur l’optimisation des comportements en matière de mouvement au fil de la journée et dans divers contextes. Ce numéro spécial est donc particulièrement opportun et important en contexte de COVID‑19, car maintenant semble être un bon moment pour que les personnes vivant au Canada évaluent (ou réévaluent) la place d’un rythme sain dans leur quotidien : améliorer la qualité et l’horaire de leurs activités physiques, de leurs activités sédentaires et de leur sommeil.

Conflits d’intérêts

Les auteures déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteures et avis

SAM, LMV, CSB et LAR ont contribué à la conception des travaux; SAM a rédigé l’ébauche du manuscrit; SAM, LMV, CSB et LAR ont contribué à l’édition du manuscrit et à la révision critique du contenu intellectuel; toutes les co-auteures ont relu et approuvé la version finale.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteures; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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