Psychologie Médico-Légale Partie 5 : Personnel-de-soutien : Chapitre 17

Chapitre 17

Comparaître comme témoin

Lois Rosine, docteure en psychologie clinique Note de bas de page 1 

Introduction

Ce chapitre a pour but de donner quelques conseils pratiques aux personnes qui doivent témoigner devant un tribunal. Cependant, l'information qui y est donnée n'est pas exhaustive. Comme toute interaction humaine, les communications qui se déroulent dans un tribunal sont trop complexes pour qu'on puisse donner en quelque sorte un « livre de recettes ». Cependant, si on est appelé à témoigner, il est possible de se préparer en prenant connaissance de certaines stratégies et techniques générales.

Par souci de clarté, le mot « tribunal » est utilisé ici comme un terme générique qui, sauf avis contraire, désigne l'entité devant laquelle trois types de procédures peuvent se dérouler : enquêtes, audiences ou procès.

Les psychologues peuvent être appelés à intervenir dans le processus judiciaire de trois façons :

Si on vous demande de comparaître à titre de « témoin expert », il faut bien réfléchir avant d'accepter. En tant qu'employé du système de justice pénale, vous pourriez facilement vous retrouver dans une situation de conflit avec votre employeur

Renseignements généraux sur les différents types de témoignages

Maintenant que vous avez été cité à comparaître comme témoin, il est important que vous compreniez le rôle que vous serez appelé à jouer. Cette partie décrit les deux grands types de témoignages et ce que chacun d'eux suppose.

i) Comparaître comme témoin ordinaire
La plupart des personnes qui témoignent devant un tribunal le font parce qu'elles ont été témoins d'un incident ou parce qu'elles ont des renseignements de première main au sujet d'un événement. Si vous êtes cité à comparaître comme témoin ordinaire, on vous interrogera sur ce que vous avez vu, entendu ou appris relativement à un événement ou à une affaire en litige. Pour livrer un tel témoignage, on n'a pas besoin d'avoir des connaissances spécialisées dans un domaine particulier; c'est d'ailleurs à titre de témoins ordinaires que la plupart des gens comparaissent devant les tribunaux. Le plus souvent, le psychologue - ou tout autre témoin - peut être cité à comparaître comme témoin ordinaire s'il a vu un événement (par exemple, une prise d'otage).

Les personnes qui comparaissent comme témoins ordinaires ne peuvent donner que des renseignements ou des connaissances de première main sur la situation ou l'événement en cause. Vous ne pourriez pas dire, par exemple, qu'un détenu vous a informé qu'un autre détenu lui avait révélé qu'il allait malmener quelqu'un.

De plus, lorsque vous témoignez comme témoin ordinaire, vous n'êtes pas autorisé à exprimer votre opinion ou vos idées sur quoi que ce soit. Par exemple, vous pourriez dire, dans votre témoignage, que vous avez vu un détenu entrer dans la cellule d'un autre détenu et que, par la suite, vous avez entendu crier. Mais il ne vous serait pas permis de dire que vous avez pensé que les détenus criaient.

ii) Comparaître comme témoin expert
En tant que psychologue, il se peut que vous soyez cité à comparaître comme témoin expert. Dans ce cas, au lieu de présenter au tribunal des renseignements de première main sur une situation ou un événement, vous devrez livrer un témoignage fondé sur les connaissances spécialisées que vous possédez en tant qu'expert.

Votre formation, votre expérience ou vos connaissances peuvent vous qualifier comme expert dans un domaine donné. Pour établir votre qualité d'expert, l'avocat présentera au tribunal un exemplaire de votre curriculum vitae. On vous interrogera alors sur certains renseignements contenus dans ce document. Ensuite, le tribunal pourra, s'il le juge bon, vous déclarer expert dans un domaine particulier (p. ex., l'évaluation et le traitement des délinquants sexuels). Une fois que votre qualité d'expert aura été établie, vous pourrez donner votre opinion d'expert au sujet de l'affaire en litige. (Par exemple, on pourra vous demander si, à titre d'expert, vous pensez que le délinquant en cause risque de faire du tort à d'autres membres de la société.)

Il faut savoir qu'après avoir exprimé votre opinion d'expert devant le tribunal, vous aurez, généralement pendant le contre-interrogatoire, à justifier cette opinion par des éléments d'information pertinents. Vous devez donc prendre soin de bien réfléchir à votre opinion et être sûr de pouvoir présenter, à l'appui, des renseignements que vous aurez recueillis au sujet du délinquant.

Il importe de souligner qu'il n'est pas dans votre intérêt d'être déclaré expert dans un domaine à moins d'avoir des connaissances spécialisées et une compétence professionnelle dans ce domaine, pour deux raisons. Premièrement, on pourra remettre en question les éléments de votre témoignage qui ne relèvent pas de votre domaine d'expertise. Le contre-interrogatoire risque alors d'être une expérience néfaste pour vous. Deuxièmement, si vous vous déclarez « expert » dans un domaine alors que vous ne pouvez faire la preuve de votre compétence professionnelle dans ce domaine, vous pourriez faire l'objet de plaintes devant le comité de déontologie. La prudence est donc de mise.

Avant de comparaître

Lorsque vous recevez une assignation de témoin (appelée aussi subpoena), il se peut que diverses idées vous viennent à l'esprit et que vous ressentiez diverses émotions. Ceci traduit la réaction de votre cerveau à un événement potentiellement stressant. Chez les personnes qui n'ont jamais témoigné, l'assignation provoque la peur de l'inconnu, alors que chez celles qui ont déjà été appelées à la barre des témoins, elle peut raviver de vieilles inquiétudes.

Vous pouvez, par exemple, avoir peur

Toutes ces réactions sont tout à fait normales, et il ne faut pas s'en étonner.

Il est possible que vous reviviez les émotions que vous avez ressenties au moment des événements. S'il s'agit d'événements très pénibles, il se peut que vous ayez des cauchemars, de la difficulté à dormir, des pensées envahissantes, un changement d'appétit, de la tension, des maux de tête, des problèmes de digestion ou d'autres symptômes de stress.

Vous pouvez avoir une réactivation de réactions émotionnelles, si, par exemple, l'événement en cause était un suicide et que c'est vous qui avez trouvé la victime. Votre comparution comme témoin lors de l'enquête risque de raviver les souvenirs pénibles et les émotions désagréables que vous avez eus au moment de la découverte du suicide. Même si ces symptômes s'atténuent généralement après quelques jours, leur apparition peut être troublante.

La meilleure façon de composer avec ces réactions est d'en parler à quelqu'un en qui vous avez confiance. Si les symptômes ne disparaissent pas après une période raisonnable, consultez un spécialiste qui s'y connaît dans le domaine du stress. Il vous conseillera certains moyens d'apaiser vos réactions. Rappelez-vous que ces réactions sont normales et qu'elles sont déclenchées par le caractère stressant de la situation. Vous n'êtes pas en train de perdre l'esprit.

Ce qui se passera au tribunal

Tout le monde a peur de l'inconnu. Si vous pouvez visiter la salle d'audience avant le jour de votre comparution, faites-le; cela vous permettra de vous familiariser avec les lieux. Dans la mesure du possible, tâchez d'assister au déroulement de l'audience avant d'être vous-même appelé à la barre. Si on ne vous permet pas d'y assister, observez le déroulement d'autres affaires. Cela vous aidera à vous familiariser avec le fonctionnement d'un tribunal et à voir comment d'autres témoins se comportent lorsqu'ils sont à la barre. Vous jugerez peut-être bon de visiter la salle d'audience lorsqu'aucune procédure ne s'y déroule. Vous pourrez ainsi circuler librement dans la salle, vous familiariser avec l'aménagement des lieux et vous désensibiliser à ce milieu dans un contexte moins menaçant. Il arrive, dans certains cas, que l'avocat vous aide à vous préparer à comparaître en vous amenant à la salle d'audience, en vous expliquant ce à quoi vous devrez vous attendre ou en vous posant les questions qu'il pense qu'on vous posera lorsque vous serez à la barre des témoins.

Lorsqu'on se présente à la barre des témoins, la politesse veut que l'on salue le juge. Faites-le à voix basse, en souriant.

On vous demandera de vous identifier et peut-être aussi de résumer vos titres de compétence et antécédents professionnels. Vous pouvez lire des extraits de votre curriculum vitae, si vous le souhaitez. Si vous comparaissez à titre de témoin expert, il est possible que le tribunal demande que votre curriculum vitae soit déposé en preuve.

Quand vous serez à la barre, il est possible que votre avocat ou celui de l'organisation pour laquelle vous travaillez vous invite à lire, avant de témoigner, une demande de protection en vertu de la Loi sur la preuve au Canada. Cette démarche a pour but de vous protéger au cas où vous devriez livrer un témoignage qui vous incriminerait d'une façon quelconque.

En principe, vous serez debout à la barre des témoins pendant toute la durée de votre témoignage. Cela suppose que vous devrez rester debout pendant une heure ou deux; le tribunal fait habituellement une pause (appelée suspension) au milieu de l'avant-midi et au milieu de l'après-midi. S'il vous est difficile de rester debout longtemps, pour des raisons de santé par exemple, expliquez-le au tribunal. En pareil cas, on s'efforcera de vous procurer une chaise ou un fauteuil. Il serait sage de vous munir de mouchoirs en papier, particulièrement si vous devez témoigner au sujet d'événements où vous avez été blessé ou menacé (p. ex., si vous avez été pris en otage). Le fait de témoigner à ce sujet peut raviver chez vous un sentiment de vulnérabilité.

Si l'audience est suspendue pendant votre témoignage, on vous interdira de discuter de votre témoignage avec qui que ce soit pendant cette période. Dans le cas d'un procès, si vous devez aller aux toilettes pendant la suspension d'audience, il faut, dans certains tribunaux, demander à un huissier de vous accompagner. Cependant, cette règle ne s'applique généralement pas dans le cas d'une enquête.

Si, travaillant pour les services correctionnels à titre de thérapeute, vous utilisez d'habitude le terme « client » pour désigner les détenus auprès desquels vous intervenez, il est préférable d'utiliser le terme « délinquant » ou « détenu » lorsque vous êtes appelé à témoigner dans une procédure accusatoire. Si vous utilisez le mot « client » alors que d'autres employés utilisent celui de « détenu », de « condamné » ou de « délinquant », vous risquez d'être perçu comme naïf ou trop favorable à l'accusé. Par conséquent, votre témoignage sera considéré comme peu objectif et votre crédibilité sera mise en doute.

Si vous comparaissez à une enquête sur la mort d'un délinquant que vous traitiez, il est préférable d'utiliser le mot client pour désigner la personne décédée. Dans ces circonstances, il convient de manifester ouvertement votre intérêt et votre soutien à l'égard du délinquant.

Ce que feront les avocats

Au Canada, le système judiciaire est de nature accusatoire. Chaque partie présente ses témoins et contre-interroge les témoins de la partie adverse. Il est donc à prévoir que l'avocat adverse cherchera à attaquer et à ridiculiser les déclarations des témoins et qu'il tentera d'en accentuer les lacunes et les faiblesses. Il mettra tout en œuvre pour miner, diminuer ou détruire la crédibilité du témoignage et des témoins.

L'avocat adverse fera ressortir toutes les lacunes ou les faiblesses qu'il aura décelées dans votre témoignage. Le rôle de chaque avocat consiste à obtenir de vous des renseignements qui appuient son argumentation. Ce sont là les règles du jeu; l'avocat n'en a pas personnellement contre vous, même si c'est l'impression que vous pouvez avoir lorsque vous êtes à la barre des témoins.

Les avocats recourent à diverses tactiques pour atteindre leurs buts. En voici quelques-unes :

Rappelez-vous que les avocats des deux parties peuvent viser des objectifs qui ne sont pas nécessairement conformes à vos intérêts. Ne vous abandonnez pas à un sentiment de sécurité exagérée sous prétexte que l'avocat qui vous interroge est « de votre bord ».

Les procédés employés lors du contre-interrogatoire peuvent susciter diverses émotions chez vous. Par exemple, vous pouvez vous emporter ou percevoir les questions qu'on vous pose comme des attaques personnelles, et réagir en conséquence. Cette façon de questionner vise justement à provoquer de telles réactions. Quand vous êtes fâché ou anxieux, vos idées ne sont pas aussi claires que d'habitude. Cela peut vous amener à dire quelque chose que vous n'auriez pas dit si vous n'aviez pas perdu votre calme, ou à paraître moins rationnel ou maître de vous dans votre témoignage.

L'avocat peut aussi vous poser plusieurs questions dont vous ignorez les réponses, vous obligeant par le fait même à répéter autant de fois « Je ne sais pas ». Après avoir donné cette réponse plusieurs fois de suite, vous commencez à craindre d'avoir l'air de ne rien savoir. Vous sentant anxieux ou embarrassé à cette idée, vous vous risquerez peut-être à répondre à des questions qui ne correspondent pas à votre domaine de spécialité ou de connaissance. Il convient, en pareil cas, de répondre que vous ne le savez pas. Rappelez-vous qu'il n'y a pas de limite au nombre de fois que vous pouvez donner cette réponse. Si vous ignorez la réponse, dites-le simplement. Restez fermement sur vos positions. Il faut à tout prix éviter de répondre à des questions dont vous ne savez pas la réponse avec certitude. Si vous vous aventurez à le faire, vous vous exposerez à ce qu'un avocat astucieux vous amène à donner des réponses erronées. Votre témoignage risquera alors d'être contredit par d'autres experts ou témoins. Dans certains cas aussi, des avocats et leurs clients ont recouru à cette tactique pour prouver que le témoin expert avait outrepassé son domaine de compétence et pour mettre en doute son éthique professionnelle.

Quelques erreurs souvent commises par les témoins

Pour bien des gens, il peut être stressant d'être appelé à témoigner, surtout s'ils n'ont jamais ou rarement été appelés à le faire. Voici certaines erreurs que les témoins commettent souvent lorsqu'ils sont appelés à la barre et quelques conseils pour les éviter :

  1. S'empresser de répondre à la question après n'en avoir entendu qu'une partie, sans laisser à L'avocat le temps de finir. Attendez toujours que l'avocat ait fini de parler. Ensuite, prenez un moment pour réfléchir à votre réponse, et donnez-la. Vous éviterez ainsi de donner une réponse mal formulée ou de répondre à côté de la question.
  2. En dire plus qu'on ne vous en a demandé. Répondez strictement à la question qu'on vous a posée. Tout ce que vous dites pendant que vous êtes à la barre fait partie de votre témoignage et peut donc faire l'objet d'un contre-interrogatoire. Par conséquent, si votre réponse va plus loin que la question qu'on vous a posée, vous introduisez des éléments d'information au sujet desquels toutes les parties pourront vous interroger par la suite.
  3. Répondre à des questions qui ne correspondent pas à vos connaissances ou à votre domaine d'expertise. Si on vous pose une question dont vous ignorez la réponse, il est parfaitement correct de dire « Je ne sais pas » ou « Cela ne correspond pas à mon domaine d'expertise. »
  4. Répondre de façon impulsive, sans avoir pris le temps de bien réfléchir. Rappelez-vous que le tribunal vous accordera tout le temps dont vous avez besoin (dans des limites raisonnables, bien entendu). Si vous formulez mal votre réponse, vous devrez revenir sur vos paroles, vous expliquer et corriger l'impression erronée que vous aurez donnée. Cela minera votre crédibilité en tant que témoin.
  5. Répondre à des questions qui portent sur le comportement, les dires ou le témoignage de quelqu'un d'autre. Si, par exemple, l'avocat vous demande « Qu'est-ce que M. Smith voulait dire, à votre avis, lorsqu'il a dit...? », il est tout à fait acceptable de répondre que vous ne pouvez commenter les pensées de M. Smith et d'inviter l'avocat à poser la question à M. Smith lui-même. Cependant, si vous comparaissez comme témoin expert, un avocat peut vous demander votre opinion au sujet des idées ou des comportements d'une autre personne. Si vous ne vous sentez pas en mesure de donner votre avis dans ces circonstances, répondez simplement : « Je n'ai pas d'opinion à ce sujet. »
  6. Laisser vos préjugés ou vos croyances personnelles influencer votre témoignage. Le tribunal veut connaître les faits : ce que vous avez vu, ce que vous avez fait, ce que vous avez entendu. Si vous êtes appelé à la barre à titre d'expert, il veut connaître votre opinion d'expert. Vous jouez le rôle d'un reporter. Vous devez être en mesure d'expliquer tous les facteurs sur lesquels vous fondez vos observations et vos opinions. Quand vous livrez un « témoignage », vous devez vous garder de laisser transparaître vos croyances personnelles. Sinon, l'avocat qui vous interroge s'efforcera d'exploiter les croyances personnelles que vous aurez exprimées. Vous risquez ainsi d'être contraint de faire quelque chose qui ne relève pas de votre domaine d'expertise ou de vous engager (pendant l'enquête) à changer des éléments du système qui ne relèvent pas de votre compétence.
  7. Être sur la défensive. Ne défendez pas votre programme ni vous-même. Présentez les faits tels qu'ils sont, même s'ils laissent une impression défavorable. Il est acceptable de dire, par exemple, : « Nous avons procédé de cette façon, et cela correspondait à nos connaissances à l'époque. Si nous avions à le faire aujourd'hui, compte tenu des connaissances que nous avons acquises depuis, nous procéderions peut-être autrement. »

Comment résister au stress lors de l'audience

Pendant le contre-interrogatoire, les avocats recourent à des procédés qui visent à stresser le témoin pour l'amener à répondre de façon impulsive ou irréfléchie. On peut éviter de tomber dans le panneau et résister au stress grâce aux moyens suivants :

  1. Recourez à l'autosuggestion. Nous nous parlons constamment à nous-mêmes. Nous pouvons apprendre à contrôler ce que nous nous disons intérieurement et à nous donner des messages apaisants. Ces messages positifs nous donnent le sentiment de garder la maîtrise de la situation. En voici des exemples :
    i) « Je suis ici pour répondre aussi franchement et exactement que possible. Je ne me laisserai pas provoquer. »
    ii) « Je peux parler lentement si je le veux. Je n'ai pas à me sentir pressé. »
    iii) « L'avocat utilise cette tactique simplement pour me faire fâcher. Je ne perdrai pas mon sang-froid. »
  2. Évitez les messages intérieurs négatifs et dévalorisants. Ces messages négatifs vous amènent à vous sentir fâché et incapable. Par exemple :
    i) « Je ne sais jamais la bonne réponse. »
    ii) « Je vais dire quelque chose qui va me faire paraître stupide. »
    iii) « L'avocat s'acharne contre moi. C'est injuste. Il n'a pas le droit de faire cela. »
  3. Prenez le temps qu'il vous faut pour répondre. Quand vous faites une pause avant de répondre, rappelez-vous que votre silence ne dure en fait que quelques secondes, même si cela vous semble une éternité. Répétez-vous que vous avez tout le temps pour répondre, et que si vous marquez un temps d'arrêt avant de le faire, vous serez perçu comme quelqu'un qui s'efforce de donner une réponse bien pesée et réfléchie.
  4. Regardez la personne qui vous interroge. Cela vous aidera à vous concentrer sur la question.
  5. Si vous avez besoin de temps pour réfléchir à votre réponse ou si vous n'avez pas compris la question, demandez à l'avocat de répéter sa question ou de la reformuler autrement. Ces moyens vous permettront de mettre de l'ordre dans vos idées et de bien réfléchir à votre réponse. Par exemple :
    i) « Est-ce que vous me demandez...? » (Formulez la question en vos propres mots.)
    ii) « Est-ce que vous me demandez : ...? » (Répétez alors la question qui vous a été posée.)
    iii) « Pourriez-vous répéter la question? »
  6. Si, à cause de votre nervosité, vous n'avez pas entendu ou compris une question, demandez qu'on la répète. Il peut être utile, également, de vous dire intérieurement des phrases qui vous aideront à vous calmer :
    i) « Je n'ai pas à me sentir pressé. Le tribunal attendra que je donne ma réponse. »
    ii) « C'est une tactique que l'avocat utilise pour que je me sente mal à l'aise. Je lui demanderai de répéter sa question tant que je ne l'aurai pas comprise. »
  7. Rappelez-vous qu'il ne faut pas vous mettre en colère. Si vous vous sentez attaqué personnellement, rappelez-vous que c'est une tactique que les avocats utilisent; ils cherchent à vous faire perdre votre sang-froid dans l'espoir que cela influencera vos réponses. Si, malgré tout, vous sentez la colère vous gagner, rappelez-vous que ce n'est pas le moment de vous emporter. Vous pourrez vous fâcher plus tard. Pour le moment, il faut que vous gardiez votre calme. L'autosuggestion est efficace. Exercez-vous à vous conditionner à l'aide de messages intérieurs avant d'aller au tribunal.
  8. Si la situation dans laquelle vous témoignez est particulièrement stressante (par exemple, si vous comparaissez à titre de témoin et de victime), vous avez le droit de pleurer ou de manifester d'autres émotions. Vous pouvez même demander au tribunal de vous accorder un moment pour reprendre contenance, si c'est nécessaire. Pour vous aider, pensez à la force qu'il vous a fallu pour surmonter l'événement en question.

Après avoir témoigné

Après avoir témoigné, une des premières questions que vous vous poserez sera sans doute « Ai-je fait bonne figure ? » Posez cette question à une personne qui est susceptible de vous faire des commentaires bienveillants et délicats. Dans la mesure du possible, faites-vous accompagner au tribunal par quelqu'un en qui vous avez confiance ou par un intervenant des services d'aide aux employés, si vous avez accès à de tels services.

Étant vous-même psychologue, il est très probable que vous souhaitiez être soutenu par un autre psychologue. Un autre psychologue serait mieux placé pour vous donner des commentaires plus crédibles (à vos yeux) sur votre prestation comme témoin. Par ailleurs, le soutien d'un collègue vous aidera davantage à quitter momentanément votre rôle de psychologue et à exprimer votre sentiment de vulnérabilité.

Vous aurez peut-être besoin de vous défouler. A présent, vous pouvez laisser libre cours à votre colère, si vous en ressentez le besoin. Trouvez quelqu'un en qui vous avez confiance, et dans un endroit approprié (dans la mesure du possible, loin de la salle d'audience), faites-lui part de vos émotions; exprimez votre colère, vos frustrations, votre soulagement, etc.

Quand votre témoignage sera chose du passé, vous sentirez sans doute un regain d'énergie. Jusqu'ici, votre organisme était en état d'alerte et tous vos systèmes étaient stimulés au maximum. Il faudra un certain temps pour que votre organisme revienne à son rythme normal. Faites un peu d'exercice. Faites une promenade, étirez-vous. Laissez votre corps évacuer son trop-plein d'énergie.

Peu à peu, vous commencerez à sentir votre fatigue. Vous avez travaillé fort. Rentrez chez vous ou retournez à votre chambre d'hôtel et reposez-vous bien.

Il se peut que, le lendemain, vous éprouviez de la colère ou le besoin de vous confier à quelqu'un, ce qui est tout à fait normal. En règle générale, il nous faut de 24 à 48 heures pour assimiler une expérience stressante. Il se peut que cela vous porte à vous poser certaines questions ou à ressentir des émotions que vous n'éprouviez pas la veille. Faites part de ce que vous ressentez à une personne de confiance.

Comme on l'a mentionné dans la section « Avant de comparaître », le fait de témoigner peut rouvrir de vieilles plaies. Il se peut que vous ayez du mal à dormir ou que vous soyez envahi d'émotions ou de souvenirs désagréables. Ouvrez-vous à un proche, à un ami ou à un membre de votre famille. Ces réactions disparaissent généralement après quelques jours. Si elles persistent après un certain temps, consultez un professionnel. Rappelez-vous, encore une fois, que ces réactions sont tout à fait normales et causées par le caractère stressant de la situation.

Prendre soin de soi avant, pendant et après la comparution

Pour la plupart des gens, il est stressant de comparaître en cour. La meilleure façon de s'en tirer est de recourir, avant, pendant et après la comparution, à des techniques éprouvées de maîtrise du stress.

  1. Ayez une alimentation équilibrée. N'oubliez pas que votre corps est une machine qui a besoin de carburant. Si vous aviez une voiture sport à haute performance, vous n'y mettriez pas du carburant de qualité inférieure. De même, vous ne pouvez pas vous attendre à ce que votre corps donne son plein rendement (p. ex., dans les moments de stress) s'il n'a pas un « carburant » de qualité.
  2. Tâchez de dormir suffisamment. Quand on est fatigué, on ne pense et ne réagit pas aussi bien que lorsqu'on est reposé. Si vous avez du mal à dormir, prenez un verre de lait chaud. Évitez les somnifères en vente libre, car ils peuvent perturber la structure de votre sommeil et diminuer vos aptitudes cognitives.
  3. Faites régulièrement de l'exercice. Une marche rapide de 20 minutes chaque jour aide à atténuer l'effet d'événements stressants sur votre organisme.
  4. Surveillez votre consommation de caféine, d'alcool, de nicotine et de sucre. Quand on est stressé, on a tendance à s'adonner davantage à son péché mignon. Or, en augmentant la consommation de ces substances, on surcharge son système nerveux, ce qui exacerbe les réactions de stress. Gardez-vous bien d'abuser de ces substances immédiatement avant d'être appelé à la barre.
  5. Créez-vous un réseau de soutien et n'hésitez pas à y faire appel. N'ayez pas peur de vous confier à un ami ou à un proche en qui vous avez confiance. Agir ainsi n'est pas un signe de faiblesse mais plutôt une façon saine de réagir à la situation.
  6. Apprenez à pratiquer la respiration profonde comme technique de relaxation (voir l'annexe A). La respiration profonde est une technique de méditation qui permet d'atténuer l'effet du stress. Si vous entraînez votre corps à se détendre sur commande, il vous suffira de respirer profondément pour vous calmer, même pendant votre témoignage.

Votre rôle de soutien à l'endroit d'autres employés appelés à intervenir dans la procédure judiciaire

Une bonne partie des renseignements qui précèdent peuvent s'avérer utiles pour tous les employés. L'idée qu'on sera appelé à la barre des témoins est extrêmement stressante, et les employés ont besoin d'être soutenus. On peut les aider à se préparer et apaiser l'anxiété qu'ils ressentent à l'idée de témoigner en passant en revue avec eux l'information donnée dans les pages précédentes et en répétant avec eux certaines stratégies. Ce soutien est particulièrement important si c'est la première fois que l'employé reçoit un subpoena. Ces renseignements sont résumés dans une brochure intitulée When you have been called to testify, qu'on peut obtenir en s'adressant à l'auteure.

La plupart des moyens les plus efficaces d'aider quelqu'un qui est cité à comparaître comme témoin sont moins spectaculaires. Il s'agit de veiller à ce que certains besoins de base soient comblés. Voici une liste d'activités essentielles qui peuvent atténuer considérablement le stress ressenti par l'employé à l'idée de témoigner en cour :

  1. Rassurer l'employé cité à comparaître par suite de ses activités professionnelles en lui indiquant que tous les frais liés à sa comparution seront assumés par son employeur. Il y a eu des cas où des employés se sont fait dire qu'ils devaient payer leurs propres dépenses, ce qui est tout à fait faux.
  2. S'assurer que les chefs de famille monoparentale peuvent prendre les dispositions nécessaires pour faire garder leurs enfants. Quand on est convoqué par le tribunal, on ne sait pas exactement quand on nous appellera à la barre. L'employé peut devoir attendre pendant plusieurs jours, ce qui est difficile pour un chef de famille monoparentale lorsque l'audience se déroule dans une autre ville.
  3. Au besoin, faire en sorte qu'on passe prendre le témoin pour l'amener au palais de justice, et qu'on le ramène chez lui après sa comparution. Si ce n'est pas possible, l'aider à faire les arrangements nécessaires pour ses déplacements. Quand on est déjà anxieux à l'idée de devoir témoigner, on n'a pas besoin de s'inquiéter, par surcroît, en se demandant où se trouve le tribunal et comment on fera pour s'y rendre. Qui plus est, certaines personnes sont terrorisées à l'idée d'aller dans une ville qu'elles ne connaissent pas.
  4. Voir à ce que l'employé sache où se présenter à son arrivée au palais de justice, où stationner sa voiture et où aller manger. Et, ce qui est le plus important, voir à ce qu'il sache à quelle heure il doit se présenter au tribunal.
  5. Veiller à ce que les personnes devant prendre part à la procédure judiciaire soient à l'abri des journalistes avant, pendant et après leur comparution. En règle générale, un membre de l'organisation est chargé de transmettre les commentaires et les dernières nouvelles aux représentants des médias. Il faut indiquer aux employés qu'ils doivent répondre « sans commentaires ». Il faut aussi les prévenir que certains journalistes tenteront peut-être de les provoquer, de gagner leur sympathie ou de leur inspirer quelque autre émotion. Encore une fois, ils doivent se contenter de répondre « sans commentaires ».
  6. Prendre connaissance des articles parus dans les journaux de manière à pouvoir réconforter ou soutenir un employé qui a été mal cité ou présenté d'une façon dévalorisante ou embarrassante dans les médias.
  7. Rappeler aux employés de prendre garde à ce qu'ils disent dans les secteurs publics du palais de justice, au restaurant, etc. Ils ne doivent jamais discuter de l'affaire dans un lieu public, car des journalistes, d'autres personnes du milieu judiciaire ou la « partie adverse » pourraient les entendre.
  8. Lorsque c'est indiqué, offrir du soutien aux employés avant, pendant et après leur témoignage. Il arrive trop souvent qu'on oublie les témoins ou qu'on les laisse à eux-mêmes immédiatement après leur comparution. Or, il se peut qu'ils soient aux prises avec de vives émotions ou encore épuisés sur le plan émotionnel. Ils peuvent aussi être épuisés physiquement ou se demander s'ils ont fait bonne figure à la barre. Pour certaines personnes, la « crise » étant désormais terminée, les émotions prennent le dessus. N'oubliez pas que certaines personnes peuvent avoir besoin de se confier à quelqu'un le lendemain de leur comparution.

Il appartient au psychologue d'évaluer ce qu'il faut faire pour répondre à ces besoins. Selon le milieu de travail de l'employé, le psychologue peut lui offrir ses services directement ou veiller à ce que les services nécessaires lui soient offerts par l'entremise du PAE (Programme d'aide aux employés). En assurant à chaque employé les services de base décrits dans les paragraphes qui précèdent, on peut contribuer grandement à atténuer son stress et à prévenir tous les problèmes qui peuvent en résulter.

Conclusion

L'information donnée dans ces pages n'est pas exhaustive, pas plus que les méthodes qui y sont expliquées. J'ai simplement voulu décrire certaines expériences qu'on peut vivre lorsqu'on est appelé à la barre ainsi que certains moyens qu'on peut employer pour faire face au contre-interrogatoire.

Personne n'aime comparaître devant un tribunal, mais lorsqu'on est tenu de le faire, il vaut mieux s'y préparer. Si vous risquez d'être appelé à la barre des témoins, vous avez intérêt à vous familiariser avec tout ce qui entoure la procédure judiciaire. Visitez le palais de justice de votre ville. Assistez aux audiences d'un tribunal. Renseignez-vous sur le fonctionnement d'un tribunal dans des conditions où vous ne vous sentez pas menacé. Songez que la télévision ne présente pas une image très fidèle de ce qui se passe dans une salle d'audience. Dans la réalité, il y a peu d'avocats de la trempe de Perry Mason.

Chapitre 17 Annexe

Bibliographie

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Tallent, N. « Forensic psychological evaluations », dans Psychological Report Writing, New Jersey, Prentice Hall, 1993, p. 257 à 276.

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