Recherche quantitative originale – Association entre l’augmentation du temps d’écran pendant la pandémie de COVID-19 et l’évolution des comportements de consommation d’alcool chez les adolescents au Canada : une étude de cohorte prospective

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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : novembre 2025
ISSN: 2368-7398
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Thepikaa Varatharajan, M.S.P.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Christa Orchard, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3; Erin Collins, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 4; Ahmed Al‑Jaishi, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Salah Uddin Khan, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2; Kate Battista, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Scott T. Leatherdale, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Rojiemiahd Edjoc, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs 4
https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.11/12.03f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Attribution suggérée
Article de recherche par Varatharajan T et al. dans la Revue PSPMC mis à disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0
Rattachement des auteurs
Correspondance
École des sciences de la santé publique, Université de Waterloo, 200, avenue University West, Waterloo (Ontario) N2L 3G1; courriel : t8varath@uwaterloo.ca
Citation proposée
Varatharajan T, Orchard C, Collins E, Al-Jaishi A, Khan SU, Battista K, Leatherdale ST, Edjoc R. Association entre l’augmentation du temps d’écran pendant la pandémie de COVID‑19 et l’évolution des comportements de consommation d’alcool chez les adolescents au Canada : une étude de cohorte prospective. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2025;45(11/12):502-512. https://doi.org/10.24095/hpcdp.45.11/12.03f
Résumé
Introduction. Cette étude a pour objectif d’analyser l’association entre une augmentation du temps passé devant un écran et les changements dans la consommation d’alcool chez les adolescents au Canada pendant la pandémie de COVID-19.
Méthodologie. Des données autodéclarées ont été recueillies auprès d’élèves du secondaire qui ont participé à l’étude COMPASS avant la pandémie (à la phase T1, année scolaire 2018-2019) et au moins une fois après le début de la pandémie, soit à la phase T2 (mai à juillet 2020) ou à la phase T3 (année scolaire 2020-2021). Nous avons utilisé des modèles de régression logistique multinomiale pour estimer le rapport de cotes ajusté (RCa) de l’association entre le changement du temps d’écran depuis le début de la pandémie et l’évolution de la consommation d’alcool aux phases T2 et T3.
Résultats. Une grande majorité des élèves de 12 à 19 ans de notre échantillon a déclaré avoir passé plus de temps devant un écran (92 % à la phase T2 et 91 % à la phase T3) depuis le début de la pandémie. L’augmentation du temps d’écran a été associée à une probabilité plus élevée de commencer à consommer de l’alcool au cours de la phase T2 (RCa = 1,66; intervalle de confiance à 95 % [IC] : 1,09 à 2,51) et de la phase T3 (RCa = 1,45; IC à 95 % : 1,22 à 1,73). Parmi les élèves qui consommaient déjà de l’alcool au début de l’étude, l’augmentation du temps d’écran (RCa = 0,55; IC à 95 % : 0,40 à 0,75) et l’augmentation de l’utilisation des médias sociaux (RCa = 0,72; IC à 95 % 0,59 à 0,87) ont été associées à des probabilités réduites de diminuer leur fréquence de consommation d’alcool par rapport aux probabilités de la maintenir à la phase T3.
Conclusion. Nous avons constaté l’existence d’une relation entre l’augmentation du temps passé devant un écran et le fait de commencer à consommer de l’alcool ou de changer les modalités de cette consommation pendant la pandémie chez les adolescents au Canada. Des recherches futures pourraient porter sur les causes de cette relation et identifier les groupes à risque et les interventions potentielles pour prévenir et réduire la consommation d’alcool chez les adolescents.
Mots-clés : jeunes, alcool, pandémie, temps d’écran, médias sociaux
Points saillants
- Environ 91 % des adolescents interrogés ont déclaré avoir augmenté leur temps d’écran depuis le début de la pandémie, à la fois au début de la pandémie (entre mai et juillet 2020) et plus tard, au cours de l’année scolaire 2020-2021.
- L’augmentation du temps d’écran a été associée à une probabilité plus élevée que les adolescents commencent à consommer de l’alcool, en particulier au début de la pandémie, entre mai et juillet 2020 (rapport de cotes ajusté [RCa] = 1,66; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,0 à 2,51), mais aussi pendant l’année scolaire 2020-2021 (RCa = 1,45; IC à 95 % : 1,22 à 1,73).
- Parmi les adolescents qui consommaient déjà de l’alcool au début de l’étude, l’augmentation du temps d’écran (RCa = 0,55; IC à 95 % : 0,40 à 0,75) et l’augmentation de l’utilisation des médias sociaux (RCa = 0,72; IC à 95 % 0,59 à 0,87) ont été associées à une probabilité plus faible de réduction de la fréquence de consommation d’alcool par rapport à la probabilité de maintien de cette fréquence.
Introduction
Les écrans (téléphones portables, tablettes, ordinateurs et téléviseurs) font partie intégrante de la vie quotidienne des enfants et des adolescents canadiens, que ce soit à la maison ou à l’écoleNote de bas de page 1Note de bas de page 2. Le temps d’écran désigne tout temps passé devant un appareil électronique, qu’il s’agisse d’un temps actif (participer cognitivement ou physiquement à des activités à l’écran) ou passif (participer à des activités sédentaires à l’écran ou recevoir passivement de l’information qui passe à l’écran)Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5. Parmi les exemples de temps d’écran actif, on peut citer les jeux de culture physique en réalité virtuelle, les appels vidéo et les discussions en ligne et, pour les activités passives à l’écran, on peut citer le fait de regarder la télévision ou de faire défiler des applications de médias sociaux (définie comme toute plateforme interactive en ligne sur laquelle les individus peuvent créer et partager du contenu généré par l’utilisateur sous la forme d’images, de messages personnels, de vidéos, etc.)Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6.
Les Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures recommandent de ne pas dépasser 2 heures par jour de temps d’écran récréatif pour les enfants et les jeunes de 5 à 17 ansNote de bas de page 7. De nouvelles données montrent que passer un temps excessif devant un écran constitue un facteur de risque indépendant important pour plusieurs résultats négatifs en matière de santé physique, cognitive, comportementale et mentale chez les adolescents, notamment un comportement sédentaire, de l’isolement social, une augmentation du risque d’intériorisation des problèmes (par exemple, des symptômes de dépression et d’anxiété), une plus faible maîtrise de soi et un sommeil de mauvaise qualitéNote de bas de page 2Note de bas de page 8.
En 2018-2019, environ 31 % des jeunes Canadiens de 12 à 17 ans ont passé en moyenne 3,8 heures par jour devant un écran, ce qui est relativement similaire au temps d’écran quotidien moyen des jeunes Nord-Américains au cours de la décennie précédenteNote de bas de page 9Note de bas de page 10. Le début de la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre de mesures de santé publique pour contenir la propagation de l’infection (fermeture des écoles, éloignement physique, restrictions de voyage et confinement à domicile) ont entraîné une augmentation du temps d’écran des adolescentsNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16. Les trois quarts des parents canadiens (78,8 %) ayant répondu à l’enquête ParticipACTION 2020 (n = 1472) ont déclaré que le temps d’écran de leurs enfants (5-17 ans) avait augmenté au cours du mois qui a suivi la déclaration de pandémie mondiale de COVID-19 par l’Organisation mondiale de la santé et durant le pic des restrictionsNote de bas de page 17. Les adolescents canadiens (14-17 ans; n = 774) ont passé environ 4,21 heures par jour de temps de loisir devant un écranNote de bas de page 18. Moore et ses collaborateurs ont mentionné que davantage d’enfants et de jeunes ont respecté les recommandations en matière de temps d’écran au cours de la deuxième vague de la pandémie (octobre 2020; 25 %) qu’au cours de la première vague (avril 2020; 11,3 %)Note de bas de page 19.
Le temps d’écran excessif peut également varier, en particulier chez les adolescents, en fonction du type de média utilisé (télévision, médias sociaux, Internet, jeux vidéo)Note de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22. En outre, les préférences d’écran peuvent évoluer avec l’âge, par exemple, le temps passé sur les médias traditionnels (regarder la télévision et jouer à des jeux vidéo) peut rester le même, tandis que l’affichage et le défilement sur les médias sociaux augmentent et atteignent leur apogée entre le milieu et la fin de l’adolescenceNote de bas de page 20Note de bas de page 23. En 2025, environ 70 % des adolescents aux États-Unis (n = 10 092; 11-15 ans) ont déclaré avoir au moins un compte sur les médias sociauxNote de bas de page 21, certains jeunes passant plus de 3 heures par jour sur des plateformes de médias sociaux, le plus souvent YouTube, Snapchat, Instagram et TiktokNote de bas de page 6Note de bas de page 8Note de bas de page 19Note de bas de page 24.
Une conséquence marquante de l’utilisation excessive des écrans pendant la pandémie a été un changement parallèle dans les habitudes de consommation d’alcool des individusNote de bas de page 5Note de bas de page 25Note de bas de page 26. Ces résultats, qui s’harmonisent avec les recherches menées avant la pandémie, montrent des associations transversales et prospectives entre le temps passé devant un écran et la consommation de substances, notamment d’alcool, de cannabis et de tabacNote de bas de page 27Note de bas de page 28Note de bas de page 29Note de bas de page 30. En 2021, Tebar et ses collaborateurs ont fait état d’une association positive entre l’augmentation du temps passé devant la télévision et l’envie de consommer de l’alcool, et d’une association négative entre l’utilisation accrue de l’ordinateur et la consommation d’alcool dans un échantillon d’adultes brésiliensNote de bas de page 27. Su et ses collaborateurs ont signalé une probabilité plus faible de consommation d’alcool chez les étudiants chinois (5-17 ans) qui respectaient seulement la recommandation de deux heures quotidiennes et moins de temps d’écran, par rapport à leurs pairs qui ne respectaient aucune des Directives en matière de mouvement sur 24 heuresNote de bas de page 26. Wiciak et ses collaborateurs ont observé que le temps d’écran hebdomadaire moyen des jeunes adultes a augmenté pendant la pandémie de 8 heures pour les divertissements et de 6,8 heures pour l’utilisation des médias sociauxNote de bas de page 24. Ce temps d’écran excessif pour les divertissements a été associé de manière significative à des niveaux plus élevés d’abus d’alcool et à un plus grand nombre de portions d’alcool par semaineNote de bas de page 24.
Étant donné que la plupart des données dont on dispose sont de nature transversale ou ont porté sur des populations adultes, notre objectif était d’évaluer l’association entre l’augmentation autodéclarée du temps d’écran, en réponse à la pandémie de COVID-19, et les changements dans la consommation d’alcool (début, intensification ou réduction) chez les adolescents. Compte tenu de la popularité de l’utilisation des médias sociaux à cet âgeNote de bas de page 6Note de bas de page 8Note de bas de page 21Note de bas de page 31, l’un des objectifs secondaires de notre étude était de déterminer la direction et l’ampleur de l’association entre les changements autodéclarés dans l’utilisation des médias sociaux et la consommation d’alcool pendant la pandémie.
Méthodologie
Approbation éthique
Toutes les procédures employées dans le cadre de l’étude COMPASS ont été approuvées par le Bureau d’éthique de la recherche de l’Université de Waterloo (ORE 30 118), le CIUSSS de la Capitale-Nationale-Université Laval (MP-13-2017-1264) et les commissions scolaires participantes.
Source des données
Nous présentons cette étude conformément aux directives STROBENote de bas de page 32. L’étude COMPASS (Cannabis, Obesity, Mental health, Physical Activity, Sedentary behaviour and Smoking [cannabis, obésité, santé mentale, activité physique, comportement sédentaire et tabagisme]) constitue la source de données pour cette recherche. Il s’agit d’une étude de cohorte longitudinale d’élèves fréquentant des écoles en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec. L’étude COMPASS recrute sur une base continue un échantillon d’élèves du secondaire de la 9e à la 12e année (Ire à la Ve secondaire au Québec; 12 à 19 ans) et elle est menée annuellementNote de bas de page 33. (Une description complète de la méthodologie de l’étude COMPASS est disponible en ligne).
Conception et participants
Nous avons utilisé les données des élèves des vagues 7 (T1 : année scolaire 2018-2019), 8 (T2 : année scolaire 2019-2020) et 9 (T3 : année scolaire 2020-2021) de l’étude COMPASS. Ont été inclus les élèves qui ont rempli le questionnaire au début de l’étude (T1) et au moins un questionnaire de suivi, à la phase T2 ou la phase T3. Lors de la phase T1, les données relatives aux élèves ont été recueillies au moyen d’un questionnaire imprimé rempli en personne et pendant les heures de coursNote de bas de page 34. En réponse aux fermetures des écoles, l’étude COMPASS a adopté un questionnaire en ligne, envoyé par courriel à tous les élèves par leur écoleNote de bas de page 34. Les données de la phase T2 (mai à juillet 2020) et T3 ont été recueillies en ligne à l’aide du logiciel d’enquête Qualtrics XM (Qualtrics, Provo, Utah, États-Unis). Étant donné le chevauchement entre la période prépandémique et le début de la pandémie lors de l’année scolaire 2019-2020, les participants qui ont rempli le questionnaire à la phase T2 avant le début de la pandémie en mars 2020 ont été exclus. Par conséquent, seuls ceux ayant rempli un questionnaire entre mai et juillet 2020 ont été inclus dans l’échantillon de T2. Cette démarche a abouti à une cohorte de participants plus petite pour T2 que pour T1 et T3.
Mesures
Variable d’exposition principale : augmentation du temps d’écran depuis le début de la pandémie de COVID-19
À la phase T2 (mai à juillet 2020) et à la phase T3 (septembre 2020 à juin 2021), on a demandé aux élèves si le « temps passé à communiquer avec des amis en ligne », le « temps passé à regarder la télévision/des films ou à jouer à des jeux vidéo » et le « temps passé à surfer/poster sur les médias sociaux » avaient « augmenté », étaient « restés les mêmes » ou avaient « diminué » après le début de la pandémie. On a utilisé un indicateur binaire pour indiquer si les élèves avaient déclaré que leur utilisation de l’une de ces trois activités avait augmenté ou que le temps passé à ces trois types de temps d’écran avait diminué ou était resté le même (ou si la question n’était pas applicable).
Variable d’exposition secondaire : utilisation accrue des médias sociaux depuis le début de la pandémie de COVID-19
On a mesuré les changements dans l’utilisation des médias sociaux depuis le début de la pandémie sur la base des réponses des élèves uniquement à propos du « temps passé à surfer/poster sur les médias sociaux ». Les réponses ont été regroupées en une variable binaire, « a augmenté » ou « a diminué / est resté le même ».
Variable de résultat : changements dans la consommation d’alcool
Aux trois moments, les participants ont été invités à évaluer la fréquence de leur consommation d’alcool à l’aide des options de réponse suivantes : « Je n’ai jamais bu d’alcool », « Je n’ai pas bu d’alcool au cours des 12 derniers mois », « Je n’ai bu qu’une gorgée d’alcool », « moins d’une fois par mois », « une fois par mois », « 2 ou 3 fois par mois », « une fois par semaine », « 2 ou 3 fois par semaine », « 4 à 6 fois par semaine » et « tous les jours ». Nous avons comparé la réponse à la phase T1 par rapport à la phase T2 et la réponse à la phase T1 par rapport à la phase T3, avec deux variables de résultat mesurées pour deux groupes différents : 1) début de consommation par rapport à abstinence, et 2) intensification ou réduction de la consommation par rapport à maintien de la consommation.
Variable de résultat 1 : début de consommation d’alcool par rapport à abstinence
Nous avons vérifié si les élèves ayant déclaré ne pas avoir consommé d’alcool au cours de l’année écoulée à la phase T1 (en répondant « Je n’ai jamais bu d’alcool », « Je n’ai pas bu d’alcool au cours des 12 derniers mois » ou « Je n’ai bu qu’une gorgée d’alcool ») ont déclaré ne pas avoir consommé d’alcool au moment du suivi (« abstinence ») ou avoir commencé à consommer de l’alcool au moment du suivi.
Variable de résultat 2 : intensification ou réduction par rapport à maintien de la consommation d’alcool
Nous avons vérifié si la fréquence de consommation d’alcool parmi les élèves ayant déclaré au moins une certaine consommation d’alcool à la phase T1 avait augmenté (« intensification »), diminué (« réduction ») ou était restée la même (« maintien »), en utilisant les mêmes regroupements que dans les études antérieures portant sur cette cohorteNote de bas de page 35.
Covariables
La sélection a priori des covariables repose sur les recherches existantesNote de bas de page 13Note de bas de page 20Note de bas de page 36 et les relations logiques attendues. Les caractéristiques saisies au début de l’étude ont été l’âge, le sexe et l’origine ethnique, en raison des différences connues entre ces groupes sociodémographiques en matière de temps d’écran et de consommation d’alcoolNote de bas de page 36. Étant donné la corrélation entre santé mentale, temps passé devant un écran et consommation d’alcool, notamment pendant la pandémieNote de bas de page 13Note de bas de page 20, nous avons évalué les symptômes de dépression à l’aide de l’échelle de dépression révisée à 10 éléments du Center for Epidemiologic Studies (CESD-R-10). L’échelle à 7 éléments sur le trouble d’anxiété généralisée (GAD-7) a été utilisée pour mesurer les symptômes d’anxiété. Les deux échelles ont été validées pour une utilisation chez des adolescentsNote de bas de page 37Note de bas de page 38.
Nous avons relevé la fréquence de consommation d’alcool au départ de l’étude, ainsi que l’usage autodéclaré de cigarettes et de cigarettes électroniques au cours du mois écoulé, la consommation de cannabis au cours de l’année écoulée et la consommation d’opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales au cours de l’année écoulée (oxycodone, fentanyl ou autres analgésiques). Les mesures de la consommation d’alcool et d’autres substances parmi les élèves sont conformes aux outils nationaux de surveillance des populations de jeunesNote de bas de page 39. Nous avons calculé le temps d’écran en minutes par jour en additionnant les minutes autodéclarées passées à regarder la télévision, à jouer à des jeux vidéo, à surfer sur Internet et à envoyer des messages. Des évaluations antérieures ont mentionné des coefficients de corrélation intraclasse pour un test-retest d’une semaine allant de 0,54 à 0,86 pour chaque élémentNote de bas de page 10Note de bas de page 40Note de bas de page 41.
Analyses
À l’aide de modèles de régression logistique multinomiale, nous avons étudié l’association entre un changement dans la consommation d’alcool et un changement dans le temps d’écran total et dans l’utilisation des médias sociaux. La cohorte T2 a été divisée entre ceux qui avaient déclaré avoir consommé de l’alcool au début de l’étude et ceux qui ne l’avaient pas fait. Des modèles ont ensuite été exécutés pour vérifier si les augmentations du temps d’écran et de l’utilisation des médias sociaux étaient associées une probabilité de début de consommation d’alcool chez les élèves qui ne consommaient aucun alcool et à des changements dans les probabilités d’intensification ou de réduction de la consommation d’alcool chez ceux qui consommaient déjà de l’alcool. Ce processus a été répété pour la cohorte T3, ce qui a donné lieu à huit modèles différents, pour les deux variables d’exposition à deux points dans le temps et par groupe de référence (ceux qui consommaient de l’alcool et ceux qui n’en consommaient pas).
Tous les modèles ont été ajustés pour les grappes correspondant aux écoles, la province où se trouve l’école, les caractéristiques sociodémographiques, l’état de santé mentale, la consommation de substances et le nombre moyen de minutes d’écran par jour au début de l’étude. Les modèles de consommation autodéclarée d’alcool au départ ont également été ajustés pour la fréquence de consommation d’alcool au début de l’étude, c’est-à-dire une consommation occasionnelle (une fois par mois ou moins fréquemment) ou une consommation régulière (2 ou 3 fois par mois ou plus). Les estimations bêta des modèles ont été exponentiées afin d’obtenir les rapports de cote bruts et ajustés avec les intervalles de confiance à 95 % correspondants.
Lorsqu’il manquait des éléments sur les échelles de santé mentale, nous avons inclus tous les individus qui ont déclaré au moins un élément sur une échelle, en utilisant la moyenne des réponses non manquantes pour estimer le score global sur l’échelleNote de bas de page 42. Lorsqu’il manquait des réponses sur des variables d’entrée, nous avons effectué une analyse de cas complète, en excluant les individus avec des éléments manquants. En guise d’analyse de sensibilité, nous avons répété l’analyse principale en supprimant les médias sociaux de la mesure du temps d’écran, afin de vérifier si l’utilisation des médias sociaux avait une influence sur la direction ou sur l’ampleur des effets.
Les analyses ont été réalisées à l’aide de la version 4.2.1 de RStudio, en utilisant le module « nnet » pour exécuter les modèles de régression multinomialeNote de bas de page 43.
Résultats
Échantillon
Au total, 14865 élèves des écoles participant aux trois vagues de collecte de données ont répondu au questionnaire de départ à la phase T1 au cours de l’année scolaire 2018-2019 et à au moins un questionnaire de suivi entre mai 2020 et juin 2021. Plus précisément, 4103 élèves ont répondu au questionnaire T2 entre mai et juillet 2020 (27,0 % des élèves des écoles participant à la vague 8 de l’étude COMPASS), 12648 ont répondu au questionnaire T3 au cours de l’année scolaire 2020-2021 (85,0 % des élèves des écoles participant à la vague 9 de l’étude COMPASS) et 1886 ont répondu à la fois au questionnaire T2 et au questionnaire T3 (12,7 % des élèves des écoles participant aux vagues 8 et 9 de l’étude COMPASS). Pour réduire le biais de l’échantillon pendant la période suivant immédiatement la mise en œuvre des restrictions liées à la pandémie (c’est-à-dire T2), seules les écoles ayant participé à au moins une période de suivi ont été incluses.
Après l’élimination des élèves pour lesquels on ne disposait pas de données sur les variables d’exposition et de résultat, les tailles finales des échantillons ont été de 3419 (83,3 %) pour les élèves ayant rempli les questionnaires T1 et T2 et de 10770 (85,2 %) pour ceux ayant rempli les questionnaires T1 et T3. (Un diagramme de flux illustrant l’inclusion et l’exclusion des participants à l’étude est disponible sur demande auprès des auteurs.)
Les variables comportant un grand nombre de non-réponses étaient celles concernant un changement dans le temps d’écran et dans l’utilisation des médias sociaux, pour lesquels environ 12 % (respectivement n = 501 et n = 503) des répondants n’avaient pas fourni de données à la phase T2 et environ 9 % (respectivement n = 1157 et n = 1164) à la phase T3. En outre, 8,4 % (n = 344) des répondants aux questionnaires T1 et T2 et 7 % (n = 882) des répondants aux questionnaires T1 et T3 n’avaient pas fourni de données sur les changements dans la consommation d’alcool. (Une comparaison des répondants avec et sans données manquantes pour chaque période de suivi est disponible sur demande auprès des auteurs.)
Caractéristiques de base
Plus de la moitié des répondants étaient de sexe féminin, plus des trois quarts s’étaient auto-identifiés comme Blancs et la majorité avaient 15 ans ou moins. Alors que les scores moyens aux échelles CESD-R-10 et GAD-7 étaient inférieurs aux seuils diagnostiques de 10, 31 % des répondants T2 répondaient aux critères d’un trouble de dépression et 21 % à ceux d’un trouble d’anxiété. À hauteur de respectivement 25 % et 16 %, ces proportions se sont révélées légèrement inférieures à la phase T3 (tableau 1).
| Caractéristiques | Répondants T1 + T2 (n = 3419)Note de bas de page a | Répondants T1 + T3 (n = 10 770)Note de bas de page b |
|---|---|---|
| Sexe, n (%) | ||
| Féminin | 2215 (64,8) | 6284 (58,3) |
| Masculin | 1204 (35,2) | 4486 (41,7) |
| Âge en années, n (%) | ||
| 12 | 252 (7,4) | 1354 (12,6) |
| 13 | 598 (17,5) | 2608 (24,2) |
| 14 | 847 (24,8) | 3774 (35,0) |
| 15 | 953 (27,9) | 2594 (24,1) |
| 16 | 606 (17,7) | 418 (3,9) |
| 17 à 19 ans | 163 (4,8) | 22 (0,2) |
| Origine ethnique, n (%) | ||
| Blanche | 2645 (77,4) | 8691 (80,7) |
| Noire | 105 (3,1) | 205 (1,9) |
| Asiatique | 239 (7,0) | 550 (5,1) |
| Latino-américaine | 55 (1,6) | 160 (1,5) |
| Autre/multiraciale | 375 (11,0) | 1164 (10,8) |
| Échelle sur l’état de santé mentale, score moyen (EI) | ||
| CESD-R-10Note de bas de page c | 6,0 (3,0 à 11,0) | 6,0 (3,0 à 10,0) |
| GAD-7Note de bas de page d | 4,0 (2,0 à 8,0) | 3,0 (1,0 à 7,0) |
| Consommation de substances, n (%) | ||
| Usage de cigarettes au cours du dernier mois | 111 (3,2) | 224 (2,1) |
| Usage de cigarette électronique au cours du dernier mois | 654 (19,1) | 1721 (16,0) |
| Consommation de cannabis au cours de l’année écoulée | 368 (10,8) | 809 (7,5) |
| Consommation d’opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales au cours de l’année écoulée | 114 (3,3) | 351 (3,3) |
| Temps d’écran quotidien moyen, en minutes (EI) | ||
| Total | 300 (210 à 450) | 285 (180 à 420) |
| Télévision | 90 (60 à 150) | 90 (45 à 135) |
| Jeux vidéo | 15 (0 à 90) | 30 (0 à 120) |
| Internet | 60 (30 à 150) | 60 (30 à 120) |
| Messagerie | 45 (15 à 120) | 30 (15 à 90) |
| Fréquence de la consommation d’alcool, n (%) | ||
| AucuneNote de bas de page e / une gorgée seulement | 2015 (58,9) | 6957 (64,8) |
| Moins d’une fois par mois | 670 (19,6) | 1896 (17,6) |
| Une fois par mois | 288 (8,4) | 738 (6,9) |
| 2 à 3 fois par mois | 312 (9,1) | 817 (7,6) |
| Une fois par semaine | 84 (2,5) | 218 (2,0) |
| 2 à 3 fois par semaine | 36 (1,1) | 94 (0,9) |
| 4 à 6 fois par semaine | 11 (0,3) | 17 (0,2) |
| Tous les jours | 3 (0,1) | 15 (0,1) |
L’usage de cigarettes au cours du dernier mois et la onsommation d’opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales au cours de l’année écoulée se sont avérés relativement rares, mais 19 % des répondants à la phase T2 et 16 % à la phase T3 ont déclaré avoir fait usage de cigarettes électroniques au cours du mois précédent. Un peu plus du tiers ont déclaré consommer de l’alcool au début de l’étude, et le temps d’écran quotidien moyen était de 300 minutes (5 heures) à la phase T2 et de 285 minutes (4,75 heures) à la phase T3 (tableau 1).
Changements dans le temps d’écran et dans la consommation d’alcool
La plupart des répondants ont déclaré avoir augmenté leur temps d’écran depuis le début de la pandémie, soit 92 % à la phase T2 et 91 % à la phase T3 (tableau 2). Environ les deux tiers (69 %) ont fait état d’une utilisation accrue des médias sociaux aux phases T2 et T3. Une plus grande proportion de filles que de garçons ont déclaré avoir passé plus de temps devant un écran à la phase T3 (92,6 % chez les filles contre 88,6 % chez les garçons; p < 0,001). Aucune différence significative entre les filles et les garçons n’a été observée à la phase T2. Une plus grande proportion de filles que de garçons ont déclaré avoir passé plus de temps sur les médias sociaux à la phase T2 (73 % chez les filles contre 61 % chez les garçons; p < 0,001) et à la phase T3 (74 % chez les filles contre 60 % chez les garçons; p < 0,001).
Parmi les répondants qui ne consommaient pas d’alcool au début de l’étude, 27 % avaient commencé à boire de l’alcool à la phase T2 et 46 % à la phase T3 (tableau 2). Parmi les élèves ayant déclaré consommer de l’alcool au départ, 36 % ont maintenu leur consommation, 37 % l’ont augmentée et 27 % en ont réduit la fréquence à la phase T2 tandis que 29 % ont maintenu leur consommation d’alcool, 44 % l’ont augmentée et 27 % en ont réduit la fréquence à la phase T3.
Une plus grande proportion de filles que de garçons ont commencé à consommer de l’alcool à la phase T2 (68 % chez les filles contre 32 % chez les garçons) et à la phase T3 (59 % chez les filles contre 41 % chez les garçons) (p < 0,001). Des différences entre les filles et les garçons ont été observées pour les élèves ayant réduit leur consommation d’alcool à la phase T2 (65 % chez les filles contre 35 % chez les garçons; p = 0,03) et pour les élèves ayant augmenté leur consommation d’alcool à la phase T3 (58 % chez les filles contre 42 % pour les garçons; p < 0,001). (Une ventilation des changements dans le temps d’écran et dans la consommation d’alcool par sexe est disponible sur demande auprès des auteurs.)
| Changement de comportement | Répondants T1 + T2 (n = 3419)Note de bas de page a |
Répondants T1 + T3 (n = 10 770)Note de bas de page b |
|---|---|---|
| Temps d’écran, n (%) | ||
| Pas d’augmentation/diminution | 260 (7,6) | 978 (9,1) |
| Augmentation | 3159 (92,4) | 9792 (90,9) |
| Utilisation des médias sociaux, n (%) | ||
| Pas d’augmentation/diminution | 1071 (31,3) | 3391 (31,5) |
| Augmentation | 2348 (68,7) | 7379 (68,5) |
| Changement dans la consommation d’alcool, n (%) | ||
| Aucune consommation en début d’étudeNote de bas de page c | ||
| AbstinenceNote de bas de page d | 1462 (72,6) | 3746 (53,7) |
| Début de consommationNote de bas de page e | 553 (27,4) | 3229 (46,3) |
| Consommation en début d’étudeNote de bas de page c | ||
| IntensificationNote de bas de page f | 523 (37,3) | 1661 (43,8) |
| MaintienNote de bas de page g | 506 (36,0) | 1117 (29,4) |
| RéductionNote de bas de page h | 375 (26,7) | 1017 (26,8) |
Changements dans la consommation d’alcool
Parmi les élèves qui ne consommaient pas d’alcool au départ, une augmentation du temps d’écran et une augmentation de l’utilisation des médias sociaux ont été associées à des augmentations de respectivement 66 % et 69 % des probabilités ajustées de commencer à consommer de l’alcool à la phase T2 et à des augmentations de respectivement 45 % et 75 % des probabilités ajustées de commencer à consommer de l’alcool à la phase T3 (tableau 3).
| Changement de comportement | Réponses T2 par rapport à T 1 (n = 3419)Note de bas de page a RC (IC à 95 %) |
Réponses T3 par rapport à T1 (n = 10 770)Note de bas de page b RC (IC à 95 %) |
||||
|---|---|---|---|---|---|---|
| Début vs abstinence | Intensification vs maintien | Réduction vs maintien | Début vs abstinence | Intensification vs maintien | Réduction vs maintien | |
| Temps d’écran accru | ||||||
| Non ajusté | 1,54 (1,03 à 2,30) |
1,17 (0,72 à 1,89) |
1,01 (0,61 à 1,67) |
1,48 (1,25 à 1,76) |
0,73 (0,54 à 0,97) |
0,55 (0,40 à 0,74) |
| AjustéNote de bas de page c | 1,66 (1,09 à 2,51) |
1,17 (0,72 à 1,91) |
1,02 (0,60 à 1,72) |
1,45 (1,22 à 1,73) |
0,76 (0,56 à 1,03) |
0,55 (0,40 à 0,75) |
| Utilisation des médias sociaux accrue | ||||||
| Non ajustée | 1,77 (1,42 à 2,20) |
1,34 (1,00 à 1,79) |
0,85 (0,63 à 1,15) |
1,78 (1,61 à 1,98) |
1,02 (0,86 à 1,22) |
0,75 (0,55 à 0,94) |
| AjustéeNote de bas de page c | 1,69 (1,34 à 2,12) |
1,31 (0,97 à 1,77) |
0,88 (0,56 à 1,19) |
1,75 (1,57 à 1,95) |
1,08 (0,90 à 1,30) |
0,72 (0,59 à 0,87) |
Parmi les adolescents qui consommaient déjà de l’alcool au début de l’étude, l’augmentation du temps d’écran et celle de l’utilisation des médias sociaux dans les modèles ajustés n’ont pas été associées à une augmentation de la consommation d’alcool par rapport au maintien de la fréquence de consommation initiale, que ce soit à la phase T2 ou à la phase T3. À la phase T2, l’augmentation du temps d’écran n’a pas eu d’effet significatif sur les probabilités ajustées de réduire ou de maintenir la fréquence prépandémique de consommation d’alcool. Cependant, à la phase T3, les augmentations du temps d’écran et d’utilisation des médias sociaux ont été associées à une diminution de respectivement 55 % et 72 % des probabilités ajustées de réduire la consommation d’alcool par rapport au maintien de cette consommation.
Lorsque nous avons exclu de l’analyse l’utilisation des médias sociaux de la mesure du temps d’écran, nous avons constaté que les effets repérés étaient comparables, mais légèrement plus faibles, ce qui indique que l’association n’est pas uniquement due au temps d’écran lié aux médias sociaux. (Les résultats de cette analyse sont disponibles sur demande auprès des auteurs.)
Analyse
Cette étude avait pour objectif de tracer l’association entre l’augmentation du temps d’écran pendant la pandémie de COVID-19 et les changements dans la consommation d’alcool chez les adolescents au Canada. Nous avons constaté une corrélation entre une augmentation du temps d’écran et le fait de commencer à consommer de l’alcool pendant la période pandémique. Parmi les adolescents qui consommaient déjà de l’alcool avant le début de la pandémie, on a constaté une relation entre l’augmentation de l’utilisation des médias sociaux et la diminution des probabilités de réduire la consommation d’alcool à la phase T3 (septembre 2020 à juin 2021).
Nos résultats corroborent les recherches antérieures qui ont fait état d’une association entre la consommation d’alcool et l’utilisation des médias sociaux et d’autres types de temps passé devant un écran pendant la pandémie de COVID-19Note de bas de page 27Note de bas de page 29Note de bas de page 30. Nous avons montré en particulier que l’association entre l’augmentation de l’utilisation des médias sociaux et le fait de commencer à consommer de l’alcool a persisté, alors que les interactions en personne étaient restreintes pendant la pandémie.
Les raisons potentielles de ce lien sont complexes. L’une des raisons pourrait être l’exposition accrue à des contenus liés à l’alcool, notamment les publicités, le marketing et les contenus générés par les pairs ou les influenceursNote de bas de page 21Note de bas de page 30Note de bas de page 44. Parmi les autres raisons proposées, citons la relation entre le temps d’écran et le développement du cerveau des adolescents, les changements dans le système de récompense pouvant avoir une influence sur le comportement en matière de consommation d’alcoolNote de bas de page 45. Le temps d’écran et l’utilisation des médias sociaux ont également été associés à une mauvaise santé mentale, ce qui peut avoir un effet médiateur sur les stratégies d’adaptation telles que la consommation d’alcoolNote de bas de page 46. Compte tenu de l’incidence de la pandémie sur la santé mentale, toute relation médiatrice de ce type mérite une attention plus soutenue.
Alors que nous avons constaté une association entre l’augmentation du temps d’écran et le fait de commencer à consommer de l’alcool chez les répondants qui ne consommaient pas d’alcool avant le début de la pandémie, les données associées à un changement dans la consommation d’alcool chez ceux qui consommaient déjà de l’alcool sont moins claires. L’utilisation accrue des médias sociaux semble être liée à une réduction de la consommation d’alcool au début et à la fin de la pandémie (aux phases T2 et T3). À la phase T3, l’augmentation du temps d’écran n’a pas d’effet sur l’intensification de la consommation, mais a diminué les probabilités de réduire la consommation d’alcool.
Les raisons pour lesquelles l’augmentation du temps d’écran affecte différemment ceux qui consomment de l’alcool et ceux qui n’en consomment pas ne sont pas claires. Parmi les explications possibles, on peut citer la capacité réduite des élèves à accéder à de plus grandes quantités d’alcool pendant la pandémie et l’évolution des motivations de consommation d’alcool (par exemple, motifs d’adaptation, motifs de conformité, motifs sociaux et motifs de valorisation)Note de bas de page 47. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer ces relations et pour déterminer si ceux qui ont commencé à consommer de l’alcool pendant la pandémie ont continué à le faire après la pandémie.
Points forts et limites
Plusieurs limites de cette étude sont à prendre en compte. Premièrement, nous avons inclus les élèves dont les écoles ont participé à l’étude COMPASS au cours de l’année scolaire 2018-2019 et soit de mai à juillet 2020, soit au cours de l’année scolaire 2020-2021, soit au cours des deux périodes. Si cette démarche a conduit à exclure certains élèves, en particulier ceux qui étaient plus âgés au départ et qui n’étaient plus admissibles pour participer au suivi, après la pandémie, elle a également fourni une représentation plus précise du biais potentiel dû à l’absence de réponse au suivi au niveau de l’élève.
Deuxièmement, nous avons utilisé des données autodéclarées pour mesurer la consommation d’alcool et le changement de temps d’écran. Ces réponses autodéclarées peuvent donc être sujettes à un biais de désirabilité sociale. Troisièmement, les mesures utilisées pour évaluer les changements perçus dans les comportements des adolescents en matière de temps d’écran pendant la pandémie n’ont pas été validées. Quatrièmement, bien que nous ayons utilisé des données longitudinales pour analyser l’évolution des comportements au fil du temps, nous avons analysé simultanément l’évolution du temps d’écran et l’évolution de la consommation d’alcool. Par conséquent, nous ne pouvons pas confirmer si des changements de temps d’écran ont été influencés par l’évolution de la consommation d’alcool. Cependant, les recherches laissent penser que la direction prédominante de l’effet est du temps d’écran vers la consommation d’alcool ou de substances psychoactivesNote de bas de page 2Note de bas de page 5Note de bas de page 46Note de bas de page 48.
Bien que des associations entre le statut socio-économique et le temps d’écran des jeunes et leur consommation d’alcool aient déjà été observéesNote de bas de page 4Note de bas de page 15, nous n’avons pas inclus cette mesure indirecte dans nos analyses parce que l’étude COMPASS ne recueille pas de données sur le revenu du ménage et que près d’un quart de l’échantillon n’a pas répondu à la question de l’argent de poche hebdomadaire ou de la présence d’un emploi à temps partiel.
Enfin, compte tenu de la petite taille des échantillons de participants qui consommaient de l’alcool et de ceux qui n’en consommaient pas aux différents moments, nous n’avons pas pu déterminer si ces associations différaient en fonction du sexe ou de l’âge au début de la pandémie ou parmi les répondants qui, avant la pandémie, passaient beaucoup de temps devant un écran. En raison de la complexité des modèles ajustés, la prise en compte des grappes correspondant aux écoles a entraîné des problèmes de convergence dans les modèles multiniveaux. Par conséquent, la précision des effets dans ces modèles est surestimée. Cependant, nous avons observé un effet de grappe minimal lié aux écoles dans les modèles que nous avons pu exécuter.
Conclusion
Cette étude enrichit les données probantes actuelles documentant le lien entre le temps d’écran et l’utilisation des médias sociaux chez les adolescents et la consommation d’alcool, en montrant que ces relations ont persisté pendant la pandémie de COVID-19. Les études à grande échelle fondées sur la population devraient continuer à explorer les relations à long terme entre le temps d’écran et la consommation d’alcool à l’adolescence et au début de l’âge adulte. Compte tenu de l’expansion du paysage numérique au cours des dernières années, il est important de déterminer si des groupes spécifiques d’adolescents sont exposés à un risque accru, en tenant compte de facteurs tels que leur âge au moment de la pandémie, leur sexe et leur genre, ainsi que toute condition de santé mentale préexistante. Comprendre pourquoi une augmentation du temps d’écran est liée à la consommation ultérieure d’alcool et identifier les groupes à risque potentiels aiderait à élaborer des stratégies de prévention efficaces pour réduire la consommation d’alcool chez les mineurs. Cela inclut la mise en oeuvre d'une réglementation plus stricte sur le contenu des médias sociaux lié à l'alcool et l'apport de soutien ciblé en matière de santé mentale.
Remerciements
L’étude COMPASS a bénéficié des bourses suivantes : une subvention transitoire de l’Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), grâce à l’attribution du financement prioritaire « Obesity-Interventions to Prevent or Treat » (Interventions pour prévenir ou traiter l’obésité) (OOP-110788; subvention accordée à STL); une subvention de fonctionnement de l’Institut de la santé publique et des populations (ISPP) des IRSC (MOP-114875; subvention accordée à STL); une subvention de projet des IRSC (PJT-148562; subvention accordée à STL); une subvention transitoire des IRSC (PJT-149092; subvention accordée à KAP et STL); une subvention de projet des IRSC (PJT-159693; subvention accordée à KAP); un accord de financement de la recherche conclu avec Santé Canada (no 1617-HQ-000012; contrat attribué à STL); une subvention de projet des IRSC-ISPP (PJT-180262, subvention accordée à STL et KAP). Le projet COMPASS-Québec bénéficie également du financement du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et de la Direction régionale de santé publique du CIUSSS de la Capitale-Nationale. KAP est titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau II sur l’équité et l’inclusion en matière de santé de l’enfant. TV est financé par l’Agence de la santé publique du Canada dans le cadre du Programme fédéral d’expérience de travail étudiant.
Conflits d’intérêts
Au moment de la soumission de l’article, STL faisait partie de l’équipe de rédaction scientifique de la revue PSPMC. Il s’est retiré du processus d’évaluation de cet article.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Contributions des auteurs et avis
- TV : analyse formelle, analyse des données, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
- CO : conception, méthodologie, administration du projet, analyse formelle, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
- EC : conception, méthodologie, administration du projet, relectures et révisions.
- AA : relectures et révisions.
- SUK : relectures et révisions.
- KB : relectures et révisions.
- STL : enquête, organisation des données, acquisition du financement, administration du projet, ressources, relectures et révisions.
- RE : conception, méthodologie, administration du projet, supervision, relectures et révisions.
Le contenu et les opinions exprimés dans cet article sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux du gouvernement du Canada.
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