Lettre à la rédaction – Réponse à l’article « Taux de placement des enfants hors de leur foyer familial : analyse des données administratives nationales du système de protection de l’enfance au Canada »

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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : mai 2024
ISSN: 2368-7398
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Chandrakant P. Shah, M.D., FRCPC, SM (Hyg), D. Sc. (H.C.), O. Ont.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2
https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.5.05f

Attribution suggérée
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Correspondance
Chandrakant P. Shah; courriel : c.shah@utoronto.ca
Citation proposée
Shah CP. Lettre à la rédaction – Réponse à l’article « Taux de placement des enfants hors de leur foyer familial : analyse des données administratives nationales du système de protection de l’enfance au Canada ». Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2024;44(5):262-263. https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.5.05f
Monsieur,
J’ai récemment lu dans votre revue l’article de Pollock et ses collaborateurs, « Taux de placement des enfants hors de leur foyer familial : analyse des données administratives nationales du système de protection de l’enfance au Canada »Note de bas de page 1. Je souhaite féliciter les auteurs pour leur travail. Si, depuis 40 ans, les professions de la santé publique et des soins de santé accordent de plus en plus d’attention aux déterminants sociaux de la santé et aux approches de prévention en amont, elles ont trop longtemps négligé les enfants placés hors de leur foyer familial, comme en témoigne le peu de publications sur cette population vulnérable. Je crois que la majorité de la population, y compris des professionnels de la santé, a présumé que les enfants qui étaient retirés de leur foyer familial et placés sous la garde d’organismes gouvernementaux (principalement des sociétés d’aide à l’enfance ou des foyers de groupe) grandissaient dans des milieux favorables à leur santé mentale, physique et cognitive. Toutefois, cette perception n’est pas solidement appuyée par des données probantesNote de bas de page 2 et mes expériences me révèlent une tout autre histoire.
Au début des années 1970, alors que j’étais le premier directeur médical à temps plein de la Société d’aide à l’enfance de Vancouver, j’ai été choqué par ce que j’ai appris. J’ai mené plusieurs études et rédigé des articles pour exposer la situation précaire de ces enfants vulnérables et proposer des solutions. Par exemple, le tiers des enfants pris en charge avaient des déficiences physiques, émotionnelles ou cognitivesNote de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5. En raison de l’insuffisance des services de réadaptation dans leur collectivité, des enfants atteints de déficiences ont dû être placés dans des familles d’accueil. Cependant, les antécédents médicaux de ces enfants n’étaient pas fournis au moment de l’admission en foyer d’accueil et n’étaient pas non plus communiqués aux médecins de première ligne au moment de la sortie. L’absence de système uniforme de paiement, le manque de foyers d’accueil et la formation insuffisante des familles accueillant des enfants atteints de déficiences ont contribué à de nombreux échecs, si bien que certains enfants ont changé de foyer d’accueil jusqu’à 10 ou 12 fois en 12 moisNote de bas de page 6. À l’époque, environ 30 à 40 % des enfants placés étaient des Autochtones qui vivaient loin de leur collectivité dans un foyer d’accueil non autochtone. Grâce à la campagne menée par la Dre Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, les enfants autochtones qui ont besoin d’être placés dans des familles d’accueil le sont maintenant dans leur collectivité. Cependant, à cause du manque d’installations dans les collectivités autochtones du nord, de nombreux jeunes ayant des problèmes de santé mentale continuent d’être placés dans des foyers de groupe privés situés à des centaines de kilomètres au sud de leurs communautés, et certains propriétaires de foyers de groupe en font une affaire lucrative, comme l’a récemment rapporté Global NewsNote de bas de page 7.
Est-ce que la situation a changé au cours des 50 dernières années? Au moins, le nombre d’enfants placés hors de leur foyer familial a diminué, passant d’environ 100 000 à 61 000Note de bas de page 1. Mais reçoivent-ils tous les soins dont ils ont besoin? Je n’ai pas de réponse définitive à cette question, mais j’en doute. Cela dit, nous avons maintenant une occasion unique d’approfondir cette question en liant les données administratives des services de protection de l’enfance à celles de la base de données sur l’assurance maladie servant à évaluer nos programmes. J’invite les chercheurs et les autres intervenants du secteur à élargir leurs recherches et à nous éclairer sur la situation difficile de ces enfants extrêmement vulnérables. À 87 ans, je sais que le temps est venu pour nous de passer à l’action.