Surveillance de la faune dans des élevages de visons en Colombie-Britannique

RMTC

Volume 48-6, juin 2022 : Infections acquises par transmission vectorielle–partie 2 : faune & animaux de compagnie

Surveillance

Surveillance du SRAS-CoV-2 dans la faune sauvage près des élevages de visons en Colombie-Britannique, Canada

Talia Strang1, Logan Flockhart2, Caeley Thacker3, Helen Schwantje3, Catherine Soos4, Antonia Dibernardo5, L Robbin Lindsay5, Nikki Toledo2, Kaela Beauclerc6, Erin Fraser1,7, Natalie Prystajecky1,8, Chelsea Himsworth2,9,10

Affiliations

1 Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique Vancouver, BC

2 Division de la surveillance, Agence de la santé publique du Canada, Saskatoon, SK

3 Ministère des forêts, des terres, de l’exploitation des ressources naturelles et du développement rural, Victoria, BC

4 Santé de la faune, Environnement et changement climatique Canada, Ottawa, ON

5 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg, MB

6 Ministère du développement du Nord, des Mines, des richesses naturelles et des Forêts, Peterborough, ON

7 École de la santé des populations et de la santé publique, Université de la Colombie-Britannique, Vancouver, BC

8 Département de pathologie et de médecine de laboratoire, Université de la Colombie-Britannique, Vancouver, BC

9 Ministère de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation, Abbotsford, BC

10 Centre régional de la Colombie-Britannique, Réseau canadien pour la santé de la faune, Abbotsford, BC

Correspondance

chelsea.himsworth@gov.bc.ca

Citation proposée

Strang T, Flockhart L, Thacker C, Schwantje H, Soos C, Dibernardo A, Lindsay LR, Toledo NPL, Beauclerc K, Fraser E, Prystajecky N, Himsworth C. Surveillance du SRAS-CoV-2 dans la faune sauvage près des élevages de visons en Colombie-Britannique, Canada. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2022;48(6):279–87. https://doi.org/10.14745/ccdr.v48i06a03f

Mots-clés : SRAS-CoV-2, vison d’Amérique, surveillance de la faune, piégeage physique, piégeage par caméra

Résumé

Contexte : Le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2) peut infecter de nombreuses espèces animales sauvages et domestiques. Le vison d’Amérique d’élevage (Neovison vison) est particulièrement sensible à l’infection. Des agrégats de SRAS-CoV-2 ont été détectés chez des visons d’élevage dans trois fermes de visons en Colombie-Britannique, au Canada, entre décembre 2020 et mai 2021. En Colombie-Britannique, la densité des élevages de visons et la proximité des habitats sauvages augmentent les risques de transmission par les visons d’élevage infectés. L’objectif de cette étude est d’examiner le risque de propagation du SRAS-CoV-2 à la faune sauvage et à partir de celle-ci dans la zone entourant les élevages de visons infectés en Colombie-Britannique, au Canada, et de comparer l’efficacité des méthodes de surveillance par piégeage physique et par caméra.

Méthodes : Une combinaison de piégeage physique et par caméra a été utilisée dans et autour de trois fermes de visons de la Colombie-Britannique présentant des infections actives de SRAS-CoV-2 entre le 22 janvier 2021 et le 10 juillet 2021. Des échantillons d’animaux piégés, y compris des visons d’élevage échappés, ont été testés pour le SRAS-CoV-2. Les images des caméras d’un élevage de visons ont été examinées pour déterminer l’espèce et la proximité de la grange à visons.

Résultats : Soixante et onze animaux de neuf espèces ont été capturés et échantillonnés. Trois visons capturés ont été testés pour le SRAS-CoV-2 par réaction en chaîne par polymérase et par sérologie et le résultat était positif; les autres échantillons étaient négatifs. Le génotypage des trois visons positifs a indiqué qu’il s’agissait de visons domestiques (et non sauvages). Au total, 440 animaux de 16 espèces ont été photographiés dans la seule ferme où des caméras ont été déployées.

Conclusion : La détection du SRAS-CoV-2 chez des visons d’élevage échappés est préoccupante et démontre le potentiel de transmission des visons d’élevage à la faune sauvage, notamment en raison de l’observation d’animaux sauvages connus pour être sensibles au SRAS-CoV-2 à proximité d’élevages de visons infectés. L’utilisation combinée du piégeage physique et de la caméra a contribué à l’ampleur des résultats et est fortement recommandée pour la surveillance future.

Introduction

La pandémie actuelle de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) causée par le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS‑CoV-2) est responsable d’une morbidité et d’une mortalité importantes chez l’humain dans le mondeNote de bas de page 1. Le coronavirus du SRAS-CoV-2 est d’origine zoonotique, mais une fois que le virus s’est propagé à l’homme, l’évolution de la pandémie a été presque entièrement déterminée par la transmission interhumaine. Des infections naturelles du SRAS-CoV-2 ont été détectées chez un large éventail d’animaux, notamment des castoridés (castor fiber birulai)Note de bas de page 2, des cervidés (cerf de Virginie)Note de bas de page 3, des cricétidés (hamsters)Note de bas de page 4, des félidés : (chats domestiques)Note de bas de page 5Note de bas de page 6, des cougars, des chats viverrins, des lions, des lynx du CanadaNote de bas de page 7, des léopards des neiges, des tigresNote de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10, des chiens et chats domestiquesNote de bas de page 5Note de bas de page 6, des gorilles, des hippopotamesNote de bas de page 11, des mustélidés (visons d’Amérique)Note de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16, des loutres cendrées et furetsNote de bas de page 17, des procyonidés (coati), des hyènes tachetéesNote de bas de page 18 et des viverridés (binturong)Note de bas de page 7 (tableau 1).

Tableau 1 : Susceptibilité des espèces observées au coronavirusTableau 1 footnote a du syndrome respiratoire aigu sévère 2
Ordre Famille Espèce Sensibilité au SRAS-CoV-2
Carnivora Canidés Coyote (Canis latrans) Inconnue
Félidés Chat (Felis catus) Élevée
Mustélidés Vison (Neovison vison) Élevée
Loutre (Lontra canadensis) Élevée
Procyonidés Raton laveur (Procyon lotor) Faible
Lagomorpha Léporidés Lapin (Sylvilagus sp.) Oui
Rodentia Castoridés Castor (Castor canadensis) Oui
Muridés Rat (Rattus sp.) Inconnu
Ansériformes Anatidés Canard colvert (Anas platyrhynchos) Inconnu
Canard branchu (Aix sponsa) Inconnu
Galliformes Phasianidés Poulet (Gallus gallus domesticus) Aucun
Passériformes Corvidés Corneille (Corvus brachyrhynchos) Inconnu
Sturnidés Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) Inconnu
Pélécaniformes Ardéides Grand héron (Ardea herodias) Inconnu
Strigiformes Strigidés Chouette rayée (Strix varia) Inconnu

La transmission du SRAS-CoV-2 chez le vison d’Amérique (Neovison vison) est particulièrement préoccupante. Le vison est très sensible au virus, et on a constaté que le virus subit des mutations à un taux plus élevé chez le vison que chez l’homme Note de bas de page 19. Les visons sont élevés dans le monde entier dans des environnements à haute densité, et il existe des risques de la transmission du SRAS-CoV-2 du vison à l’homme et vice versaNote de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22Note de bas de page 23. Ces facteurs ont pour effet d’augmenter le risque de transmission du SRAS-CoV-2 chez le vison, ce qui peut entraîner des mutations virales et l’émergence de variantes préoccupantes pour la santé humaine.

Le SRAS-CoV-2 chez le vison présente également un risque pour la faune sauvage. En effet, des visons infectés en liberté ont été détectés aux États-Unis et en Espagne et, dans ces deux pays, on pense que ces animaux se sont échappés d’élevages infectés voisins Note de bas de page 24. Il a également été démontré que les visons transmettent le SRAS-CoV-2 aux chiens et aux chats domestiques à l’intérieur et autour de l’environnement de l’élevageNote de bas de page 12Note de bas de page 24 et transmettent d’autres maladies, comme la maladie aléoutienne, qui se propagent des élevages de visons infectés aux populations sauvagesNote de bas de page 25. C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la santé animaleNote de bas de page 26 et le ministère de l’agriculture des États-UnisNote de bas de page 27 ont recommandé la surveillance du SRAS-CoV-2 chez les animaux sauvages potentiellement exposés à des animaux domestiques réservoirs du virus, et Environnement et Changement climatique Canada a publié des lignes directrices nationales recommandant la surveillance des animaux sauvages autour des élevages de visons infectés Note de bas de page 24. Cette surveillance est axée sur le piégeage et le dépistage d’espèces sauvages cibles dans un rayon de 1 à 3 km autour des exploitations infectées et s’aligne sur des programmes de surveillance similaires aux États-UnisNote de bas de page 28.

Dans la province de la Colombie-Britannique, l’industrie de l’élevage de vison est réglementée par le ministère de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation de la Colombie-Britannique. En décembre 2020, il y avait neuf fermes actives autorisées en Colombie-Britannique, toutes situées dans la région du Lower Mainland. Le SRAS-CoV-2 a été détecté chez des visons d’Amérique d’élevage dans deux fermes de visons de la Colombie-Britannique en décembre 2020 (ferme 1 et ferme 2) et dans une autre ferme en mai 2021 (ferme 3). La source initiale du SRAS-CoV-2 chez les visons dans deux des trois élevages de visons touchés était les infections par la COVID-19 chez les travailleurs des élevages de visons. La source d’infection du troisième élevage de visons n’a pas été déterminée de manière concluante; cependant, le séquençage génétique a permis de constater que la souche était similaire aux cas humains de COVID-19 dans la communauté locale au moment de la détection (N. Prystajecky, communication personnelle, 2021).

La détection du SRAS-CoV-2 dans les élevages de visons a suscité des inquiétudes quant à sa propagation à la faune sauvage des environs. Il convient de noter que les lignes directrices d’Environnement et Changement climatique Canada en matière de surveillance mentionnées ci-dessus ont été publiées en novembre 2021, après la fin de la surveillance autour des fermes infectées; toutefois, les méthodes employées (y compris le piégeage vivant et le dépistage du SRAS-CoV-2 chez les animaux sauvages autour des fermes, le dépistage génétique des visons en liberté et l’ajout aux données de piégeage tirées de séquences vidéo) sont largement conformes aux recommandations nationales.

Nous présentons ici les résultats de la surveillance de la faune sauvage pour le SRAS-CoV-2 autour des trois élevages de visons infectés en Colombie-Britannique, afin d’évaluer le risque de propagation du virus vers et à partir de la faune sauvage à proximité des élevages de visons. En outre, l’objectif plus large de cette analyse est de comparer les stratégies de surveillance physique et de piégeage par caméra et, en fin de compte, d’orienter les futures stratégies de surveillance de la faune sauvage afin d’optimiser les évaluations des risques pour la santé publique et la santé de la faune.

Méthodes

Le piégeage physique

L’éclosion de la ferme 1 a duré du 2 décembre 2020 au 24 février 2021, alors que celle de la ferme 2 a duré du 23 décembre 2020 au 26 décembre 2020, date à laquelle le producteur a choisi d’euthanasier tout le troupeau. Le système de surveillance Ring a été utilisée autour de la ferme 1 et de la ferme 2. Au total, 70 pièges ont été placés dans un périmètre de trois kilomètres autour des deux fermes du 22 janvier 2021 au 19 mars 2021. Les espèces cibles ont été sélectionnées en fonction des espèces connues dans la région et de ce que l’on savait à l’époque sur la sensibilité des espèces. Les principales espèces ciblées étaient les chats errantss (Felis catus), les visons domestiques qui s’étaient échappés (N. vison) et les mustélidés sauvages tels que le vison sauvage et la loutre (Lontra canadensis). Le raton laveur (Procyon lotor), la mouffette rayée (Mephitis mephitis), l’opossum de Virginie (Didelphis virginiana) et le lynx roux (Lynx rufus) étaient également attendus dans les zones et considérés comme des espèces cibles, mais présentaient probablement une probabilité moindre de portage du SRAS-CoV-2. Les cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus) n’ont pas été ciblés car l’étendue de leur sensibilité n’était pas connue au moment de l’échantillonnage. Un mélange de pièges permettant de capturer des animaux vivants et morts (Tomahawk Dura-Poly petit, 120 Conibear, 330 Conibear, Havahart 1079, Havahart 1081) a été utilisé en fonction de l’expérience des trappeurs et des espèces ciblées. Lorsque des pièges permettant de capturer des animaux vivants ont été utilisés, l’animal a ensuite été euthanasié sans cruauté. Il convient de signaler que les espèces cibles ont été utilisées pour orienter la méthodologie de piégeage; cependant, tous les animaux piégés, quelle que soit leur espèce, ont été inclus dans l’échantillon de surveillance, y compris les animaux tués sur la route et collectés de manière opportuniste. Les pièges utilisés ont été sélectionnés pour répondre à la certification et aux exigences de l’Accord sur les normes internationales de piégeage sans cruauté. Tous les piégeages physiques ont été effectués par des trappeurs expérimentés qui connaissaient bien la zone géographique et les habitudes de la faune locale.

L’éclosion de la ferme 3 a duré du 2 avril 2021 au 11 février 2022. Une surveillance basée sur le risque a été mise en place dans la ferme 3 en se concentrant sur les mustélidés (le groupe d’espèces de la zone considérée comme la plus sensible au SRAS‑CoV-2) à l’intérieur de la ferme et à proximité immédiate de celle-ci. Cette approche a été adoptée parce que le piégeage avait lieu pendant la saison de reproduction; il était donc essentiel de cibler des espèces spécifiques à haut risque et d’exclure les femelles enceintes et allaitantes. Au total, 24 pièges permettant de capturer des animaux vivants ont été placés du 23 juin 2021 au 10 juillet 2021 dans trois zones : sur la propriété de la ferme (n = 6), autour du périmètre de la propriété de la ferme d’élevage (n = 6) et dans l’habitat approprié adjacent des mustélidés (n = 12) qui consistait en des terres agricoles et un habitat fluvial. Les animaux piégés ont été évalués et ceux qui n’étaient ni gestants ni allaitants ont été euthanasiés sans cruauté.

Les échantillons prélevés sur les animaux euthanasiés comprenaient des écouvillons nasaux pour l’amplification en chaîne par polymérase (PCR) du SRAS-CoV-2, qui ont été placés dans un milieu de transport viral avant d’être testés au Animal Health Centre, à Abbotsford. Le sang total pour l’analyse sérologique a été collecté en saturant la longueur des bandes filtrantes Nobuto (Fisher Scientific, Waltham, Massachusetts, États-Unis) avec du sang cardiaque. Ils ont été séchés à l’air et conservés dans des enveloppes individuelles à 4 °C jusqu’à ce qu’ils soient expédiés au Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, Manitoba, pour y être testés. Des échantillons de peau ont été prélevés sur trois visons positifs au SRAS-CoV-2 pour le génotypage par microsatellite afin de déterminer leur ascendance (i.e. domestique ou sauvage) et ont été analysés au laboratoire de génétique de la faune de la Section de la recherche et de la surveillance de la faune du ministère du développement du Nord, des mines, des richesses naturelles et des forêts de l’Ontario, à Peterborough, en Ontario.

Test d’amplification en chaîne par polymérase du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2

Environ 1,5 ml d’écouvillon nasal dans le milieu de transport de virus a été clarifié par centrifugation à 2 000 g pendant deux minutes. L’acide ribonucléique (ARN) viral a été isolé à l’aide du processeur de particules magnétiques MagMax-96 Express d’Applied Biosystems Incorporated (ThermoFisher Scientific, Waltham, Massachusetts, États-Unis) avec la trousse d’isolation de l’ARN viral MagMax™ -96 (ThermoFisher, numéro de catalogue : AM1836) selon les instructions de la trousse. Le programme MagMax (AM1836_DW_v50) était disponible sur le site Internet de ThermoFisher (thermofisher.com). Des amorces et une sonde qui ciblent le gène E pour créer un amplicon de 113 paires de bases (pb) ont été utilisées pour détecter le SRAS-CoV-2. Amorce avant 5' — ACAGGTACGTTAATAGTTAATAGCGT-3'; sonde 5' — FAM-ACACTAGCCATCCTTACTGCGCTTCG-BHQ1 — 3', amorce inverse 5' — ATATTGCAGCAGTACGCACACA -3'. Les concentrations de réaction des amorces et de la sonde du SRAS-CoV-2 étaient respectivement de 800 nM et 200 nM. Un contrôle PCR exogène d’entérovirus (Asuragen, numéro de catalogue : 42 050) a été introduit dans l’étape d’isolement de l’ARN et l’amplicon de 61 pb a été détecté avec les amorces et la sonde suivantes : amorce directe 5' — ATGCGGCTAATCCCAACCT -3'; sonde 5' — VIC-CAGGTGGTCACAAAC — MGBNFQ -3'; et amorce inverse 5' — CGTTACGACAGGCCAATCACT -3' (VIC et MGBNFQ sont des colorants exclusifs d’Applied Biosystems). La concentration de la réaction pour les amorces et la sonde de l’entérovirus était de 200 nM chacune. Les réactifs AgPath-ID™ One-Step RT-PCR ont été utilisés conformément aux instructions du kit (ThermoFisher, numéro de catalogue : 4 387 391) : 5 µl de matrice d’ARN extraite ont été ajoutés au master mix. La PCR en temps réel (RT-PCR) a été réalisée sur le thermocycleur Applied Biosystems 7500 Fast Real-Time PCR System avec le profil d’amplification suivant : un cycle de 50 °C, 30 minutes; un cycle de 95 °C, une minute; 40 cycles de 95 °C, 15 secondes et 60 °C, une minute. La variation de la fluorescence a été enregistrée à l’étape d’élongation de chaque cycle.

Sérologie du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2

L’analyse sérologique du sang total a été réalisée à l’aide de la trousse de détection des anticorps de neutralisation du SRAS‑CoV-2 GenScript cPass™ (numéro de catalogue : L00847, GenScript US, Inc. Piscataway, New Jersey, États-Unis) selon le protocole du fabricant. Les échantillons présentant une inhibition de plus de 30 % ont été considérés comme positifs pour les anticorps neutralisants du SRAS-CoV-2. Afin de minimiser le risque d’exposition du personnel de laboratoire à l’agent pathogène zoonotique Francisella tularensis, aucun échantillon de sérum n’a été prélevé chez les castors, conformément aux directives du Centre de la santé animale de la Colombie-Britannique.

Génotypage du vison

Le profilage des microsatellites des échantillons de visons en liberté a suivi la procédure détaillée dans Beauclerc et al.Note de bas de page 29Note de bas de page 30 avec des modifications mineures. En bref, l’ADN génomique entier a été extrait d’environ 10 mg de muscle avec la trousse E.Z.N.A.® Tissue DNA (Omega Bio-Tek) et quantifié avec le colorant PicoGreen (Invitrogen). Les échantillons ont été amplifiés au niveau de 15 loci microsatellites dans 2 multiplex, chacun consistant en 12 μL de réactions avec 1 ng d’ADN, des étiquettes d’amorces et des concentrations comme indiqué dans le tableau A1. Le génotypage a été réalisé sur un ABI 3730 avec GeneScan 500HD ROX (Applied Biosystems). Les fragments ont été notés automatiquement dans GeneMarker v.2.6.4 (SoftGenetics) et vérifiés à l’œil nu; les allèles ambigus ont été réamplifiés.

Piégeage par caméra

En plus du piégeage physique, un piégeage par caméra plus approfondi a été mis en place dans la ferme 3 du 7 février 2021 au 25 juillet 2021, sur la base de l’expérience de la ferme 1 et de la ferme 2. Le piégeage par caméra a été utilisé pour recueillir plus d’information sur la présence des animaux et leur utilisation des habitats entourant les élevages de visons et pour éviter toute perturbation physique pendant la saison de reproduction des espèces concernées. Pour cela, 11 caméras ont été placées à l’intérieur de la zone clôturée entourant la grange à visons (n = 1), à l’extérieur mais à côté de la grange clôturée (n = 4) et près de la rivière adjacente au périmètre de la propriété agricole (n = 6). Les images des animaux capturées par la caméra ont ensuite été analysées visuellement. L’espèce présente sur chaque image a été identifiée en fonction de sa morphologie.

Résultats

Le piégeage physique

Un total de 71 animaux de neuf espèces différentes ont été piégés, dont 63 de la ferme 1 et de la ferme 2 et 8 de la ferme 3 (tableau 2). Tous les animaux piégés semblaient en bonne santé à l’examen visuel. Deux chats piégés ont été observés comme agissant de manière agressive. Plusieurs des espèces piégées sont connues pour être sensibles à l’infection par le SRAS-CoV-2, notamment les chats domestiques, les visons, les loutres, les lapins et les ratons laveursNote de bas de page 31. La susceptibilité de nombreuses autres espèces est actuellement inconnue (tableau 2)Note de bas de page 31.

Tableau 2 : Espèces capturées lors du piégeage physique autour des élevages de visons infectés par le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 en Colombie-Britannique (n = 71)
Ordre Famille Espèce Nombre de captures Pourcentage du total
Carnivora Félidés Chat (Felis catus) 5 7
Mustélidés Vison (Neovison vison) 12 17
Loutre (Lontra canadensis) 1 1
Procyonidés Raton laveur (Procyon lotor) 4 6
Didelphimorphia Didelphidés Opossum (Didelphis virginiana) 6 8
Rodentia Castoridés Castor (Castor canadensis) 9 13
Cricétidés Rat musqué (Ondatra zibethicus) 6 8
Muridés Rat (Rattus sp.) 10 14
Sciuridés Écureuil gris (Sciurus carolinensis) 18 25

Les visons ont été assignés à leur population d’origine en utilisant des tests d’assignation bayésiens dans STRUCTURE v.2.2 pour un nombre supposé de groupes (K) de deux, comme décrit dans Bowman et al.Note de bas de page 30Note de bas de page 32. Les échantillons analysés précédemment, composés d’échantillons domestiques et en liberté provenant de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île‑du‑Prince-Édouard (n = 902), ont fourni l’ensemble de données de référence au sein duquel les nouveaux échantillons ont été analysésNote de bas de page 29Note de bas de page 30. L’appartenance à un groupe a utilisé le coefficient d’ascendance moyen (q) : les animaux ayant un q > 0,8 ont été assignés à un seul groupe, tandis que ceux ayant un q < 0,8 ont été considérés comme des hybridesNote de bas de page 33.

Amplification en chaîne par polymérase, sérologie et génotypage du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 chez les visons

Tous les animaux échantillonnés se sont révélés négatifs pour le SRAS-CoV-2 à l’aide de la PCR et de la sérologie, à l’exception de trois visons piégés sur la propriété de la ferme 3, à l’extérieur de la barrière, qui étaient tous deux positifs à la PCR et possédaient des anticorps contre le SRAS-CoV-2. Ces trois visons ont été génotypés et le génotypage a fortement assigné ces visons au groupe domestique (q = 0,94–0,99), indiquant qu’il s’agissait de visons domestiques (plutôt que sauvages) qui s’étaient probablement échappés de leurs cages. Il convient de signaler qu’aucun des autres visons piégés n’a été génotypé.

Piégeage par caméra

Il y avait 440 images de caméra montrant au moins un animal d’une des 16 espèces (tableau 3). Il est à noter que des chats et des corbeaux ont été observés à l’intérieur de la barrière donnant accès à la grange à visons. De plus, certaines espèces ont été observées près de la grange à visons mais à l’extérieur de la barrière, notamment des coyotes, des chats, des visons, des lapins, des corneilles, des étourneaux et des hiboux (tableau 3).

Tableau 3 : Espèces observées lors du piégeage par caméra autour de la ferme 3 (n = 440)
Ordre Famille Espèce Nombre d'observations Pourcentage d'observations Pourcentage à proximité d'une grange à visons
% n
Carnivora Canidés Coyote (Canis latrans) 144 33 61 n = 88/144
Félidés Chat (Felis catus) 59 13 49 n = 29/59
Mustélidés Vison (Neovison vison) 5 1 40 n = 2/5
Loutre (Lontra canadensis) 3 < 1 0 n = 0/3
Procyonidés Raton laveur (Procyon lotor) 7 2 0 n = 0/7
Lagomorpha Léporidés Lapin (Sylvilagus sp.) 14 3 100 n = 14/14
Rodentia Castoridés Castor (Castor canadensis) 11 3 0 n = 0/11
Muridés Rat (Rattus sp.) 2 < 1 0 n = 0/2
Ansériformes Anatidés Canard colvert (Anas platyrhynchos) 21 5 0 n = 0/21
Canard branchu (Aix sponsa) 26 6 0 n = 026
Galliformes Phasianidés Poulet (Gallus gallus domesticus) 1 < 1 0 n = 0/1
Passeriformes Corvidés Corneille (Corvus brachyrhynchos) 110 25 22 n = 24/110
Sturnidés Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) 7 2 43 n = 3/7
Pélécaniformes Ardéides Grand Héron (Ardea herodias) 21 5 0 n = 0/21
Strigiformes Strigidés Chouette rayée (Strix varia) 2 < 1 100 n = 2/2
Classification inconnue des oiseaux 7 2 % 14 n = 1/7

Il est particulièrement intéressant de noter que trois visons ont été observés en dehors de la barrière entourant la grange à visons. On ne sait pas avec certitude s’il s’agit de visons d’élevage qui se sont échappés, mais c’est très probable étant donné que les visons piégés dans des endroits similaires ont été génotypés comme des visons domestiques.

Discussion

La surveillance de la faune par piégeage physique et par caméra autour des élevages de visons infectés par le SRAS-CoV-2 en Colombie-Britannique a permis d’identifier 71 animaux de neuf espèces différentes grâce au piégeage physique et 440 observations de 16 espèces différentes grâce au piégeage par caméra. Trois visons piégés sur la propriété d’une ferme étaient positifs à la PCR et séropositifs pour le SRAS-CoV-2. En outre, des visons ont été observés sur la caméra, et il s’agissait probablement de visons d’élevage qui s’étaient échappés.

L’observation de la faune à proximité d’élevages de visons infectés, en particulier les espèces connues pour être sensibles au SRAS-CoV-2, démontre le risque de transmission des visons d’élevage à la faune. La capture de trois visons d’élevage qui s’étaient échappés, et dont le test de dépistage pour le SRAS-CoV-2 était positif, ainsi que l’observation de visons sur des images de caméra (bien qu’il n’ait pas été possible de confirmer si ces animaux représentent d’autres évasions) ont été particulièrement préoccupantes. Ces résultats sont conformes à ceux obtenus aux États-Unis et en Espagne, où la surveillance du SRAS-CoV-2 a été effectuée autour des élevages de visons infectésNote de bas de page 28Note de bas de page 34. Dans ces études, l’exposition et l’infection n’ont été détectées que chez des visons en liberté qui se seraient échappés d’élevages infectésNote de bas de page 28Note de bas de page 34. Pour les visons infectés capturés sur la propriété de la ferme dans cette étude, le fait qu’ils aient pu s’échapper de la cage et de la barrière pose un problème; cependant, le fait qu’ils aient été trouvés sur la propriété de la ferme est moins préoccupant que s’ils avaient été trouvés à l’extérieur de la ferme, car ils sont moins susceptibles d’avoir eu de nombreux contacts avec la faune.

Des chats errants et des corbeaux ont été observés (via des caméras) à l’intérieur de la clôture dans la zone immédiate de la grange à visons. Il est prudent de poursuivre la surveillance de ces espèces, en particulier des chats, car ils sont connus pour être sensibles au SRAS-CoV-2, semblent avoir plus facilement accès aux granges de visons que les autres espèces et peuvent souvent être en contact étroit avec des humains. En outre, une étude précédente a rapporté qu’un chat sauvage dans un élevage de visons aux Pays-Bas a été testé positif pour le SRAS-CoV-2Note de bas de page 12. Combinés, ces facteurs pourraient permettre aux chats de faciliter la transmission entre espèces du SRAS-CoV-2Note de bas de page 35. Une surveillance continue des oiseaux doit également être envisagée. Bien que les oiseaux ne soient pas connus pour porter ou transmettre le virus à leurs congénères, à d’autres animaux sauvages ou à l’homme, ils peuvent agir comme des vecteurs en entrant en contact avec des matériaux ou des surfaces contaminées et en les transportantNote de bas de page 36. En outre, la surveillance des ongulés sauvages doit être envisagée en raison de leur grande sensibilité à l’infection et à la transmission du SRAS-CoV-2Note de bas de page 31. Bien qu’à l’extérieur de la barrière, d’autres animaux sauvages connus pour être sensibles au SRAS-CoV-2 (e.g. raton laveur, lapin, loutre et castor)Note de bas de page 31 ont été piégés ou observés à proximité des élevages de visons. Dans l’ensemble, aucune transmission du vison d’élevage à une espèce sauvage n’a été détectée, mais il existe un risque que le vison d’élevage entre en contact étroit avec des espèces sauvages ou des animaux sauvages et domestiques et transmette le SRAS-CoV-2 à la faune sauvage, par aérosol.

Cette mise en œuvre de différentes méthodes de surveillance a démontré que le piégeage physique et le piégeage par caméra permettaient tous deux d’obtenir des renseignements importants, et les conclusions tirées ont été renforcées par les données combinées. Le piégeage physique au moyen d’une surveillance en anneau s’est avéré bénéfique lorsque l’on connaissait peu le SRAS-CoV-2 et le potentiel de propagation. Cela s’explique par le fait qu’un plus grand nombre d’animaux d’espèces plus diverses ont été capturés. Une fois que l’on a eu plus d’information, une approche plus ciblée dans un établissement utilisant une surveillance basée sur le risque a permis de réduire le retrait d’animaux sauvages sains et non infectés et d’identifier trois visons infectés. Le piégeage par caméra a montré qu’il y avait de multiples espèces présentes autour de la ferme qui n’ont pas été identifiées par le piégeage physique. Le piégeage physique et le piégeage par caméra présentent tous deux un certain nombre d’avantages et de limitesNote de bas de page 37. Le piégeage physique a permis de collecter des échantillons biologiques, ainsi que d’évaluer la condition physique des animaux; cependant, le piégeage physique demandait beaucoup de travail et nécessitait l’euthanasie des animaux piégés. Le piégeage par caméra était plus facile à mettre en œuvre et permettait de recueillir une plus grande quantité de données; cependant, le piégeage par caméra ne permettait pas de recueillir des échantillons biologiques ni de déterminer si le même animal avait été capturé plusieurs fois.

Cette mise en œuvre spécifique de la surveillance de la faune sauvage a permis d’identifier un certain nombre de considérations qui devraient guider les futures stratégies de surveillance. Les facteurs à prendre en considération sont l’espèce concernée, la saison et son impact sur le comportement et le cycle de vie de l’espèce, le paysage concerné, l’aspect pratique de la mise en place et du suivi de pièges physiques ou de caméras, ainsi que la nécessité de prélever des échantillons biologiques pour répondre aux questions de recherche.

Conclusion

Lors de la mise en place d’une surveillance future, il est recommandé de commencer par le piégeage par caméra pour évaluer les espèces présentes et la fréquence des observations. Ces observations initiales peuvent être suivies d’un piégeage physique ciblé, si nécessaire, pour collecter des échantillons biologiques d’espèces spécifiques d’intérêt. Il est essentiel de consulter des trappeurs expérimentés ou de faire appel à leurs services et cet élément a été un facteur important de la réussite de ce projet.

Déclaration des auteurs

  • C. H., C. S., E. F., C. T. — Conception et réalisation de l’étude
  • K. B. — Méthodologie et tests de génotypage
  • A. D., N. T., R. L. — Test sérologique
  • T. S., E. F., C. T., C. H. — Rédaction, version initiale
  • Tous les auteurs — Rédaction, révision et édition

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier le personnel du Centre de santé animale pour la collecte et l’analyse des échantillons de la faune sauvage, les biologistes du ministère des forêts, des terres, de l’exploitation des ressources naturelles et du développement rural, ainsi que les trappeurs qui ont réalisé la cartographie, la communication avec les propriétaires privés, la surveillance physique et le piégeage par caméra.

Financement

Ce travail a été soutenu par l’Agence de la santé publique du Canada et Genome BC (COV-200).

Annexe

Tableau A1 : Loci microsatellites et conditions de réaction en chaîne par polymérase utilisés pour le génotypage du vison d'Amérique (Neovison vison)
Locus Concentration finale (μM) Source
Multiplex 1
Mvi1006 FAM 0,6 Note de bas de page 34
Mvi1016 FAM 0,05 Note de bas de page 34
Mvi075 HEX 0,15 Note de bas de page 35
Mvi1272 HEX 0,25 Note de bas de page 36
Mvi072 HEX 0,1 Note de bas de page 35
Mvi114 NED 0,4 Note de bas de page 37
Mvi002 NED 0,03 Note de bas de page 35
Multiplex 2
Mvi1321 FAM 0,05 Note de bas de page 36
Mvi1354 FAM 0,5 Note de bas de page 36
Mvi099 FAM 0,2 Note de bas de page 35
Mvi111 HEX 0,15 Note de bas de page 37
Mvi1342 HEX 0,15 Note de bas de page 37
Mvi1302 HEX 0,6 Note de bas de page 36
Mvi2243 NED 0,15 Note de bas de page 36
Mvi4001 NED 0,5 Note de bas de page 38

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