Augmentation du risque de maladies transmises par les tiques dans le contexte des changements environnementaux

RMTC

Volume 45-4, le 4 avril 2019 : Changement climatique et maladies infectieuses : Les défis

Aperçu

Augmentation du risque de maladies transmises par les tiques dans le contexte des changements climatiques et environnementaux

C Bouchard1,2, A Dibernardo3, J Koffi2,4, H Wood3, PA Leighton2, LR Lindsay3

Affiliations

1 Division des sciences des risques pour la santé publique, Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Saint-Hyacinthe (Québec)

2 Groupe de recherche en épidémiologie des zoonoses et santé publique (GREZOSP), Faculté de médecine vétérinaire (FMV), Université de Montréal, Saint-Hyacinthe (Québec)

Zoonoses et pathogènes spéciaux, Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg (Manitoba)

4 Centre des maladies infectieuses d’origine alimentaire, environnementale et zoonotique, Agence de la santé publique du Canada, Saint-Hyacinthe (Québec)

Correspondance

catherine.bouchard@canada.ca

Citation proposée

Bouchard C, Dibernardo A, Koffi J, Wood H, Leighton PA, Lindsay LR. Augmentation du risque de maladies transmises par des tiques en raison des changements climatiques et environnementaux. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2019 45(4):89–98. https://doi.org/10.14745/ccdr.v45i04a02f

Mots-clés : Anaplasma phagocytophilum, anaplasmose, Babesia microti, babésiose, Borrelia miyamotoi, changement climatique, maladie transmise par les tiques, virus Powassan

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Cette image est un résumé graphique qui illustre la hausse des maladies transmises par les tiques en raison des changements climatiques.

Le résumé graphique se divise en trois sections.

La première section explique « ce que sont les changements climatiques ».

Cette section explique comment l’augmentation de la température et la prolongation de la saison chaude vont entraîner une hausse de l’abondance et de l’activité des tiques, l’élargissement des régions où sévissent les tiques et hôtes réservoirs et une augmentation de la transmission des maladies transmises par les tiques.

La deuxième section explique « l’augmentation risque de » :

  • Augmentation de l’incidence de la maladie de Lyme : bactérie Borrelia burgdorferi
  • Augmentation de l’incidence d’autres maladies transmises par les tiques en fonction des changements climatiques, dont les suivantes :
    • l’anaplasmose
    • la babésiose
    • le virus de l’encéphalite de Powassan
    • fièvre récurrente à tiques causée par Borrelia miyamotoi
  • Maladies dont l’incidence pourrait augmenter en raison des changements climatiques :
    • la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses
    • le virus de la fièvre à tiques du Colorado
    • d’autres infections à Borrelia

La troisième section traite des cinq façons de gérer les maladies transmises par les tiques :

  • une sensibilisation accrue
  • la prévention de l’exposition
  • le diagnostic, lorsqu’elles sont présentes
  • le traitement rapide
  • l’évaluation ou la surveillance des risques

Résumé

Le réchauffement climatique et d’autres changements environnementaux ont contribué à l’expansion de la région où sévissent plusieurs espèces de tiques dans les latitudes élevées d’Amérique du Nord. L’augmentation de la température au Canada crée un environnement plus favorable pour les tiques et prolonge la saison d’activité des tiques. Les maladies transmises par les tiques sont donc susceptibles de devenir plus répandues au pays. En plus de la maladie de Lyme, quatre autres maladies transmises par les tiques, à savoir l’anaplasmose, la babésiose, le virus de l’encéphalite de Powassan et la fièvre récurrente causée par Borrelia miyamotoi, ont commencé à se propager, et leur incidence est susceptible d’augmenter. La hausse de la température favorise la survie et prolonge la période d’activité des tiques, augmente l’étendue géographique des réservoirs et des hôtes pour les tiques (p. ex. les souris et les chevreuils) et allonge la durée de la saison d’exposition des humains aux tiques. D’autres tiques et maladies transmises par les tiques pourraient se propager au Canada au fur et à mesure que le climat change. Les stratégies de santé publique visant à atténuer l’impact de toutes les maladies transmises par les tiques comprennent la surveillance pour détecter les maladies transmises par les tiques actuelles et émergentes, et des mesures de santé publique visant à prévenir les infections en modifiant les facteurs de risque environnementaux et sociaux-comportementaux grâce à la sensibilisation du public. Les stratégies de soins cliniques comprennent la diffusion d’information auprès des patients, la détection précoce, les analyses de laboratoire et le traitement.

Introduction

Les tiques transmettent un vaste éventail d’agents pathogènes bactériens, viraux et protozoaires dans bon nombre de régions tropicales et tempérées du mondeNote de bas de page 1. Les tiques à pattes noires qui transmettent Borrelia burgdorferi, bactérie qui cause la maladie de Lyme dans les parties sud de l’est et du centre du Canada, sont particulièrement préoccupantes en Amérique du NordNote de bas de page 2. Il est maintenant largement reconnu que la hausse de la température associée aux changements climatiques a contribué à l’augmentation globale du nombre, des types, du degré d’activité et de la répartition géographique des tiques en Amérique du NordNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11 et a directement favorisé la propagation des tiques à pattes noires et de la maladie de Lyme vers le nord, au CanadaNote de bas de page 12. Conséquemment, la maladie de Lyme est maintenant présente au Canada, et le nombre de cas déclarés de la maladie est en hausseNote de bas de page 13Note de bas de page 14.

L’objectif de cet aperçu est de résumer les changements climatiques et autres changements environnementaux qui ont une incidence sur le risque associé aux tiques et aux maladies transmises par les tiques, d’identifier les tiques et les maladies transmises par les tiques qui sont déjà présentes ou qui pourraient se propager au Canada, et de décrire les stratégies cliniques et de santé publique relatives à la prise en charge des tiques et des maladies transmises par les tiques.

Effets des changements climatiques et des autres changements environnementaux

Les changements climatiques et autres changements environnementaux devraient augmenter le risque associé aux tiques et aux maladies transmises par les tiques. La prévalence, l’activité et l’étendue géographique d’un nombre de tiques et des agents pathogènes qu’elles transportent devrait aussi augmenter. Ceci est dû aux changements météorologiques qui causent aussi une augmentation de l’étendue géographique des animaux reproducteurs et réservoirs. Les changements climatiques devraient également entraîner l’adoption de nouveaux comportements chez les humains. La saison annuelle du contact entre les animaux hôtes et les humains sera donc plus longueNote de bas de page 15Note de bas de page 16. Outre le climat, d’autres facteurs peuvent aussi toucher les habitats des tiques et des hôtes.

Augmentation du nombre de tiques, de leur activité et élargissement des régions occupées au Canada

Au Canada, une augmentation de la température, des changements de régime des précipitations et des phénomènes climatiques extrêmes (chaleur extrême et pluies torrentielles) associés aux changements climatiques ont été documentésNote de bas de page 17. Toutefois, l’effet des changements climatiques qui influe le plus sur les tiques et les agents pathogènes transmis par les tiques au Canada est l’augmentation de la températureNote de bas de page 5. La hausse de la température a entraîné l’amélioration des conditions favorables à la survie et à la reproduction des tiques et l’augmentation de la vitesse de leur développement. Résultat, leur cycle de vie est accéléréNote de bas de page 5. Les conséquences de ce phénomène sont les suivantes :

Les périodes prolongées de températures extrêmes (élevées ou faibles), d’humidité faible et de fortes pluies peuvent avoir un effet négatif sur le développement des tiques en réduisant leur activité et en augmentant leur taux de mortalitéNote de bas de page 5. Ces changements de température devraient avoir un effet moins marqué sur les tiques que sur les moustiques, car les tiques sont capables de trouver refuge dans leurs habitats boisésNote de bas de page 5.

Augmentation du nombre d’animaux hôtes, de leur activité et élargissement des régions occupées au Canada

Les animaux qui sont des hôtes réservoirs et des hôtes de reproduction jouent un rôle crucial dans le cycle de transmission des agents pathogènes transmis par les tiques et le cycle de vie des tiques, respectivement. L’hôte réservoir est la source de l’agent pathogène pour les stades immatures des tiquesNote de bas de page 25. L’hôte réservoir principal dans la plupart des maladies transmises par les tiques sont les rongeurs sauvages, dont les souris. Les hôtes de reproduction sont la source de repas de sang essentiels à la reproduction chez les femelles adultes. L’hôte de reproduction le plus courant est le chevreuilNote de bas de page 26Note de bas de page 27. Les changements climatiques touchent autant les hôtes de reproduction que les hôtes réservoirs qui entrent en jeu dans le cycle de vie des tiques et la transmission des maladies transmises par les tiques, respectivement (Figure 1). L’augmentation de la température entraînera l’expansion du territoire occupé par les rongeurs et les chevreuilsNote de bas de page 28Note de bas de page 29 de même que l’accroissement de leur abondance et de leur activitéNote de bas de page 3Note de bas de page 29.

Figure 1 : Facteurs météorologiques et climatiques qui sont favorables au cycle de vie des tiques et augmentent le risque pour les humains

Figure 1 : Facteurs météorologiques et climatiques qui sont favorables au cycle de vie des tiques et augmentent le risque pour les humains

Description textuelle : Figure 1

Figure 1 : Facteurs météorologiques et climatiques qui sont favorables au cycle de vie des tiques et augmentent le risque pour les humains

Cette figure est une illustration graphique qui démontre les facteurs-clés des changements climatiques favorisant 1) les tiques vectrices (c.-à-d. leur développement, leur activité, leur durée et saisonnalité), 2) les hôtes réservoirs et de reproduction et 3) la probabilité de maladies transmises par les tiques chez l’humain, selon les risques socio-comportementaux.

Chaque étape du développement comme la mue larvaire et la ponte est affecté par la hausse de la température mondiale et les saisons plus chaudes. L’activité des tiques (c.-à-d. quête) est affectée par la températures (T) et l’humidité (H).


Augmentation de l’exposition des humains aux tiques

La plupart des tiques sont actives dès la fonte des neiges au printemps et jusqu’à l’accumulation de la première couche de neige à l’automne. Généralement, la tique se met en quête d’un hôte quand la température de l’air atteint 4 à 10 °C. Or, les changements climatiques pourraient inciter les gens à reprendre leurs activités de plein air plus tôt au printemps et à les poursuivre jusqu’à une date plus tardive en automne. L’augmentation de la durée de l’exposition à l’habitat de la tique et la prolongation de la saison de l’activité de la tique rend donc l’exposition aux tiques plus probable. En revanche, au cours de journées consécutives de chaleur et de sécheresse en été (canicules), les activités de plein air (humains) et l’activité des tiques seraient toutes deux probablement en baisse. Dans l’ensemble, le risque d’exposition chez les humains en raison des changements climatiques est plus étroitement lié aux hivers plus courts qu’aux périodes de chaleur extrême à l’été.

Principaux groupes à risque de maladies transmises par les tiques :

  • Personnes qui pratiquent des activités récréatives ou professionnelles à l’extérieur (p. ex. chasse, pêche, randonnée pédestre, camping, jardinage, cueillette de champignons ou de petits fruits, promenade de chiens, foresterie et agriculture) dans des zones endémiques ou près de celles-ci
  • Personnes dont la résidence principale ou secondaire se trouve dans des zones endémiques ou près de celles-ci
  • Personnes très jeunes (de 5 à 9 ans) ou âgées (55 ans ou plus)Note de bas de page 30

Impact des autres changements environnementaux

Pour chaque espèce de tique, il existe des biomes et des conditions environnementales privilégiés ou optimaux qui déterminent, en partie, sa répartition géographique et, conséquemment, les zones qui présentent un risque pour les humainsNote de bas de page 31. Les caractéristiques des micro-habitats, dont les caractéristiques des sols, sont essentielles à la survie des tiques et à l’établissement de nouvelles populations de tiquesNote de bas de page 32Note de bas de page 33Note de bas de page 34. Les modifications des caractéristiques des habitats, en parallèle avec les changements climatiques, comme la fragmentation des habitats, la perte de la biodiversité, la disponibilité des ressources et l’utilisation des terres, agissent sur la dynamique des tiques, sur les animaux hôtes et sur le risque d’exposition des humains aux tiquesNote de bas de page 29Note de bas de page 35. À titre d’exemple, la maladie de Lyme s’est propagée aux États-Unis dans les années 1970 en raison de la reforestation de terres agricoles et de l’augmentation conséquente des populations de chevreuils, ce qui à permis l’expansion des populations de tiques Ixodes scapularis porteuses de B. burgdorferiNote de bas de page 3.

Augmentation des maladies transmises par les tiques au Canada

La maladie de Lyme est la plus répandue et la mieux connue des maladies transmises par les tiques au Canada. Outre la maladie de Lyme, au moins quatre autres maladies transmises par les tiques se propagent au Canada, et leur fréquence devrait augmenter en raison des effets des changements climatiques. Il s’agit de l’anaplasmose, de la babésiose, du virus de l’encéphalite de Powassan et de la fièvre récurrente causée par Borrelia miyamotoi.

Maladie de Lyme

La maladie de Lyme est causée par B. burgdorferi, un agent pathogène qui peut infecter les tiques I. scapularis dans le centre et l’est du Canada et les tiques I. pacificus en Colombie-Britannique. Cette maladie a été déclarée dans toutes les provinces, de la Colombie-Britannique à l’Île-du-Prince-Édouard, et il est largement admis qu’elle est en hausseNote de bas de page 13. La maladie de Lyme se manifeste généralement par un érythème migrant et des symptômes non spécifiques, comme la fatigue, la fièvre, les maux de tête et les douleurs musculaires et articulaires. Si elle n’est pas traitée, elle peut évoluer en maladie multisystémique. La maladie de Lyme est rarement fatale, mais des décès liés à la cardite de Lyme ont récemment été déclarésNote de bas de page 36.

Anaplasmose

L’anaplasmose est causée par la bactérie Anaplasma phagocytophilum, qui est transmise par I. scapularis dans l’est et le centre du CanadaNote de bas de page 37 et par I. pacificus en Colombie-Britannique. Des cas chez des humains et des animaux ont été déclarés dans la plupart des provinces où les tiques sont présentesNote de bas de page 38. Sur le plan clinique, une personne peut avoir une infection asymptomatique par A. phagocytophilum, mais les cas se manifestant par des symptômes non spécifiques (p. ex. fièvre, maux de tête et douleurs musculaires) sont plus fréquents. Le taux de létalité est inférieur à 1 %Note de bas de page 39.

Babésiose

La babésiose est causée par Babesia microti, un protozoaire pseudo-paludique qui cause des symptômes semblables à ceux de la maladie de Lyme. Jusqu’à présent, c’est seulement au Manitoba que des cas chez l’humain ont été déclarésNote de bas de page 9, mais l’agent pathogène a été détecté dans les tiques I. scapularis au Manitoba, en Ontario, au Québec et au Nouveau-BrunswickNote de bas de page 40. Le taux de létalité aux États-Unis est de 2 à 5 %Note de bas de page 39.

Virus Powassan

Le virus Powassan a été détecté pour la première fois à Powassan, en Ontario. De nombreuses espèces de tiques peuvent êtres porteuses de ce virus. Le tableau clinique de l’infection par le virus Powassan peut varier grandement d’un cas à l’autre : l’infection peut être asymptomatique ou entraîner une encéphalite fatale (taux de létalité de 10 %)Note de bas de page 41. La transmission de nombreux agents pathogènes associés aux tiques exige que celles-ci soient nourries longtemps, mais le virus Powassan peut être transmis au cours des 15 à 30 minutes suivant la fixation de la tiqueNote de bas de page 42. Deux lignées ont été identifiées dans des tiques vectrices : la lignée I a été identifiée dans des tiques Ixodes en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard, et la lignée II a été identifiée dans des tiques I. scapularis au Manitoba, en Ontario et en Nouvelle-ÉcosseNote de bas de page 7.

Fièvre récurrente causée par Borrelia miyamotoi

Borrelia miyamotoi a été identifié pour la première fois en 2013 au Canada et est présent dans les tiques I. scapularis et I. pacificusNote de bas de page 10. Les manifestations de la fièvre récurrente causée par Borrelia miyamotoi sont semblables à celles de la maladie de Lyme, mais cette maladie ne cause pas d’éruptions cutanées. Bien que ce soit rare, elle peut causer la méningo-encéphalite.

Maladies transmises par les tiques plus rares, mais pouvant se propager

Les espèces de tiques Dermacentor sont répandues et peuvent transmettre la bactérie Rickettsia rickettsii, qui cause la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses. En général, une fièvre, des maux de tête intenses, une myalgie, des nausées et des éruptions cutanées peuvent se manifester de 5 à 10 jours après l’infection. Le taux de létalité estimé tourne autour de 5 à 10 %Note de bas de page 39Note de bas de page 43. D’autres espèces de rickettsies associées à la fièvre pourprée peuvent être transmises par les tiques Dermacentor au Canada.

Le virus de la fièvre à tiques du Colorado se trouve actuellement dans certains des États de l’ouest des États-Unis. Quelques cas ont aussi été déclarés en Saskatchewan et en Alberta. Ce virus est transmis par une tique répandue dans l’ouest du Canada : Dermacentor andersoni (ou tique d’Anderson). D’autres espèces de Borrelia présentes dans les États du nord-ouest et du Midwest des États-Unis se sont propagées en Colombie-Britannique et en Ontario, où quelques cas ont été observés. Certaines espèces de Ehrlichia ont été observées dans le sud-est et le centre-sud des États-Unis, mais aucun cas d’infection humaine n’a encore été détecté au Canada.

Le Tableau 1 offre un aperçu des agents pathogènes connus chez l’humain qui sont associés à diverses espèces de tiques au Canada et des agents pathogènes des États-Unis qui pourraient se propager vers le nord, au Canada, en raison des changements climatiques. Il précise également l’année de l’identification des agents pathogènes comme causes de maladies transmises par les tiques, les principales espèces d’hôtes réservoirs, leur répartition géographique actuelle ou passée et s’ils ont été détectés chez les tiques, les humains ou d’autres animaux.

Tableau 1 : Agents pathogènes transmis par les tiques qui sont présents ou qui pourraient se propager au Canada
Agent pathogène Année d’identification Principales tiques vectrices Principales espèces d’hôtes réservoirs Répartition géographiqueNote a de Tableau 1 Déclaration obligatoire à l’échelle nationale Détection au Canada
Canada États-Unis Tique Humain Animal
Anaplasma phagocytophilum 1994 Ixodes scapularis, Ixodes pacificus Rongeurs C.-B., Alb., Sask., Man., Ont., Qc, N.-B., T.-N.-L., N.-É., Î.-P.-É. États du Nord du Midwest et du Nord-Est Non Oui Oui Oui
Babesia microti 1970 Ixodes scapularis Souris Man., Ont., Qc, N.-B., N.-É. États du Nord-Est et du Nord du Midwest Non Oui Oui Oui
Borrelia burgdorferi 1982 Ixodes scapularis, Ixodes pacificus Rongeurs C.-B., Alb., Sask., Man., Ont., Qc, N.-B., T.-N.-L., N.-É., Î.-P.-É. États du Nord-Est et du Nord du Midwest Oui Oui Oui Oui
Borrelia hermsii 1935 Ornithodoros hermsi Rongeurs et lapins C.-B. États de l’Ouest Non - Oui -
Borrelia mayonii / agent pathogène semblable à Borrelia mayonii 2014 Ixodes scapularis / Ixodes angustus Rongeurs Ont., C.-B. États du Nord du Midwest : Minnesota et Wisconsin Non Oui - Oui
Borrelia miyamotoi 2013 Ixodes scapularis, Ixodes pacificus Souris C.-B., Alb., Man., Ont., Qc, N.-B., T.-N.-L., N.-É., Î.-P.-É. États du Nord du Midwest et du Nord-Est et États du centre du littoral de l’Atlantique Non Oui Non -
Virus de la fièvre à tiques du Colorado 1946 Dermacentor andersoni Spermophile à mante dorée, chevreuils, souris et lapins Sask., Alb. États de l’Ouest : Colorado, Utah, Montana, Wyoming Non Non Oui -
Ehrlichia chaffeensis 1987 Amblyomma americanum Cerf de Virginie - États du Sud-Est et du Centre-Sud Non Non Non -
Ehrlichia ewingii 1999 Amblyomma americanum Cerf de Virginie - États du Sud-Est et du Centre-Sud Non - - -
Agent semblable à Ehrlichia muris 2011 Ixodes scapularis / Ixodes muris Souris Man. États du Nord du Midwest Non Oui - -
Francisella tularensis 1924 Dermacentor variabilis, Dermacentor andersoni, Amblyomma americanum Lapins, lièvres et rongeurs Partout au Canada Tous les États Oui Oui Oui Oui
Virus Heartland 2012 Amblyomma americanum Cerf de Virginie - Midwest et États du Sud Non Non - -
Lignée I du virus Powassan 1963 Ixodes cookei, Ixodes marxi, Ixodes spinipalpis Mammifères des régions boisées de petite taille ou de taille moyenne (marmotte commune) Ont., Qc, N.-B., Î.-P.-É. États du Nord-Est et région des Grands Lacs Non Oui Oui Oui
Lignée II du virus Powassan 2001 Ixodes scapularis, Dermacentor andersoni Souris Man., Ont., N.-É. États du Nord-Est et du Nord du Midwest Non Oui - -
Rickettsia rickettsii 1909 Dermacentor variabilis, Dermacentor andersoni, Rhipicephalus sanguineus Divers mammifères sauvages incluant des rongeurs C.-B., Alb., Sask., Ont., N.-É. États de l’Est, du Centre, de l’Ouest et du Sud-Ouest Non OuiNote b de Tableau 1 OuiNote b de Tableau 1 Oui

Stratégies de santé publique et cliniques

Une des principales activités de santé publique en ce qui a trait aux maladies transmises par les tiques est la surveillance. La détection des tiques, la déclaration de cas chez les humains et la mise à jour de données sur le risque global d’exposition des humains aux tiques et aux agents pathogènes dont elles sont porteuses sont nécessaires à l’élaboration des interventions de soins cliniques et de santé publiqueNote de bas de page 45. À l’heure actuelle, les programmes de surveillance active et passive des tiques au Canada visent surtout I. scapularis, vecteur principal de la maladie de Lyme. Les efforts de surveillance sont axés sur les régions où la maladie de Lyme n’existait pas auparavant ou celles où elle n’a peut-être pas été reconnue. Une surveillance à plus grande échelle s’imposera au fur et à mesure que d’autres maladies transmises par les tiques se propageront.

Une fois que les régions à risque seront identifiées, les stratégies visant à informer et à sensibiliser les personnes qui courent un risque d’exposition élevé au sujet des dangers et de la prévention se révéleront essentielles pour prévenir efficacement la maladie. En raison des changements récents touchant les régions où sévissent les tiques et donc les agents pathogènes dont elles sont porteuses, ces stratégies seront particulièrement importantes chez les nouvelles populations à risque, car la conscience et la perception du risque sont actuellement faiblesNote de bas de page 46Note de bas de page 47Note de bas de page 48.

Les professionnels de la santé jouent un rôle important dans la sensibilisation à la prévention en informant leurs patients des mesures qu’ils peuvent prendre pour réduire leur exposition aux tiques vectrices quand ils sont en voyage, au Canada comme à l’étranger. Les stratégies de prévention du risque comprennent la prise de mesures de protection individuelle et l’examen systématique de la peau pour y déceler d’éventuelles tiques après l’exposition dans les régions où le risque est élevé. Les cliniciens jouent également un rôle essentiel dans la détection précoce dans la mesure où ce sont eux qui obtiennent la confirmation du laboratoire et prennent ces maladies en charge. Les efforts de santé publique comprennent la surveillance, les modifications de l’environnement et les stratégies de gestion des tiques et des animaux hôtes.

Accroître la capacité d’intervention et la sensibilisation à la situation est important. Pour la plupart des maladies transmises par les tiques, le diagnostic précoce et la mise en route rapide du traitement sont les meilleurs moyens de réduire les conséquences cliniques graves. À l’heure actuelle, tous les cas ne seraient pas détectés, déclarés ou confirmés. Les symptômes sont souvent les mêmes d’une maladie transmise par les tiques à l’autre (p. ex. fièvre, maux de tête, myalgie et arthralgie). En prévision d’une augmentation des types de maladies transmises par les tiques au Canada, les cliniciens doivent être conscients que si un patient présente des symptômes évocateurs de la maladie de Lyme, mais qu’il obtient un résultat négatif au dépistage de cette maladie, il est peut-être quand même atteint d’une maladie transmise par les tiques. D’autres épreuves de laboratoire pourraient être indiquées. L’absence d’une éruption cutanée ou d’un érythème migrant ne devrait pas exclure la possibilité d’une maladie transmise par les tiques.

Discussion

Au Canada, le processus d’émergence et de propagation des tiques et des maladies transmises par les tiques devrait se poursuivre là où le climat, la température et les habitats sont favorables aux tiques et au cycle de transmission des agents pathogènes dont elles sont porteuses. Il est toutefois important de noter que le lien entre les maladies transmises par les tiques et le climat n’est pas linéaire. Il existe des facteurs de risque modifiables qui agiront sur l’incidence des maladies transmises par les tiques au Canada. Ces facteurs de risque modifiables comprennent des facteurs environnementaux et humains. Les modifications de l’environnement ont un effet non négligeable. Selon une des études menées, ramasser les feuilles (détritus et feuilles mortes) donne lieu à une réduction de 72 à 100 % du nombre de tiquesNote de bas de page 49. Au Canada, l’adoption de mesures de prévention personnelle des piqûres de tiques est proportionnelle aux connaissances sur la maladie de Lyme et à la perception du risque associé à cette maladieNote de bas de page 47Note de bas de page 48. D’autres facteurs doivent toutefois être pris en considération. La croissance de la population humaine, les déplacements, les habitudes, l’économie et les politiques sont également associés à une variation du taux d’exposition des humains aux tiques et au risque de transmission de maladies transmises par les tiquesNote de bas de page 15Note de bas de page 16Note de bas de page 46. Parallèlement à l’évolution rapide des facteurs socio-économiques, les changements climatiques et autres changements environnementaux incitent à voir l’augmentation de l’incidence et de la transmission des maladies transmises par les tiques comme un problème socio-écologique complexe qui n’est pas seulement le fait de ces changements et de quantifier leur contribution relative au fardeau global de la maladie.

Les principaux moteurs de changements climatiques et les facteurs socio-comportementaux qui entrent en jeu et déterminent les conséquences des maladies transmises par les tiques sur la santé sont présentés dans la Figure 2. Un des défis à relever sera de reconnaître que l’augmentation de l’incidence et la dispersion géographique des maladies transmises par les tiques constituent un problème socio-écologique complexe. Ce défi sera également l’occasion d’élaborer de nouvelles stratégies d’intervention. Quelques études ont été menées sur les facteurs de risque socio-comportementaux chez l’humain qui sont associés aux maladies transmises par les tiques dans le contexte de l’adaptation aux changements climatiquesNote de bas de page 46Note de bas de page 47Note de bas de page 48Note de bas de page 50. D’autres études sociologiques devront toutefois être menées. Des études psycho-comportementales seront également nécessaires pour déterminer si le fait de savoir que les changements climatiques entraîneront une augmentation des tiques et des maladies transmises par les tiques peut être un facteur de motivation. Enfin, il sera important d’observer les facteurs de résilience ou la capacité d’adaptation des individus ou des communautés à risque pour réduire au minimum le risque de maladies transmises par les tiques.

Figure 2 : Principaux changements climatiques, facteurs écologiques et risques socio-comportementaux qui influent sur l’acquisition des maladies transmises par les tiques

Figure 2 : Principaux changements climatiques, facteurs écologiques et risques socio-comportementaux qui influent sur l’acquisition des maladies transmises par les tiques

Description textuelle : Figure 2

Figure 2 : Principaux changements climatiques, facteurs écologiques et risques socio-comportementaux qui influent sur l’acquisition des maladies transmises par les tiques

Cette figure est un diagramme démontrant les changements climatiques clés, les facteurs écologiques et les risques socio-comportementaux qui affectent l’acquisition des maladies transmises par les tiques. Elle comporte quatre encadrés. Celui du haut identifie les PRINCIPAUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES INFLUANT SUR LES MALADIES TRANSMISES PAR LES TIQUES, comme la température, l’humidité, les précipitations (incluant l’intensité et la fréquence) et les conditions météorologiques saisonnières. Une flèche pointe vers le bas, en direction de deux encadrés côte-à-côte, identifiant les possibles changements de tendances des facteurs de risque : Risques écologiques et Risques socio-comportementaux.

Dans l’encadré RISQUES ÉCOLOGIQUES, trois catégories sont identifiées, chacune comprenant une liste de points-clés.

TIQUES VECTRICES

  • Abondance (c.-à-d. la taille de la population, taux d’infection par des agents pathogènes)
  • Activité (c.-à-d. les habitudes de quête ou changement du pic/durée de la saison)
  • Distribution géographique (c.-à-d. région occupée)

HÔTES RESERVOIR/DE REPRODUCTION

  • Abondance (c.-à-d. la taille de la population)
  • Activité (p. ex. les déplacements quotidiens)
  • Distribution géographique (c.-à-d. région occupée)

HABITAT

Changements de l’écopaysage

Dans l’encadré RISQUES SOCIO-COMPORTEMENTAUX il n’y a qu’une catégorie - HUMAINS - et dessous il y a trois points avec des sous-titres :

  • Activités de plein air
    • Type et durée des activités associées au risque
    • Changement des mois à risque (printemps précoce et doux)
  • Déterminants sociaux de la santé
    • Connaissances, mesures de prévention (protection individuelle) et perception du risque associé aux maladies transmises par les tiques
    • Facteurs de risque socio-économiques
  • Écopaysage (p. ex. la proximité de boisés ou d’espaces verts)

Il y a une flèche pointant vers le bas des deux cases côte-à-côte pointant vers la case d’en bas, identifiée comme CONSÉQUENCES SUR LA SANTÉ. Il y un état de santé noté : maladie transmises par les tiques après exposition à des tiques (plus grande chance de contamination) illustrant que les changements climatiques sont modérés par les risques écologiques et socio-comportementaux et affectent l’incidence de maladies transmises par les tiques.


Conclusion

En raison de l’expansion de la dispersion géographique des espèces de tiques vectrices et des maladies dont elles sont porteuses, la cible des cliniciens et des autorités de santé publique est toujours en mouvement. Le lien manifeste avec les changements climatiques est une occasion d’accroître la motivation d’agir en matière de maladies transmises par les tiques au Canada. Les efforts liés à la gestion des changements climatiques seront de plus en plus intenses, mais étant donné qu’il s’agit d’un défi socio-écologique complexe, il est également souhaitable d’agir sur les facteurs de risque modifiables des maladies transmises par les tiques au Canada.

Déclaration des auteurs

Les auteurs aimeraient remercier les réviseurs et le personnel de rédaction anonymes du Relevé des maladies transmissibles au Canada pour leurs suggestions utiles qui ont grandement amélioré la qualité de ce manuscrit.

  • CB — Conceptualisation, rédaction : rédaction de l’ébauche originale, examen et révision
  • AD — Rédaction : rédaction de l’ébauche originale, examen et révision
  • JK — Rédaction : rédaction de l’ébauche originale, examen et révision
  • HW — Rédaction : rédaction de l’ébauche originale, examen et révision
  • PL — Rédaction : rédaction de l’ébauche originale, examen et révision
  • LRL — Rédaction : rédaction de l’ébauche originale, examen et révision

Conflit d’intérêts

Aucun.

Financement

Ce travail a été réalisé grâce au soutien de l’Agence de la santé publique du Canada.

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