Épisode 15 : Renouement culturel dans les services correctionnels pour Autochtones : partie 2
“Être dans un centre autochtone, ça leur donne un sentiment d'appartenance qui est, je pense, extrêmement important.”
Les Autochtones sont surreprésentés dans le système correctionnel fédéral canadien, et de nombreuses personnes incarcérées n’ont entretenu qu’un lien limité ou aucun lien avec leur culture, histoire ou identité autochtone.
Dans le cadre de la deuxième partie de notre examen du renouement culturel dans les services correctionnels pour Autochtones, nous nous pencherons sur le rôle essentiel que jouent l’identité culturelle et le soutien des collectivités dans la réinsertion sociale sécuritaire et réussie des délinquants autochtones.
Dans cet épisode, nous écoutons les témoignages de Céline et de Dominique, des membres du personnel du Centre de guérison Waseskun, un pavillon de ressourcement pour hommes autochtones visé à l’article 81 qui est situé au Québec. Elles expliquent que les pavillons de ressourcement comme celui de Waseskun offrent un soutien adapté sur le plan culturel, notamment en offrant aux délinquants autochtones un logement supervisé, des enseignements traditionnels et des programmes de réinsertion sociale. Plus tard dans l’épisode, l’Aîné Raymond Gros-Louis présente son point de vue sur l’importance de préserver la culture autochtone et le rôle unique que jouent les Aînés pour soutenir les personnes incarcérées.
Durée : 27:12
Publié : 7 juillet 2025
Animatrices : Kirstan Gagnon et Véronique Rioux
Invités :
- Céline et de Dominique, des membres du personnel du Centre de guérison Waseskun
- l’Aîné Raymond Gros-Louis
Épisode 15 : Renouement culturel dans les services correctionnels pour Autochtones : partie 2
Kirstan : Pendant des générations, les communautés autochtones ont subi la perte de leur identité culturelle et leurs pratiques traditionnelles. Ce sont des impacts qui continuent de marquer des vies aujourd'hui.
Kirstan : Pour aider à remédier à ces problèmes dans le système correctionnel fédéral, le Service correctionnel du Canada a commencé à offrir des services d’aînés dans les années 90.
Ces services fournissent une orientation spirituelle et un soutien culturel aux délinquants autochtones. En 1992, les ententes prévues à l'article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions ont été introduites, permettant aux communautés autochtones de gérer des pavillons de ressourcement et d'offrir des programmes adaptés à leur culture. Ces initiatives visent à favoriser la fierté, la guérison et à la réintégration réussie dans la société.Dans l'épisode d'aujourd'hui d'Au-delà des prisons, nous sommes allés à la rencontre de personnes remarquables qui œuvrent à préserver et à promouvoir la culture autochtone au sein du système correctionnel canadien.
Tout d'abord, ma collègue Véronique Rioux a visité le centre de guérison Waseskun au Québec. Dominique et Céline expliquent comment les pavillons de ressourcement prévus à l'article 81 soutiennent les personnes en transition vers la Communauté en leur offrant un hébergement supervisé, des enseignements culturels et des programmes favorisant une réintégration réussie. Voici Céline qui explique le fonctionnement du Centre.
Véronique : Céline, merci beaucoup d'être avec nous, d'avoir accepté notre invitation. Donc pour commencer, pouvez-vous nous parler un petit peu du centre de guérison de Waseskun?
Céline :Oui Bonjour, alors Waseskun on est en centre de guérison donc on est un organisme à but non lucratif, c'est de diminuer le pourcentage de d'hommes incarcérés autochtones, donc en facilitant leur réinsertion dans la société.
Véronique : Qui est ce qui est accepté au centre de guérison? Est ce que c'est des délinquants qui sont seulement en libération conditionnelle ou est ce qu'il y en a qui purgent leur peine au centre de guérison?
Céline :On a les 2, ça peut être des gens qui sont encore en train de purger leur peine. Ça peut être des gens qui sont en semi-liberté. Faut juste savoir que ceux qui sont en semi-liberté, tant qu'ils sont chez nous, ils doivent se complaire aux règles de Waseskun donc c'est à dire qu'ils n'ont pas le droit de sortir à l'extérieur pendant la journée comme ils pourraient faire ailleurs. Par exemple, on accepte des résidents fédéraux ou provinciaux et on accepte aussi des références communautaires. Donc ça c'est souvent des communautés qui vont payer pour qu’un membre de leur communauté vienne ici pendant une période d’environ 6 mois pour se remettre sur le droit chemin.
Véronique : Donc votre but à Waseskun comme vous disiez, là c'est vraiment la réinsertion sociale. Ça a l'a l'air d'un petit campus si je peux dire. Il n’y a pas de comme on puisse imaginer une prison avec des clôtures, tout ça. Donc comment est-ce qu'on va vous assurer de la sécurité? Parce que vous dites qu’il y a des hommes qui résident chez vous qui sont encore en train de de purger leur peine fédérale.
Céline: La chose principale à savoir, c'est que ceux qui viennent chez nous, ils viennent de manière volontaire. Donc s’ils sortent de chez nous alors qu'ils n'ont pas le droit de sortir, c'est comme si ils s'évadaient donc ça les ferait retourner en institution classique. Donc le la principale chose, c'est que ceux qui viennent chez nous, ils n'ont pas envie de s'évader, de repartir. Donc ils respectent nos règles, nos règles. La règle de base, c'est pas de violence. La moindre violence, la personne est renvoyée.Véronique : Il y a donc il y en a qui restent à temps plein au centre de guérison. Ceux qui sont en libération conditionnelle, j'imagine, peuvent sortir pendant la journée, aller travailler, aller faire les emplettes. Ça ressemble à quoi pour quelqu'un qui est en libération conditionnelle?
Céline :C'est un peu au cas par cas. Premièrement, ça va dépendre. Nous, on a des sentiers de guérison qui représentent un peu les étapes sur lequel ils sur lequel ils sont rendus dans leur chemin de guérison. Donc plus ils avancent, plus ils ont des privilèges. Pour les personnes en semi-liberté à un moment à partir d'une certaine étape, ils ont des privilèges de sortie, mais c'est très très strict. Ils n'ont pas le droit de sortir en dehors de de ces privilèges.
Véronique : Donc c'est vraiment la transition entre l'incarcération puis la transition vers une vie en collectivité comme citoyen respectueux des lois, c'est vraiment ce que vous essayez tout en les encadrant dans le fond?
Céline :Oui, c'est ça. On essaie aussi de les responsabiliser un peu, parce que bien ils vont quand même être livrés à eux-mêmes entre guillemets quand ils vont sortir. Donc il faut qu’ils soient aussi responsables.
Véronique : Puis le centre de guérison Waseskun, vous en parliez plutôt, c'est destiné aux personnes autochtones. Pourquoi est-ce que c'est important pour les délinquants autochtones de renouer avec leur culture?
Céline :Ça leur apporte des valeurs qu'ils ont peut-être un peu perdues. Je sais par exemple l'artisanat, ça les aide beaucoup à leur redonner confiance en eux. Donc ça c'est vraiment une part importante, c'est ancré dans les la culture. Ils savent tous travailler de leurs mains là et ça les aide beaucoup à remonter leur confiance en eux. Et puis ça les aide aussi. Les cérémonies par exemple, à libérer peut-être des choses qui qu'ils auraient un peu plus de mal à libérer de manière un peu plus traditionnelle.
Véronique : Les cérémonies, ça aide un petit peu, de ce que je comprends un petit peu à gérer les événements de la vie. On a rencontré quelqu'un dans un pavillon de ressourcement dans la région des prairies, qui nous disait que qu'il avait perdu un membre de sa famille, puis qu'il était retourné dans le fond à ce qu'il avait appris avec l'aîné à au pavillon de ressourcement, puis de vraiment être capable de gérer cette situation-là, de gérer les émotions qui venaient avec cette situation-là, puis que c'est ce qu'il avait appris. Puis c'est ce qui l'aidait dans le fond à faire face aux événements de la vie.
Céline :Exactement, c'est ça. Et puis aussi, être dans un centre autochtone, ça leur donne un sentiment de d'appartenance qui est, je pense, extrêmement important. Souvent, ils viennent de familles un petit peu brisées là et avoir comme ça une sorte de fraternité entre eux, ça les aide beaucoup.
Véronique : Parce qu'il y en a plusieurs aussi qu'on a rencontrés qui nous disaient qu'ils étaient pas du tout connectés à à leur culture avant l'incarcération. Puis c'est là qu'ils ont vraiment découvert leurs racines, puis les différentes cérémonies, les différents comme vous parliez l'artisanat, donc c'est vraiment comme un continuum. Puis vous vous offrez ça en transition vers la communauté pour qu'ils maintiennent ces acquis là aussi qu'ils continuent à pouvoir faire leur cérémonie.
Céline :Oui, c'est ça. L'idée c'est que quand ils vont retourner dans leur communauté, ils seront plus, ils auront plus conscience de leur identité. En un peu en fait.
Véronique : Super, mais je vous remercie beaucoup pour votre temps aujourd'hui.
Kirstan : Lors de sa visite, Véronique a parlé avec Dominique, la directrice des opérations à Waseskun. Voici ce qu'elle avait à dire.
Véronique : Céline a mentionné plus tôt qu'il y avait un jardin ici à Waseskun. Puis quand on est allé à Archambault il y a quelques mois, il y avait des détenus qui cueillaient le cèdre à l'établissement. Est-ce que c'est quelque chose que vous faites ici?
Dominique : En fait, Waseskun possède une terre à l'extérieur, à la terre, il y a des programmes qui se donnent sur la terre. Ce qui veut dire c'est que l'été on ils vont sur la terre, ils vont faire la culture du sel, ils vont faire la culture des champignons, ils vont faire la culture, ils vont faire, ils vont ramasser le foin d'odeur parce que ça fait partie aussi des 4 médecines. Donc il y a le cèdre, le tabac, la Sauge et le foin d'odeur. Donc au printemps, ils vont aller au printemps et l'été ils vont aller ramasser le foin d'odeur. Ils vont aller ramasser le cèdre. Bon ils peuvent pas aller ramasser le tabac parce que faut aller dans des cultures de tabac, ce qu'on n'a pas, mais sur la terre, on a une bâtisse qui est faite là. Puis il y a des enseignements qui vont se faire.
Véronique : Est-ce que vous faites face à des défis de réinsertion sociale dans un contexte urbain pour les délinquants autochtones versus retourner dans leur communauté? Est-ce qu'il y a des défis à ce niveau-là?
Dominique : Enfin, on a eu beaucoup de défis au moment de la création, au moment où Waseskun a déménagé parce qu’avant ça, Waseskun était à Montréal. Ils ont déménagé ici à Saint Alphonse dans les débuts 2000, donc ça a été plus ardu au début avec la municipalité de se faire connaître. C'était pas évident, ça a pris là. Maintenant, on a une très très bonne collaboration de toute la municipalité et des environs. Ce qui est plus difficile, c'est que étant donné qu'on est loin des centres urbains, c'est qu'on a pas de transport en commun. Donc on est vraiment. On aide beaucoup nos résidents à pouvoir aller à aller à l'extérieur. Donc ce qui veut dire c'est que si le résident a la permission de sortie, exemple pour la fin de semaine d'aller dans sa communauté. C'est Waseskun qui va l'emmener jusqu'à l'autobus ou Waseskun va s'organiser pour le faire l'aller retour, on va le faciliter pour qu'il puisse avoir accès à au transport urbain.
Véronique : Puis est-ce qu'ils sont impliqués au niveau de la communauté?
Dominique : On a des résidents qui vont travailler au comptoir vestimentaire bénévolement.On a un partenariat avec la ferme des chevaux et un partenariat aussi avec la ferme des bisons. Donc ces 3 endroits là, nos résidents vont aller faire du bénévolat, vont aller aider. On en a un présentement, un ou 2 résidents qui peuvent travailler, qui travaillent au restaurant, dans un restaurant fait qu’on va essayer de prendre, encourager nos résidents à trouver des emplois lorsqu'ils peuvent. Mais comme je dis, c'est un petit village puisse trouver un emploi exemple dans la région de Joliette, mais là, à ce moment-là, le défi c'est le transport.
Véronique :
Pendant notre visite, on a aussi parlé des programmes que vous offrez ici pour responsabiliser les résidents, comme par exemple la planification des repas ou de budget. Vous les aidez aussi à faire un CV. Vous les guidez sur la façon de se présenter en entrevue. Est ce qu'ils ont aussi accès à l'école pendant qu'ils sont ici?Dominique : On a un professeur qui vient ici 2 jours semaine, le jeudi et le vendredi et puis fait qu'il enseigne. Le un résident parce que nous on les appelle pas des détenus, hein, on les appelle les résidents. Donc nos résidents peuvent faire faire leur secondaire ici, peuvent faire de l'université, le Cégep, il y en a même qui arrivent qui sont illettrés, fait qu'ils peuvent apprendre à lire ici, fait que le professeur est là pour leur enseigner.
Véronique : Puis avez-vous des exemples de réussite que vous pourriez partager avec nous?
Dominique :On a eu un article 81, on a un entre autre que je pense entre autre, lui est arrivé ici, il y avait été c'est un sentencé vie, fait que sentencé vie, on le dit. C'est une personne qui avait commis un meurtre et avec son cheminement, à un moment donné, il voulait retourner aux études. Puis là à ce moment-là il a réussi à finir son secondaire ici, il a terminé son secondaire. Dû à l'âge qu'il avait, les expériences de vie, il n’a pas eu besoin de faire de cégep, il a pu rentrer directement à l'université, donc il a été travailler, il a fait son université, il a fait un bac en psycho à l'université de Trois-Rivières et on le voyageait matin et soir. On avait pris une entente, on le voyageait matin et soir à l'université de Trois-Rivières. Puis aujourd'hui, maintenant, 20 ans plus tard ou 18 ans plus tard, cette personne-là est dans la communauté, il aide sa communauté, il a jamais récidivé, mais je veux dire, il a jamais fait de bris de conditions. Puis qui est un bel exemple là de réussite, ça c'en est un entre autres là, parce qu’il voulait, il voulait vraiment, puis on l’a aidé à faire son université.
Véronique : Puis est ce que vous avez encore contact avec certains résidents qui ont, qui ont dans le fond qui ont résidés ici?
Dominique : À toutes les années qu'on a des célébrations quelconque, on invite nos anciens, nos anciens résidents. Là à ce moment-là ils peuvent venir ici, ils vont participer où ils vont participer à des partages avec nos résidents, leur réussite, où est ce qu'il en est arrivé, le crime qu'ils ont fait, où est ce qu'il en est arrivé aujourd'hui. Puis c'est c'est toujours bon que des anciens résidents qui ont qui ont un parcours de vie assez difficile, puis qu'aujourd'hui qui fonctionne très très bien dans la société, puissent faire des partages avec nos résidents ici que là à ce moment-là bien ils voient que oui, il y a une lumière au bout du tunnel.
Véronique : De leur donner espoir.
Dominique : Oui, oui, oui, puis de leur faire, puis surtout à notre clientèle provinciale, hein, notre clientèle provinciale, souvent c'est des gens qui rentrent, sort, rentrent, sort, rentrent, sort. Puis eux, quand ils leur disent, regarde, c'est tu, c'est tu ça que tu veux faire de ta vie là? Moi j'ai passé 25 ans, 30 ans, 40 ans, il y en a en a là qui ont passé 40, 45 ans à l'intérieur des murs carcéral, puis qui leur dit, regarde, c'est tu ça que tu veux faire de ta vie? Ça leur donne des chocs.
Véronique : Des fois le message passe mieux quand ça vient de quelqu'un qui est passé par la même place que nous.
Dominique : Ouais et qui leur dit là moi j'ai rentré là j'ai rentré dans un pénitentier à l'âge de 18 ans, j'ai sorti à l'âge de 50 ans, j'ai perdu ma vie, c'est tu ça que vous voulez.
Véronique : C'est puissant comme message.
Dominique : C'est puissant comme message.
Véronique : Donc avant de terminer, est ce qu'il y a quelque chose que vous aimeriez rajouter qu'on n'a pas couvert ?
Dominique : Il faut comprendre que la solution c'est pas de garder les détenus longtemps à l'extérieur, mais au contraire de les envoyer dans des centres comme ça. Dans des centres comme le nôtre, ça va les vraiment les préparer à retourner dans leur communauté parce qu’une personne qui sort du pénitencier puis s'en va direct demain à sa communauté, souvent, souvent, souvent, ils vont récidiver.
Véronique: Ils ont besoin de cette transition.Dominique : ils ont besoin de cette transition-là. Oui effectivement.
Véronique : Je vous remercie énormément pour votre temps.
Dominique : Ça me fait plaisir, merci.
Kirstan : Dans le cadre de notre épisode, j'ai aussi eu la chance de parler avec Raymond Gros-Louis, un aîné respecté qui a travaillé dans plusieurs établissements au Québec. Lors de notre entretien, il a parlé de l'importance de préserver la culture. Il a également expliqué comment son rôle aide les délinquants à se connecter ou à se reconnecter à leurs racines culturelles leur offrant ainsi un sentiment renouvelé d'identité et d'appartenance. Voici notre conversation.
Merci d'avoir pris le temps aujourd'hui de de vous joindre à nous. Depuis combien de temps travaillez-vous avec le Service correctionnel du Canada?
Aîné Raymond : J'ai commencé en 92 ma chère dame.
Kirstan : Ah wow.
Aîné Raymond : J'étais mécanisé de métier et j'ai bien demandé de faire, parce que Donnacona, a été construit en 1990 je crois. Donc ça faisait à peu près 2 ans qu'il est ouvert. Puis là ils demandaient d'avoir des personnes de la communauté pour aider ces gens-là à travers de se connecter avec des valeurs, des choses comme ça. Donc j'ai commencé en 92 et là en 92, c'est là que j'ai lâché mon métier parce que j'ai eu ma mission et ma vision de mon chemin et j'ai décidé de plonger en plein dans ma culture, dans les traditions. J'ai décidé de vivre ma culture et vivre ma culture et c'est là que ça a commencé.
Kirstan : Puis pourquoi que vous avez décidé de travailler avec des délinquants sur responsabilité fédérale?
Aîné Raymond : Je crois ma chère dame, c'est en dedans de moi. Moi je j'ai toujours cru aux humains. Et entre autres, d'aider les autochtones ben c'est encore plus parce que je suis un autochtone aussi. Donc pour moi là je crois qu’il faut être appelé pour faire ça, c'est pas tu peux pas faire ça juste pour une job, tu peux pas faire ça juste pour gagner des sous. Non c'est plus que ça.
Kirstan : Est-ce que vous croyez à changer les vies, hein?
Aîné Raymond : Moi je ma force, ma chère dame avec ces gens-là là, c'est que quand je les rencontre, là ils savent, je suis là pour eux, sans jugement. Je les considère comme des humains, qu'importe où qu'il a passé. Et ça c'est ma grande force avec eux, faut que ces gens-là, faut qu'ils s'ouvrent, faut qu'ils fassent confiance à la personne qui est en face d'eux.
Kirstan : Avez-vous beaucoup d'exemples de quand vous avez vu les délinquants évoluer, s'améliorer, puis juste faire des changements après avoir.
Aîné Raymond : on le voit, on le voit par leur implication parce que moi surtout moi j'ai travaillé depuis 2009, j'étais à Donnacona dans un maximum, c’est pas la même chose que travailler dans un médium ou un minimum. Là donc maximum c'est très encadré et cetera. Et par contre les gens ils peuvent passer du temps à faire n'importe quoi autre que leur chemin. Bien ceux qui s'impliquent vraiment dans leur chemin c'est des gens qui s'investissent et on voit les résultats. J'en ai un monsieur là que ça fait 4 ans qu'il est dehors là et il a fait 27 ans de prison et aujourd'hui ça fait 4 ans qu'il est dehors. Puis il va super bien renouer avec sa famille biologique, et cetera. Donc on voit que c'est pas biologique mais adoptive. Excusez. Il y en a d'autres aussi. J'en ai un là qui était à Vancouver, que j'ai eu à peu près une dizaine d'années à Drummondville. Donc cette personne là aujourd'hui partage cette culture, ces traditions-là dans les universités à Vancouver. Et là, il s'en vient dans notre coin. Il s'en vient à Saint-Hyacinthe parce qu'il y a une maison justement en toxicomanie et puis vu son expérience, ben ils ont décidé de l'engager. Donc on voit que, c'est un autochtone, les autochtones, ils trouvent leur chemin à partir de ça, mais ils vont trouver leur chemin à partir de l'aide qu'ils ont eu, à partir de l'aide qu'ils ont apporté.
Kirstan : J'ai rencontré quelqu'un il y a quelques semaines qui est incarcéré, puis il disait que les services sont là. Si vous prenez le temps de les explorer puis d'être ouvert. Que pensez-vous de cela?
Aîné Raymond : Ah ouais complètement il faut être transparent là-dedans mais il faut être patient parce que la guérison c’est pas une question de temps.
Kirstan : Est-ce que vous faites des cérémonies aussi?
Aîné Raymond : Ah oui, on fait des cérémonies. Il y a des changements de saisons, les tentes de sudation. Moi je trouve que les cercles de partage en groupe, c'est très très très valorisant. C'est souvent ça, ça fait en sorte que la personne qui explique son chemin ou son cheminement éveille le chemin de l'autre et ainsi de suite. C'est un effet d'entraînement, et de voir que de voir qu'une personne s'exprime avant lui et la personne quand j'arrive à lui, c'est plus facile de s'exprimer par après parce qu'on se reconnaît là-dedans.
Kirstan : Puis aussi des traumatismes par rapport à l'histoire, au passé. Que les gens y passent à travers, hein?
Aîné Raymond : Ouais, complètement. Les traumatismes, là, c'est là qu'on va guérir ça beaucoup plus dans les cérémonies spécifiques, entre autres, changement de saison ou tente de sudation, et cetera. Donc c'est ça, c'est des lieux très privilégiés qu'on peut faire, on peut faire des choses individuelles aussi. Moi j'ai jamais prétendu que j'ai guéri quelqu'un, mais je peux prétendre que j'ai donné les outils à quelqu'un pour se guérir. Parce que moi mon but c'est se guérir soi-même, parce que quand je serai plus là, je suis rendu à 80 ans, là, ça avance plus que d'habitude là. Mais je vous dis que ces gens-là, ils ont besoin de croire en avoir de l'espoir, puis avoir de l'espoir en eux, faut qu'ils croient en eux avant.
Kirstan : C'est important ce que vous dites, parce que les outils peuvent être très importants. Puis aussi, il y a déjà une personne qui me dit bien moi j'ai passé 27 ans dans le système. Puis merci de pas m'avoir abandonné parce que parfois ça prend moins longtemps pour certains, mais plus longtemps pour d'autres. C'est juste un cheminement très unique pour chaque personne hein.
Aîné Raymond : Ouais, et vous savez que le Créateur fait bien des choses. Il nous donne des situations pour guérir, ça prend de l'action pour guérir, mais des fois il faut comme quand on a commencé à marcher. On s'est trompé plusieurs fois, on a tombé plusieurs fois, mais à chaque fois qu'on a tombé, on va pas tomber à la même place. Parce que là pour apprendre et l'être humain, ils vont comprendre ça, que ça prend des situations pour apprendre. Je prends juste un exemple, j'ai un gars là qui était en prison justement pour violence ainsi de suite là, et c'était un Abénakis et entre autres, lui il battait tout le monde. C'était vraiment un gros ben ben solide. Sauf qu'il a commencé à cheminer dans son chemin et cetera. Et à un moment donné, il est arrivé une situation, puis là il vient me voir. Là il était en programme, il était en rencontre avec moi, entre autres. Et donc il est en lien avec son ALC. Et là il me dit ouin j'ai dit 3 gars dans ma « wing » ça va pas bien du tout. Il dit je suis capable de leur arranger le portrait. Oui moi j'ai dit écoute tu as le choix. Je ne prendrais pas de décision à ta place. Mais regarde les conséquences. Dis-moi toi une chose que si tu guéris pas ça de la bonne façon, là le Créateur va te le remettre dans ton chemin tout le temps pour que tu puisses avoir guéri ce côté-là. Et la semaine d'après, quand je l'ai rencontré, il m'a dit Raymond je sais pas qui s'est passé mais j'ai trouvé les bonnes paroles puis j'ai réglé la situation. Mais là j'ai dit le créateur de le mettre plus sur ton chemin.
Kirstan : Vous avez parlé tout à l'heure de un gars avec lequel vous avez travaillé, puis maintenant il présente devant les universités, puis il aide à transmettre ses connaissances à d'autres. C'est un bon succès ça dans le fond.
Aîné Raymond : Bah oui, c'est ça. Et lui, je l'ai eu pendant 10 ans de temps à Drummondville, entre autres, dans un médium là et à chaque fois, il m'envoie toujours un texto à la pleine lune. À chaque pleine lune, il m'envoie toujours un petit coucou, 2-3 mots. C'est tout, juste pour que mon esprit puisse se connecter avec lui. Parce qu'on travaille beaucoup avec l'esprit aussi. L'esprit a pas de distance, il n’y a pas de temps. Donc quand on a une pensée pour quelqu'un il a pensé à sera là instantanément à cette personne-là.
Kirstan : Puis avez-vous travaillé avec d'autres personnes récemment ? Où est ce que vous avez vu des belles histoires de réussite ?
Aîné Raymond : Ah ouais, il y en a un dernièrement, entre autres. Là, c'est lui, il était en maison de transition, entre autres. Là, présentement, il est à veille, c'est un Innu. Quand il recevait des roulottes, puis que ses parents venaient justement le voir, moi, j'allais dans la roulotte, mais les officiers de la sécurité m'empêchaient pas d'aller. J'avais de la sécurité avec moi, c'est sûr. Mais je pouvais aller jaser avec les parents, puis expliquer le cheminement que la personne fait, et cetera. Mais ils le voient dans leur comportement, ils le voient dans les actions, ils prennent.
Kirstan : C'est impressionnant votre travail, vous ordonnez mais aussi on voit l'effet positif que ça peut avoir sur les autres. Puis ils vont peut-être faire la même chose pour les pour d'autres personnes dans leur vie.
Aîné Raymond : Quand je rencontre ces gars-là, moi là je sais pourquoi je suis là, je sais pourquoi mon chemin, je sais pourquoi je rencontre cette personne-là.
Kirstan : C'est puissant ouais merci beaucoup Aîné Gros-Louis, j'apprécie votre temps.
Aîné Raymond : OK ça va. OK merci à vous, Tiawenhk.
Kirstan : C'est ainsi que se termine cet épisode d’Au-delà des prisons. Un gros merci à tous nos invités d'avoir partagé leurs expériences. Si vous voulez en apprendre plus sur le renouement culturel dans les services correctionnels pour autochtones, je vous invite à écouter l'épisode 9 d'Au delà des prisons. C'était une production du Service correctionnel du Canada ici. Kirstan Gagnon, votre animatrice, merci d'avoir été à l'écoute.
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