Recherche quantitative originale  – Décès liés aux opioïdes dans la région de Kingston, Frontenac, Lennox et Addington en Ontario, Canada : l’épidémie invisible

Revue PSPMC

Page précedente | Table des matières |

Stephanie Parent, M.S.P.Note de rattachement des auteurs 1; Samantha Buttemer, M. Sc., M.D.Note de rattachement des auteurs 1; Jane Philpott, M.S.P., M.D.Note de rattachement des auteurs 1; Kieran Moore, M.S.P., M.D.Note de rattachement des auteurs 2

https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.2.02f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs
Correspondance

Stephanie Parent, Université Queen’s, École de médecine, 15, rue Arch, Kingston (Ontario)  K7L 3N6; courriel : stephanie.parent@queensu.ca

Citation proposée

Parent S, Buttemer S, Philpott J, Moore K. Décès liés aux opioïdes dans la région de Kingston, Frontenac, Lennox et Addington en Ontario, Canada : l’épidémie invisible. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(2):67-77. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.2.02f

Résumé

Introduction. Dans la circonscription sanitaire de Kingston, Frontenac, Lennox et Addington (KFLA), les surdoses d’opioïdes constituent une importante cause de décès évitable. La région de KFLA se différenciant des grands centres urbains par sa taille et sa culture, la littérature actuelle sur les surdoses, qui se concentre sur les zones de grande taille, est d’une aide limitée lorsqu’il s’agit de comprendre le contexte des surdoses dans des régions de plus petite taille. Cette étude établit les caractéristiques de la mortalité liée aux opioïdes dans la région de KFLA dans le but d’améliorer la compréhension du phénomène des surdoses d’opioïdes au sein des collectivités plus petites.

Méthodologie. Nous avons analysé les décès liés aux opioïdes qui ont eu lieu dans la région de KFLA de mai 2017 à juin 2021. Nous avons effectué des analyses descriptives (avec effectifs et pourcentages) à l’égard de facteurs conceptuellement pertinents en vue d’une meilleure compréhension du problème : variables cliniques et démographiques, substances en cause, lieux de décès et contexte de consommation (en solitaire ou non).

Résultats. En tout, 135 personnes sont décédées d’une surdose d’opioïdes. Leur âge moyen était de 42 ans, elles étaient en majorité blanches (94,8 %) et de sexe masculin (71,1 %). Elles présentaient fréquemment les caractéristiques suivantes : être incarcéré ou l’avoir déjà été, consommer des substances en solitaire, ne pas recourir au traitement de substitution aux opioïdes et avoir déjà reçu un diagnostic d’anxiété ou de dépression.

Conclusion. Des caractéristiques spécifiques comme l’incarcération, la consommation en solitaire et l’absence de recours au traitement de substitution aux opioïdes ont été repérées dans notre échantillon de personnes décédées d’une surdose d’opioïdes dans la région de KFLA. Une stratégie solide de réduction des méfaits, misant sur la télésanté, la technologie et des politiques progressistes comme l’approvisionnement sécuritaire, contribuerait à aider les consommateurs d’opioïdes et à prévenir les décès.

Mots-clés : surdose d’opioïdes, consommateurs de drogues, consommateurs de substances psychoactives, réduction des méfaits, Ontario

Points saillants

  • Le nombre de décès liés aux opioïdes est en constante augmentation dans la région de KFLA : de moins de 13 décès par année avant 2016 à 42 décès en 2020.
  • Entre mai 2017 et juin 2021, 135 personnes sont décédées d’une surdose d’opioïdes. Les caractéristiques suivantes se retrouvaient chez une grande proportion d’entre elles : des antécédents d’incarcération, la consommation d’opioïdes en solitaire, l’absence de recours au traitement de substitution aux opioïdes, des problèmes de santé mentale diagnostiqués et des douleurs chroniques.
  • Dans une optique de prévention des méfaits, il est nécessaire de mettre au point une stratégie solide, reposant sur les données probantes issues des tendances locales.

Introduction

Au Canada, le nombre de décès liés aux opioïdes augmente depuis plus de 10 ans, constituant une importante crise de santé publique à l’échelle nationale, le nombre de décès par surdose ayant atteint un sommet inédit au cours du premier semestre de 2021Note de bas de page 1. Entre janvier 2016 et juin 2021, 24 626 décès ont été recensés au Canada (données les plus récentes disponibles au moment de la rédaction de cet article)Note de bas de page 1. De ce nombre, 1720 décès ont eu lieu entre avril et juin 2021, soit 19 décès par jour, ce qui constitue une augmentation de 66 % par rapport à la période d’avril à juin 2019 et correspond au plus grand nombre trimestriel de décès enregistré à ce jourNote de bas de page 1. Les raisons à cette augmentation des décès par surdose sont multifactorielles. En premier lieu, il est probable que la pandémie de COVID-19 y ait contribué, en raison d’une réduction de l’approvisionnement et d’une augmentation conséquente de l’utilisation de drogues toxiques modifiées. La pandémie a aussi forcé la fermeture ou conduit à une diminution de la capacité des centres de réduction des méfaitsNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3. Cependant, le nombre de décès par surdose était déjà à la hausse bien avant l’arrivée de la pandémie. Il est donc nécessaire de poursuivre les recherches sur les facteurs à l’origine des décès par surdose et sur la façon dont ces décès peuvent être prévenus. 

Les études menées dans diverses administrations canadiennes mettent en lumière des facteurs précis contribuant aux décès par surdose. La consommation de substances psychoactives en solitaire, par exemple, est régulièrement signalée comme étant un facteur de risque importantNote de bas de page 4. D’autres facteurs de risque, comme habiter en région rurale ou manquer d’accès aux trousses de naloxone à emporter et au traitement par agonistes opioïdes, sont mentionnés dans la littératureNote de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7. À l’opposé, la présence de sites de prévention des surdoses constitue une stratégie efficace pour prévenir les décès par surdose. En Colombie‑Britannique, province pionnière dans l’implantation de sites de prévention des surdoses, une évaluation exhaustive de ces sites a été menée, et une multitude de données attestent leur efficacité en matière de réduction des décès par surdose de substances psychoactivesNote de bas de page 8.

En Ontario, les études universitaires sur les décès par surdose sont plus fragmentairesNote de bas de page 9. Dans cette province, l’épidémiologie générale de la crise des opioïdes, notamment les facteurs déterminants et les facteurs de protection, est moins bien comprise que dans les régions où plus d’études sont effectuées, comme Vancouver. Pourtant, l’Ontario n’a pas été épargné par l’augmentation de surdoses : plus de 1414 personnes y ont perdu la vie en raison d’une surdose entre janvier et juin 2021 (données les plus récentes disponibles au moment de la rédaction de cet article)Note de bas de page 1. Il est donc urgent de comprendre les facteurs qui contribuent à l’accroissement du taux de mortalité dans cette province. Par exemple, en Ontario, la mise en œuvre des sites de prévention des surdoses reste controversée, un fait qui pourrait influencer les décès liés aux opioïdes, mais dont on n’a pas établi l’incidenceNote de bas de page 10Note de bas de page 11. La volonté d’offrir un approvisionnement sécuritaire aux personnes qui consomment des substances est également moindre dans la provinceNote de bas de page 12Note de bas de page 13. Devant ces augmentations alarmantes de décès liés aux opioïdes en Ontario, il paraît donc essentiel de préciser le contexte spécifique à cette province et d’étudier les facteurs qui favorisent ou qui limitent ces décès, afin de définir les interventions possibles. 

Le système de santé publique ontarien est géré par 34 bureaux de santé publique indépendants, chacun desservant des zones et des populations distinctes. Au sein du bureau de santé publique de la région de Kingston, Frontenac, Lennox et Addington (KFLA) dans le sud-est de l’Ontario, les données sur les consultations à l’hôpital ont révélé un nombre record de surdoses liées aux opioïdes dans la région entre la fin avril et le début mai 2021Note de bas de page 14. De plus, les décès liés aux opioïdes ont augmenté de façon constante : ils sont passés d’au plus 12 cas par année avant 2016 à 42 cas en 2020. La région de KFLA se différencie des plus grands centres urbains par sa taille et sa culture, et la littérature actuelle sur les surdoses, ciblant surtout les grandes régions, facilite peu la compréhension du contexte dans lequel les surdoses se produisent dans les régions comme celle de KFLA. C’est dans ce contexte que notre étude vise à décrire la population décédée d’une surdose d’opioïdes, afin de cerner les facteurs qui influencent localement la crise des surdoses dans une collectivité de moindre taille. 

Méthodologie

Approbation de l’éthique de la recherche

Le comité d’éthique de la recherche de l’Université Queen’s a accordé son approbation en matière d’éthique (no 6033165).

Plan d’étude

Il s’agit d’une étude rétrospective des décès liés aux opioïdes qui ont eu lieu dans la région de KFLA entre le 1er mai 2017 (jour du lancement de l’outil Opioid Investigative Aid [OIA] du coroner) et le 30 juin 2021 (données les plus récentes disponibles au moment de la rédaction de cet article).

L’OIA est une base de données standardisée sur les circonstances entourant les décès liés aux opioïdes en Ontario. L’OIA contient des informations exhaustives sur les personnes décédées ainsi que sur les circonstances de leur décès. Le coroner enquêteur recueille ces informations à l’aide d’une multitude de sources, en particulier les dossiers médicaux, les bilans toxicologiques et l’information provenant des membres de la famille et des gens présents au moment du décès.

Nous avons analysé les données des personnes décédées d’une surdose d’opioïdes selon l’OIA, utilisant comme définition une « mort attribuable à une toxicité ou à une intoxication aiguë résultant de la consommation d’une ou de plusieurs substances, dont au moins un opioïde, indépendamment de la façon dont ces substances ont été obtenues »Note de bas de page 3 p.4. Ces décès liés à une surdose d’opioïdes ont par ailleurs été classés soit comme suicide ou soit comme mort accidentelle.

Les données recueillies pour analyse sont des données cliniques (diagnostic de comorbidité) et sociodémographiques (âge, sexe, origine ethnique, état matrimonial, situation d’emploi, antécédents d’incarcération) au sujet des personnes décédées, ainsi que des données sur le lieu du décès (domicile, lieu public, établissement correctionnel). Nous avons inclus d’autres facteurs susceptibles d’expliquer la hausse des décès liés aux opioïdes, notamment la nature des substances consommées et le fait de consommer en solitaire. Les variables ont été sélectionnées en fonction de leur pertinence conceptuelle, d’après la littérature et les explications de spécialistes locaux.

Analyse des données

Dans la mesure où cette étude visait à décrire la situation des décès liés aux opioïdes dans la région de KFLA, la réalisation d’analyses descriptives était appropriée. Les caractéristiques cliniques et sociodémographiques de la population sont présentées en valeur absolue et en pourcentages. Par souci de transparence, nous avons ajouté la mention « indéterminé » aux données manquantes. De plus, nous avons effectué des sous-analyses pour déterminer si les caractéristiques étaient les mêmes avant et après le début de la pandémie de COVID‑19. Pour ce faire, nous avons désigné les années antérieures à 2020 comme étant « prépandémiques » et les années 2020 et 2021 comme étant « postpandémiques ». De plus, les décès ont été regroupés selon s’ils avaient eu lieu avant ou après la pandémie. Nous avons aussi réalisé des tests du chi carré afin d’établir la signification de toute variation entre les caractéristiques prépandémiques et postpandémiques. Les analyses sont présentées sous forme de texte et de tableaux. Pour empêcher l’identifiabilité, nous avons non seulement supprimé les effectifs inférieurs à cinq, mais également quelques effectifs supérieurs qui auraient rendu possible, par soustraction, l’identification des participants relevant d’autres cases. Nous avons toutefois conservé les effectifs inférieurs à cinq pour les cellules où la mention « indéterminé » apparaît, puisque cette catégorie ne pose aucun risque d’identification. Toutes les analyses de données ont été vérifiées par un analyste de l’Université Queen’s. Toutes les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel R version 4.0.2 (R Foundation for Statistical Computing, Vienne, Autriche). 

Résultats

Au total, pour les 135 personnes décédées d’une surdose d’opioïdes dans la région sanitaire de KFLA entre mai 2017 et juin 2021, 93,3 % des décès ont été classés comme relevant d’une mort accidentelle, 5,2 % comme relevant d’un suicide et le reste comme étant de nature « indéterminée ». L’âge moyen au moment du décès par surdose d’opioïdes était de 42 ans, et variait entre 17 et 78 ans. L’OIA saisit à la fois le sexe et l’identité de genre, l’identité de genre étant déterminée au moyen des sources de données dont dispose le coroner, en particulier les entrevues avec les amis ou la famille de la personne décédée. Le sexe et l’identité de genre étaient identiques chez toutes les personnes décédées. La majorité des personnes décédées étaient de sexe masculin (71,1 %) et blanches (94,8 %) (il est à noter que les données sur l’origine ethnique autre que « blanche » ne sont pas présentées pour préserver la confidentialité en raison du faible nombre de sujets). La majorité des personnes étaient sans emploi au moment de leur décès (59,3 %), et seulement 5,9 % n’avaient pas de logement stable. La majorité (57,8 %) des personnes décédées n’étaient pas mariées et ne vivaient pas en union de fait. Le tableau 1 présente les caractéristiques sociodémographiques des personnes décédées d’une surdose d’opioïdes au fil du temps.

Tableau 1. Statistiques sommaires sur les personnes décédées d’une surdose d’opioïdes dans la région de KFLA, par année (2017-2021)
Caractéristique 2017
(n = 21)
2018 (n = 23) 2019 (n = 33) 2020 (n = 42) 2021 (n = 16) Total (N = 135)
Âge (en années)
Âge moyen (ET) 44 (15,5) 44 (12,3) 39 (12,1) 41 (12,5) 43 (13,4) 42 (12,9)
Intervalle 22 à 78 18 à 64 25 à 74 17 à 67 22 à 62 17 à 78
Sexe et identité de genre
Féminin 5 (23,8 %) 8 (34,8 %) 9 (27,3 %) 11 (26,2 %) 6 (37,5 %) 39 (28,9 %)
Masculin 16 (76,2 %) 15 (65,2 %) 24 (72,7 %) 31 (73,8 %) 10 (62,5 %) 96 (71,1 %)
État matrimonial
Personne mariée/en union de fait Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 20 (14,8 %)
Personne ni mariée ni en union de fait 12 (57,1 %) 16 (69,6 %) 19 (57,6 %) 22 (52,4 %) 9 (56,2 %) 78 (57,8 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 37 (27,4 %)
Logement
Logement 21 (100,0 %) 16 (69,6 %) 25 (75,8 %) 39 (92,9 %) 14 (87,5 %) 115 (85,2 %)
Pas de logement stable Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 8 (5,9 %)
Établissement correctionnel Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 8 (5,9 %)
Indéterminé 0 (0,0 %) 2 (8,7 %) 1 (3,0 %) 0 (0,0 %) 1 (6,2 %) 4 (3,0 %)
Emploi
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 13 (9,6 %)
Non 12 (57,1 %) 17 (73,9 %) 19 (57,6 %) 26 (61,9 %) 6 (37,5 %) 80 (59,3 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 42 (31,1 %)
Lieu du décès
Résidence privée 17 (81,0 %) 18 (78,3 %) 25 (75,8 %) 34 (81,0 %) 13 (81,2 %) 107 (79,3 %)
Lieu public Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 9 (6,7 %)
Établissement correctionnel Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 8 (5,9 %)
Non déterminé 2 (9,5 %) 0 (0,0 %) 0 (0,0 %) 0 (0,0 %) 1 (6,2 %) 3 (2,2 %)
Consomme des substances en solitaire
En solitaire 14 (66,7 %) 12 (52,2 %) 16 (48,5 %) 20 (47,6 %) 8 (50,0 %) 70 (51,9 %)
En présence d’autres personnes Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 31 (23,0 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 34 (25,2 %)
Incarcération antérieure
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 32 (23,7 %)
Non Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 35 (25,9 %)
Indéterminé 18 (85,7 %) 17 (73,9 %) 10 (30,3 %) 16 (38,1 %) 7 (43,8 %) 68 (50,4 %)
Diagnostic de trouble lié à la consommation d’opioïdes
Oui 11 (52,4 %) 16 (69,6 %) 26 (78,8 %) 32 (76,2 %) 12 (75,0 %) 97 (71,9 %)
Indéterminé 10 (47,6 %) 7 (30,4 %) 7 (21,2 %) 10 (23,8 %) 4 (25,0 %) 38 (28,1 %)
Surdose antérieure
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a 5 (15,2 %) 9 (21,4 %) Note de bas de page a 23 (17,0 %)
Non Note de bas de page a Note de bas de page a 28 (84,8 %) 33 (78,6 %) 13 (81,2 %) 91 (67,4 %)
Indéterminé 15 (71,4 %) Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 21 (15,6 %)
Durée de la consommation de substances
< 5 ans Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 7 (5,2 %)
> 5 ans 11 (52,4 %) 8 (34,8 %) 13 (39,4 %) 20 (47,6 %) 7 (43,8 %) 59 (43,7 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 69 (51,1 %)
Douleurs chroniques
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 36 (26,7 %)
Non 13 (61,9 %) 12 (52,2 %) 23 (69,7 %) 33 (78,6 %) 13 (81,2 %) 94 (69,6 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 5 (3,7 %)
Dépression
Oui 8 (38,1 %) 11 (47,8 %) 12 (36,4 %) 10 (23,8 %) 7 (43,8 %) 48 (35,6 %)
Non 10 (47,6 %) 10 (43,5 %) 21 (63,6 %) 32 (76,2 %) 8 (50,0 %) 81 (60,0 %)
Indéterminé 3 (14,3 %) 2 (8.7 %) 0 (0,0 %) 0 (0,0 %) 1 (6,2 %) 6 (4,4 %)
Trouble d’anxiété
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a 8 (24,2 %) 8 (19,0 %) Note de bas de page a 25 (18,5 %)
Non Note de bas de page a Note de bas de page a 25 (75,8 %) 34 (81,0 %) 11 (68,8 %) 88 (65,2 %)
Indéterminé 16 (76,2 %) Note de bas de page a 0 (0,0 %) 0 (0,0 %) Note de bas de page a 22 (16,3 %)
Schizophrénie
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 10 (7,4 %)
Non 16 (76,2 %) 20 (87,0 %) 30 (90,9 %) 39 (92,9 %) 13 (81,2 %) 118 (87,4 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 7 (5,2 %)
Trouble bipolaire
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 10 (7,4 %)
Non 16 (76,2 %) 20 (87,0 %) 31 (93,9 %) 39 (92,9 %) 12 (75,0 %) 118 (87,4 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 7 (5,2 %)
Utilisation de naloxone
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a 10 (30,3 %) 17 (40,5 %) 5 (31,2 %) 42 (31,1 %)
Non 16 (76,2 %) 14 (60,9 %) 15 (45,5 %) 18 (42,9 %) 8 (50,0 %) 71 (52,6 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a 8 (24,2 %) 7 (16,7 %) 3 (18,8 %) 22 (16,3 %)

La majorité des personnes sont décédées dans une résidence privée (79,3 %) et étaient seules au moment du décès par surdose (69,3 % des cas connus). Au total, huit (5,9 %) personnes sont décédées dans un établissement correctionnel et 32 (23,7 %) avaient des antécédents d’incarcération. Parmi ces dernières, cinq (15,6 %) avaient été libérées dans les quatre semaines précédant leur décès. La majorité des personnes (89,4 % des cas connus) avaient consommé des opioïdes pendant plus de cinq ans. Parmi les personnes ayant reçu un diagnostic antérieur connu qui a été recueilli par le coroner dans les dossiers médicaux, 26,7 % avaient reçu un diagnostic de douleurs chroniques, 35,6 % de dépression et 18,5 % de trouble d’anxiété. Six (4,4 %) personnes avaient déjà tenté de se suicider.

Toutes les personnes décédées ont fait l’objet de la même analyse toxicologique. Le fentanyl et le carfentanil sont les opioïdes ayant le plus fréquemment causé le décès (n = 103, 76,3 %). Soixante‑dix (51,9 %) personnes avaient également consommé de la méthamphétamine. La consommation de méthamphétamine a d’ailleurs augmenté significativement en 2019 et en 2020 comparativement aux années précédentes. Près d’un cinquième des personnes (28, soit 20,7 %) avaient des traces de cocaïne dans leur sang au moment de leur décès, et le nombre de personnes ayant des traces de cocaïne dans leur sang était plus élevé en 2020 que lors des années précédentes. La présence de benzodiazépine, d’hydromorphone et d’oxycodone a été détectée dans le sang de moins de 15 % des personnes. On a également détecté la présence de naloxone, de buprénorphine ou de méthadone dans le sang d’un petit nombre de personnes au moment de leur décès. Le tableau 2 fournit les résultats toxicologiques au fil du temps.

Tableau 2. Résultats toxicologiques, par année (2017-2021)
Substance 2017
(n = 21)
2018 (n = 23) 2019 (n = 33) 2020 (n = 42) 2021 (n = 16) Total (N = 135)
Fentanyl et carfentanil
Oui 13 (61,9 %) 14 (60,9 %) 26 (78,8 %) 37 (88,1 %) 13 (81,2 %) 103 (76,3 %)
Non 8 (38,1 %) 9 (39,1 %) 7 (21,2 %) Note de bas de page a Note de bas de page a 30 (22,2 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Morphine
Oui 7 (33,3 %) 6 (26,1 %) 5 (15,2 %) Note de bas de page a Note de bas de page a 23 (17,0 %)
Non 14 (66,7 %) 17 (73,9 %) 28 (84,8 %) 38 (90,5 %) 13 (81,2 %) 110 (81,5 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Hydromorphone
Oui Note de bas de page a 6 (26,1 %) 5 (15,2 %) Note de bas de page a Note de bas de page a 17 (12,6 %)
Non 17 (81,0 %) 17 (73,9 %) 28 (84,8 %) 41 (97,6 %) 13 (81,2 %) 116 (85,9 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Oxycodone
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 12 (8,9 %)
Non 17 (81,0 %) 20 (87,0 %) 29 (87,9 %) 41 (97,6 %) 14 (87,5 %) 121 (89,6 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Méthamphétamine
Oui 9 (42,9 %) 7 (30,4 %) 20 (60,6 %) 26 (61,9 %) 8 (50,0 %) 70 (51,9 %)
Non 12 (57,1 %) 16 (69,6 %) 13 (39,4 %) 16 (38,1 %) 6 (37,5 %) 63 (46,7 %)
Indéterminé 0 (0,0 %) 0 (0,0 %) 0 (0,0 %) 0 (0,0 %) 2 (12,5 %) 2 (1,5 %)
Cocaïne
Oui 5 (23,8 %) Note de bas de page a Note de bas de page a 15 (35,7 %) Note de bas de page a 28 (20,7 %)
Non 16 (76,2 %) 20 (87,0 %) 29 (87,9 %) 27 (64,3 %) 13 (81,2 %) 105 (77,8 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Benzodiazépine
Oui 5 (23,8 %) Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 13 (9,6 %)
Non 16 (76,2 %) 22 (95,7 %) 30 (90,9 %) 38 (90,5 %) 14 (87,5 %) 120 (88,9 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Naloxone
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Non 20 (95,2 %) 23 (100,0 %) 33 (100,0 %) 41 (97,6 %) 14 (87,5 %) 131 (97,0 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
TSO (méthadone, buprénorphine)
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 17 (12,6 %)
Non 18 (85,7 %) 21 (91,3 %) 31 (93,9 %) 35 (83,3 %) 11 (68,8 %) 116 (85,9 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)

Fait intéressant, aucune différence n’a été observée dans les caractéristiques des personnes décédées en période prépandémique par rapport à celles décédées en période postpandémique, y compris en matière de contexte de consommation (en solitaire ou non) (p = 0,762). Aucune différence n’a été observée non plus en ce qui concerne la détection dans le sang d’un traitement de substitution aux opioïdes (TSO) au moment du décès (p = 0,086). Les tableaux 3 et 4 présentent les résultats pour les années prépandémiques et pour les années postpandémiques.

Tableau 3. Comparaison des caractéristiques des personnes décédées au cours des années prépandémiques et des années postpandémiques
Caractéristique Années prépandémiques (n = 77) Années postpandémiques (n = 58) Total (N = 135) Valeur p
Âge (en années)
Âge moyen (ET) 42 (13,2) 42 (12,6) 42 (12,9) 0,936
Intervalle 18–78 17–67 17–78
Sexe et identité de genre*
Féminin 22 (28,6 %) 17 (29,3 %) 39 (28,9 %) 0,925
Masculin 55 (71,4 %) 41 (70,7 %) 96 (71,1 %)
État matrimonial
Personne mariée/en union de fait 13 (16,9 %) 7 (12,1 %) 20 (14,8 %) 0,259
Personne non mariée ni en union de fait 47 (61,0 %) 31 (53,4 %) 78 (57,8 %)
Indéterminé 17 (22,1 %) 20 (34,5 %) 37 (27,4 %)
Logement
Logement 62 (80,5 %) 53 (91,4 %) 115 (85,2 %) 0,250
Pas de logement stable Note de bas de page a Note de bas de page a 8 (5,9 %)
Établissement correctionnel Note de bas de page a Note de bas de page a 8 (5,9 %)
Indéterminé 3 (3,9 %) 1 (1,7 %) 4 (3,0 %)
Emploi
Oui 6 (7,8 %) 7 (12,1 %) 13 (9,6 %) 0,605
Non 48 (62,3 %) 32 (55,2 %) 80 (59,3 %)
Indéterminé 23 (29,9 %) 19 (32,8 %) 42 (31,1 %)
Lieu du décès
Résidence privée 60 (77,9 %) 47 (81,0 %) 107 (79,3 %) 0,422
Lieu public Note de bas de page a Note de bas de page a 9 (6,7 %)
Établissement correctionnel Note de bas de page a Note de bas de page a 8 (5,9 %)
Autre 1 (1,3 %) 3 (5,2 %) 4 (3,0 %)
Indéterminé 2 (2,6 %) 1 (1,7 %) 3 (2,2 %)
Consommation de substances en solitaire
En solitaire 42 (54,5 %) 28 (48,3 %) 70 (51,9 %) 0,762
En présence d’autres personnes 17 (22,1 %) 14 (24,1 %) 31 (23,0 %)
Indéterminé 18 (23,4 %) 16 (27,6 %) 34 (25,2 %)
Antécédents d’incarcération
Oui 16 (20,8 %) 16 (27,6 %) 32 (23,7 %) 0,091
Non 16 (20,8 %) 19 (32,8 %) 35 (25,9 %)
Indéterminé 45 (58,4 %) 23 (39,7 %) 68 (50,4 %)
Diagnostic de trouble lié à la consommation d’opioïdes
Oui 53 (68,8 %) 44 (75,9 %) 97 (71,9 %) 0,369
Indéterminé 24 (31,2 %) 14 (24,1 %) 38 (28,1 %)
Surdose antérieure
Oui 12 (15,6 %) 11 (19,0 %) 23 (17,0 %) < 0,001
Non 45 (58,4 %) 46 (79,3 %) 91 (67,4 %)
Indéterminé 20 (26,0 %) 1 (1,7 %) 21 (15,6 %)
Durée de la consommation de substances
< 5 ans Note de bas de page a Note de bas de page a 7 (5,2 %) 0,193
> 5 ans 32 (41,6 %) 27 (46,6 %) 59 (43,7 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a 69 (51,1 %)
Douleurs chroniques
Oui 25 (32,5 %) 11 (19,0 %) 36 (26,7 %) 0,095
Non 48 (62,3 %) 46 (79,3 %) 94 (69,6 %)
Indéterminé 4 (5,2 %) 1 (1,7 %) 5 (3,7 %)
Dépression
Oui 31 (40,3 %) 17 (29,3 %) 48 (35,6 %) 0,124
Non 41 (53,2 %) 40 (69,0 %) 81 (60,0 %)
Indéterminé 5 (6,5 %) 1 (1,7 %) 6 (4,4 %)
Trouble d’anxiété
Oui 13 (16,9 %) 12 (20,7 %) 25 (18,5 %) < 0,001
Non 43 (55,8 %) 45 (77,6 %) 88 (65,2 %)
Indéterminé 21 (27,3 %) 1 (1,7 %) 22 (16,3 %)
Schizophrénie
Oui 5 (6,5 %) 5 (8,6 %) 10 (7,4 %) 0,271
Non 66 (85,7 %) 52 (89,7 %) 118 (87,4 %)
Indéterminé 6 (7,8 %) 1 (1,7 %) 7 (5,2 %)
Trouble bipolaire
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a 10 (7,4 %) 0,171
Non 67 (87,0 %) 51 (87,9 %) 118 (87,4 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a 7 (100,0 %)
Tableau 4. Résultats toxicologiques pour les années prépandémiques et pour les années postpandémiques
Substance Années prépandémiques
(n = 77)
Années postpandémiques
(n = 58)
Total
(N = 135)
Valeur p
Fentanyl et carfentanil
Oui 53 (68,8 %) 50 (86,2 %) 103 (76,3 %) 0,005
Non 24 (31,2 %) 6 (10,3 %) 30 (22,2 %)
Indéterminé 0 (0,0 %) 2 (3,4 %) 2 (1,5 %)
Morphine
Oui 18 (23,4 %) 5 (8,6 %) 23 (17,0 %) 0,025
Non 59 (76,6 %) 51 (87,9 %) 110 (81,5 %)
Indéterminé 0 (0,0 %) 2 (3,4 %) 2 (1,5 %)
Hydromorphone
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a 17 (12,6 %) 0,007
Non 62 (80,5 %) 54 (93,1 %) 116 (85,9 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Oxycodone
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a 12 (8,9 %) 0,012
Non 66 (85,7 %) 55 (94,8 %) 121 (89,6 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Méthamphétamine
Oui 36 (46,8 %) 34 (58,6 %) 70 (51,9 %) 0,074
Non 41 (53,2 %) 22 (37,9 %) 63 (46,7 %)
Indéterminé 0 (0,0 %) 2 (3,4 %) 2 (1,5 %)
Cocaïne
Oui 12 (15,6 %) 16 (27,6 %) 28 (20,7 %) 0,051
Non 65 (84,4 %) 40 (69,0 %) 105 (77,8 %)
Indéterminé 0 (0,0 %) 2 (3,4 %) 2 (1,5 %)
Benzodiazépine
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a 13 (9,6 %) 0,178
Non 68 (88,3 %) 52 (89,7 %) 120 (88,9 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
Naloxone
Oui Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %) 0,253
Non 76 (98,7 %) 55 (94,8 %) 131 (97,0 %)
Indéterminé Note de bas de page a Note de bas de page a 2 (1,5 %)
TSO (méthadone, buprénorphine)
Oui 7 (9,1 %) 10 (17,2 %) 17 (12,6 %) 0,086
Non 70 (90,9 %) 46 (79,3 %) 116 (85,9 %)
Indéterminé 0 (0,0 %) 2 (3,4 %) 2 (1,5 %)

Analyse

Dans cette étude, nous décrivons les caractéristiques des personnes décédées d’une surdose d’opioïdes dans la région de KFLA ainsi que les circonstances entourant ces décès. Une grande proportion d’entre elles avaient des antécédents d’incarcération. Ce problème est particulièrement important dans le cas de Kingston, car la région compte quatre prisons, avec plus de 2000 détenus utilisant les services de santé de Kingston. De nombreuses études ont répertorié un risque élevé de surdose d’opioïdes dans les 14 jours suivant la sortie de prison, et le taux de mortalité lié à la consommation de substances chez les détenus et les anciens détenus est 32 fois plus élevé que chez la population générale du même âge et du même sexeNote de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17. À la lumière du nombre relativement élevé de décès survenant tant en prison qu’au moment de la libération, des stratégies pour traiter cette population vulnérable sont nécessaires de toute urgence. Des études de grande qualité ont déjà proposé des approches pour intervenir à l’égard des surdoses d’opioïdes chez les populations de détenus et les personnes nouvellement libérées de prison, notamment des programmes de TSO solides, l’accès à de la naloxone et l’accès aux soins lors de la libération. Les propositions tirées de ces études peuvent être mises en œuvre dans les établissements correctionnels de KingstonNote de bas de page 15Note de bas de page 16.

Dans la région de KFLA, la majorité des personnes sont décédées dans une résidence privée et étaient seules au moment de la surdose. Cela confirme la tendance observée dans l’ensemble de l’Ontario et en Colombie‑BritanniqueNote de bas de page 3Note de bas de page 18Note de bas de page 19. Il est bien connu que le fait de consommer des substances en solitaire est un facteur de risque important de décès par surdose, puisqu’en cas de surdose, il n’y a personne pour administrer de la naloxone, procéder à la réanimation cardiorespiratoire et appeler les services d’urgence. Fait intéressant, dans notre étude, la pandémie de COVID-19 n’a eu aucune influence sur le fait que les personnes décédées d’une surdose d’opioïdes avaient consommé en solitaire. Il y a très peu de recherches sur les conditions sociales et structurelles qui font que les individus consomment seuls, mais les données probantes dont nous disposons (bien que rares) semblent indiquer comme motif un désir de dissimuler la consommation aux autres par crainte de subir de la stigmatisation, par peur de la criminalisation et par refus de partager en raison de ressources limitéesNote de bas de page 20. Dans notre étude, aucune différence n’a été constatée entre les caractéristiques des personnes décédées alors qu’elles consommaient en solitaire et les autres, que ce soit en matière d’âge, de sexe, d’année ou de lieu de décès (données non présentées). Des études qualitatives sont à réaliser pour mieux comprendre les motivations qui amènent les individus à consommer des substances en solitaire et à ne pas faire appel aux services de réduction des méfaits dans la région sanitaire de KFLA.

Dans notre étude, des traces de TSO ont été détectées dans le sang de moins de 13 % des personnes au moment de leur décès, et aucune différence n’a été constatée dans l’utilisation d’un TSO avant ou après le début de la pandémie de COVID‑19. Dans le meilleur des cas, cela pourrait signifier que les personnes qui ont recours à un TSO ne meurent pas d’une surdose d’opioïdes. Cela pourrait aussi indiquer que l’accès aux TSO est limité dans la région de KFLA. Une étude approfondie est nécessaire pour faire la lumière sur la question de l’accès aux TSO et sur les obstacles à cet accès dans la région de KFLA.

Dans notre étude, les principales substances décelées dans le test de dépistage de toxicité sont le fentanyl, le carfentanil et la méthamphétamine, le nombre le plus élevé de décès ayant été causé par le fentanyl et le carfentanil. Le nombre le plus élevé de décès chez des personnes ayant à la fois du fentanyl, du carfentanil et de la méthamphétamine dans leur sang a été observé en 2020. Ces résultats sont compatibles avec ce qui a été observé dans le reste de l’Ontario ainsi que dans des régions comme la Colombie‑Britannique, où l’on a constaté une augmentation du nombre de personnes ayant consommé des opioïdes et de la méthamphétamine dans la période entourant le décèsNote de bas de page 19Note de bas de page 21.

L’augmentation de la consommation de fentanyl et de méthamphétamine est corrélée à une augmentation similaire des décès par surdose. Même si nous sommes conscients qu’une corrélation ne sous‑entend pas nécessairement un lien de cause à effet, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une tendance étonnante. Bien que l’on observe de plus en plus souvent une utilisation simultanée (ou consécutive) d’opioïdes et de méthamphétamine chez les personnes qui consomment des substancesNote de bas de page 22Note de bas de page 23, l’imprévisibilité de l’approvisionnement fait en sorte que nous ne pouvons pas établir avec certitude si les multiples substances détectées au moment du décès ont été prises de façon simultanée ou séquentielle ou si elles se trouvaient simplement dans un seul et même produit consommé avant le décès.

D’autres recherches devront être réalisées sur le sujet, idéalement des recherches qualitatives, pour déterminer si les personnes qui consomment des substances sont conscientes de la nature des substances qu’elles prennent. Il faudra également étudier les motivations qui amènent des personnes à consommer des opioïdes et de la méthamphétamine de façon concomitante, et le mécanisme par lequel la consommation des deux substances est susceptible d’accroître le risque de décès par surdose. Même si la compréhension de cette tendance ne permettra pas de prévenir les décès à court terme, de telles études pourront recueillir des données probantes utilisables pour créer des programmes ciblés de réduction des méfaits et d’éducation visant à réduire les préjudices découlant de la polyconsommation.

Les résultats de nos analyses toxicologiques indiquent que la plupart des substances détectées dans le sang des personnes au moment de leur décès avaient été obtenues dans la rue et qu’il ne s’agissait donc pas de médicaments sur ordonnance. Cela nous amène à nous demander si les personnes sont décédées en raison d’un approvisionnement toxique ou imprévisible, puisque la plupart des décès étaient accidentels. On sait que le fait d’offrir un approvisionnement sûr aux personnes qui consomment des substances a des répercussions considérables sur la diminution du nombre de décès par surdose d’opioïdes et sur la promotion de modèles sûrs d’injection de droguesNote de bas de page 22Note de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 26Note de bas de page 27Note de bas de page 28Note de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 34Note de bas de page 35Note de bas de page 36. D’autres régions ou pays, comme la Colombie‑Britannique, la Suisse et les Pays‑Bas, offrent des opioïdes sur ordonnance dans le cadre d’une approche de réduction des méfaitsNote de bas de page 30. Bien que certains grands centres urbains de l’Ontario aient mis en place des programmes permettant d’offrir un approvisionnement sûr aux personnes qui consomment des substancesNote de bas de page 37, ces programmes pourraient ne pas être accessibles aux personnes vivant dans de petites collectivités ou en milieu rural. La télésanté pourrait se révéler être un excellent outil permettant d’accroître l’accès à ces programmes pour les personnes vivant dans de petites collectivités. À long terme, la mise en œuvre de politiques nouvelles comme la décriminalisation ou la légalisation de substances permettrait d’appuyer un approvisionnement sûr en substances. Même si nous reconnaissons que la décriminalisation et la légalisation de substances dépassent la portée de cet article, il convient de réfléchir à la façon dont de telles politiques pourraient permettre aux personnes qui consomment des substances d’avoir accès à un approvisionnement sûr et, ainsi, de réduire le fardeau de la morbidité et de la mortalité associé à la consommation d’opioïdes pour la société en général.

Points forts et limites

Cette étude brosse un tableau important et très utile de la question des décès par surdose dans une petite région du sud-est de l’Ontario, et soulève des enjeux fondamentaux qui pourront être analysés de façon plus approfondie dans d’autres études. Cependant, elle comporte également des limites. Premièrement, l’étude a utilisé des données administratives, avec des données manquantes dans le cas de certaines variables. En revanche, l’OIA a saisi tous les décès soupçonnés d’être liés aux opioïdes, et il est peu probable que des cas aient été omis, puisqu’un coroner doit se pencher sur les circonstances de tout décès soudain, de causes non naturelles, ou non lié à une maladie traitée par un médecin. Deuxièmement, la période étudiée a pris fin en juin 2021, ce qui fait que nous n’avons pas intégré les tendances plus récentes relatives aux décès liés aux opioïdes dans la région. De plus, les données de 2017 et de 2021 ne correspondent pas à des années complètes, ce qui pourrait avoir eu des répercussions sur les résultats, en particulier ceux liés aux sous‑analyses pour les années prépandémiques et postpandémiques, ce qui fait que nos constatations sont à interpréter en tenant compte de cette limite. Troisièmement, comme pour tout ensemble de données administratives, certaines variables pourraient avoir été codées de façon inappropriée. Quatrièmement, puisqu’il n’y a aucun groupe témoin, il n’a pas été possible d’établir de rapport de cotes ou de risque relatif. 

Conclusion

Cette étude a mis en évidence les groupes à risque de décès par surdose d’opioïdes en fonction des tendances tirées de l’analyse de la base de données OIA. Les personnes ayant déjà été incarcérées et celles qui consommaient en solitaire ont été les plus représentées. Des interventions destinées à mieux appuyer ces deux populations pourraient contribuer à réduire le nombre de décès liés aux opioïdes dans la région de KFLA. Une approche solide de réduction des méfaits misant sur la télésanté, la technologie et des politiques progressistes visant à décriminaliser la consommation de substances contribueraient grandement à soutenir les personnes qui consomment des opioïdes et à prévenir les décès.

Remerciements

Nous remercions toutes les personnes qui ont contribué à cette étude, en particulier les analystes de données, les épidémiologistes et les groupes communautaires. L’étude a été financée par la bourse d’excellence du doyen pour l’été 2021 de l’Université Queen’s.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

SP a contribué à la conception de l’étude, a élaboré le plan d’étude, a interprété et analysé les données et a rédigé le manuscrit. SB a contribué à la conception de l’étude, à la rédaction du manuscrit et en a effectué la révision critique. JP a contribué à la conception de l’étude, à la rédaction du manuscrit et en a effectué la révision critique. KM a contribué à la conception de l’étude.

Le contenu de cet article et les opinions qui y sont exprimées n'engagent que les auteurs et ne correspondent pas forcément aux positions du Gouvernement du Canada.

Page précedente | Table des matières |

Détails de la page

Date de modification :