Éditorial – La prescription sociale au Canada : la promotion de la santé en action, 50 ans après le rapport Lalonde

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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : juin 2024
ISSN: 2368-7398
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Kate Mulligan, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Kiffer G. Card, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Sandra Allison, M.D.Note de rattachement des auteurs 3
https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.6.01f

Attribution suggérée
Éditorial par Mulligan K et al. dans la Revue PSPMC mis à disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0
Rattachement des auteurs
Correspondance
Kiffer G. Card, Faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser, 8888 University Drive West, Burnaby (Colombie-Britannique) V5A 1S6; tél. : 778-782-9917; courriel : kcard@sfu.ca
Citation proposée
Mulligan K, Card KG, Allison S. La prescription sociale au Canada : la promotion de la santé en action, 50 ans après le rapport Lalonde. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2024;44(6):267-270. https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.6.01f
Résumé
Le rapport Lalonde, publié en 1974 par le ministre canadien de la Santé nationale et du Bien-être social, a fait œuvre de pionnier en matière de santé publique au Canada en reconnaissant que les déterminants de la santé vont bien au-delà des services de soins de santé. Cinquante ans plus tard, ce numéro spécial de Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada montre comment on peut agir sur les déterminants de la santé en amont au moyen d’une nouvelle intervention appelée « prescription sociale ». La prescription sociale oriente les patients vers des ressources communautaires qui correspondent à leurs priorités personnelles. Elle favorise ainsi un changement de paradigme par lequel l’approche de promotion de la santé n’est plus axée sur les déficits mais sur les forces. La première partie de ce numéro porte sur la croissance rapide de la prescription sociale et ses applications variées au Canada, que ce soit des initiatives ciblant diverses populations ou des interventions privilégiant le contact avec la nature, les arts, l’activité physique ou encore la connectivité sociale. Les contributions d’un large éventail de partenaires (chercheurs, professionnels de la santé et membres de la communauté, etc.) explorent l’adaptabilité de la prescription sociale à différents groupes, soulignent le rôle que jouent la communauté et les expériences vécues dans la recherche et signalent également la nécessité d’un plus grand nombre d’études sur l’efficacité et les résultats de la prescription sociale. Les études de cas présentées prouvent l’existence d’avantages tangibles sur les plans de l’équité en santé et de l’accès aux services sociaux. Ce numéro ne reflète pas seulement la portée et l’incidence actuelles de la prescription sociale au Canada : il jette aussi les bases de son évolution future et de son intégration dans les pratiques de santé en général.
Mots-clés : prescription sociale, promotion de la santé, systèmes de santé, santé de la population
Points saillants
- La prescription sociale oriente les patients vers des ressources non médicales, selon une approche de la santé qui se concentre sur les forces plutôt que sur les déficits.
- Les initiatives se multiplient à l’intention de populations particulières comme les aidants naturels, les jeunes, les personnes racisées ou les collectivités autochtones.
- Des études de cas montrent que la prescription sociale favorise l’équité en santé et un accès élargi aux services essentiels.
Introduction
Ce numéro spécial de Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada marque une première au pays : il s’agit de la première publication entièrement consacrée à la prescription sociale, un domaine qui connaît une croissance rapide au Canada. Sa publication survient 50 ans après celle du rapport Lalonde, qui, en 1974, a souligné l’effet de facteurs sociaux comme la pauvreté et l’isolement social sur la santéNote de bas de page 1. Au cours des 50 dernières années, les professionnels de la santé et les collectivités ont été de plus en plus nombreux à reconnaître les limites des approches purement cliniques vis-à-vis de la santé. Or, jusqu’à tout récemment, cette prise de conscience n’avait pas suffisamment favorisé l’essor de moyens pratiques et systématiques permettant d’agir sur les déterminants sociaux de la santé.
La prescription sociale offre une nouvelle approche. Elle consiste à diriger les patients vers des ressources non médicales dans leur collectivité, en fonction des priorités de la personne. Son incidence se mesure sur la santé et le bien-être de façon globaleNote de bas de page 2. Fait important, la prescription sociale intègre la promotion de la santé – la capacité accrue des personnes et des collectivités à agir sur leur santé et ses déterminantsNote de bas de page 3 – dans les systèmes de santé, tant par le soutien social fourni que par un changement de paradigme, l’accent n’étant plus mis sur les déficits (« qu’est-ce qui ne va pas chez nous? ») mais sur les forces d’un point de vue global (« qu’est-ce qui compte pour nous? »)Note de bas de page 4. Si ces principes ont toujours été importants, ils sont particulièrement nécessaires au lendemain de la pandémie de COVID-19, qui a mis à rude épreuve les systèmes de santé et le personnel soignant.
La prescription sociale connaît une croissance importante au Canada, motivée notamment par l’essor de la prescription sociale au Royaume-Uni et ailleurs dans le mondeNote de bas de page 5. Des initiatives sont en cours dans chaque provinceNote de bas de page 6. Certaines s’adressent à des populations particulières, comme les aidants naturelsNote de bas de page 7, les aînésNote de bas de page 8, les personnes noiresNote de bas de page 9, les populations autochtonesNote de bas de page 10, les enfants et les jeunesNote de bas de page 11 et les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentaleNote de bas de page 12. D’autres comportent des domaines d’intervention précis, comme l’alimentationNote de bas de page 13, la natureNote de bas de page 10, les arts et la cultureNote de bas de page 14, l’activité physiqueNote de bas de page 15 et les liens sociauxNote de bas de page 16, ou offrent des mécanismes de soutien, comme des bases de données sur les services communautaires ou des moyens technologiques de demande de servicesNote de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18.
Les articles présentés dans la première partie du numéro spécial montrent que la recherche et l’évaluation de la prescription sociale progressent simultanément au Canada, et l’adoption croissante suit de près dans la pratique. Dans ce numéro, des auteurs de partout au Canada – étudiants, professionnels de la santé, chercheurs, membres de la communauté et travailleurs des services sociaux, entre autres – examinent la polyvalence et l’adaptabilité de différentes interventions de prescription sociale faites par et pour différentes populations, soulignent la nécessité d’un leadership de nouvelle génération de la part des jeunes et des personnes ayant une expertise acquise dans la collectivité ou liée au vécu personnel et énoncent les domaines dans lesquels des études approfondies s’imposent.
La première partie du numéro spécial comprend plusieurs exemples d’applications concrètes de la prescription sociale. Vaillancourt et ses collaborateurs explorent comment les relations avec la nature et les liens avec la terre sont fondés sur la culture et peuvent être bénéfiques pour la santé, tant pour les collectivités autochtones que pour les collectivités non-autochtonesNote de bas de page 10. Leur démarche réflexive a fait ressortir l’importance de la décolonisation et de l’intégration des pratiques de guérison autochtones dans les initiatives de prescription sociale. Ramirez et ses collaborateurs explorent comment la prescription sociale peut servir à renforcer l’équité en santé dans les communautés noires et s’intéressent en particulier à la création de programmes culturellement sûrs qui sont fondés sur la confiance et sur les valeurs afrocentriquesNote de bas de page 19. Enfin, Brubacher et ses collaborateurs analysent un programme de prescription sociale d’aliments à Guelph (Ontario)Note de bas de page 20. Leurs travaux montrent que le programme a amélioré non seulement les résultats clés mais aussi l’accès aux services sociaux, les participants ayant pu consacrer leurs ressources limitées à d’autres biens et services essentiels.
Ce numéro explore également la nécessité de mener d’autres recherches sur la prescription sociale. Ashe et ses collaboratrices ont réalisé une revue des études disponibles pour déterminer comment les chercheurs mesurent actuellement l’efficacité et les résultats de la prescription socialeNote de bas de page 21. Elles ont constaté que le bien-être mental et émotionnel était un aspect bien étudié, mais que des recherches doivent encore être menées au sujet des effets sur la santé physique, les capacités de raisonnement et la mémoire. De plus, leur revue souligne l’importance de tenir compte de facteurs sociodémographiques comme le revenu, la scolarité et l’origine ethnique lorsqu’on évalue si un programme est efficace et équitable pour tous. Little et ses collaborateurs proposent un commentaire sur la prescription alimentaire dans lequel ils explorent les besoins et les possibilités de recherche liés aux aliments, à la jonction entre les services de santé et les services sociaux, ainsi que les mesures favorisant la santé au niveau individuel et populationnelNote de bas de page 22.
Étant donné que la prescription sociale s’articule autour de ce qui compte pour chaque personne ou chaque collectivité, il convient aussi que la recherche sur la prescription sociale s’articule autour de l’expertise des participants ayant une expérience vécue. Nous avons la chance d’inclure trois lettres à la rédaction percutantes dans ce numéro : NormanNote de bas de page 23, BarreNote de bas de page 24 et PaquetteNote de bas de page 25 font chacun part des expériences qu’ils ont vécues. Leurs lettres montrent l’impact des interventions de prescription sociale et l’importance de l’expertise des participants en ce qui concerne l’élaboration des programmes et la formation des professionnels de la santé.
Soulignant la possibilité que la prescription sociale soit adoptée à grande échelle par les futurs professionnels de la santé, les dirigeants communautaires et les chercheurs, Muhl et ses collaboratrices rendent compte d’une augmentation de l’intérêt des étudiants postsecondaires envers la prescription sociale au CanadaNote de bas de page 26. Les auteures invitent les étudiants, les systèmes de santé et les universités à collaborer pour établir des partenariats et intégrer la prescription sociale dans l’enseignement, la recherche et la pratique quotidienne.
La prescription sociale est un domaine qui a le vent en poupe au Canada, et nous avons reçu un grand nombre d’excellents textes en prévision de ce numéro. Par conséquent, une seconde partie est prévue à ce numéro spécial, pour septembre 2024. Nous encourageons les chercheurs, les praticiens et les bailleurs de fonds à poursuivre la recherche sur la prescription sociale afin que les pratiques adoptées soient efficaces, équitables, significatives, mesurables et bénéfiques pour la santé. Cinquante ans après la publication du rapport Lalonde sur la promotion de la santé, la prescription sociale pourrait devenir une pierre angulaire de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques au Canada – pour les 50 prochaines années, et peut-être même plus.
Conflits d’intérêts
KM, KGC et SA ont agi comme rédacteurs invités pour ce numéro de la revue PSPMC, mais ils se sont retirés du processus décisionnel associé à la publication de ce texte.
Avis
Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.
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