Recherche qualitative originale – Initiative en santé buccodentaire des enfants : le point de vue des intervenants quant à ses effets dans les communautés des Premières Nations
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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : septembre 2023
ISSN: 2368-7398
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Robert J. Schroth, D.M.D., Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 3Note de rattachement des auteurs 4Note de rattachement des auteurs 5Note de rattachement des auteurs 6; Grace Kyoon-Achan, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Mary McNally, D.D.S., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 7; Jeanette Edwards, BOT (ergothérapie), M.G.S.S.Note de rattachement des auteurs 6; Penny White, hygiéniste dentaire autoriséeNote de rattachement des auteurs 8; Hannah Tait Neufeld, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 9; Mary Bertone, B. Sc. (hygiène dentaire), maîtrise en santé publiqueNote de rattachement des auteurs 10; Alyssa Hayes, B. Dent., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 11; Khalida Hai-Santiago, D.M.D.Note de rattachement des auteurs 6Note de rattachement des auteurs 12; Leona StarNote de rattachement des auteurs 13; Wendy McNab Fontaine, M.A.Note de rattachement des auteurs 13; Kathy Yerex, hygiéniste dentaire autorisée, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 10; Olubukola O. Olatosi, BDS (dentisterie), maîtrise en santé publiqueNote de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 4Note de rattachement des auteurs 14; Michael E. K. Moffatt, M.D., M. Sc.Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 3Note de rattachement des auteurs 4; Vivianne Cruz de Jesus, BDS (dentisterie), Ph. D.Note de rattachement des auteurs 4Note de rattachement des auteurs 14
https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.9.01f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Rattachement des auteurs
Correspondance
Robert J. Schroth, Département des sciences de médecine dentaire préventive, Université du Manitoba, 715, avenue McDermot, bureau 507, Winnipeg (Manitoba) R3E 3P4; courriel : robert.schroth@umanitoba.ca
Citation proposée
Schroth RJ, Kyoon-Achan G, McNally M, Edwards J, White P, Tait Neufeld H, Bertone M, Hayes A, Hai-Santiago K, Star L, McNab Fontaine W, Yerex K, Olatosi OO, Moffatt MEK, Cruz de Jesus V. Initiative en santé buccodentaire des enfants : le point de vue des intervenants quant à ses effets dans les communautés des Premières Nations. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(9):439-450. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.9.01f
Résumé
Introduction. Depuis 2004, l’équipe de l’Initiative en santé buccodentaire des enfants (ISBE) œuvre dans de nombreuses communautés inuites et des Premières Nations du Canada à remédier aux disparités en matière de santé buccodentaire, en particulier en ce qui concerne la carie de la petite enfance. Alliant prévention et dentisterie peu invasive, l’approche communautaire de l’ISBE améliore la santé buccodentaire dans la petite enfance. Le programme a pour but de réduire le plus possible le fardeau de la maladie buccodentaire, en particulier d’éviter les opérations chirurgicales. Nous avons étudié les résultats du programme au sein des communautés des Premières Nations du Manitoba du point de vue du personnel de l’ISBE.
Méthodologie. Des thérapeutes dentaires et des aides dentaires œuvrant dans des communautés des Premières Nations ont participé à trois groupes de discussion et à une entrevue semi-structurée approfondie. Les données rassemblées ont été analysées par thème.
Résultats. Des thèmes convergents propres aux professionnels des soins dentaires sont ressortis des données obtenues auprès de 22 participants. Les participants ont indiqué que les thérapeutes dentaires et les aides dentaires offrent un accès à des soins buccodentaires de base dans les communautés : l’évaluation de la santé buccodentaire, le nettoyage des dents, l’application de vernis fluoré et la pose d’agents de scellement. Les participants étaient d’accord pour affirmer que l’éducation, l’information et des relations culturellement appropriées avec les parents sont cruciales pour la prestation d’un soutien continu et le renforcement des capacités au sein des programmes communautaires. Parmi les défis mentionnés, il y a le peu d’inscriptions au programme, les difficultés d’accès aux domiciles et d’obtention du consentement, le manque de ressources humaines et l’insuffisance des occasions d’apprentissage offertes aux aides dentaires.
Conclusion. Dans l’ensemble, les participants ont indiqué que l’ISBE contribuait favorablement à la santé buccodentaire dans la petite enfance au sein des communautés des Premières Nations. Cependant, une offre accrue en matière de formation du personnel dentaire au sein des communautés, le fait que les membres des communautés soient au courant de l’existence du programme et la participation des parents en vue de processus de prestation et de consentement culturellement appropriés seraient essentiels à l’amélioration des résultats du programme.
Mots-clés : recherche qualitative, santé buccodentaire dans la petite enfance, peuples autochtones, soins dentaires aux enfants, santé buccodentaire dans les communautés, promotion de la santé buccodentaire, Manitoba, Canada.
Points saillants
- L’Initiative en santé buccodentaire des enfants (ISBE) est un programme qui contribue à la promotion de la santé buccodentaire dans la petite enfance au sein des communautés des Premières Nations du Manitoba.
- Les intervenants de l’ISBE travaillent en réseau avec les programmes communautaires en place et offrent des services dentaires, de l’éducation préventive en santé buccodentaire et des soins dans le cadre de visites à domicile et à l’école.
- La difficulté qu’il y a à accéder aux domiciles et à obtenir le consentement, les mauvaises conditions de logement, des ressources limitées et la formation insuffisante des aides dentaires constituent des obstacles à la prestation de soins préventifs efficaces en santé buccodentaire.
- Pour l’efficacité de l’ISBE, il est crucial de faire connaître davantage le programme aux membres des communautés, ainsi que d’accroître leur participation et le soutien que reçoivent les intervenants du programme.
- Le traitement opportun de la carie de la petite enfance et le maintien d’une meilleure santé buccodentaire grâce à l’ISBE pourraient contribuer à réduire la fréquence et la gravité des caries.
Introduction
L’intervention communautaire qu’est l’Initiative en santé buccodentaire des enfants (ISBE) a été lancée en 2004. Financée par le gouvernement fédéral, l’ISBE a été mise en œuvre à l’échelle nationale dans de nombreuses communautés inuites et des Premières Nations par la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits (DGSPNI) de Services aux Autochtones Canada, qui souhaitait favoriser la santé buccodentaire dans la petite enfance et prévenir la carie de la petite enfance. On a mis sur pied ce programme de santé des populations pour remédier aux iniquités et aux disparités qui désavantagent les peuples autochtones au CanadaNote de bas de page 1Note de bas de page 2. Les caries de la petite enfance chez les membres des Premières Nations et les Inuits évoluent souvent en caries de la petite enfance sévèresNote de bas de page 3Note de bas de page 4. L’ISBE s’adresse aux enfants jusqu’à 7 ans, aux personnes qui en prennent soin et aux femmes enceintes. Les interventions que prévoit le programme sont des soins préventifs non chirurgicaux fournis au sein de la communautéNote de bas de page 5.
Étant une initiative communautaire, l’ISBE est axée sur la prise en charge par les communautés : les administrations sanitaires des communautés participantes embauchent et apportent leur soutien aux aides dentaires qui fournissent les services au sein de leur communauté. Cette approche s’inscrit dans le droit fil des objectifs d’autonomie gouvernementale et d’autodétermination des Premières Nations dans le domaine des soins de santéNote de bas de page 6Note de bas de page 7 et des recommandations de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtonesNote de bas de page 8.
La DGSPNI a la responsabilité de fournir les ressources nécessaires à la mise en œuvre de l’ISBE dans les communautés de la plupart des provinces canadiennes, dont le ManitobaNote de bas de page 9. Les intervenants de l’ISBE, c’est-à-dire les hygiénistes, les thérapeutes et les aides dentaires, sont embauchés par les organisme des Premières Nations ou les bandes des Premières Nations dans les collectivités qui assument la responsabilité de leurs propres services de santé et, dans les autres communautés inuites et des Premières Nations, c’est la DGSPNI qui applique le programme.
Les aides dentaires de l’ISBE servent de courroie de transmission entre les membres des communautés et les soins de santé buccodentaire : ils assurent la liaison et travaillent en réseau avec les individus et les programmes, ils font œuvre de sensibilisation à la santé buccodentaire et ont une mission éducative en santé buccodentaire, ils collaborent avec les thérapeutes dentaires et les hygiénistes dentaires et prennent les rendez-vous auprès d’eux et enfin ils mènent des activités générales de promotion de la santé et de prévention des maladies, telles que l’application de vernis fluoréNote de bas de page 5.
Des évaluations antérieures de l’ISBE ont porté sur les parents et les aidants dont les enfants participaient au programme et elles visaient à évaluer leur point de vue quant à l’efficacité du programme relativement à l’amélioration de l’accès à des services dentaires préventifsNote de bas de page 10. L’effet à long terme des services offerts par les aides dentaires de l’ISBE en lien avec l’accès aux services dentaires préventifs du programme a aussi été mesuréNote de bas de page 11. Selon ces études, le programme aurait réussi à améliorer l’accès aux soins de santé buccodentaireNote de bas de page 10Note de bas de page 11. Les parents et les aidants qui ont participé à l’une de ces études ont indiqué que la stratégie communautaire de prévention en santé buccodentaire avait eu un effet bénéfique sur les connaissances et les comportements en matière de santé buccodentaire de toute la communautéNote de bas de page 10. Mathu-Muju et ses collaborateursNote de bas de page 11 ont aussi constaté que la présence des aides dentaires encourageait l’inscription au programme et facilitait l’accès aux services dentaires préventifs, en particulier là où le programme n’avait jamais été interrompu et avait été mis en œuvre de façon constante durant plusieurs années.
Jusqu’à présent, le point de vue des intervenants de l’ISBE sur les services qu’ils offrent à tire de thérapeutes, d’hygiénistes et d’aides dentaires n’avait pas été exploré. Notre recherche a pour but d’évaluer les résultats de l’ISBE dans les communautés des Premières Nations du Manitoba à travers les observations et les expériences du personnel de l’ISBE y travaillant. Nos constatations pourraient orienter les décisions relatives à la poursuite de l’ISBE, à sa modification et à son élargissement à de nouvelles communautés inuites et des Premières Nations. Nous avions pour objectifs généraux d’explorer la disposition des intervenants de l’ISBE à l’égard du programme et leur expérience de celui-ci et également de recueillir leur point de vue quant aux effets du programme sur la santé dentaire des enfants inuits et des Premières Nations, c’est-à-dire tant les réussites de l’ISBE que les défis associés à la prestation du programme.
Méthodologie
Approbation éthique
L’approbation éthique de l’étude a été obtenue du comité d’éthique de la recherche sur l’être humain de l’Université du Manitoba (HS19539 - H2016:096) et du Health Information and Research Governance Committee (HIRGC) du Secrétariat à la santé et au développement social des Premières Nations du Manitoba.
Plan de l’étude et sélection des participants
Notre étude qualitative a consisté en une entrevue approfondie auprès d’un informateur clé et en trois séances de discussion indépendantes mais consécutives rassemblant des intervenants de l’ISBE. Nous avons procédé par échantillonnage au jugé (par choix raisonné) afin de sélectionner des cas riches en information. Les intervenants de l’ISBE admissibles à notre étude travaillaient pour la DGSPNI ou pour des organismes ou bandes particulières des Premières Nations au Manitoba. La DGSPNI a aidé l’équipe de recherche à mener l’échantillonnage au jugé et nous a directement mis en lien avec des participants. Cette méthode d’échantillonnage a été jugée adéquate, car la DGSPNI était en relation avec tous les participants potentiels.
En décembre 2019, l’équipe de recherche a invité les intervenants de l’ISBE travaillant dans des communautés au Manitoba à participer aux groupes de discussion à Winnipeg. Nous nous sommes appuyés sur la théorie ancrée dans des données empiriques afin de comprendre l’expérience des participants à l’égard de l’ISBE et afin de recueillir leur point de vue quant aux effets du programme sur la santé dentaire des jeunes enfants inuits et des Premières Nations. Au cours du processus, il y a d’abord eu simultanément une collecte de données au moyen d’entrevues et des analyses préliminaires, puis les thèmes qui sont ressortis de cette étape ont été appliqués au cycle suivant de collecte de données. La collecte et l’analyse répétées d’information constituent un élément clé de la théorie ancrée dans des données empiriques. Nous avons conçu les notions et les thèmes à partir des expériences et des points de vue communs aux participants à l’étude.
Participants à l’étude
Vingt-deux intervenants de l’ISBE ont participé aux séances de discussion et à l’entrevue. L’informateur clé, qui était à la fois coordonnateur de l’ISBE et hygiéniste dentaire et qui travaillait avec de nombreuses communautés des Premières Nations, a été interrogé séparément, car il avait de vastes connaissances mais ne pouvait pas participer aux séances de discussion.
Les séances de discussion ont eu lieu en personne, et l’entrevue auprès de l’informateur clé a été effectuée par téléphone. Chaque groupe de discussion comptait sept participants, et les séances ont duré environ 90 minutes. Ces séances ont eu lieu au Centre des congrès RBC à Winnipeg à l’occasion d’une séance de formation de l’ISBE. Les participants ont reçu une modeste rétribution en remerciement du temps consacré à l’étude.
La procédure relative aux séances de discussion et le guide d’entrevue ont été revus et approuvés par l’équipe de recherche. Des renseignements sur l’étude et des formulaires de consentement ont été distribués avant le début des séances. On a mentionné aux participants que leur participation était libre et volontaire et qu’ils pouvaient retirer leur consentement à tout moment des séances de discussion et quitter les lieux.
Collecte et analyse des données
Des questionnaires individuels ont été distribués au début des séances, avant la discussion proprement dite et l’entrevue. Les questionnaires remplis n’ont pas été transmis à la responsable de la recherche qualitative avant que toutes les données n’aient été recueillies, et les participants ne se sont pas identifiés et n’ont pas identifié les autres pendant les séances de discussion.
La responsable de la recherche qualitative (GK-A), une femme ayant plus de 5 ans d’expérience en recherche qualitative et provenant de l’extérieur des communautés, a animé les séances de discussion, accompagnée de deux preneurs de notes. GK-A a aussi mené l’entrevue auprès de l’informateur clé. Comme elle ne travaillait pas pour l’ISBE, il lui était possible de produire des thèmes et des notions sans idées préconçues.
Tous les participants ont répondu à 12 questions d’entrevue ouvertes (qui figurent dans le tableau 1) visant à rendre compte de leur disposition, de leurs opinions et de leurs valeurs dans le contexte de leur travail. Le guide d’entrevue a fait l’objet d’une validation et de consultations auprès d’experts du domaine. Les données ont été générées principalement à l’occasion d’interactions de groupe. Les questions d’entrevue devaient servir de guide, les participants étant encouragés à s’exprimer librement sur le sujet abordé, dans leurs propres termes.
Tableau 1. Guide destiné aux séances de discussion et à l’entrevue auprès de l’informateur clé
Section A : Utilisation de l’ISBE
- Pouvez-vous définir, en utilisant vos propres termes, ce que l’Initiative en santé buccodentaire des enfants fait dans votre communauté?
- Selon votre propre expérience de travail pour l’ISBE, êtes-vous d’avis que le programme fait du bien aux enfants dans votre communauté?
- Qu’est-ce qui motive les familles à inscrire leurs enfants à l’ISBE?
Section B : Sécurité et respect culturels
- Pouvez-vous indiquer ce que fait le personnel de l’ISBE pour mettre les participants à l’aise?
- Pouvez-vous donner des exemples de la façon dont le personnel de l’ISBE fait preuve de respect pour les différentes cultures et manières de se traiter les uns les autres?
Section C : La contribution de l’ISBE à la vision globale de la santé et du bien-être
- Que pensez-vous du rôle de l’ISBE par rapport à la santé et au sentiment de bien-être généraux de ses clients? Comment y contribue-t-elle?
Section D : Des enfants, des familles et des communautés en bonne santé
- Quel est l’âge des enfants qui participent à l’ISBE?
- Dans votre communauté, les femmes enceintes et les jeunes parents participent-ils aux séances éducatives sur la santé buccodentaire?
Section E : Effets de l’ISBE
- Croyez-vous que l’ISBE a amélioré la santé dentaire des enfants dans votre communauté?
- Croyez-vous que les opérations dentaires chez les enfants sont en baisse dans votre communauté?
Perfectionnement professionnel continu
- Que pensez-vous du perfectionnement professionnel du personnel de l’ISBE?
- Avez-vous d’autres commentaires ou expériences à nous communiquer?
Abréviation : ISBE, Initiative en santé buccodentaire des enfants
Les participants ont eu l’occasion de prendre connaissance des notes prises pendant les séances et de les commenter. Les entrevues ont été enregistrées sur bande sonore et transcrites textuellement. La responsable de la recherche qualitative (GK-A) a vérifié l’exactitude des données transcrites à partir des séances de discussion et de l’entrevue auprès de l’informateur clé, les a codées manuellement et en a fait ressortir les différentes idées et les thèmes principaux. L’analyse thématique a ensuite été effectuée pour comprendre l’expérience des intervenants de l’ISBE et recueillir leur point de vue quant aux effets du programme sur la santé dentaire des jeunes enfants inuits et des Premières Nations.
Les données ont été téléchargées et analysées au moyen de la version 12 du logiciel NVivo (QSR International Pty Ltd., Melbourne, Australie)Note de bas de page 12.
Résultats
Caractéristiques individuelles
Seuls 17 des 22 intervenants de l’ISBE qui ont participé aux séances de discussion et à l’entrevue ont rempli le questionnaire individuel. Quatorze participants se sont identifiés comme membres des Premières Nations. Sept intervenants de l’ISBE étaient thérapeutes dentaires, deux étaient assistants dentaires, un était hygiéniste dentaire, trois étaient aides dentaires et un était dentiste. Une participante a indiqué qu’elle avait une formation d’« éducatrice en santé communautaire ». Deux n’ont pas précisé leur niveau de formation.
À l’exception d’un participant qui représentait six communautés des Premières Nations et d’un autre qui en représentait 11, les participants représentaient chacun une seule communauté. Globalement, environ 25 communautés des Premières Nations étaient ainsi représentées.
L’âge moyen des participants était de 47,4 ans (intervalle : 25 à 62 ans; É.-T. : 10,8). Seize étaient des femmes, et une personne a préféré ne pas communiquer son sexe/genre. Les participants avaient travaillé au sein du programme en moyenne 11,4 ans (intervalle : 3 à 15 ans; É.-T. : 3,5).
Principaux thèmes
Les principaux thèmes cernés par la responsable de la recherche qualitative d’après les données issues des séances de discussion et de l’entrevue auprès de l’informateur clé, attestés par des citations circonstanciées, figurent dans le tableau 2.
Thèmes | Citations |
---|---|
La prestation de services dentaires | Dans ma communauté, je suis seule à travailler pour l’ISBE. Donc, j’offre des services aux enfants de 0 à 7 ans, et je me rends à la garderie, où je fais signer des formulaires de consentement. Je propose aussi des applications de fluorure à l’école, directement dans les salles de classe. Et je travaille avec les femmes enceintes [et] les jeunes mères : je fais des présentations à ces deux groupes. Je fais également de l’éducation sur l’hygiène buccodentaire auprès de chaque enfant, ainsi qu’auprès de chaque parent au moment des examens dentaires et des applications de fluorure. Tout cela en même temps. Les examens dentaires se font dans mon cabinet au moment des rendez-vous. [A007] Prévention de la carie de la petite enfance. Détection précoce des maladies dentaires […] Consultations dentaires précoces et application de vernis fluoré. Je ne fais pas beaucoup de visites à domicile, mais [les gens] viennent à mon cabinet. [B002] J’imagine que ça dépend de la population qu’il y a là où on travaille… vous êtes plutôt au nord, et je suis au sud, donc de mon côté, le taux de carie n’est pas si élevé, et les habitudes sont différentes […] Donc pour nous, ça marche vraiment bien. [Mais] je trouve que si l’on essaie de faire des statistiques, si l’on veut un portrait très, très général […] on veut comparer deux personnes qui vivent dans une maison et des gens qui ont 8 enfants… ce sont des statuts sociaux très différents… Donc ce programme fonctionne pour moi, car j’ai des enfants qui par exemple ont besoin de deux obturations temporaires. Bien sûr, l’obturation temporaire permet d’empêcher la perte d’une dent, mais il y a aussi des enfants à qui on doit enlever plusieurs dents et faire des pulpotomies sous anesthésie générale. C’est très varié. En ce qui me concerne, ça fonctionne. J’aime le programme. [B003] |
Fourniture de produits d’hygiène dentaire | Tous les élèves de l’ISBE reçoivent régulièrement une brosse à dents, jusqu’en 2e année, et ils ont donc un programme de brossage de dents en classe. Et lorsque j’y vais pour les examens dentaires et l’application du fluorure, j’arrive avec mes autocollants, et ils sont très excités de recevoir le leur. S’ils me disent qu’ils n’en ont pas [de brosse à dents], […] je leur dis de venir me voir à la fin, que je leur en donnerai une qu’ils pourront rapporter à la maison. [B001] Lorsqu’il y a des activités, je distribue des trousses pour les parents et les enfants. Il s’agit de trousses pour les adultes dans lesquelles il y a les articles pour les enfants. À l’école, je ne le fais pas […] Dans chaque classe qui participe au programme de brossage des dents, des brosses à dents sont remises au maître ou à la maîtresse, qui les utilise dans le cadre du programme; la quantité suffit généralement pour toute l’année. Il y a ce type de programme dans les garderies aussi. Dans les écoles, c’est un peu au petit bonheur la chance : certains enseignants sont attachés au programme, alors que pour d’autres, c’est une corvée… je continue de travailler là-dessus. Il y a eu une communauté où j’ai été très surprise. Le directeur de l’école est totalement contre le programme de brossage de dents […] Il m’a enlevé mes moyens. Je discutais avec les professeurs du programme de brossage de dents, et quand je lui en ai parlé, il m’a dit : « Plus on en fait à l’école, moins les parents en font à la maison. » J’ai été très étonné, car il avait commencé par me demander : « Alors, comment vont les dents des enfants? » Je n’en avais examiné que quelques-uns, mais j’avais vu pire, alors j’ai répondu que ça ne semblait pas trop mal. Il a reçu l’information et a pensé : « Très bien, dans ce cas nous n’avons pas besoin de programme de brossage de dents. » [D00TPST] |
Éducation préventive à la santé buccodentaire | Eh bien, les parents et les enfants, en fonction de l’âge… Nous allons au Programme d’aide [préscolaire aux Autochtones] à [la] garderie, et nous informons aussi les travailleurs de ces zones [collectivités urbaines et nordiques]. Nous leur expliquons les bonnes techniques d’hygiène buccodentaire, la façon d’étaler le dentifrice, la brosse à dents… la base, tout simplement. [A001] Nous offrons aussi des services éducatifs : nous informons par exemple les jeunes mères et les femmes enceintes sur la façon de prendre soin de leur bouche et des conséquences sur la santé dentaire de l’enfant à naître. Donc, ce que nous essayons de faire, c’est d’offrir de l’information dans la communauté, aux mères, aux pères et aux autres personnes qui viennent au cabinet avec un enfant. Et oui, parfois [d’autres programmes dans la communauté] nous demandent de donner des présentations dans les cours prénataux, ou encore la garderie nous demande de venir expliquer les bonnes techniques de brossage et de rangement du dentifrice et des brosses à dents, des choses comme ça. [A006] L’ISBE, c’est de la prévention, pour les dents des enfants, et ce que je fais, c’est que je discute avec les parents de jeunes enfants et je leur présente le programme, ce à quoi il sert, et je leur dis que nous sommes là pour aider les enfants à éviter les caries… Je suis seule depuis un certain temps; il n’y a pas de dentiste qui travaille avec moi en ce moment. [Je fais] davantage de travail d’éducation auprès de la communauté, car certaines de ces jeunes mères, elles me disent qu’elles ne connaissaient pas le programme, que ça leur plaît et que donc elles vont emmener leurs autres enfants qui en ont besoin. [C002] |
Visites à domicile et à l’école | Nous avons un grand groupe, c’est-à-dire que nous avons, disons, peut-être […] 500 enfants à l’école qui sont admissibles à l’ISBE. Et puis, nous allons aussi au Programme d’aide [préscolaire aux Autochtones] et dans les garderies. Lorsqu’il y a des périodes creuses, nous […] tentons aussi d’atteindre la communauté : nous faisons des visites à domicile. [Lorsque nous faisons ces visites à domicile], nous abordons la santé buccodentaire. Nous essayons par exemple de corriger la façon dont ils pratiquent les soins buccodentaires à la maison. Et en fait, beaucoup d’entre eux n’ont pas cette habitude… ils ne prennent pas vraiment soin de leur bouche et de leurs dents à la maison. Nous essayons donc de les mettre sur la bonne voie. [A001] Je travaille beaucoup avec les élèves en classe au début. J’ai l’impression qu’ils sont plus à l’aise en classe pour apprendre que si je les reçois en cabinet. Donc, je me trouve à me rendre en classe, où je fais [le brossage] avec eux, pour qu’ils sachent quoi faire avec la brosse à dents qu’ils reçoivent… Ils me voient à l’école de temps en temps, alors ils sont plus à l’aise avec moi que si je n’étais qu’une dentiste qu’ils voient une fois ou deux par an. [B001] Eh bien, j’apprends aux enfants comment faire et je leur parle de la façon de se brosser les dents, et je fais aussi des visites aux jeunes parents à la maison; je leur dis à quel point la propreté des dents des enfants est importante et aussi de consulter régulièrement un thérapeute dentaire. [C003] |
Orientation vers les services d’un dentiste et consultations régulières | [Est-ce que] l’orientation vers des services de chirurgie fait partie du mandat de l’ISBE? […] même effectuer ces orientations et s’organiser pour que les enfants obtiennent les soins est un élément nécessaire et nous nous en occupons. [A004] Les consultations dentaires régulières, oui, j’imagine, peut-être. Par exemple, je vois qu’une fois le programme terminé, des élèves de 3e année et de 6e année sont amenés en consultation pour leurs dents. C’est facile pour moi d’interagir avec les enfants quand ils sont plus vieux, parce qu’ils m’ont vue à l’école. Alors, ils viennent me voir s’ils ont besoin de soins dentaires ou d’une consultation dentaire. Je pense donc que l’interaction tôt dans l’enfance avec l’ISBE est bénéfique, parce qu’ils sont informés, ils savent qu’ils peuvent obtenir des soins dentaires. [B002] Il est certainement possible [que la participation à l’ISBE mène à des consultations dentaires régulières], mais je n’ai aucun moyen de savoir si c’est mon programme qui fait qu’ils vont plus souvent chez le dentiste. J’ai tendance à penser que tout ce qui sensibilise à la santé buccodentaire et à l’importance de garder ses dents de lait et d’avoir une bouche saine pour la santé globale [aide]. Je crois que si les parents savent ça, ils feront ce qu’ils peuvent pour leurs enfants. [D00TPST] |
Réseautage avec les programmes au sein de la communauté aux fins de la santé buccodentaire dans la petite enfance | Ce que j’ai compris en tant qu’aide dentaire, c’est que mon rôle est d’entrer en relation avec les différents programmes, afin que la communauté sache que je suis là. Donc, après environ 10 ans d’affichage et d’interactions avec les familles, on peut penser que les gens savent que nous sommes là. [A003] Je dirais que l’ISBE offre beaucoup de services préventifs au sein de ma communauté. Là où je passe la majorité de mon temps de clinique à faire du travail préventif comme la pose de vernis et d’agents de scellement, lorsque j’ai un aide dentaire, nous arrivons à faire plus d’éducation et à tirer avantage des autres programmes, comme le programme prénatal et le programme postnatal, etc. Je pense au travail d’équipe… Je travaille en équipe avec le dentiste itinérant… Nous nous faisons mutuellement un compte rendu chaque semaine au sujet des enfants que nous recevons : les 0 à 4 ans, les patients orientés vers des services spécialisés, on se fait des renvois, des suivis […] Je n’ai aucune difficulté à pouvoir examiner les 4 ans et plus et les enfants de la garderie. [C005] Je dirais sans aucun doute qu’il y en a. Ils m’accueillent dans la collectivité, et la communauté scolaire, dans l’ensemble, est très favorable à la présence de l’ISBE. Ils me reçoivent à l’école afin que je voie les enfants et me permettent aussi d’effectuer les examens dentaires, l’application de fluorure et la pose d’agents de scellement. [Au] centre médical, la plupart des gens voient le programme d’un œil favorable. Lorsque j’arrive, je préviens le directeur du centre. S’il n’est pas là, je m’installe tout simplement. Il n’y a aucun problème. [D00TPST] |
Les résultats de l’analyse thématique des séances de discussion et de l’entrevue sont présentés en deux grandes catégories : la disposition des intervenants de l’ISBE à l’égard du programme et leur point de vue quant à ses effets sur les communautés; les défis que doivent relever les intervenants de l’ISBE dans la prestation du programme.
Analyse thématique : la disposition des intervenants de l’ISBE à l’égard du programme et leur point de vue quant à ses effets sur les communautés
Tous les intervenants de l’ISBE ont indiqué qu’ils ciblaient avant tout les enfants jusqu’à 7 ans. Ils travaillent aussi auprès des futures mères et des jeunes mères. Selon les dires d’un participant :
L’ISBE est un programme conçu pour offrir aux enfants de 0 à 7 ans des soins buccodentaires préventifs. Dans les écoles, [nous] voyons les enfants de la garderie à la 2e année, et [dans la] communauté, les parents d’enfants de 0 à 4 ans. [D00TPST]
Certains participants ont indiqué qu’ils offraient leurs services à des enfants plus vieux. L’un d’entre eux a indiqué :
Oui, en principe, je dois m’adresser aux jeunes enfants de l’ISBE, mais je ne m’arrête pas à la 2e année. Je donne des présentations jusque dans les classes de 12e année […] Je ne vois pas d’autre façon de m’assurer qu’ils reçoivent l’information. [A003]
Les participants ont indiqué qu’ils fournissaient des services dentaires afin que les clients n’aient pas à attendre pour l’obtention de soins. Ils sensibilisent la population à l’importance de l’hygiène buccodentaire des jeunes enfants et éduquent les enfants et les parents au sujet de la santé buccodentaire. Ils distribuent aussi des produits d’hygiène buccodentaire à ceux qui en ont besoin et effectuent des visites à domicile et à l’école afin d’informer les parents et les enseignants au sujet de la santé buccodentaire.
Les thérapeutes dentaires participants ont expliqué que la pression quant à l’offre de traitement faisait que cette fonction prenait souvent le pas sur les activités de prévention et de promotion de la santé buccodentaire de l’ISBE. Par conséquent, ils accueillaient favorablement l’appui des aides dentaires dans l’élargissement des aspects éducatifs de la santé buccodentaire dans la petite enfance :
Je travaille en tant que thérapeute dentaire depuis de très nombreuses années, et par le passé, toutes les tâches que l’on effectue dans le cadre de l’ISBE nous revenaient, et nous en avions la charge seuls. Un des grands avantages de l’ISBE est la présence de l’aide, qui nous soulage des rencontres individuelles prénatales [avec les mères], des rencontres individuelles avec les parents, des présentations et de tout ce qui concerne le réseautage au sein de la collectivité […] Cela nous décharge du poids que représente la partie préventive du programme. [C006]
Certains thérapeutes dentaires ont indiqué qu’ils travaillaient seuls, sans aide dentaire, et qu’ils avaient tendance à axer leurs efforts sur les activités en clinique, n’élargissant leurs activités aux écoles qu’à l’occasion. Dans l’ensemble, ils jugeaient que l’ISBE aidait à freiner l’évolution de la carie de la petite enfance. Tous les participants ont signalé avoir constaté des changements positifs, l’ISBE permettant de faire le nécessaire pour que davantage de personnes des communautés aient accès aux services :
Le vernis fluoré, que nous appliquons trois fois par an, si nous le pouvons […] nous permet d’arrêter beaucoup de caries […] Je constate que les extractions chez les enfants de 3e année ont pas mal diminué… Donc, oui, je constate que c’est efficace. [A007]
Analyse thématique : les défis relatifs à la promotion de la santé buccodentaire et à la prestation des soins
Certains participants ont indiqué qu’ils se trouvaient devant des défis en ce qui concerne la prestation des services dans les collectivités : ils avaient du mal à accéder aux domiciles et aux écoles en vue d’effectuer les évaluations de la santé buccodentaire ou de tenir des séances éducatives auprès des parents. L’accès aux domiciles pourrait être entravé par l’incapacité à déterminer où les clients et les patients vivent et par le manque de temps, temps qui permettrait d’inclure à l’horaire des visites à domicile. Il se pourrait aussi que certaines familles hésitent à accueillir le personnel du programme chez eux ou soient embarrassées de le faire. Des intervenants de l’ISBE ont aussi indiqué craindre pour leur sécurité en raison du fait qu’ils ne savent pas comment ils seront accueillis chez les gens, en particulier à la suite d’attaques par des chiens qui ont eu lieu. Certains étaient d’avis que les patients devraient être orientés vers les cliniques locales pour tous les soins buccodentaires préventifs :
Je ne […] fais pas de visites à domicile, [l’aide dentaire] ne […] fait pas de visites à domicile… car des infirmières qui l’ont fait se sont fait mordre par des chiens et ce genre de choses… certaines personnes ne sont pas à l’aise. [B003]
Par exemple, moi je ne serais pas très à l’aise si quelqu’un venait se garer dans mon entrée et me dire « eh, salut, je voudrais mettre du vernis dans la bouche de votre enfant ». Alors, bien sûr, la réponse est non. Les cliniques sont là pour ça […] Je ne pense pas qu’il faille courir après [les clients]. [B003]
Des intervenants de l’ISBE ont indiqué qu’il faudrait des défenseurs du programme dans les écoles et les milieux communautaires :
Dans une communauté… le directeur de l’école est totalement contre le programme de brossage de dents… Il m’a dit : « Plus on en fait à l’école, moins les parents en font à la maison. » J’ai été très étonnée, car il avait commencé par me demander : « Alors, comment vont les dents des enfants? » Je n’en avais examiné que quelques-uns, mais j’avais vu pire, alors j’ai répondu que ça ne semblait pas trop mal. Il a reçu l’information et a pensé : « Très bien, dans ce cas nous n’avons pas besoin de programme de brossage de dents. » [D00TPST]
Un autre défi quant à la prestation efficace de l’ISBE est la pénurie de main-d’œuvre et la nécessité de mieux former les aides dentaires disponibles. Des thérapeutes dentaires ont indiqué qu’ils n’accordaient pas la priorité aux visites à domicile en raison de leur horaire chargé. L’une d’entre eux l’a exprimé comme suit :
Je ne proviens d’aucune des communautés au sein desquelles je travaille. Je ne sais pas où vivent les gens et je n’ai pas d’aide dentaire ni quiconque qui serait de la communauté et pourrait prendre de son temps de travail pour venir me montrer où vivent les uns et les autres. De plus… il faut habituellement que [les clients/élèves] soient de retour en classe pour repartir vers la maison vers 14 h 50 […] c’est aussi le seul moment où je peux voir les adultes de la communauté, après les heures de classe. [B001]
Des participants ont aussi signalé que les conditions de logement constituent parfois pour les personnes qui prennent soin des enfants des obstacles à l’application des apprentissages sur la santé buccodentaire. Les intervenants de l’ISBE ont indiqué craindre que les conseils préventifs donnés pendant les séances éducatives ne soient pas adoptés ni suivis par les parents :
Oh, on peut former [les parents/aidants] tant qu’on veut, [mais cela] ne veut pas dire qu’ils vont le faire. La principale raison [est qu’ils] n’en ont pas le temps ou [qu’ils] n’ont pas de lavabo dans [leur] salle de bain. [B005]
Une autre inquiétude réelle concernait le fait que les parents et les aidants au sein des communautés voient désormais comme normal le traitement de la carie de la petite enfance sous anesthésie générale :
J’ai aussi l’impression que c’est presque comme un rite de passage, comme s’il fallait faire faire cette opération avant l’entrée à l’école, à l’instar des vaccinations. [A004]
Les parents croient que [l’anesthésie générale] est une étape normale de la vie de l’enfant. [B005]
En fait, la plupart des enfants que je vois […] ont déjà eu [une anesthésie générale]. [C001]
Le fait qu’il n’y ait pas de suivi des patients après référencement auprès d’un spécialiste constitue aussi un défi considérable. Des participants ont indiqué que la communication et la coordination étaient mauvaises entre les intervenants de l’ISBE présents dans les communautés et les dentistes et thérapeutes dentaires qui viennent de l’extérieur des réserves. Par exemple, des dentistes et des cabinets dentaires renvoient dans leur communauté des patients qui ont besoin d’autres soins à la suite d’une opération sans leur remettre les documents utiles et sans fournir l’information préliminaire aux fournisseurs de soins dentaires dans la communauté :
Après l’opération, certains professionnels qui offrent les traitements en ville disent bien aux parents de consulter pour une évaluation deux semaines plus tard… mais cela ne se fait pas. [Les cabinets dentaires] envoient un rapport au bureau régional, qui nous le transmet, mais il arrive qu’un mois passe après l’opération [le délai de deux semaines n’est pas vraiment respecté]. Parfois aussi, on ne reçoit aucun rapport. [A001]
Les participants ont aussi signalé des difficultés et des retards dans l’obtention des formulaires de consentement nécessaires à la prestation des soins buccodentaires préventifs. Dans la plupart des cas, les formulaires sont remis aux élèves à l’école, et ceux-ci doivent les remettre à leurs parents puis les rapporter. Il arrive que les formulaires se perdent en cours de route. La présence d’aides dentaires plus nombreux, pouvant travailler directement avec les familles, serait utile à l’obtention rapide des consentements, car ils pourraient répondre aux questions par téléphone et lors de l’intégration du programme dans la communauté :
Je crois que si je pouvais faire participer davantage l’aide dentaire, elle pourrait faire des tâches utiles comme appeler les gens, être la personne-ressource à contacter par téléphone en cas de questions et obtenir les formulaires de consentement. Les écoles coopèrent très bien : elles envoient les formulaires de consentement […] mais de façon sporadique. Quand j’arrive dans la communauté, je trouve trois ou quatre nouveaux formulaires de consentement, alors on peut dire qu’ils arrivent au compte-gouttes. Lorsque je me déplace par avion dans la communauté, j’essaie d’y rester assez longtemps […] pour que l’on puisse à nouveau envoyer les formulaires de consentement à remplir et qu’ils reviennent pendant que je suis là […] Cela dit, je n’ai pas la possibilité d’attendre tous les formulaires et de voir tous les enfants. [D00TPST]
Certains participants ont affirmé craindre que même après plusieurs années de présence du programme dans les communautés, celui-ci ne soit pas encore assez connu. Des thérapeutes dentaires et des aides dentaires ont évoqué des sentiments de découragement en raison du fait que malgré tous les efforts consacrés à freiner la carie de la petite enfance, le nombre d’enfants ayant des caries était toujours élevé :
On diffuse les connaissances sur la santé dentaire dans les communautés, et les enfants sont donc traités plus tôt, lorsqu’ils sont plus jeunes, mais cela ne se traduit pas nécessairement par une amélioration de la santé, car ils ont toujours des caries. Elles sont simplement traitées plus tôt […] les statistiques et l’indice CAOD [nombre total de dents de lait cariées, absentes ou obturées] ne changent pas vraiment […] Je veux dire [que] l’ISBE change les choses, mais lentement. [C005]
Dans l’ensemble, les participants trouvent le programme utile. Ils ont indiqué que les changements apportés par le programme n’étaient peut-être pas énormes, mais que celui-ci permettait de résoudre des problèmes buccodentaires dans les communautés :
Je crois que ça fonctionne. Ce n’est pas […] un truc renversant ni évident, qui laisse une grande empreinte, mais lentement, on règle les petits problèmes qui forment la grande problématique… Je suis moi-même membre des Premières Nations, j’ai grandi en milieu isolé, je sais exactement ce à quoi nous faisons face […] Mais j’adore ce que je fais. Nous tentons d’accomplir ce qui est en notre pouvoir, et j’imagine que cela aide de disposer d’une autre paire de mains pour réussir à toucher plus de gens au cours de nos journées de travail. [C005]
Les défis et les obstacles qui limitent l’efficacité de la promotion de la santé buccodentaire et de la prestation des soins selon les intervenants de l’ISBE figurent dans le tableau 3.
Thèmes | Citations |
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La difficulté d’accès aux domiciles | Il y a tellement de familles et tellement d’enfants que les visites à domicile sont malheureusement impossibles. Je n’en fais pas, et un autre obstacle est la réticence des familles… Je suis moi-même de la communauté, je sais où vivent beaucoup de ses membres. J’ai proposé cette option aux parents qui sont venus consulter […] Nous nous rendons bien compte que beaucoup d’entre eux n’appellent pas et ne nous informent pas, mon aide et moi. [B002] Beaucoup d’entre eux n’ont pas le téléphone, alors si on prend l’initiative [de les appeler] d’abord, leur parler relève de la chance. Et si on arrive sans prévenir, ils sont habituellement embarrassés en raison des conditions dans lesquelles ils se trouvent. Soit on les réveille, soit ils sont gênés parce qu’ils ne viennent pas de se laver ou pour une autre raison. C’est un obstacle. On ne sait pas où ils sont ni ce qu’ils font. [B004] |
La formation insuffisante des aides | Je travaille aussi dans le domaine depuis de très nombreuses années et je crois bien que je participe à l’ISBE depuis mes débuts en tant que thérapeute dentaire… [Ce programme] existe depuis longtemps. Maintenant, on l’appelle l’ISBE, il s’adresse aux 0 à 7 ans, et la présence d’un aide est prévue. À mon avis, certains aides sont bons, d’autres ont besoin d’une formation un peu plus poussée, et il nous en faudrait plus qui aient une formation dentaire. L’aide de l’ISBE qui me seconde actuellement [est] très bien, car elle connaît sa communauté, elle sait où chacun vit, elle sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans la manière d’aborder les parents de sa communauté au sujet de leur attitude par rapport à la santé, en particulier la santé dentaire […] comme je l’ai dit, il leur faudrait une formation un peu plus poussée, mais je crois sincèrement que l’ISBE rend service aux communautés. [C007] |
Le nombre insuffisant d’intervenants que compte le programme | Il y a environ 150 naissances par an ici. Une année, je crois qu’il y en a même eu… 168. Il n’y en a jamais moins de 140 [ce qui signifie que le nombre d’intervenants que compte le programme est insuffisant pour que l’on s’occupe de tous les petits enfants]. [A002] Au moment des examens dentaires en classe, nous sommes en relation avec les enseignants; par ailleurs, nous avions un programme de brossage de dents, mais il s’est détérioré à cause des enseignants. Il faut aussi comprendre que beaucoup d’enfants dans les classes [relèvent] des réserves des Premières Nations […] L’équilibre à créer en classe par rapport à ces enfants est un facteur de stress pour l’enseignant, et on veut en plus leur demander de participer à un programme de brossage de dents […] C’est trop leur demander […] Et c’est vraiment gentil de la part de ceux qui acceptent […] [B003] Je suis de [une communauté isolée], et la population y est très nombreuse. Il y a de 4 000 à 5 000 personnes, et ce nombre fluctue. Je dirais qu’il peut y avoir jusqu’à 500 personnes [de passage]. La population est aussi très jeune, et il peut y avoir jusqu’à 80 naissances par an, en plus des bébés qui naissent hors réserve… qui sont nombreux également. Au sein du programme, là où je travaille actuellement, il y a surtout des écoliers, car je n’ai plus d’aide dentaire associée à l’ISBE depuis un moment […] En fait, je dirais que même lorsqu’elle était là, nous voyions surtout des écoliers, parce qu’elle avait de la difficulté à obtenir de voir les tout-petits de zéro à quatre ans. À l’époque, je crois que nous n’intervenions dans la collectivité qu’une fois par année scolaire. Donc, la plupart du temps, elle était à la clinique avec moi. Nous y recevons quelque chose comme […] 60 à 80 enfants de quatre ans et environ 60 enfants de maternelle, ainsi que 60 élèves de 1re année. Je dirais qu’il y a approximativement 250 à 300 enfants de l’école inscrits à l’ISBE. À ceux-là […] s’ajoutent 150 à 200 petits de zéro à quatre [ans] que nous devrions voir. [C007] |
L’obtention du consentement | Il est difficile d’arriver à rencontrer les femmes enceintes. Ma communauté ne vit pas en région isolée, [mais] beaucoup de femmes [sortent de] la collectivité pour aller accoucher. Par conséquent, le centre médical n’a pas nécessairement de liste complète. Le bureau du conseil de bande a une telle liste, mais il faudrait que je m’y rende avec la liste des femmes admissibles et qu’ils me disent qui vit au sein de la communauté et qui vit à l’extérieur. Donc en fait, oui, je dois les trouver par moi-même. [A003] Eh bien… si nous disposons du formulaire de consentement qui vise la garderie à la 2e année, on voit l’enfant en question chaque année. Mais à partir de la 3e année, il faut obtenir un nouveau consentement tous les ans, et c’est l’enfant qui doit le remettre à ses parents puis le rapporter. Le document se perd. Ensuite, à partir de la 9e année, le jeune est scolarisé à Winnipeg. [B005] |
Les mauvaises conditions de logement | Oh, on peut former [les parents/aidants] tant qu’on veut, [mais cela] ne veut pas dire qu’ils vont le faire. La principale raison [est qu’ils] n’en ont pas le temps ou [qu’ils] n’ont pas de lavabo dans [leur] salle de bain. [B005] |
Les caries à répétition dans les dents de lait | Alors moi, vous voyez, j’y vais. Je m’active pour toucher les gens, je m’essaie auprès de tous les programmes. Je donne des présentations à l’école et aux jeunes mères, mais les chiffres demeurent élevés. Mais les facteurs sont tellement multiples… J’ai aussi l’impression que l’on prend l’initiative à la place des parents lorsque l’on se rend dans les écoles. Parce que quelqu’un va me sortir : « Alors, pourquoi vous ne faites pas le brossage de dents avec les enfants? » Eh bien, c’est votre travail. Nous faisons tout ce que nous pouvons, mais les chiffres demeurent vraiment élevés. J’ai presque l’impression d’avoir perdu la bataille. Alors, quand on me demande si j’ai l’impression que les enfants tirent des bienfaits de l’ISBE, je ne sais pas quoi répondre, [car] mes chiffres sont encore très élevés en ce qui concerne les opérations buccodentaires. [A005] |
Les patients perdus au moment du référencement | Après l’opération, certains professionnels qui offrent les traitements en ville disent bien aux parents de consulter pour une évaluation deux semaines plus tard […] mais cela ne se fait pas. [Les cabinets dentaires] envoient un rapport au bureau régional, qui nous le transmet, mais il arrive qu’un mois passe après l’opération [le délai de deux semaines n’est pas vraiment respecté]. Parfois aussi, on ne reçoit aucun rapport. [A001] |
Analyse
Investir dans les soins de santé au sein des communautés, afin de favoriser un contrôle local sur les soins et d’améliorer l’état de santé des Autochtones, est essentielNote de bas de page 13Note de bas de page 14. L’ISBE a été mise en œuvre en 2004 en vue de réduire la carie de la petite enfance, qui accable les enfants autochtonesNote de bas de page 5.
Au cours de notre étude, nous avons évalué l’expérience des intervenants de l’ISBE au sein des communautés et nous avons recueilli leur point de vue quant aux effets du programme sur les enfants des Premières Nations et leur famille au Manitoba. Selon les participants à l’étude, l’ISBE contribue à favoriser la santé buccodentaire dans la petite enfance et à prévenir la carie de la petite enfance dans les communautés des Premières Nations. Ce point de vue complète celui des parents et des aidants des bénéficiaires du programmeNote de bas de page 10. Les participants décrivent leurs tâches comme offrant des possibilités d’influer positivement sur la santé buccodentaire dans la petite enfance et comme étant par conséquent bénéfiques pour les enfantsNote de bas de page 5.
Un facteur clé du succès soutenu que connaît le programme est la présence régulière d’aides dentaires dans les communautés participantesNote de bas de page 5Note de bas de page 11. Ceux-ci organisent des activités visant à favoriser une bonne santé buccodentaire et font un travail de proximité et de mobilisation en tenant compte des particularités culturelles, accompagnant les thérapeutes dentaires – qui axent leurs efforts sur les interventions dentaires préventives – et les dentistes – lorsqu’il y en a. L’aide dentaire joue un rôle essentiel dans la santé buccodentaire au sein des communautés. Il facilite l’accès à des soins dentaires et met à profit son capital social, c’est-à-dire sa connaissance de la culture et de la langue de la communauté, pour informer les enfants à l’école et les familles à la maison et pour réseauter avec d’autres programmes sociaux et de santéNote de bas de page 15Note de bas de page 16.
Il faut tenir des activités communautaires de promotion de la santé buccodentaire pour favoriser la santé buccodentaire dans la petite enfance au sein des communautés autochtonesNote de bas de page 17. Hodgins et ses collaborateursNote de bas de page 18 ont déjà évalué le rôle des travailleurs de soutien en santé dentaire dans la promotion de la santé buccodentaire auprès des populations et l’établissement de liens entre les familles comptant de jeunes enfants et les cabinets dentaires dans le cadre du programme écossais Childsmile. D’après leurs constatations, la probabilité que les enfants se rendent chez le dentiste et le fassent tôt dans leur enfance est plus grande chez ceux qui bénéficient de l’intervention de ces auxiliaires que chez les autresNote de bas de page 18. Cela met en évidence la valeur des aides dentaires pour ce qui est de créer un pont entre la population et le fournisseur de soins dentaires.
L’accès à des soins de santé culturellement sécurisants constitue un défi considérable pour les communautés autochtones rurales et isoléesNote de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 21. Les services dentaires fournis dans les communautés par l’intermédiaire de l’ISBE remédient aux longs délais d’attente pour les soins en cabinet dentaire à l’extérieur des communautés. Les intervenants de l’ISBE dans les communautés sensibilisent la population à l’importance de l’hygiène buccodentaire des jeunes enfants et éduquent les enfants et les parents au sujet de la santé buccodentaire. Ils distribuent aussi des produits d’hygiène buccodentaire à ceux qui en ont besoin et effectuent des visites à domicile et à l’école afin d’informer les parents et les enseignants au sujet de la santé buccodentaire.
La promotion de la santé buccodentaire culturellement adaptée et menée par les Autochtones champions de la cause que sont les intervenants de l’ISBENote de bas de page 22 tient compte des déterminants sociaux de la santé buccodentaire des enfantsNote de bas de page 23. Dans leurs efforts, ces intervenants s’appuient sur des connaissances et des pratiques culturelles pour prévenir la carie de la petite enfance au sein des communautés autochtonesNote de bas de page 24. Dans le cadre de l’ISBE, les assistants et les thérapeutes dentaires, dont bon nombre sont issus des collectivités où ils travaillent, sont sensibles aux conditions de vie sur place et aux besoins globaux des personnes qu’ils servent. Les intervenants du programme savent que les déterminants sociaux et les choix et comportements des parents sont étroitement liés et que, par conséquent, pour entraîner des changements, l’éducation doit se faire dans de bonnes conditions. Par exemple, les personnes à qui l’on enseigne les comportements aptes à prévenir la carie de la petite enfance doivent pouvoir se procurer les produits d’hygiène buccodentaire recommandés.
Selon une étude évaluant le point de vue des thérapeutes dentaires exerçant dans le delta du Yukon-Kuskokwim en Alaska, la population et les fournisseurs de soins de santé buccodentaire ont mentionné les bienfaits de l’éducation communautaire fournie par les thérapeutes dentaires et une amélioration de l’accès aux soins dentaires et des connaissances en matière de santé buccodentaire au fil des ansNote de bas de page 25. Chi et ses collaborateursNote de bas de page 25 ont constaté les bienfaits de la présence de fournisseurs de soins de santé buccodentaire qui comprennent la culture et les besoins des communautés locales, ce que notre étude a confirmé. Selon une autre étude, également menée dans le delta du Yukon-Kuskokwim en Alaska, le nombre de jours de traitement dentaire fournis par les thérapeutes dentaires auprès de la population était négativement corrélé aux extractions et positivement corrélé à l’application des soins préventifs chez les enfants et les adultes, démontrant l’importance des thérapeutes dentaires dans la promotion de la santé buccodentaire au sein des collectivités où l’offre de services est insuffisanteNote de bas de page 26.
Le recrutement et la formation en plus grand nombre de professionnels dentaires qui puissent être efficaces dans leurs fonctions permettraient d’augmenter les capacités et de relever certains défis. L’information pourrait être offerte par l’intermédiaire d’ateliers de proximitéNote de bas de page 27 et d’une collaboration interprofessionnelle soutenue rassemblant les programmes ayant le même objectif d’améliorer la résilience au niveau des collectivités localesNote de bas de page 28.
Les grandes communautés tireraient profit de la présence d’aides dentaires plus nombreux pour le travail auprès des familles et des enfants. Les thérapeutes et les aides dentaires peuvent agir de façon proactive pour expliquer l’accessibilité et les bienfaits du programme. Le fait de disposer de connaissances est essentiel à la santé. Ainsi, pour le succès du programme, il serait utile de s’appuyer sur les méthodes éprouvées d’apprentissage communautaire que sont les interactions entre personnes et avec d’autres programmes ainsi que sur la consultation de ressources en ligneNote de bas de page 17.
Au cours d’une étude antérieure menée par la même équipe de recherche, des parents de communautés du Manitoba ont mentionné les méthodes les plus efficaces pour la diffusion de l’information relative à la santé buccodentaire. Parmi celles-ci, il y avait les fiches d’information et le matériel didactique visuel rédigés dans les langues locales ainsi que l’utilisation des médias sociaux, la distribution de produits de soins buccodentaire par l’intermédiaire de programmes communautaires et les visites à domicile pour un enseignement pratiqueNote de bas de page 17. Dans notre étude, la difficulté d’accès aux domiciles a cependant été citée comme un obstacle à la prestation de soins de santé buccodentaire préventifs par des intervenants de l’ISBE, qui craignaient pour leur sécurité. L’organisation des visites en amont, précédées d’appels téléphoniques ou de conversations virtuelles (selon les possibilités et lorsque c’est approprié), pourrait améliorer cet accès aux domiciles.
Grâce à leur travail de sensibilisation auprès de davantage de familles au sein des communautés, les aides dentaires obtiennent le consentement d’un plus grand nombre de parents et d’aidants pour l’inscription des enfants au programme. Lorsqu’ils inscrivent les enfants à l’ISBE, les parents et les aidants signent les formulaires de consentement requis. Toutefois, les intervenants du programme doivent veiller à ce que les demandes de consentement et l’obtention des consentements se fassent dans le respect des protocoles locaux et des attentes individuellesNote de bas de page 29. Rencontrer les parents en personne pour leur expliquer le programme et obtenir un consentement écrit ou verbal susciterait sans doute davantage d’inscriptions que le processus actuel, qui consiste pour les enfants à remettre à leurs parents un formulaire hors contexte.
Les participants se sont aussi dits préoccupés par le référencement des patients vers des soins dans la communauté pour un suivi à la suite d’opérations sous anesthésie générale. Comme certains enfants ont besoin de soins buccodentaires poussés qui ne peuvent pas être donnés par le personnel de l’ISBE, le programme et le personnel doivent établir et maintenir des relations avec des fournisseurs et des spécialistes à l’extérieur de la communauté. Une communication plus soutenue entre les intervenants de l’ISBE et les cabinets dentaires pourrait améliorer l’orientation des patients et le calendrier des rendez-vous de suivi au sein de la communauté.
Points forts et limites
Notre étude est la première à évaluer le point de vue des intervenants de l’ISBE dans les communautés quant à l’utilité et aux effets du programme. L’étude offre des témoignages directs et approfondis au sujet des déterminants structurels et culturels de la santé buccodentaire des enfants dans les communautés des Premières Nations. Les aides dentaires de l’ISBE sont des gardiens du savoir, et les opinions et difficultés qu’ils nous ont communiquées sont précieuses pour l’élaboration des stratégies d’amélioration de l’efficacité du programme dans les diverses communautés.
Néanmoins, bien que l’approche qualitative de l’étude offre des points de vue critiques issus de l’expérience de représentants de 25 communautés des Premières Nations, il se pourrait que les résultats ne soient pas pertinents pour d’autres communautés des Premières Nations. De plus, certains participants pourraient avoir eu l’impression que certaines des questions étaient dirigées et influençaient leurs réponses. D’autres études sont nécessaires à l’évaluation des effets du travail des intervenants de l’ISBE sur la santé buccodentaire des enfants : on pourrait notamment mesurer les changements dans l’évolution des maladies dentaires, comme le taux d’opérations dentaires sous anesthésie générale et la proportion d’enfants qui ont recours aux soins dentaires dans les communautés.
Conclusion
Les succès en matière de santé buccodentaire dans la petite enfance au sein des communautés autochtones doivent se poursuivre grâce au maintien d’approches de la santé buccodentaire culturellement adaptées, qui assurent la prise en charge des parents et des enfants et permettent l’adoption des bonnes pratiques. Les aides dentaires jouent un rôle crucial dans la promotion de la santé buccodentaire dans les communautés des Premières Nations, car ils proviennent généralement eux-mêmes des communautés, ils comprennent le contexte local, ils en parlent parfois la langue et ils en comprennent la culture, ce qui fait qu’avec le temps, chacun d’eux peut devenir la référence dans sa communauté en tant qu’éducateur en santé buccodentaire.
Dans l’ensemble, les intervenants de l’ISBE qui ont participé à notre étude qualitative étaient d’accord pour dire que le programme fournit des services de santé buccodentaire qui assurent une prévention de la carie de la petite enfance et une promotion de la santé buccodentaire dans la petite enfance significatives dans les communautés des Premières Nations. Malgré ces effets favorables, certains importants défis demeurent à relever : il faudrait notamment offrir une formation uniforme améliorée aux intervenants, ainsi qu’un soutien continu et un renforcement des capacités en ce qui concerne la régularité de l’engagement communautaire.
Remerciements
Nous remercions la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits (DGSPNI) au Manitoba pour son aide dans le recrutement des participants à l’étude. Nous remercions aussi les participants, pour le temps qu’ils nous ont consacré et les avis qu’ils nous ont communiqués.
Conflits d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Financement
Les Instituts de recherche en santé du Canada ont financé ces travaux de recherche [subvention de fonctionnement destinée à la recherche interventionnelle en santé des populations numéro FRN 145125, 2016].
Contributions des auteurs et avis
RJS et MM : conception, supervision, acquisition du financement, enquête, analyse, rédaction de la première version du manuscrit. GK-A : analyse formelle, enquête, méthodologie, rédaction de la première version du manuscrit, révisions et relectures. JE, PW, HTN, MB, AH, KH-S, LS, WMF, KY, OOO, MEKM, VCJ : visualisation, rédaction de la première version du manuscrit, révisions et relectures.
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