Recherche quantitative originale – Décès accidentels liés à une intoxication aiguë due à une substance chez les aînés en 2016 et en 2017 : une étude nationale d’examen des dossiers
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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : mars 2024
ISSN: 2368-7398
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Jingru Helen Ha, maîtrise en santé publiqueNote de rattachement des auteurs 1; Jacqueline Burt, maîtrise en santé publiqueNote de rattachement des auteurs 2; Shane Randell, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Amanda VanSteelandt, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1
https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.3.03f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Cet article fait partie de notre série sur la mortalité par surdose accidentelle.
Attribution suggérée
Cet article de recherche par Ha JH et al. dans la Revue PSPMC est mis à la disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0 International
Rattachement des auteurs
Correspondance
Amanda VanSteelandt, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario) K1S 5H4; tél. : 613-294-5944; courriel : amanda.vansteelandt@phac-aspc.gc.ca
Citation proposée
Ha JH, Burt J, Randell S, VanSteelandt A. Décès accidentels liés à une intoxication aiguë due à une substance chez les aînés en 2016 et en 2017 : une étude nationale d’examen des dossiers. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2024;44(3):97-109. https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.3.03f
Résumé
Introduction. Il existe peu de recherches sur les décès liés à une intoxication aiguë due à une substance chez les aînés (60 ans et plus) au Canada. Cette étude vise à explorer et à décrire les caractéristiques sociodémographiques, les antécédents en matière de santé et les circonstances des décès en ce qui concerne les décès accidentels liés à une intoxication aiguë chez les aînés.
Méthodologie. À la suite d’une analyse descriptive rétrospective de tous les dossiers des coroners et des médecins légistes sur les décès accidentels liés à une intoxication aiguë due à une substance chez les aînés au Canada de 2016 à 2017, les pourcentages de décès et les taux de mortalité issus des données des coroners et des médecins légistes ont été comparés aux données sur les aînés de la population générale tirées du recensement de 2016. Dans la mesure du possible, nous avons réalisé des tests du chi carré pour les variables nominales.
Résultats. En 2016 et 2017, 705 décès accidentels liés à une intoxication aiguë chez les aînés ont été documentés. Dans 61 % des cas, ce sont plusieurs substances qui ont contribué au décès. Le fentanyl, la cocaïne et l’éthanol (alcool) sont les substances les plus souvent en cause. Les maladies du cœur (33 %), la douleur chronique (27 %) et la dépression (26 %) ont souvent été documentées. Environ 84 % des aînés avaient pris contact avec des services de soins de santé au cours de l’année précédant leur décès. Le décès a eu lieu en présence d’un témoin dans 14 % des cas seulement.
Conclusion. Nos constatations permettent de mettre en lumière les facteurs sociodémographiques, contextuels et les antécédents médicaux pouvant avoir une incidence sur les décès liés à une intoxication aiguë due à une substance chez les aînés et d’ainsi proposer des aires clés de prévention.
Mots-clés : surdose de drogues, surdose d’opioïdes, mortalité, aînés, consommation de substances, Canada, intoxication aiguë
Points saillants
- Les hommes de 60 ans et plus ont un taux plus élevé de décès lié à une intoxication aiguë accidentelle que les femmes.
- Dans les cas où une substance pharmaceutique a contribué au décès accidentel par intoxication aiguë, 61 % des aînés avaient obtenu une ordonnance pour cette substance. Au moins une substance non pharmaceutique a contribué au décès dans 43 % des décès accidentels par intoxication aiguë chez les aînés.
- Une combinaison de substances a contribué à la plupart des décès accidentels (61 %), le fentanyl, la cocaïne et l’éthanol (alcool) étant les substances les plus souvent en cause.
- Près des trois quarts des aînés décédés d’une intoxication aiguë avaient eu accès à des soins de santé au cours de l’année précédant leur décès.
Introduction
Au Canada, les décès par intoxication aiguë liée à une substance constituent un problème de santé publique persistant. À l’échelle nationale, les données sur ces décès au sein de sous-groupes particuliers de population, par exemple les personnes de 60 ans et plus, sont limitées. Ce que nous savons, c’est que les personnes de ce groupe d’âge comptaient pour 9 à 11 % des décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes entre 2016 et 2022 et pour 8 à 10 % des décès apparemment liés à une intoxication aux stimulants entre 2018 et 2022Note de bas de page 1. Cette étude vise à mieux comprendre les caractéristiques des personnes de 60 ans et plus décédées d’une intoxication aiguë, de même que les substances en cause et les circonstances du décès.
Plusieurs facteurs biomédicaux exposent les aînés à un risque élevé d’intoxication aiguë : les changements pharmacocinétiques liés à l’âge, lesquels entraînent notamment une augmentation du gras corporel qui prolonge la demi-vie des médicaments liposolubles (comme le diazépam), la diminution de l’eau corporelle, qui augmente la concentration des médicaments hydrosolubles (comme l’éthanol), la diminution du métabolisme, qui peut mener à des concentrations d’équilibre plus élevées de certains médicaments (comme l’alprazolam) et enfin la diminution de l’excrétion des médicaments (comme la morphine) en raison d’une diminution du débit cardiaque et de la fonction rénaleNote de bas de page 2. Très peu d’études cliniques ont été menées pour analyser les changements de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie avec l’âge, alors que l’on sait que les effets indésirables des médicaments incluent une mortalité accrueNote de bas de page 2.
Plus particulièrement, dans le cas des opioïdes, l’efficacité et les effets secondaires attendus sont susceptibles de changer dans la mesure où les fonctions biologiques évoluent avec l’âgeNote de bas de page 3. Les changements liés à la distribution des médicaments dans l’organisme, à la perturbation du métabolisme et à l’élimination des médicaments sont susceptibles d’accroître la puissance, la durée d’action et les effets secondaires des opioïdesNote de bas de page 3. Les écarts dans la distribution des médicaments entre les aînés et les jeunes adultes sont explicables par la diminution du temps de digestion et l’augmentation du pH gastrique provoquées par les médicaments couramment utilisés par les aînés, de même que par l’augmentation du tissu adipeux conjuguée à la diminution globale du volume d’eau et de la masse du corpsNote de bas de page 3.
Les aînés sont plus susceptibles d’avoir plusieurs ordonnances pour traiter de nombreux problèmes de santé, notamment des ordonnances pour des opioïdes utilisés dans le traitement de la douleurNote de bas de page 4Note de bas de page 5, ce qui augmente la probabilité d’ingestion d’une dose incorrecte et d’erreurs de prescriptionNote de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8. Une étude de cohorte fondée sur la population de l’Ontario (Canada) a révélé que les adultes de plus de 45 ans et les femmes étaient plus susceptibles d’avoir une ordonnance active d’opioïdes au moment de leur décès que les adultes de moins de 25 ans et les hommesNote de bas de page 9.
Certains aînés utilisent également des substances pour répondre à des besoins médicaux ou psychologiques non comblés ou pour des raisons non médicales. À titre d’exemple, parmi les personnes de 65 ans et plus ayant consommé du cannabis pour des raisons médicales et non médicales, 72 % l’ont fait pour des raisons liées à la douleur, 29 % pour aider à traiter leurs problèmes de sommeil et 12 % pour gérer leur anxiété ou leur dépressionNote de bas de page 10. Environ 6,1 % des personnes de 60 à 75 ans ont déclaré avoir consommé des substances illicites au cours de l’année précédente et 7,6 % ont fait état d’une consommation d’alcool à haut risque (consommation de 5 verres ou plus en une ou plusieurs occasions ou consommation de plus de 10 verres [pour les femmes] ou de plus de 15 verres [pour les hommes] au cours de la semaine écoulée)Note de bas de page 11. L’utilisation d’autres substances parallèlement à la prise de médicaments d’ordonnance est susceptible d’accroître le risque d’intoxication aiguë. La consommation de substances peut aussi entraîner ou aggraver certaines maladies courantes chez les aînés, en particulier le diabète, les maladies cardiovasculaires ou les affections pulmonairesNote de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14, et ces problèmes de santé peuvent rendre les aînés plus sensibles à une intoxication aiguë et les exposer à un risque plus élevé de décès après une intoxication aiguëNote de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 17.
Comme l’isolement social et la stigmatisation peuvent aussi avoir une influence sur la consommation de substances par les aînés, les interventions sociales et structurelles pourraient constituer une occasion de modifier le risque de consommationNote de bas de page 18Note de bas de page 19. Par exemple, en raison du nombre croissant avec l’âge de problèmes médicaux et d’ordonnances, les aînés ont davantage recours aux services de soins de santéNote de bas de page 20. Les points de contact avec les services de soins de santé pourraient donc être mis à profit pour réaliser des interventions en matière de santé mentale et de consommation de substances, en particulier pour les aînés bénéficiant d’un soutien social moindre.
La combinaison d’antécédents médicaux et de certaines caractéristiques sociodémographiques des aînés est susceptible d’augmenter le risque d’intoxication aiguë accidentelle. Dans le cadre de cette étude, nous avons analysé les décès accidentels par intoxication aiguë et cherché, à l’échelle nationale, 1) à décrire les caractéristiques des aînés décédés en raison d’une intoxication aiguë et à les comparer à celles des aînés de la population générale du Canada, 2) à caractériser les substances contribuant aux décès par intoxication aiguë chez les aînés ainsi que l’origine (pharmaceutique ou non pharmaceutique) et la source (ordonnance valide ou ordonnance détournée) de ces substances, 3) à explorer la prévalence des maladies physiques et mentales et 4) à décrire les circonstances sociales et environnementales des décès par intoxication aiguë chez les aînés.
Méthodologie
Énoncé d’éthique
Le Comité d’éthique de la recherche de l’Agence de la santé publique du Canada (REB 2018-027P), le Comité d’éthique de la recherche en santé de l’Université du Manitoba (HS22710) et le Comité d’éthique de la recherche en santé de Terre-Neuve-et-Labrador (20200153) ont évalué cette étude et l’ont approuvée.
Conception de l’étude
Nous avons utilisé un modèle d’examen rétrospectif et transversal des dossiers, basé sur la population, pour explorer la relation entre les décès accidentels par intoxication aiguë et les facteurs de risque sociodémographiques chez les aînés, les antécédents médicaux et l’historique des ordonnances ainsi que les circonstances des décès et les résultats d’analyse toxicologique. Tous les dossiers des coroners et des médecins légistes concernant les décès par intoxication aiguë due à une substance survenus au Canada entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017 ont été analysés et synthétisés dans une base de données commune. Des responsables de l’extraction des données ont été formés pour extraire l’information selon un protocole d’étude exhaustif qui a fourni des lignes directrices sur la définition des cas, la classification des données et la manière de décrire certaines données. Les bases de données électroniques ont été mises en correspondance avec les variables de la base de données de l’étude. L’équipe de cochercheurs de l’étude, qui a élaboré le protocole de l’étude et vérifié tous les projets d’analyse à l’aide de l’ensemble des données, est composée de personnes ayant une expertise dans les domaines des enquêtes sur les décès, de la toxicologie, de la santé publique, de la réduction des méfaits et de la recherche sur la santé autochtone, ainsi que des personnes ayant une expérience vécue de la consommation de substances. Une explication détaillée du plan d’étude et du processus d’abstractionNote de bas de page 21 et un résumé général de l’ensemble de donnéesNote de bas de page 22 sont disponibles ailleurs.
Population à l’étude
Notre étude a porté sur toutes les personnes au Canada décédées à 60 ans ou plus en raison d’une intoxication aiguë accidentelle due à une substance. Un décès par intoxication aiguë due à une substance désigne tout décès résultant directement de l’administration d’une ou de plusieurs substances exogènes, que ce soient des drogues, des médicaments ou de l’alcool.
Nous avons retenu le seuil de 60 ans et plus conformément à la littérature sur la vie adulte avancéeNote de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25 et également car cette valeur est étayée par les ruptures naturelles dans les données que nous avons observées au cours de l’analyse exploratoire des données. En fonction de la taille des effectifs minimaux par cellule, nous avons effectué une stratification par tranche d’âge de 10 ans ou fourni les chiffres sans catégorisation (tous les aînés). Lors de la catégorisation par tranches d’âge de 10 ans, les personnes de 80 ans et plus ont été regroupées en raison des plus faibles effectifs aux âges plus avancés.
Analyse
Nous avons produit une synthèse descriptive des caractéristiques des aînés à partir des données de l’analyse des dossiers. Les variables dichotomiques comme catégorielles ont été exprimées sous forme de pourcentages. Comme les dossiers d’enquête sur les décès ne constituent pas un compte rendu complet de la vie d’une personne et que les renseignements disponibles sont variables d’un dossier à l’autre, il est important de noter que ces pourcentages correspondent à des proportions minimales d’aînés présentant une caractéristique donnée. D’autres analyses ont permis de comparer le pourcentage et les taux de mortalité des aînés décédés en raison d’une intoxication aiguë accidentelle et ceux des aînés faisant partie de la population générale du Canada. Les sources de données pour la population générale du Canada ont été l’Enquête sur la population active de 2016-2017Note de bas de page 26 et le Profil du recensement de 2016Note de bas de page 27. Des tests d’indépendance du chi carré ont été effectués entre cohortes d’âge lorsque la taille minimale des effectifs des cellules le permettait. Outre l’étude des aînés en tant que groupe d’âge spécifique, nous avons appliqué, lorsque la taille minimale des effectifs des cellules le permetttait, une approche fondée sur le sexe lors de l’analyseNote de bas de page 28. Toutes les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du logiciel d’analyse statistique R, version 4.2.2 (R Foundation for Statistical Computing, Vienne, Autriche)Note de bas de page 29.
Notre analyse avait quatre objectifs. Le premier objectif était de comparer les aînés décédés en raison d’une intoxication aiguë accidentelle et les aînés de la population générale du Canada en fonction de leurs caractéristiques sociodémographiques comme l’âge, le sexe, le revenu et les conditions de logement. Le deuxième objectif visait à décrire les substances et les combinaisons de substances les plus courantes ayant contribué au décès des aînés et à explorer l’origine (pharmaceutique ou non pharmaceutique) et la source (ordonnance valide ou ordonnance détournée) de ces substances à l’aide d’un diagramme UpSet créé avec le progiciel ComplexUpSetNote de bas de page 30.
Le troisième objectif était d’analyser les problèmes de santé ou symptômes documentés, l’utilisation des services de santé, les médicaments prescrits ainsi que les antécédents de consommation de substances et d’en rendre compte. Les antécédents de problèmes de santé ou de symptômes physiques et mentaux dont on dispose proviennent de l’information disponible dans le dossier d’enquête sur le décès, soit les dossiers médicaux et les déclarations de témoins (famille ou amis). Par conséquent, ces problèmes de santé ou symptômes ne constituent pas nécessairement des diagnostics cliniques, n’ont pas nécessairement été ressentis au moment du décès et sont susceptibles de ne pas refléter l’ensemble des antécédents médicaux d’une personne. Le type d’ordonnance fournit la classe de médicaments prescrite jusqu’à 6 mois avant le décès. Les ordonnances associées à la douleur chronique sont fondées sur un cadre des médicaments les plus couramment prescrits pour le traitement de la douleur chronique et englobent les ordonnances d’opioïdes non précisésNote de bas de page 31.
Le quatrième objectif de l’analyse était d’explorer et de décrire les circonstances des décès par intoxication aiguë : le lieu du décès, la possibilité d’erreur médicale, la fréquence à laquelle les décès ont eu lieu en présence d’un témoin, la fréquence d’administration de la naloxone et les modes de consommation de substances les plus courants.
Dans une optique de protection des données personnelles, les effectifs inférieurs à 10 dans une cellule ont été supprimés et tous les nombres ont été arrondis aléatoirement à un multiple de 3 (les valeurs ayant des chances différentes d’être arrondies au multiple de 3 le plus proche)Note de bas de page 21. Les totaux des tableaux ayant été arrondis de manière indépendante à un multiple de 3, la somme des valeurs n’est pas toujours égale au total. Les pourcentages et les taux bruts ont été calculés en fonction de ces valeurs arrondies. Les tests statistiques et les valeurs de p exactes ne sont pas fournis afin de protéger l’arrondissement aléatoire.
Résultats
Décès accidentels liés à une intoxication aiguë
Nous avons recensé 705 aînés décédés d’une intoxication aiguë accidentelle due à une substance entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017. Le taux de mortalité par décès accidentel lié à une intoxication aiguë est de 4,3 pour 100 000 personnes pour l’ensemble des aînés (tableau 1). Le taux le plus élevé a été relevé chez les adultes de 60 à 69 ans (7,1 décès pour 100 000 personnes) et le plus faible chez les adultes de 80 ans et plus (0,6 pour 100 000 personnes). Chez les hommes, ce taux de décès s’est révélé environ le double de celui des femmes (6,0 contre 2,8 décès pour 100 000 personnes).
Caractéristique | Nombre et pourcentage d’aînés décédés d’une intoxication aiguë accidentelle due à une substance, n (%) |
Nombre et pourcentage d’aînés dans la population générale, n (%) | Taux de décès par intoxication aiguë accidentelle pour 100 000 personnes, n (IC à 95 %) |
---|---|---|---|
Total | N = 705 | N = 8 226 155 | 4,3 (4,0 à 4,6) |
Âge (ans) | |||
60 à 69 | 606 (86) | 4 262 995 (52) | 7,1 (6,6 à 7,7) |
70 à 79 | 81 (11) | 2 442 720 (30) | 1,7 (1,3 à 2,1) |
80 et plus | 18 (3) | 1 520 440 (18) | 0,6 (0,4 à 0,9) |
Ensemble (60 et plus) | 705 (100) | 8 226 155 (100) | 4,3 (4,0 à 4,6) |
Sexe | |||
Féminin | 246 (35) | 4 416 115 (54) | 2,8 (2,4 à 3,1) |
Masculin | 462 (66) | 3 810 040 (46) | 6,1 (5,5 à 6,6) |
Emploi ou source de revenus | |||
Programme d’aide socialeNote de bas de page a | 102 (14) | – | – |
ChômageNote de bas de page b | 93 (13) | 123 600 (2) | 37,6 (30,4 à 46,1) |
Occupe un emploiNote de bas de page c | 75 (11) | 1 856 200 (23) | 2,0 (1,6 à 2,5) |
À la retraite | 75 (11) | – | – |
Inconnu | 339 (48) | – | – |
Conditions de logement | |||
Logement privé | 552 (78) | 7 742 250 (94) | 3,6 (3,3 à 3,9) |
Résidence privée | 534 (76) | – | – |
Foyer pour personnes âgées | 18 (3) | – | – |
Logement collectif | 84 (12) | 483 710 (6) | 8,7 (6,9 à 10,8) |
Logement supervisé ou de transitionNote de bas de page d | 60 (9) | – | – |
AutreNote de bas de page e | 24 (3) | – | – |
Inconnu | 27 (4) | – | – |
Sans logementNote de bas de page f | 18 (3) | 2 515 (≤ 1) | n. c. |
La proportion d’aînées décédées d’une intoxication aiguë (35 %) était inférieure à la proportion d’aînées dans l’ensemble de la population (54 %) (tableau 1). À l’inverse, la proportion d’aînés décédés d’une intoxication aiguë (66 %) était supérieure à la proportion d’aînés dans l’ensemble de la population (46 %). Les aînés de 60 à 69 ans décédés d’une intoxication aiguë étaient plus nombreux en proportion (86 %) que leur part dans l’ensemble de la population (52 %). La proportion de personnes décédées d’une intoxication aiguë parmi les 70 à 79 ans (11 %) et les 80 ans et plus (3 %) était plus faible que leur part respective dans l’ensemble de la population (30 % et 18 %).
Chez les aînés décédés d’une intoxication aiguë accidentelle due à une substance, la proportion de personnes au chômage était plus élevée que la proportion de personnes au chômage dans l’ensemble de la population (13 % contre 2 %) (tableau 1). Le taux de décès accidentel était beaucoup plus élevé chez les aînés au chômage que chez les aînés occupant un emploi (37,6 contre 2,0 décès pour 100 000 personnes). Aucun test statistique de comparaison pour les retraités n’était disponible. Les aînés vivant en logement privé avaient un taux de décès accidentel inférieur à celui des aînés vivant en logement collectif (3,6 contre 8,7 décès pour 100 000 personnes).
Substances ayant contribué au décès accidentel
Les substances les plus courantes ayant contribué aux décès chez les aînés sont le fentanyl (27 %; 189/705), la cocaïne (27 %; 189/705), l’éthanol (alcool; 23 %; 165/705) et la morphine (15 %; 105/705) (tableau 2). Au moins une substance non pharmaceutique (médicaments non réglementés ou substances non destinées à un usage humain, par exemple produits chimiques industriels ou ménagers ou médicaments à usage vétérinaire, et à l’exclusion de l’éthanol [alcool]) a contribué au décès de 43 % (300/705) des aînés décédés par intoxication aiguë accidentelle, et au moins une substance pharmaceutique a contribué au décès de 49 % (342/705) de ces aînés. Des substances d’origine non pharmaceutique et d’origine pharmaceutique combinées ont contribué à 10 % des décès (données non présentées). Dans le cas où une substance pharmaceutique a contribué à un décès, cette substance avait fait l’objet d’une prescription à la personne dans au moins 60 % des cas (204/342).
Substances les plus courantes ayant contribué au décèsNote de bas de page a | Contribution aux décès, n (%) |
Origine de la substance ayant contribué au décès, n (%) | Contribution d’autres substances, n (%) | |||
---|---|---|---|---|---|---|
Non pharmaceutiqueNote de bas de page b | PharmaceutiqueNote de bas de page c | InconnueNote de bas de page d | Autres substances | Aucune | ||
Fentanyl | 189 (27) | 63 (33) | 18 (10) | 108 (57) | 156 (83) | 36 (19) |
Cocaïne | 189 (27) | 189 (100) | s.o. | s.o. | 132 (70) | 57 (30) |
Éthanol (alcool)Note de bas de page e | 165 (23) | s.o. | s.o. | s.o. | 123 (75) | 42 (25) |
MorphineNote de bas de page f | 105 (15) | Valeur supprimée | 30 (29) | 66 (63) | 93 (89) | 12 (11) |
Polyintoxication, aucune substance précisée | 66 (9) | s.o. | s.o. | s.o. | 66 (100) | 0 (0) |
Méthamphétamine | 63 (9) | 63 (100) | s.o. | s.o. | 48 (76) | 12 (19) |
Hydromorphone | 60 (9) | s.o. | 60 (100) | s.o. | 45 (75) | 15 (25) |
Oxycodone | 60 (9) | s.o. | 60 (100) | s.o. | 48 (80) | 12 (20) |
Codéine | 54 (8) | Valeur supprimée | 33 (61) | 18 (33) | 51 (94) | Valeur supprimée |
Méthadone | 51 (7) | s.o. | 51 (100) | s.o. | 39 (76) | 12 (24) |
Diacétylmorphine (héroïne) | 39 (6) | 39 (100) | s.o. | s.o. | 36 (92) | Valeur supprimée |
AmphétamineNote de bas de page f | 36 (5) | Valeur supprimée | Valeur supprimée | 33 (92) | 36 (100) | Valeur supprimée |
Tous les décès | 705 (100) | 300 (43) | 342 (49) | 84 (12) | 432 (61) | 261 (37) |
Les combinaisons de substances les plus courantes ayant contribué au décès par intoxication aiguë due à plusieurs substances étaient les substances non précisées (8 % des décès; 57/705) et le fentanyl combiné à la cocaïne (4 %; 27/705) (figure 1). C’est une combinaison de substances qui a contribué à 61 % (432/705) des décès chez les aînés, mais seules les deux combinaisons mentionnées ci-dessus ont entraîné plus de 10 décès. Les trois substances principales ayant contribué à elles seules (sans la contribution d’autres substances) au décès sont la cocaïne (8 % des décès; 57/705), l’éthanol (6 %; 42/705) et le fentanyl (5 %; 36/705).
La plupart des ensembles de substances avaient une origine unique, à l’exception du fentanyl, du fentanyl combiné à la cocaïne et de la morphine (figure 1). Le fentanyl comme seul contributeur au décès était d’origine pharmaceutique (30 % des décès) ou non pharmaceutique (42 % des décès). Dans le cas d’une combinaison de fentanyl et de cocaïne, ceux-ci étaient principalement d’origine non pharmaceutique, moins de 10 décès étant attribuables à des substances d’origines pharmaceutique et non pharmaceutique combinées (résultat non présenté en raison du faible effectif). La morphine était d’origines pharmaceutique et inconnue combinées (données non présentées en raison du faible effectif).
Figure 1 - Équivalent textuel
Ensemble de substances | Origine non pharmaceutique | Origine pharmaceutique | Éthanol (alcool) | Origine inconnue | Origine masquée | Nombre total de décès | Proportion des décès attribuables à une toxicité aiguë (N = 705) |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Cocaïne | 57 | 0 | 0 | 0 | 0 | 57 | 8% |
Toxicité de plusieurs substances non précisées | 0 | 0 | 0 | 57 | 0 | 57 | 8% |
Éthanol (alcool) | 0 | 0 | 42 | 0 | 0 | 42 | 6% |
Fentanyl | 15 | 12 | 0 | < 10 | 0 | 36 | 5% |
Fentanyl et cocaïne | 24 | 0 | 0 | 0 | 0 | 27 | 4% |
Hydromorphone | 0 | 15 | 0 | 0 | 0 | 15 | 2% |
Méthamphétamine | 12 | 0 | 0 | 0 | 0 | 12 | 2% |
Oxycodone | 0 | 12 | 0 | 0 | 0 | 12 | 2% |
Morphine | 0 | 0 | 0 | 0 | 12 | 12 | 2% |
Acétaminophène | 0 | 12 | 0 | 0 | 0 | 12 | 2% |
Méthadone | 0 | 12 | 0 | 0 | 0 | 12 | 2% |
Antécédents en matière de santé
Plusieurs problèmes de santé ou symptômes ont été documentés pour au moins 10 % des aînés décédés d’une intoxication aiguë accidentelle (tableau 3). Environ le quart d’entre eux (26 %; 186/705) étaient ou avaient été atteints de dépression. La prévalence des troubles d’anxiété, des troubles liés à la consommation d’alcool et des troubles liés à la consommation de substances autres que l’alcool, actuels ou passés, était à peu près la même, soit 14 % (entre 96/705 et 102/705). Au moins 17 % (123/705) présentaient deux de ces symptômes ou problèmes de santé mentale ou davantage.
Caractéristique d’antécédents en matière de santé | Nombre et pourcentage d’aînés décédés d’une intoxication aiguë accidentelle, n (%) |
---|---|
Antécédents en matière de santéNote de bas de page a | N = 705 |
Symptômes ou problèmes de santé mentale documentés | |
Trouble de dépression ou symptômes de dépression | 186 (26) |
Trouble d’anxiété | 102 (14) |
Trouble lié à la consommation de substances (à l’exception de l’alcool) | 102 (14) |
Trouble lié à la consommation d’alcool | 96 (14) |
Deux des symptômes ou problèmes de santé mentale susmentionnés ou davantage | 123 (17) |
Autre problème de santé documenté | |
Maladie du cœur | 234 (33) |
Douleur chroniqueNote de bas de page b | 189 (27) |
Hypertension artérielle | 177 (25) |
Antécédents chirurgicaux | 147 (21) |
Maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) | 117 (17) |
Diabète | 99 (14) |
Deux des problèmes de santé susmentionnés ou davantage | 276 (39) |
Contact avec des services de santé au cours de l’année précédant le décès | 594 (84) |
Contact avec des services de santé au cours de l’année précédant le décès | N = 594 |
A cherché de l’aide pour des problèmes de douleur | 162 (27) |
A cherché de l’aide pour des problèmes de consommation de substances ou de dépendance | 57 (10) |
A cherché de l’aide pour des problèmes de santé mentale | 45 (8) |
A cherché de l’aide à la suite d’une intoxication aiguë | 36 (6) |
A cherché de l’aide pour une intervention chirurgicale | 30 (5) |
A cherché de l’aide pour une blessure aiguë | 24 (4) |
A cherché de l’aide pour une autre raison | 138 (24) |
A cherché de l’aide pour une raison inconnue | 252 (42) |
Types d’ordonnance obtenus dans les 6 mois précédant le décèsNote de bas de page c | N = 705 |
Opioïdes | 231 (33) |
Antidépresseurs | 186 (26) |
Benzodiazépines | 171 (24) |
Antipsychotiques | 93 (13) |
Gabapentinoïdes | 96 (14) |
Relaxants musculaires | 27 (4) |
Traitement par agonistes opioïdes | 15 (2) |
Cannabinoïdes | Valeur supprimée |
Stimulants | Valeur supprimée |
Autre | 338 (48) |
Deux types d’ordonnance (des catégories susmentionnées) ou plus | 318 (45) |
Ordonnance associée au traitement de la douleur chroniqueNote de bas de page d | 315 (45) |
Historique des ordonnances inconnu | 297 (42) |
Parmi les personnes qui avaient une ordonnance pour un traitement par opioïdes ou un traitement par agonistes opioïdes... | N = 243 |
Nombre de personnes qui ont vu leur ordonnance d’opioïdes réduite ou refusée dans les 6 mois précédant leur décès | 18 (7) |
Environ le tiers (33 %; 234/705) des aînés décédés avaient des antécédents de maladie cardiaque, 27 % (189/705) avaient des antécédents de douleur chronique et 21 % (147/705) avaient déjà subi une intervention chirurgicale. La comorbidité était courante : dans 39 % (276/705) des cas, au moins deux de ces problèmes de santé connus étaient présents. La majorité des personnes (84 %; 594/705) avaient pris contact avec les services de santé au cours de l’année précédant leur décès. Parmi elles, 27 % (162/594) avaient demandé de l’aide pour des raisons liées à la douleur.
Bon nombre d’aînés décédés d’une intoxication aiguë accidentelle avaient eu une prescription d’opioïdes (33 %; 231/705), d’antidépresseurs (26 %; 186/705) ou de benzodiazépines (24 %; 171/705). Presque la moitié (45 %; 318/705) avait obtenu plusieurs types d’ordonnance et 45 % (315/705) avaient au moins une ordonnance associée à un traitement de la douleur chronique.
Circonstances entourant le décès
Sur l’ensemble des décès accidentels par intoxication aiguë survenus chez les aînés, on a prouvé clairement qu’il s’agissait d’une erreur de médication chez moins de 10 personnes, c’est-à-dire qu’un médicament prescrit avait été consommé par erreur (la personne n’a pas réalisé de quoi il s’agissait ou elle a oublié qu’elle avait déjà pris une dose et en a consommé davantage), que la pharmacie avait préparé les médicaments de manière incorrecte ou que l’hôpital avait administré les médicaments de manière incorrecte.
Seulement 14 % (96/705) des intoxications aiguës mortelles ont eu lieu en présence d’un témoin et 17 % (120/705) des décès ont potentiellement eu lieu en présence de quelqu’un qui aurait pu réagir (on ignorait si la personne était encore vivante ou déjà morte au moment où elle a été trouvée) (tableau 4). Dans 39 % (273/705) des cas, la personne était déjà morte lorsqu’elle a été trouvée, sans preuve que l’intoxication aiguë soit survenue en présence d’un témoin. Les intoxications aiguës ont eu lieu beaucoup plus souvent en présence d’un témoin chez les personnes de 80 ans et plus que chez les 60 à 69 ans (test du chi carré, p < 0,05; données non présentées).
Circonstance entourant le décès | Nombre et pourcentage d’aînés décédés d’intoxication aiguë accidentelle, n (%) |
---|---|
Décès en présence d’un témoin | N = 705 |
La personne était vivante et présentait des symptômes d’intoxication aiguë lorsqu’elle a été trouvée | 96 (14) |
La personne était déjà morte lorsqu’elle a été trouvée, sans preuve que l’intoxication aiguë ait eu lieu en présence d’un témoin | 273 (39) |
On n’a pas pu établir si la personne était encore vivante ou déjà morte lorsqu’elle a été trouvéeNote de bas de page a | 120 (17) |
On ignore si la personne était encore vivante ou déjà morte lorsqu’elle a été trouvée | 219 (31) |
Mode de consommationNote de bas de page b | N = 705 |
Probablement par voie oraleNote de bas de page c | 144 (20) |
Probablement par inhalation | 84 (12) |
Probablement par injection | 81 (11) |
Probablement par insufflation nasale ou par voie intranasale (reniflement) | 36 (5) |
Probablement par voie transdermique (timbres) | 15 (2) |
Autre | Valeur supprimée |
Inconnu | 288 (41) |
Pour les personnes présentant des symptômes d’intoxication aux opioïdesNote de bas de page d | N = 162 |
De la naloxone a été administrée | 12 (7) |
Le mode de consommation de substances est demeuré inconnu pour 41 % (288/705) des aînés. Les modes de consommation le plus souvent signalés étaient par voie orale (20 %; 144/705), par inhalation (12 %; 84/705) et par injection (11 %; 81/705). Parmi les aînés décédés présentant des signes d’intoxication aux opioïdes (ronflements/gargouillements, difficultés à respirer, micropupilles, état d’inconscience ou absence de réaction, lèvres ou ongles bleus), seuls 7 % (12/162) avaient reçu de la naloxone.
Analyse
Dans le cadre de cette étude, nous avons analysé les décès accidentels par intoxication aiguë chez les adultes de 60 ans et plus survenus entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017 au Canada. Ce type de décès a eu lieu plus souvent chez les hommes de 60 à 69 ans et chez les personnes au chômage. Ces constatations concordent avec des travaux de recherche antérieurs selon lesquels les décès attribuables aux opioïdes au Canada touchent de manière disproportionnée les hommesNote de bas de page 32Note de bas de page 33. Le chômage a également été relevé comme un facteur de risque de consommation à risque élevé d’opioïdes et de décèsNote de bas de page 34Note de bas de page 35. Cependant, comme la définition de « chômage » utilisée par les bureaux des coroners et des médecins légistes diffère de celle employée par Statistique Canada, il faut interpréter ce résultat avec prudence.
Le fentanyl et la cocaïne sont les substances ayant le plus contribué aux décès accidentels par intoxication aiguë chez les aînés. L’origine du fentanyl était un mélange de fentanyl pharmaceutique et non pharmaceutique (illégal). Le fentanyl a été la sixième (en 2016) et la quatrième (en 2017) substance illégale la plus saisie par les organismes d’application de la loi au Canada et testée par le Service d’analyse des drogues (SAD) de Santé CanadaNote de bas de page 36Note de bas de page 37. Cependant, au moins un tiers du fentanyl ayant contribué aux décès par intoxication aiguë chez les aînés était d’origine pharmaceutique. La plupart du temps, le fentanyl faisait partie de la combinaison de substances ayant entraîné le décès. Le fentanyl non pharmaceutique est fréquemment utilisé pour contaminer d’autres substances et est délibérément combiné à celles-ciNote de bas de page 38. La proportion élevée de décès par intoxication aiguë associés au fentanyl combiné à d’autres substances pourrait aussi s’expliquer par le fait que les aînés sont davantage susceptibles d’avoir plusieurs ordonnancesNote de bas de page 6Note de bas de page 39.
Parmi les substances ayant le plus souvent contribué au décès des aînés – le fentanyl, la cocaïne, l’éthanol et la morphine –, seule la cocaïne était d’origine entièrement non pharmaceutique. En 2016 et 2017, la cocaïne était la substance contrôlée la plus fréquemment saisie par les forces de l’ordre au Canada, après le cannabisNote de bas de page 36Note de bas de page 37. La consommation de cocaïne par les aînés est souvent sous-dépistée et non reconnue, bien qu’il s’agisse d’un problème croissantNote de bas de page 40Note de bas de page 41. Alors que la consommation de cocaïne est susceptible de contribuer au développement de maladies du cœur et que ses effets aigus sur le système cardiovasculaire peuvent provoquer la mortNote de bas de page 42, il est à noter que 33 % des aînés décédés en raison d’une intoxication aiguë avaient des antécédents documentés de maladies cardiaques.
Si une combinaison de substances a contribué à la majorité des décès accidentels d’aînés, seule la combinaison de fentanyl et cocaïne a provoqué plus de 10 décès. Une grande variété de combinaisons de substances contribue donc aux décès d’aînés. Les substances d’origine non pharmaceutique et celles d’origine pharmaceutique ont, les unes et les autres, souvent contribué aux décès accidentels chez les aînés, et les substances des deux origines combinées ont contribué à au moins 11 % des décès. Les programmes et les politiques visant à réduire les méfaits liés à l’offre de drogues illicites et aux produits pharmaceutiques seraient bénéfiques pour cette population.
Dans le cas où des substances d’origine pharmaceutique avaient contribué au décès accidentel par intoxication aiguë, la majorité de ces substances avaient été prescrites à la personne décédée (61 %). Cette constatation met en évidence la nécessité d’améliorer les évaluations pour éliminer les prescriptions inappropriées ou l’utilisation potentiellement nocive des substances prescrites ou encore la dépendance à ces substances. Dans le cadre de notre étude, nous avons constaté que 45 % des aînés décédés avaient au moins deux types d’ordonnance consignés dans leur dossier médical. Le taux réel est probablement plus élevé, du fait de la sous-estimation potentielle, tout au long du processus d’extraction, des données sur les substances prescrites. Ainsi, ailleurs, un certain degré de polypharmacie a été relevé chez 65 % des aînésNote de bas de page 4. D’après cette étude et dans la population générale, beaucoup d’aînés obtiennent des ordonnances multiples pour gérer leurs problèmes de santé, ce qui fait qu’il est important de mieux comprendre les risques associés à la polypharmacie, de les contrôler et de les faire connaître. Une revue systématique réalisée en 2016 sur le mauvais usage des opioïdes et des benzodiazépines chez les aînés précise qu’il s’agit d’un problème en augmentation dans un contexte de vieillissement de la populationNote de bas de page 43. Selon les auteurs, il est donc de plus en plus nécessaire de former les fournisseurs de soins primaires aux pratiques de prescription visant à réduire les risques et de mobiliser les décideurs et les intervenants dans des programmes de surveillance des ordonnancesNote de bas de page 43. Lorsque des substances pharmaceutiques et une polypharmacie étaient en cause, les décès par intoxication aiguë attribuables à des erreurs relatives aux médicaments étaient rares, quoiqu’il y ait peut-être sous-estimation en raison d’un manque d’information dans les dossiers des coroners et des médecins légistes ou de l’absence de témoins capables de remarquer des erreurs de posologie.
Des troubles de dépression ou des symptômes associés aux troubles de dépression ont été répertoriés chez un aîné sur quatre décédé en raison d’une intoxication aiguë accidentelle, et des troubles d’anxiété ont été répertoriés chez plus d’un aîné sur dix. Les aînés qui présentent des symptômes de dépression grave sont davantage susceptibles de prendre des médicaments opioïdes puissantsNote de bas de page 44. L’isolement social, la dépression et l’anxiété ont augmenté pendant la pandémie de COVID-19Note de bas de page 45, et ces facteurs ont été associés à un risque élevé de consommation de substances par les aînésNote de bas de page 18Note de bas de page 46. Ces facteurs, conjugués à un accès réduit à des services de réduction des méfaits et à d’autres services de santé pendant la pandémie, peuvent avoir exposé les aînés à un risque plus important de décès par intoxication aiguë depuis la réalisation de notre étude.
Pour réduire le risque de surdose d’opioïdes, les personnes qui consomment des substances devraient éviter de le faire seules et devraient avoir avec elles une trousse de naloxoneNote de bas de page 46. Une proportion importante (au moins 38 %) des surdoses accidentelles sont survenues alors que les aînés étaient seuls, et seulement 7 % de ceux qui présentaient des signes d’intoxication aux opioïdes ont reçu de la naloxoneNote de bas de page 47. La littérature scientifique est divisée sur la relation entre les indicateurs liés à l’isolement social, notamment le fait de vivre seul, et la consommation de substances : certaines études laissent entendre que l’isolement social n’est pas associé à la mort par surdose alors que d’autres suggèrent qu’il existe un lien entre les deuxNote de bas de page 48Note de bas de page 49Note de bas de page 50Note de bas de page 51. Selon le rapport Take Home Naloxone Program Report du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, 3,7 % des clients ayant reçu des trousses de naloxone en 2017 étaient âgés de 60 ans et plusNote de bas de page 52, alors que les personnes de ce groupe d’âge comptaient pour 7 % des décès liés à l’intoxication de drogues illicites en Colombie-Britannique en 2016 et 2017Note de bas de page 53. Un meilleur accès aux services de réduction des méfaits et aux services de soutien social à l’intention des aînés qui consomment des substances pourrait prévenir les décès par intoxication aiguë.
La prise de contact avec les services de santé est l’occasion de dépister les aînés qui ont besoin de soutien social, de vérifier leurs comportements en lien avec la consommation de substances à risque élevé et de fournir des trousses de naloxoneNote de bas de page 51Note de bas de page 54. Dans la mesure où 72 % des aînés décédés avaient eu accès à des soins de santé au cours de l’année précédant leur décès, les consultations médicales semblent offrir une bonne occasion de déceler les problèmes potentiels liés à la prescription et à la consommation de substances et de les résoudre. Près d’une consultation sur cinq auprès de services de santé était liée à la douleur et aurait donc pu inclure des évaluations et des discussions sur la gestion de la douleur, notamment à propos des médicaments prescrits et du soulagement apporté par d’autres substances, ainsi qu’à propos d’autres approches d’atténuation de la douleur.
Même si les décès par intoxication aiguë accidentelle sont moins fréquents chez les aînés que chez les jeunes adultes et même si la plupart des décès dans ce groupe d’âge sont attribuables à des maladies chroniques comme les maladies du cœur, le cancer et les accidents vasculaires cérébrauxNote de bas de page 55, compte tenu du caractère évitable des décès par intoxication aiguë, les facteurs de risque identifiés dans cette étude ont des répercussions pratiques sur les interventions susceptibles de réduire le fardeau que constitue les décès par intoxication aiguë chez les aînés au Canada.
Points forts et limites
Les données analysées dans le cadre de notre étude ont été recueillies dans les dossiers des coroners et des médecins légistes de l’ensemble des provinces et des territoires par des responsables qualifiés de l’extraction de données. Avant et pendant la période de collecte, les responsables de l’extraction des données ont effectué des essais de fiabilité intra-évaluateur et inter-évaluateurs afin d’assurer la fiabilité de la collecte de données. Toutefois, en ce qui a trait aux processus d’enquête, aux formulaires et aux analyses toxicologiques, l’information disponible était variable d’un dossier à l’autre et d’un bureau de coroner ou de médecin légiste à l’autre. Ces dossiers étant de nature administrative et ayant pour but de documenter les enquêtes sur la cause et les circonstances du décès, ils ne constituent pas un compte rendu complet de la vie d’une personne. Il est donc possible que certains facteurs aient été sous-déclarés en cas de données non disponibles. Par conséquent, les pourcentages obtenus dans cette étude correspondent au nombre minimum d’aînés décédés en raison d’une intoxication aiguë et avec une caractéristique donnée.
D’autres facteurs que ceux relevés dans cette étude peuvent avoir contribué au risque de décès accidentel par intoxication aiguë chez les aînés. Par exemple, les membres des Premières Nations ont été touchés de manière disproportionnée par la crise des surdosesNote de bas de page 32. Même si les données sur les personnes de diverses identités de genre demeurent rares, on sait qu’un certain nombre de facteurs interdépendants les exposent à un risque élevé de méfaits liés à la consommation de substancesNote de bas de page 56. En outre, notre étude porte sur les décès à l’échelle nationale, mais il peut y avoir des différences entre les contextes locaux, notamment en matière d’accès aux services et aux marchés des drogues illicites, ce qui a une incidence sur le risque de décès. Certains de ces facteurs et leur caractère intersectionnel seront présentés dans de futurs travaux.
De plus, les comparaisons entre les données sur les décès par intoxication aiguë de notre étude et celles d’autres sources sont limitées en raison de différences de définition des variables. En particulier, on ne sait pas si les bureaux des coroners et des médecins légistes ont utilisé la même définition du chômage que Statistique Canada dans son Enquête sur la population active. Malgré ces limites, notre étude fournit une synthèse descriptive approfondie, à l’échelle nationale, des dossiers des coroners et des médecins légistes canadiens concernant les décès par intoxication aiguë chez les aînés.
Conclusion
Il s’agit de la première étude canadienne d’envergure nationale à utiliser les dossiers des coroners et des médecins légistes pour explorer les caractéristiques des aînés décédés d’une intoxication aiguë, ainsi que les substances en cause et les circonstances du décès. À ce titre, elle constitue une référence pour la comparaison au fur et à mesure de l’évolution de la crise des surdoses. Les déterminants de l’intoxication aiguë chez les aînés comportent de multiples facettes et sont spécifiques à cette population. Ainsi, la prévalence des maladies du cœur, de la dépression, de la douleur chronique et de la polypharmacie est élevée chez les aînés décédés d’une intoxication aiguë. Dans le même temps, la fréquence élevée de contact avec les services de santé offre une occasion d’intervention visant à mieux comprendre les motivations liées à la consommation de substances et permettant de réduire le risque d’effets néfastes potentiels.
Remerciements
Nous tenons à remercier nos collaborateurs des bureaux des coroners en chef et des médecins légistes en chef de tout le Canada, qui nous ont donné accès à leurs dossiers d’enquête sur les décès. Nous voulons également souligner la contribution de Brandi Abele, Matthew Bowes, Songul Bozat-Emre, Jessica Halverson, Dirk Huyer, Beth Jackson, Graham Jones, Fiona Kouyoumdjian, Jennifer Leason, Regan Murray, Erin Rees, Jenny Rotondo et Emily Schleihauf à l’élaboration de l’étude nationale d’examen des dossiers concernant les décès par intoxication aiguë liés à une substance. Enfin, nous souhaitons exprimer notre gratitude envers les personnes ayant vécu ou vivant une expérience concrète de la consommation de substances, qui ont apporté leur soutien à l’étude des dossiers à différentes étapes.
Financement
Cette étude a reçu le soutien financier de l’Agence de la santé publique du Canada.
Conflits d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Contributions des auteurs et avis
JB : conception, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
SR : conception, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
AV : conception, curation des données, supervision, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
JH : conception, curation des données, administration du projet, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
Les opinions et les conclusions présentées dans ce rapport n’ont reçu ni l’aval ni l’approbation des fournisseurs de données ou des bailleurs de fonds. Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.
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