Aperçu – Idées suicidaires chez les jeunes adultes au Canada pendant la pandémie de COVID-19 : données tirées d’une enquête populationnelle transversale

Revue PSPMC

Page précedente | Table des matières |

Li Liu, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Gisèle Contreras, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Nathaniel J. Pollock, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Lil Tonmyr, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Wendy Thompson, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.5.05f

Rattachement des auteurs
Correspondance

Li Liu, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario)  K1S 5H4; téléphone : 613-314-1514; courriel : Li.Liu@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Liu L, Contreras G, Pollock NJ, Tonmyr L, Thompson W. Idées suicidaires chez les jeunes adultes au Canada pendant la pandémie de COVID 19 : données tirées d’une enquête populationnelle transversale. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(5):289-296. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.5.05f

Résumé

Nous avons utilisé les données des cycles de 2020 et de 2021 de l’Enquête sur la COVID‑19 et la santé mentale pour étudier les idées suicidaires chez les adultes de 18 à 34 ans au Canada. La prévalence des idées suicidaires chez les adultes de 18 à 34 ans était de 4,2 % à l’automne 2020 et de 8,0 % au printemps 2021. C’est le sous-groupe des adultes de 18 à 24 ans qui a connu la prévalence la plus élevée, avec 10,7 % au printemps 2021. La prévalence variait en fonction des caractéristiques sociodémographiques et tendait à être plus élevée chez les personnes vivant dans un milieu défavorisé sur le plan matériel. Les idées suicidaires se sont révélées fortement associées aux facteurs de stress liés à la pandémie subis par les répondants.

Mots-clés : surveillance, défavorisation matérielle, défavorisation sociale, consommation de substances, répercussions de la pandémie, solitude, anxiété, maladie mentale, coronavirus

Points saillants

  • La prévalence des idées suicidaires chez les jeunes adultes de 18 à 34 ans était de 8,0 % au printemps 2021.
  • La prévalence la plus élevée d’idées suicidaires, soit 10,7 %, correspond au sous-groupe des jeunes adultes de 18 à 24 ans au printemps 2021.
  • Les probabilités d’idées suicidaires étaient plus élevées chez les jeunes adultes qui étaient d’origine blanche (par opposition aux membres d’un groupe « racisé »), ceux nés au Canada (par opposition à ceux ayant immigré au Canada), ceux vivant avec un revenu faible ou moyen, ceux ayant fait des études de niveau secondaire ou moins et ceux vivant dans un milieu défavorisé sur le plan matériel.
  • Les expériences liées à la pandémie, les événements stressants et la maladie mentale étaient fortement associés aux idées suicidaires.

Introduction

Dès avril 2020, les professionnels en santé mentale ont fait état de leurs préoccupations au sujet des répercussions de la pandémie de COVID‑19 sur les tendances suicidairesNote de bas de page 1. À l’échelle mondiale, les taux de décès par suicide n’ont pas changé ou ont diminué au cours des 9 à 15 premiers mois de la pandémieNote de bas de page 2, mais les idées suicidaires, les tentatives de suicide et les cas d’automutilation ont augmenté au sein de certaines populations et dans certains contextesNote de bas de page 3. Au Canada, la prévalence des idées suicidaires récentes chez les adultes était de 2,7 % en 2019Note de bas de page 4Note de bas de page 5 et de 2,4 % à l’automne 2020Note de bas de page 4, puis elle a augmenté de façon notable pour atteindre 4,2 % au printemps 2021Note de bas de page 5.

Selon diverses études, les jeunes adultes auraient été plus susceptibles que les adultes plus âgés d’éprouver des problèmes de santé mentale comme de l’anxiété et des symptômes dépressifsNote de bas de page 6, de la solitudeNote de bas de page 7, de la détresse psychologiqueNote de bas de page 8 et des tendances suicidairesNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 9 depuis le début de la pandémie. Au Canada, en 2019, la probabilité de faire état d’idées suicidaires était 5,4 fois plus élevée chez les jeunes adultes de 18 à 34 ans que chez les adultes de 65 ans ou plus, rapport qui est passé à 8,2 à l’automne 2020 puis 9,7 au printemps 2021Note de bas de page 4Note de bas de page 5.

Des méta-analyses et des examens systématiques ont permis d’identifier plusieurs facteurs de risque spécifiques à la pandémie en matière d’idées suicidairesNote de bas de page 3Note de bas de page 10Note de bas de page 11. Des études ont révélé que les étudiants universitaires couraient un risque élevé de comportements suicidaires et que les facteurs de risque connexes était l’isolement social et la maladie mentaleNote de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13. Comme on ne connaît pas les effets à long terme de la pandémie de COVID‑19 sur la santé mentale, il faut poursuivre la surveillance afin de mettre en place des mesures complètes et efficaces ciblant les risques de suicide, notamment chez les jeunes adultes.

Les objectifs de cet article étaient 1) d’estimer la prévalence des idées suicidaires pendant la pandémie de COVID‑19 chez les jeunes adultes de 18 à 34 ans par sous-groupes d’âge et 2) de déterminer quelles caractéristiques sociodémographiques et quels facteurs de stress liés à la pandémie pouvaient être associés à un risque accru d’idées suicidaires au sein de cette population.

Méthodologie

Source des données

Nous avons analysé les données transversales des cycles de 2020 et de 2021 de l’Enquête sur la COVID‑19 et la santé mentale (ECSM), une enquête représentative de la population à l’échelle nationaleNote de bas de page 14Note de bas de page 15. Menée par Statistique Canada en collaboration avec l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), l’ECSM a été conçue pour recueillir des données permettant d’évaluer les répercussions de la COVID‑19 sur la santé mentale et le bien-être chez les adultes. Le cycle de 2020 s’est déroulé du 11 septembre au 4 décembre 2020 (« automne 2020 »), et le cycle de 2021, du 1er février au 7 mai 2021 (« printemps 2021 »).

Les méthodologies employées dans les deux cycles de l’ECSM étaient pratiquement identiques. La population cible était les personnes de 18 ans ou plus vivant dans l’une des 10 provinces ou des 3 capitales territoriales. Un échantillon aléatoire simple de logements de chaque province et capitale territoriale a été choisi à partir du Fichier de l’univers des logements et on a échantillonné dans chaque logement un membre du ménage. Ont été exclues de l’enquête les personnes vivant en établissement, les personnes vivant dans des logements collectifs, sans adresse postale, dont le logement inscrit était inutilisé ou vacant, et celles vivant dans une réserve des Premières Nations. Ensemble, ces groupes formaient moins de 2 % de la population d’intérêt.

La participation à l’ECSM se fait sur une base volontaire, par un questionnaire en ligne ou par entretien téléphonique assisté par ordinateur. Le taux de réponse a été de 53,3 % (n = 14 689 répondants) pour le cycle de 2020 et de 49,3 % (n = 8 032 répondants) pour le cycle de 2021. Au total, 18 936 répondants (83,3 %) ont accepté de partager leurs données avec l’ASPC. Parmi eux, 3 265 personnes avaient de 18 à 34 ans. Nous avons exclu 10 répondants n’ayant pas répondu à la question sur les idées suicidaires et nous avons analysé les données des 3 255 autres répondants.

Mesures

Les idées suicidaires ont été décelées au moyen de la question : « Avez-vous sérieusement envisagé de vous suicider depuis le début de la pandémie de COVID‑19? » Les facteurs sociodémographiques analysés étaient le sexe, le groupe d’âge, l’appartenance à un groupe dit « racisé », le statut vis-à-vis de l’immigration, le tertile de revenu, le milieu de résidence, le niveau de scolarité, le fait de vivre seul ainsi que la défavorisation sociale et matérielle. L’indice de défavorisation matérielle et sociale conçu par l’Institut national de santé publique du Québec est une mesure des inégalités sociales et matérielles à l’échelle des quartiers fondée sur les aires de diffusion du recensementNote de bas de page 16Note de bas de page 17. La composante de défavorisation matérielle est formée des mesures du revenu, du niveau de scolarité et de l’emploi à l’échelle des aires de diffusion tandis que la composante de défavorisation sociale porte sur les liens sociaux, en l’occurrence l’état matrimonial, le fait de vivre seul et la monoparentalitéNote de bas de page 16Note de bas de page 17. Pour notre analyse, nous nous sommes fondés sur l’indice de défavorisation du Recensement de 2016.

Les variables considérées comme des facteurs de stress liés à la COVID‑19 étaient les expériences liées à la pandémie, la consommation d’alcool et de cannabis, les inquiétudes liées à la violence domestique, les symptômes de maladie mentale, le fait d’avoir déjà vécu des événements stressants au cours de la vie et la situation professionnelle. Ces variables, ainsi que les enquêtes, ont été décrites en détail ailleursNote de bas de page 18.

Analyses

Nous avons estimé la prévalence des idées suicidaires séparément dans les cycles de 2020 et de 2021 de l’ECSM, en fonction du sexe et du groupe d’âge. Nous avons ensuite estimé la prévalence des idées suicidaires à l’aide des données combinées des deux cycles en fonction des caractéristiques sociodémographiques et des facteurs de stress liés à la pandémie, puis nous avons utilisé des régressions logistiques pour analyser les disparités dans le fait de faire état d’idées suicidaires. Nous avons calculé les rapports de cotes (RC) bruts et les rapports de cotes ajustés (RCa) selon le sexe, le groupe d’âge et l’année d’enquête. Toutes les estimations ont été ajustées à l’aide des poids d’échantillonnage fournis par Statistique Canada et nous avons estimé les intervalles de confiance (IC) à 95 % avec la méthode de Copper-Pearson modifiéeNote de bas de page 19 et la technique d’autoamorçage (bootstrap). Nous avons mené les analyses à l’aide de l’application SAS Enterprise Guide, version 7.1 (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord, É.-U.).

Résultats

Le tableau 1 présente la prévalence des idées suicidaires en fonction du sexe et du groupe d’âge, en 2020 et en 2021. Dans les deux cycles, cette prévalence s’est révélée généralement plus élevée au sein des groupes d’âge plus jeunes. En 2021, elle était de 8,0 chez les 18 à 34 ans, avec un pic (10,7 %) chez les18 à 24 ans. Elle était similaire chez les femmes et chez les hommes (respectivement 7,8 % et 7,6 %) en 2021. La prévalence en apparence plus élevée chez les femmes en 2020 (5,2 % contre 2,9 % chez les hommes) n’est pas statistiquement significative.

Tableau 1. Prévalence des idées suicidaires durant la pandémie de COVID‑19Note de bas de page a, selon le sexe et le groupe d’âge, chez les 18 à 34 ans, Canada
Variable 2020Note de bas de page a 2021Note de bas de page a
n Prévalence en % (IC à 95 %) RC (IC à 95 %) n Prévalence en % (IC à 95 %) RC (IC à 95 %)
Ensemble 2 096 4,2 (3,1 à 5,6) s.o. 1 159 8,0 (5,7 à 10,9) s.o.
SexeNote de bas de page b
Femme 1 210 5,2 (3,7 à 7,1) 1,8 (0,9 à 3,7) 705 7,8 (4,8 à 11,8) 1,0 (0,5 à 2,1)
Homme 869 2,9 (1,5 à 5,1) (Réf.) 448 7,6 (4,4 à 12,1) (Réf.)
Groupe d’âge (ans)
18 à 24 500 5,2 (2,9 à 8,5) 1,7 (0,9 à 3,4) 273 10,7 (6,0 à 17,2) 1,8 (0,8 à 4,0)
25 à 29 640 4,6 (2,7 à 7,4) 1,5 (0,8 à 3,0) 369 7,1 (3,3 à 12,9) 1,2 (0,5 à 2,9)
30 à 34 956 3,1 (2,0 à 4,6) (Réf.) 517 6,2 (3,6 à 9,7) (Réf.)

Le tableau 2 présente la prévalence et les rapports de cotes associés aux idées suicidaires chez les 18 à 34 ans en fonction des caractéristiques sociodémographiques et des facteurs de stress liés à la pandémie, d’après les données combinées des cycles de 2020 et de 2021 de l’ECSM. Les probabilités d’idées suicidaires se sont révélées considérablement plus élevées chez les 18 à 24 ans, chez les personnes à revenu faible ou moyen, chez les personnes ayant un faible niveau de scolarité et chez les personnes vivant dans un milieu défavorisé sur le plan matériel. En revanche, les probabilités étaient beaucoup plus faibles chez les membres d’un groupe dit « racisé » et chez les personnes ayant immigré au Canada. Chez les jeunes adultes des milieux les plus défavorisés sur le plan matériel, les probabilités d’idées suicidaires étaient presque deux fois plus élevées que chez les jeunes adultes des milieux les moins défavorisés sur le plan matériel. Aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre les niveaux de défavorisation sociale.

Tableau 2. Prévalence et rapports de cotes associés aux idées suicidaires durant la pandémie de COVID‑19Note de bas de page a, selon les caractéristiques sociodémographiques et les facteurs de stress liés à la pandémie, chez les 18 à 34 ans, Canada
Variable n (%) Prévalence en % (IC à 95 %) RC (IC à 95 %) RCaNote de bas de page b
(IC à 95 %)
Ensemble 3 255 (100,0) 6,0 (4,8, 7,5) s.o. s.o.
Caractéristiques sociodémographiques
SexeNote de bas de page c
Femme 1 915 (50,5) 6,4 (4,8 à 8,5) 1,3 (0,8 à 2,2) 1,3 (0,8 à 2,2)
Homme 1 317 (49,5) 5,1 (3,3 à 7,3) (Réf.) (Réf.)
Groupe d’âge (ans)
18 à 24 773 (34,4) 7,9 (5,2 à 11,3) 1,8 (1,1 à 3,1)Note de bas de page * 1,8 (1,0 à 3,2)Note de bas de page *
25 à 29 1 009 (28,8) 5,8 (3,6 à 8,8) 1,3 (0,7 à 2,4) 1,2 (0,7 à 2,2)
30 à 34 1 473 (36,8) 4,5 (3,1 à 6,2) (Réf.) (Réf.)
Appartenance à un groupe dit « racisé »Note de bas de page d
Oui 935 (36,8) 3,9 (2,4 à 6,0) 0,6 (0,3 à 0,9)Note de bas de page * 0,6 (0,3 à 1,0)Note de bas de page *
Non 2 293 (63,2) 6,9 (5,2 à 9,0) (Réf.) (Réf.)
Immigrant
Oui 661 (25,7) 2,7 (1,1 à 5,4) 0,4 (0,2 à 0,8)Note de bas de page * 0,4 (0,2 à 0,9)Note de bas de page *
Non 2 588 (74,3) 7,2 (5,6 à 9,0) (Réf.) (Réf.)
Tertile de revenuNote de bas de page e
Faible 960 (30,8) 6,6 (4,5 à 9,3) 2,0 (1,1 à 3,9)Note de bas de page * 1,9 (1,0 à 3,7)
Moyen 1 006 (35,1) 6,8 (4,5 à 9,8) 2,1 (1,1 à 4,5)Note de bas de page * 2,0 (1,1 à 4,0)Note de bas de page *
Élevé 982 (34,1) 3,3 (1,9 à 5,5) (Réf.) (Réf.)
Milieu de résidence
Centre de population 2 625 (87,2) 6,3 (4,9 à 7,9) 1,3 (0,6 à 2,8) 1,3 (0,6 à 2,9)
Milieu rural 580 (12,8) 4,9 (2,3 à 8,9) (Réf.) (Réf.)
Niveau de scolarité
Études secondaires ou moins 887 (32,8) 10,1 (7,2 à 13,8) 2,7 (1,7 à 4,3)Note de bas de page *** 3,0 (1,8 à 5,2)Note de bas de page ***
Études postsecondaires 2 362 (67,2) 4,0 (2,9 à 5,3) (Réf.) (Réf.)
Personne vivant seule
Oui 524 (7,9) 7,5 (5,0 à 10,7) 1,3 (0,8 à 2,1) 1,3 (0,8 à 2,2)
Non 2 723 (92,1) 5,9 (4,6 à 7,5) (Réf.) (Réf.)
Présence d’enfants de moins de 18 ans à la maison
Oui 873 (21,1) 3,5 (2,2 à 5,3) 0,5 (0,3 à 0,9)Note de bas de page * 0,6 (0,4 à 1,2)
Non 2 379 (78,9) 6,7 (5,1 à 8,5) (Réf.) (Réf.)
Défavorisation matérielleNote de bas de page f
Milieu le moins défavorisé 1 542 (42,5) 4,4 (3,1 à 6,0) (Réf.) (Réf.)
Milieu modérément défavorisé 566 (18,1) 7,0 (4,0 à 11,2) 1,6 (0,9 à 3,1) 1,7 (0,9 à 3,4)
Milieu le plus défavorisé 950 (39,4) 7,7 (5,2 à 10,9) 1,8 (1,1 à 3,0)Note de bas de page * 1,8 (1,1 à 3,0)Note de bas de page *
Défavorisation socialeNote de bas de page f
Milieu le moins défavorisé 909 (35,6) 5,5 (3,2 à 8,7) (Réf.) (Réf.)
Milieu modérément défavorisé 549 (16,5) 7,3 (4,0 à 11,9) 1,4 (0,6 à 3,0) 1,4 (0,6 à 3,1)
Milieu le plus défavorisé 1 600 (48,0) 6,3 (4,6 à 8,3) 1,2 (0,6 à 2,1) 1,2 (0,6 à 2,1)
Expériences liées à la pandémie
Perte d’emploi/de revenu
Oui 990 (35,5) 7,6 (5,4 à 10,4) 1,5 (0,9 à 2,4) 1,5 (0,9 à 2,4)
Non 2 248 (64,5) 5,2 (3,7 à 7,0) (Réf.) (Réf.)
Difficulté à respecter des obligations financières ou à répondre à des besoins essentiels
Oui 648 (22,0) 9,3 (6,3 à 13,0) 1,9 (1,2 à 3,1)Note de bas de page * 1,9 (1,2 à 3,2)Note de bas de page *
Non 2 607 (78,0) 5,1 (3,8 à 6,7) (Réf.) (Réf.)
Perte d’un membre de la famille/d’un ami/d’un collègue
Oui 248 (8,6) 7,5 (4,1 à 12,3) 1,3 (0,7 à 2,4) 1,2 (0,6 à 2,4)
Non 2 990 (91,4) 5,9 (4,6 à 7,5) (Réf.) (Réf.)
Sentiment de solitude ou d’isolement
Oui 1 846 (56,7) 10,0 (7,8 à 12,5) 12,4 (6,9 à 22,0)Note de bas de page *** 11,1 (6,1 à 20,2)Note de bas de page ***
Non 1 392 (43,3) 0,9 (0,5 à 1,5) (Réf.) (Réf.)
Détresse émotionnelle
Oui 1 727 (51,2) 10,4 (8,1 à 13,1) 7,8 (4,0 à 15,1)Note de bas de page *** 7,7 (3,7 à 16,2)Note de bas de page ***
Non 1 511 (48,8) 1,5 (0,8 à 2,6) (Réf.) (Réf.)
Problème de santé physique
Oui 1 059 (34,3) 11,1 (8,3 à 14,5) 3,6 (2,1 à 6,0)Note de bas de page *** 3,1 (1,8 à 5,5)Note de bas de page ***
Non 2 179 (65,7) 3,4 (2,2 à 5,0) (Réf.) (Réf.)
Difficultés dans les relations personnelles
Oui 848 (26,7) 9,7 (7,0 à 12,9) 2,2 (1,3 à 3,5)Note de bas de page *** 2,1 (1,3 à 3,5)Note de bas de page ***
Non 2 390 (73,3) 4,7 (3,3 à 6,5) (Réf.) (Réf.)
Nombre de conséquences négatives de la COVID‑19 subies
0 ou 1 1 203 (37,3) 1,2 (0,4 à 2,7) (Réf.) (Réf.)
2 691 (20,0) 5,1 (2,5 à 9,3) 4,4 (1,4 à 13,9)Note de bas de page * 4,3 (1,3 à 13,9)Note de bas de page *
3 545 (15,4) 7,1 (3,7 à 12,0) 6,2 (2,1 à 18,2)Note de bas de page *** 5,2 (1,7 à 16,2)Note de bas de page ***
4 423 (13,2) 10,0 (6,3 à 14,9) 9,0 (3,3 à 25,0)Note de bas de page *** 8,3 (2,9 à 23,7)Note de bas de page ***
5 ou plus 376 (14,0) 15,3 (10,4 à 21,5) 14,8 (5,5 à 40,2)Note de bas de page *** 14,1 (4,8 à 41,6)Note de bas de page ***
Consommation de substances
Consommation accrue d’alcool
Oui 643 (16,6) 8,6 (5,6 à 12,4) 1,6 (1,0 à 2,7) 1,7 (1,0 à 2,9)
Non 2 608 (83,4) 5,5 (4,1 à 7,1) (Réf.) (Réf.)
Consommation de cannabis
Oui 1 503 (41,4) 8,6 (6,5 à 11,2) 2,1 (1,3 à 3,6)Note de bas de page *** 2,1 (1,2 à 3,5)Note de bas de page ***
Non 1 748 (58,6) 4,2 (2,7 à 6,2) (Réf.) (Réf.)
Consommation accrue de cannabis
Oui 377 (27,2) 11,7 (7,2 à 17,6) 1,7 (0,9 à 3,1) 1,6 (0,8 à 2,9)
Non 1 129 (72,8) 7,4 (5,1 à 10,3) (Réf.) (Réf.)
Symptômes modérés ou graves de maladie mentale
Trouble d’anxiété généralisée
Oui 687 (21,4) 15,4 (11,5 à 19,9) 5,0 (3,0 à 8,3)Note de bas de page *** 4,7 (2,7 à 8,1)Note de bas de page ***
Non 2 527 (78,6) 3,5 (2,3 à 5,0) (Réf.) (Réf.)
Trouble de dépression majeure
Oui 833 (26,9) 17,1 (13,2 à 21,6) 9,4 (5,4 à 16,3)Note de bas de page *** 8,5 (4,8 à 15,2)Note de bas de page ***
Non 2 342 (73,1) 2,1 (1,3 à 3,3) (Réf.) (Réf.)
Trouble de stress post-traumatique (TSPT)
Oui 331 (9,8) 19,7 (14,2 à 26,1) 5,3 (3,2 à 8,7)Note de bas de page *** 4,6 (2,6 à 8,2)Note de bas de page ***
Non 2 836 (90,2) 4,4 (3,2 à 6,0) (Réf.) (Réf.)
Autres facteurs
Événement stressant ou traumatisant au cours de la vie
Oui 1 860 (54,4) 8,5 (6,6 à 10,8) 2,9 (1,5 à 5,6)Note de bas de page *** 2,9 (1,5 à 5,6)Note de bas de page ***
Non 1 392 (45,6) 3,1 (1,6 à 5,2) (Réf.) (Réf.)
Inquiétudes liées à la violence domestique
Oui 125 (4,6) 11,4 (3,3 à 26,2) 2,1 (0,6 à 7,7) 2,1 (0,5 à 7,9)
Non 3 124 (95,4) 5,8 (4,5 à 7,2) (Réf.) (Réf.)
Situation professionnelle
Travailleur de première ligne 338 (7,9) 4,1 (1,9 à 7,6) 0,6 (0,3 à 1,3) 0,6 (0,3 à 1,4)
Travailleur essentiel autre que travailleur de première ligne 830 (25,2) 4,6 (2,7 à 7,3) 0,7 (0,4 à 1,2) 0,6 (0,4 à 1,1)
AutreNote de bas de page g 2 081 (67,0) 6,8 (5,1 à 8,8) (Réf.) (Réf.)

La plupart des expériences liées à la pandémie dont nous avons tenu compte se sont révélées associées à une probabilité accrue d’idées suicidaires, en particulier celles liées à un sentiment de solitude (RCa = 11,1; IC à 95 % : 6,1 à 20,2) ainsi qu’à une détresse émotionnelle (RCa = 7,7; IC à 95 % : 3,7 à 16,2). La relation dose-réponse était évidente : la probabilité d’idées suicidaires s’est révélée 14 fois plus élevée chez les jeunes adultes ayant subi cinq expériences liées à la pandémie ou plus que chez les personnes ayant subi aucune ou une seule expérience liée à la pandémie.

Analyse

Nous avons analysé les idées suicidaires chez les jeunes adultes de 18 à 34 ans au Canada, à l’aide des données des cycles de 2020 et de 2021 de l’ECSM. La prévalence des idées suicidaires a tendance à être plus élevée dans les groupes d’âge plus jeunes et dans certains sous-groupes sociodémographiques. Les facteurs de stress liés à la pandémie ont été associés à une prévalence accrue d’idées suicidaires.

En 2021, au Canada, la prévalence des idées suicidaires a été de 10,7 % chez les jeunes adultes de 18 à 24 ans, soit plus de deux fois plus que la prévalence globale des idées suicidaires chez les adultes (4,2 %)Note de bas de page 5. Les disparités relatives aux idées suicidaires que nous avons observées entre les groupes sociodémographiques, de même que les associations que nous avons observées avec les facteurs de stress liés à la pandémie ressentis par les jeunes adultes de 18 à 34 ans, sont compatibles avec ce qui a été observé dans une récente étude menée auprès d’adultes de 18 ans ou plusNote de bas de page 18. Nos résultats concordent également avec ceux d’une étude menée aux États-Unis, selon laquelle la proportion de personnes ayant sérieusement envisagé de se suicider au cours des 30 derniers jours en juin 2020 était plus élevée chez les répondants de 18 à 24 ans que chez les personnes plus âgées, et selon laquelle la prévalence diminue avec l’âgeNote de bas de page 9.

Pendant la pandémie, les jeunes adultes ont été davantage susceptibles que les adultes plus âgés d’éprouver des symptômes d’anxiété et de dépressionNote de bas de page 6Note de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22 et de ressentir de la solitudeNote de bas de page 7Note de bas de page 23; c’est aussi chez eux que l’on a observé la plus forte augmentation de détresse psychologique au fil du tempsNote de bas de page 8. La fermeture des écoles et des universités semble avoir joué un rôle en limitant les possibilités de forger et de maintenir des liens sociauxNote de bas de page 24. Des enquêtes menées en Allemagne ont révélé une forte prévalence des idées suicidaires chez les étudiants universitaires par rapport à la période précédant la pandémie ou les premiers mois de celle-ciNote de bas de page 25Note de bas de page 26. Une enquête nationale auprès d’étudiants de 18 à 35 ans en Norvège a révélé une corrélation négative entre le temps passé en personne sur le campus et les idées suicidairesNote de bas de page 27. La perte d’emploi pourrait aussi être un facteur, car les 15 à 24 ans étaient plus nombreux que les autres groupes d’âge à ne pas travailler pendant la pandémieNote de bas de page 28Note de bas de page 29. La prévalence des idées suicidaires était plus élevée chez les personnes vivant dans les milieux les plus défavorisés, ce qui corrobore les résultats antérieurs selon lesquels les idées suicidaires sont plus susceptibles de survenir chez les jeunes vivant dans la pauvretéNote de bas de page 30.

Dans le cadre de notre analyse, nous avons utilisé des données tirées de deux cycles d’une enquête ayant une taille d’échantillons modeste, ce qui limite la puissance statistique nécessaire pour déceler des différences significatives entre divers sous-groupes. Par ailleurs, la conception transversale de notre étude ne permet pas d’établir de relations de causalité. Néanmoins, d’après les résultats de notre étude, au Canada, la probabilité d’avoir des idées suicidaires est plus élevée chez les jeunes adultes que chez les adultes plus âgés, et des facteurs modifiables comme la solitude, de la détresse émotionnelle et des symptômes de maladie mentale ont joué un rôle important dans l’augmentation de cette probabilité. Ces résultats laissent entendre que les interventions en population et les interventions cliniques qui visent certains groupes d’âge et ciblent les principaux facteurs de risque pourraient contribuer à diminuer le risque de pensées suicidaires chez les jeunes adultes lors de la pandémie de COVID‑19.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Mary Sue Devereaux pour son aide en matière de rédaction.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

Tous les auteurs ont participé à la conception du projet. LL et GC ont rédigé la première version du manuscrit et tous les auteurs ont contribué aux révisions ultérieures. LL a effectué les analyses statistiques et tous les auteurs ont participé à l’interprétation des résultats. Tous les auteurs ont participé à l’analyse critique de chacune des versions de l’article et en ont approuvé la version définitive.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

Page précedente | Table des matières |

Détails de la page

Date de modification :