Épisode 17 : L’envers du badge (intervenants de première ligne)
La série intitulée « L’envers du badge » est de retour pour raconter les histoires et faire entendre les voix du personnel de première ligne de l’ensemble du Service correctionnel du Canada (SCC). Dans cet épisode, nous nous entretenons avec Marc, un intervenant de première ligne à l’Établissement Joliette, au Québec. Les intervenants de première ligne comme Marc sont indispensables aux services correctionnels pour femmes. Ils assurent la sécurité, soutiennent la réinsertion sociale et jouent un rôle clé dans la gestion de cas.
Soyez des nôtres pour écouter Marc expliquer dans ses propres mots en quoi consiste le travail dans une prison pour femmes, et l’importance de la sécurité active et passive.
Durée : 21:56
Publié : 28 août 2025
Animatrice : Véronique Rioux
Invité :
- Marc, un intervenant de première ligne à l’Établissement Joliette
Épisode 17 : L’envers du badge (intervenants de première ligne)
Veronique : Voici Marc, un intervenant de première ligne à l'Établissement de Joliette pour femmes au Québec.
Marc : C'est effectivement nous qui sommes responsables de la sécurité, donc c'est sur les toutes les patrouilles de sécurité, les fouilles prévues, les fouilles non prévues. On s'assure également que la routine de l'établissement suit son cours de la manière la plus fluide possible.
Veronique :Les intervenants de première ligne (IPL), comme Marc jouent un rôle essentiel dans les pénitenciers pour femmes. Ils assurent la sécurité, soutiennent la réinsertion sociale et jouent un rôle clé dans la gestion de cas. En apparence, le rôle peut sembler similaire à celui des agents correctionnels dans les établissements pour hommes, mais la réalité est bien différente et il existe des différences significatives.
Je suis votre animatrice Véronique Rioux et bienvenue à un nouvel épisode d'Au-delà des prisons. Aujourd'hui, notre série derrière le badge est de retour. Pour les prochains épisodes, nous partagerons des témoignages d'employés de première ligne au Service correctionnel du Canada mettant en lumière le travail essentiel que notre personnel accompli chaque jour pour assurer la sécurité de la population canadienne. Voici ma conversation avec Marc. Donc, Marc, merci d'être avec nous aujourd'hui.Marc : Ça fait plaisir.
Veronique : Vous êtes IPL donc intervenant de première ligne ici à l'Établissement Joliette depuis plusieurs années déjà.
Marc : Oui, depuis 2007.
Veronique : Donc, un intervenant de première ligne dans un établissement pour femme, c'est l'équivalent d'un agent correctionnel dans un dans un pénitencier pour homme. Vous avez un différent titre, donc forcément vous devez avoir des différentes tâches.
Marc : Oui, en fait, dans un établissement pour femmes, l'intervenant de première ligne, c'est qu'on a seulement des intervenants de première ligne. Donc dans un établissement pour hommes, il y a des agents de niveau un et de niveau 2. Nous, ici, on est l'équivalent d'un agent de niveau 2. Nos fonctions donc sont de sécurité, assurer la sécurité de l'établissement mais aussi on a un rôle au niveau de la gestion des cas, donc on est vraiment impliqué à ce niveau-là.
Veronique : Parlez-moi un petit peu de justement de votre rôle au niveau de l'équipe de gestion de cas.
Marc : Oui, on a un rôle très important dans l'équipe de gestion de cas. Tous les intervenants de première ligne, tous les IPL ont une charge de cas. Donc généralement on a au moins 2 femmes dont on est l'IPL responsable. Notre rôle est vraiment celui, disons, qui est la référence sur le terrain donc.
Les femmes se réfèrent à nous, on essaie de les de les orienter, de faciliter leur intégration, leur adaptation à leur arrivée. Souvent, les femmes, c'est leur première incarcération, donc elles ont des questions. C'est très insécurisant pour elles, donc on aide ces femmes là à garder le contact avec la collectivité, ce qui est super important dans une perspective de réinsertion sociale, parce que c'est bien beau d'être incarcéré, d'assurer la sécurité du public, mais il y a aussi la dimension de réinsertion sociale. Ultimement, c'est ça l'objectif que ces femmes-là réintègrent la société. Donc on les aide, soit on leur accorde des téléphones, on vérifie les téléphones, on vérifie, on s'assure que les femmes puissent avoir le support nécessaire. On assure aussi des escortes, c'est nous disons, si moi, ma délinquante dont je suis responsable, elle doit effectuer des sorties familiales, bien moi je peux être appelé à l'escorter dans sa famille pour s'assurer que tout va bien.Veronique : Donc à ce moment-là, vous devez aussi développer un lien qui est quand même un lien privilégié mais un lien de confiance au moment que vous sortez, que vous les accompagnez dans leur famille ou des fois c'est des moments difficiles, ça peut être des funérailles, ça peut être des rendez-vous médicaux. Donc ce lien-là de confiance doit se développer.
Marc : Oui, c'est sûr qu’on essaie toujours autant que possible de développer ce lien-là, autant avec les femmes dont on est le titulaire, si je puis dire, l'IPL titulaire, mais aussi avec toutes les autres femmes. Mais c'est sûr que quand on réussit à établir ce lien là, ça facilite énormément les interventions. Puis aussi l'atteinte de la réussite de leur programme ultimement aussi.
Veronique : Plus tôt on parlait avec la directrice d'établissement qui nous expliquait qu'il y a beaucoup de femmes qui sont incarcérées, ont eu un bagage de traumatismes, souvent qui implique des hommes, puis que c'est important d'avoir des figures masculines saines pour elles une fois quand ils sont incarcérés. Donc vous comme homme, comment est-ce que vous voyez votre rôle ici auprès des femmes ?
Marc : Je trouve que c'est effectivement très important pour ces femmes-là d'avoir des hommes positifs dans leur vie au quotidien. Souvent, vous avez parlé de traumatisme et ont vécu de la violence, des abus, donc pas toujours des hommes positifs dans leur vie. Puis on essaie d'un peu les mettre en confiance, puis de faire évoluer leur perception par rapport aux hommes quand on peut. Puis je pense que le contact en tant qu'homme est souvent perçu assez positivement pour la plupart des femmes.
Veronique : Voyez-vous parfois une réticence de la part des femmes au premier contact au début quand ils arrivent en établissement?
Marc : Oui ça arrive, mais c'est vraiment pas fréquent je vous dirais là on est aussi sélectionné un peu à l'embauche il y a un filtrage qui se fait. Puis je crois que l'établissement fait beaucoup pour sélectionner des hommes un peu qui adhèrent aux valeurs, puis qui sont des modèles positifs.
Veronique : Donc on disait plutôt que vous êtes l'équivalent d'un agent correctionnel. Vous suivez la même formation ?
Marc : Oui
Veronique : Puis est-ce qu'il y a une formation supplémentaire pour travailler dans un établissement pour femmes ?
Marc : Oui, il y a une formation supplémentaire de, disons la durée de la formation a évoluée au fil du temps-là, mais il y a une formation supplémentaire pour nous sensibiliser justement, on parlait des traumatismes, des abus, des spécificités des délinquantes incarcérées, des femmes incarcérées parce qu’ils ont vraiment pas eu le même parcours. On dit que 80 % des femmes incarcérées ont été victimes d'abus de violence dans leur vie, donc.
Veronique : C'est énorme.
Marc : Oui
Veronique : Quel impact que ça a au niveau de vos interventions de savoir ça que la grande majorité des femmes ont été victimes d'abus, de violence, qu'est-ce que vous modifiez ou est-ce que vous adaptez vos interventions pour ces femmes-là?
Marc : On le garde toujours en tête, mais c'est sûr que à force d'évoluer dans ce milieu-là, on en est conscient. Puis on essaie toujours d'avoir une approche calme mais pas menaçante, c'est sûr avec les femmes. Puis on voit qu'il y en a aussi qui vont toujours garder une certaine méfiance à l'égard des hommes. C'est pour ça aussi qu'on travaille en équipe, puis qu'on est souvent des équipes mixtes. Donc ça aide, disons à pallier à ça quand certaines femmes ont des difficultés c'est là que si vous êtes ma partner, vous allez pouvoir prendre le relais.
Veronique : Puis aussi de là l'importance on parle souvent de sécurité dynamique et sécurité statique qui est un peu un jargon du Service correctionnel. Donc pour mettre en contexte sécurité statique, c'est les caméras, les clôtures, la sécurité dynamique, c'est plus là au niveau de la communication, de l'interaction. Vous avez une équipe, l'équipe de gestion de cas avec qui vous travaillez, donc comment est-ce que vous travaillez justement en équipe pour assurer un peu le suivi ou de surveiller le comportement d'une femme ici, parce que vous voyez une femme dans un secteur, la santé, l'agent de libération on va aller voir dans d'autres circonstances. Donc comment est-ce qu’en équipe vous faites pour travailler, pour assurer dans le fond le bien être, puis les meilleures interventions possibles?
Marc : On a souvent des réunions multidisciplinaires, puis également on communique beaucoup, soit par l'intermédiaire de registres d'interventions ou de rapports d'observation. Mais il y a beaucoup aussi de discussions informelles qui se font pour justement s'assurer qu'on a vraiment une bonne communication, puis qu'on optimise le travail d'équipe.
Veronique : Puis, pouvez-vous me parler des défis auxquels les femmes font face quand elles sont incarcérées ?
Marc : Le premier défi, c'est évidemment la privation de liberté. Déjà, on l'oublie, nous on s'en rend compte mais parfois les gens l'oublient. Ensuite, il y a le fait d'être un peu éloigné de ses proches, mais un peu d'être démunies aussi au niveau des communications, de pas pouvoir être en mesure de leur parler comme elles veulent. Ces femmes-là ont seulement accès au téléphone ou à écrire une lettre.
Veronique : Puis vous comme IPL donc intervenants de première ligne, votre première tâche où votre premier rôle, c'est d'assurer la sécurité de l'établissement. Pouvez-vous nous nous parler un petit peu de votre journée typique ici ?
Marc : Bien oui, certainement. C'est effectivement nous qui sommes responsables de la sécurité, donc c'est sur les toutes les patrouilles de sécurité, les fouilles prévues, les fouilles non prévues. On s'assure également que la routine de l'établissement suit son cours de la manière la plus fluide possible. C'est sûr que souvent on est appelé à faire des rappels, à faire des interventions. On est appelé également à maintenir un climat le plus calme possible dans l'établissement, intervenir quand il y a des conflits. Donc c'est nous qui sommes responsables et on agit un peu en tant que premiers répondants aussi lors d'urgences médicales, on a des services de santé sur place, mais on est formé, puis on est appelé à intervenir, souvent les premiers sur des incidents. On répond aussi aux alarmes. Les alarmes dans les unités ont des alarmes murales, donc s'il y a une urgence, ils peuvent appuyer sur l'alarme. Les employés aussi ont des dispositifs. Là vous avez peut-être vu des employés avec ce qu'on appelle des PPAS, des dispositifs personnels d'alarme. Donc s'il y a une urgence, les gens appuie là-dessus, puis nous on intervient le plus rapidement qu'on peut.
Veronique : Puis j'imagine que l'intervention initiale c'est pas par la force. Comment vous gérez les interventions ? C'est quoi votre modèle d'intervention ?
Marc : Bon, c'est sûr que la base c'est toujours de tenter d'entrer en communication et puis de calmer la situation. S'il y a un conflit par exemple, là ensuite, on essaie de la technique, c'est soit d'isoler, circonscrire là qu'on appelle ça. Mais on a des méthodes d'abord l'idée de base, c'est toujours la désescalade, puis de préserver la vie. Donc ça passe par la communication, puis ça passe par le travail d'équipe, souvent aussi, puis de communiquer autant que possible.
Veronique : Puis est-ce qu'en général ça fonctionne bien justement la désescalade, la communication, parler de peut-être du conflit, puis un peu de négocier la sortie du conflit?
Marc : En général ça fonctionne bien parce que justement ce qui est favorable ici c'est qu'on a souvent quand même un assez bon contact avec les femmes, ce qui fonctionne habituellement. Sinon, c'est sûr que ça peut arriver qu'on a à recourir à la force dans de très rares cas, il y a des femmes qu'on connaît mieux puis qu'on sait, qui risquent parfois souvent de nous amener là. Mais nous, on fait tout ce qui est en notre possible pour pas en arriver là.
Veronique : Ce qu’Édith la directrice nous expliquait aussi, un des avantages dans un établissement pour femme, c'est que vous les suivez pour toute leur incarcération, une grande partie de leur incarcération. Donc vous venez que vous les connaissez très bien.
Marc : Oui effectivement, l'avantage qu'on est d'être un établissement multi-niveaux, c'est que ces femmes-là effectivement disons, qui sont incarcérées au secteur maximum mais quand ils vont pouvoir « décoter » comme on dit, là ils vont avoir une réévaluation vers une côte qu'on dit médium ou minimum ils vont rester à Joliette ces femmes là on sera pas obligé de les transférer dans un autre établissement comme on le ferait pour un homme.
C'est sûr que c'est un avantage énorme pour nous, puis pour ces femmes, là aussi ça favorise.Veronique : La continuité puis de rester dans un environnement qui connaissent.
Marc : C'est ça.
Veronique : Puis vous au quotidien, quels sont vos défis ?
Marc : Les défis au quotidien, c'est de toujours me tenir à jour de l'information, de connaître les nouvelles femmes. Moi je trouve ça important pour moi de connaître le nom des femmes, on dirait que moi, ça m'aide.
Veronique : C'est aussi une approche plus humaine d'appeler les gens par leur prénom.
Marc : Oui. Puis nous d'ailleurs, à Joliette, on s'appelle par nos prénoms, tant les IPL que les femmes incarcérées.
Veronique : Qu'est-ce qui vous a motivé à devenir agent de première ligne ? Donc vous, quand vous avez fait le processus pour être agent correctionnel, est ce que vous saviez que vous voulez travailler dans un établissement pour femmes ?
Marc : Non, en fait, c'est un heureux concours de circonstances. Je travaillais dans les centres jeunesse à l'époque, je travaillais beaucoup avec les jeunes filles. Puis j'ai un de mes collègues qui m'a montré l'annonce dans le journal, donc ça a trahit un peu mon âge. Puis il m'a dit, « ah tu serais bon là-dedans Marc », intervenant un peu mélange d'intervenants, éducateurs puis agent d'intervention. Donc j'ai soumis ma candidature, puis j'ai été sélectionné puis je savais pas que cet emploi-là existait. Je me destinais pas du tout à une carrière dans le milieu correctionnel. J'ai des études en intervention en délinquance. Même des gens du SCC étaient venus au Cégep pour nous parler de Donnacona dans ce temps-là. Moi j'étais originaire de la région de Québec, puis c'est pas quelque chose qui m'interpellait comme profession. Mais quand j'ai vu la description de tâche de l'IPL, j'ai dit bon c’est vrai que je pense que j'aimerais ça. Je pense que je serais bon.
Veronique : Qu'est-ce qui vous motive dans votre travail?
Marc : Bien mon équipe de travail. Franchement, je trouve qu'ici on a vraiment une belle équipe. Tant les IPL que des autres membres, des autres intervenants, des partenaires, là on est comme une famille à Joliette parce qu'on est un petit établissement. Tout le monde se connaît, les gens sont habitués de travailler ensemble. Ça c'est un gros avantage que j'aime beaucoup. Je connais mes « partners », je connais les forces de chacun. On connaît nos forces, donc ça nous aide beaucoup au quotidien. Puis on est aussi une équipe expérimentée, on est un jeune établissement ici, on est ouvert depuis 1997, mais on a quand même une bonne stabilité au niveau de nos IPL notamment. Puis ça nous aide beaucoup.
Veronique : On a rencontré beaucoup de gens aujourd'hui qui travaillent ici depuis le début des années 2000.
Marc : On a longtemps été considéré comme un jeune « pen », c'est ce qu'on entendait de Joliette, mais là c'est plus le cas. Puis je pense que c'est une force de l'équipe, ça aide aussi à l'intégration des nouveaux, former la relève.
Veronique : Puis qu'est-ce que vous diriez justement, cette relève-là qui envisage peut être un une carrière au Service correctionnel ?
Marc : Bien je dirais allez-y c'est un métier qui est exigeant, qui est vraiment pas toujours facile, mais je sais qu'on entend souvent ça, mais c'est quand même valorisant. Puis on a l'impression de en tout cas, moi je vais pour moi, moi j'ai l'impression quand même de faire une différence souvent. C'est sûr qu'on a des femmes qui reviennent mais il y en a plusieurs qui ne reviennent pas, puis on se fait souvent remercier quand même pour malgré souvent le contexte d'autorité. Et puis de on a dû faire des interventions qui n'ont pas toujours été agréables à leur égard, qui nous remercient quand même pour l'aide qu'on leur a donné.
Veronique : Avez-vous des exemples justement de femmes qui sont revenues pour vous remercier de votre travail, des interventions que vous avez fait auprès d'elles ?
Marc : Bien moi j'ai reçu à l'occasion des cartes de vœux. Puis il y a plusieurs IPL ont reçu des cartes de souhaits souvent dans le temps des fêtes, de femmes qui disent merci, ou souvent il y a des femmes qui téléphonent au contrôle, puis qui disent « ah, est-ce que je peux parler à un tel, à un tel? » Puis c'est quand même surprenant de voir ça. En tout cas, au début de ma carrière, ça m'étonnait beaucoup.
Veronique : Ça témoigne de l'impact que vous avez sur elle.
Marc : Exactement.
Veronique : Bien Marc, je vous remercie beaucoup du temps que vous avez pris aujourd'hui pour nous expliquer votre travail.
Marc : Tout le plaisir était pour moi, merci.
Veronique : C'est tout pour l'épisode d'aujourd'hui. Si vous avez aimé cette entrevue, n'hésitez pas à consulter les autres épisodes de la série derrière le badge. Merci encore à Marc d'avoir partagé son expérience avec nous. Cette émission a été produite par le Service correctionnel du Canada et j'ai été votre animatrice, Véronique Rioux. Merci d'avoir été à l'écoute.
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