Validation et revalidation de l’Échelle de classement par niveau de sécurité (ECNS) : 1987-2019

Faits saillants de la recherche : Vingt études empiriques ont confirmé la validité prédictive de l’Échelle de classement par niveau de sécurité d’un groupe à l’autre. 

Pourquoi nous avons effectué cette étude

Au milieu des années 80, la Division de la recherche du secrétariat du ministère du Solliciteur général du Canada de l’époque a entrepris l’examen de la documentation relative au classement par niveau de sécurité et l’élaboration d’un « premier » outil objectif de classement, l’Échelle de classement par niveau de sécurité (ou « ECNS »).

À la fin des années 80, la Direction de la recherche et la Division de la gestion des délinquants du Service correctionnel du Canada (SCC) avaient mis à l’essai l’ECNS comme outil actuariel facilitant la prise de décision concernant le niveau de sécurité « initial » (minimale, moyenne ou maximale). Par la suite, le Bureau du vérificateur général (BVG) du Canada a recommandé que l’ECNS soit mis en œuvre dans l’ensemble des services.

À l’automne 1994, l’ECNS a été mis en œuvre à l’échelle du pays et automatisé dans le Système de gestion des délinquant(e)s comme l’une des mesures d’un processus de planification correctionnelle complet, systématique et individualisé. Depuis, plusieurs modifications ont été apportées à l’ECNS pour donner une pondération plus importante à la « gravité de l’infraction à l’origine de la peine actuelle » jugée extrême (par exemple, meurtre en 2001; infractions liées au terrorisme pour lesquelles une peine d’emprisonnement à perpétuité a été infligée comme peine minimale en 2010). Il est important de noter que l’ECNS ne dicte pas automatiquement le niveau de sécurité initial qui sera attribué à chaque nouvelle admission. Comme l’exige le Règlement de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ce niveau est établi en fonction des évaluations professionnelles de l’adaptation au milieu carcéral, du risque d’évasion et du risque pour la sécurité publique. Des évaluations sur les risques psychologiques ainsi que d’autres facteurs pertinents (par exemple, les antécédents sociaux des Autochtones) peuvent également entrer en ligne de compte.  

Même si cela fait longtemps que la pratique courante consiste à utiliser des outils actuariels tels que l’ECNS dans les services correctionnels, on a toujours remis en question la validité de son application à divers groupes. Si la recherche appliquée en matière correctionnelle peut répondre à certaines critiques, elle peut aussi le faire en procédant à d’autres tests et, si cela s’avère nécessaire, en apportant les ajustements nécessaires. 

Ce que nous avons fait

On a rassemblé les études empiriques disponibles sur l’ECNS (qui fournissent de nouvelles données, et non des opinions) réalisées entre 1987 et 2019. Des citations, qui font ressortir les principales conclusions, ont été extraites des publications.

Ce que nous avons constaté

Comme il est indiqué ci-dessous, l’examen systématique des documents publiés a permis de recueillir un total de 20 études fondées sur des données empiriques.

  1. Division de la recherche. Secrétariat du Ministère. (1987). Development of a Security Classification Model for Canadian Federal Offenders. Ottawa, ministère du Solliciteur général du Canada.
    « en nous appuyant sur l’analyse statistique des éléments de ces différents outils, nous avons pu élaborer un nouveau modèle permettant de combiner et de pondérer certains facteurs afin d’obtenir une meilleure estimation du placement qui conviendrait le mieux aux détenus. »

  2. Porporino, F., F. Luciani, L. Motiuk, M. Johnston, et B. Mainwaring (1989). Mise en œuvre pilote de l’échelle de classement par niveau de sécurité : Rapport d’étape. Rapport de recherche R-02. Service correctionnel du Canada.
    « “nous obtenons une concordance globale de 74,3 p. 100” entre les recommandations du niveau de sécurité des agents de gestion des cas et l’Échelle de classement par niveau de sécurité. »

  3. Johnston, J., et L. L. Motiuk (1992). Facteurs liés aux fuites en douce d’établissements à sécurité minimale. Rapport de recherche R-23. Service correctionnel Canada
    « Les cotes obtenues au moyen de l’ECNS, de l’ISGR et des SGC permettent de valider les constatations antérieures en ce qui concerne la valeur de prédiction des systèmes de classement objectifs. Les résultats auxquels aboutissent ces instruments de classement appuient l’affirmation selon laquelle les détenus qui ont fait une fuite en douce constituent un groupe dont le niveau de risques et de besoins est élevé. »

  4. Johnston, J., et L. L. Motiuk (1992). Fuites d’établissements à sécurité minimale : enquête comparative Rapport de recherche R-27. Service correctionnel Canada
    « Lorsque, a posteriori, nous avons appliqué l’Échelle de classement par niveau de sécurité, les “fugitifs” ont obtenu des scores significativement plus élevés que les “non-fugitifs”. »

  5. Rapport du vérificateur général du Canada (1994) à la Chambre des communes. Vol. 11 Chapitres 16, 17 et 18.
    « Une meilleure utilisation de l’Échelle de classement par niveau de sécurité pourrait renforcer la sécurité du public ».

  6. Luciani, F., L. Motiuk, et M. Nafekh (1996). Examen opérationnel de la fiabilité, de la validité et de l’utilité pratique de l’échelle de classement par niveau de sécurité. Rapport de recherche R-67. Ottawa : Service correctionnel du Canada.
    « Les tests de la validité convergente et de la validité prédictive se sont révélés favorables et nous n’avons rien découvert qui justifierait de ne pas appliquer l’Échelle aux délinquantes, aux Autochtones ou aux délinquants sexuels. »

  7. Luciani, F. (1997). Un outil qui a fait ses preuves : l’Échelle de classement par niveau de sécurité est encore fiable et valable. Forum – Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 9, no 1, pages 13 à 17.
    « L’ECNS représente pour le Service correctionnel du Canada une méthode efficace et objective de classement en fonction de la sécurité; elle s’avère une ressource précieuse pour les gestionnaires et guide le personnel de gestion des cas pour les placements initiaux. »

  8. Luciani, F. (1998). Examen du potentiel de réinsertion sociale : incidences de la pratique en matière de placement initial. Forum – Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 10, no 1, pages 23 à 27.
    « l’Échelle était plus libérale en ce qui concerne l’attribution de cotes de sécurité inférieures à une proportion plus forte de délinquants que le placement initial réel et plus précise en ce qui concerne la prévision de l’incidence de l’inadaptation au milieu carcéral et de l’évasion des établissements à sécurité minimale. »

  9. Grant, B., et F. Luciani (1998). Classement des détenus à l’aide de l’Échelle classement par niveau de sécurité. Rapport de recherche R-67. Service correctionnel du Canada.
    « De manière générale, nous pouvons dire que l’ECNS est plus utilisée qu’auparavant et que les taux de concordance ont augmenté dans la plupart des régions. Il a aussi été démontré que cette échelle est un instrument valable pour assigner une cote de sécurité aux délinquants. »

  10. Smith, P. (2001). The Effects of Incarceration on Recidivism: A Longitudinal Examination of Program Participation and Institutional Adjustment in Federally Sentenced Adult Male Offenders. Thèse de doctorat. Université du Nouveau-­Brunswick.
    « L’ECNS mise au point par le SCC est un excellent prédicteur des inconduites en milieu carcéral. Les valeurs de r étaient de 0,31 (IC = 0,29 à 0,33) et 0,30 (IC = 0,25 à 0,31) pour les incidents et l’isolement, respectivement. »

  11. Luciani, F. (2001). Pour instituer une réinsertion sociale sans risque : Les résultats de l’Échelle de classement par niveau de sécurité sur dix ans. Forum – Recherche sur l’actualité correctionnelle, 13(1), p. 8-10.
    « les cotes de l’ECNS étaient plus exactes que les décisions subjectives pour prévoir les taux d’incident ou d’évasion d’établissements à sécurité minimale. »

  12. Blanchette, K., P. Verbrugge, et C. Wichmann (2002). Les femmes purgeant une peine de ressort fédéral : Échelle de classement par niveau de sécurité et placement pénitentiaire. Rapport de recherche R-127. Ottawa : Service correctionnel du Canada.
    « Les cotes assignées selon l’ECNS ont aussi montré une bonne validité prédictive pour les deux groupes de délinquantes. Il y avait une relation linéaire évidente entre ces cotes et la participation à des incidents de sécurité (p. ex. consommation d’alcool ou de drogue, évasion, voies de fait) durant la période de suivi de six mois. »

  13. Blanchette, K., et L. L. Motiuk. (2004). Taking Down the Straw Man: A Reply to Webster and Doob. Revue canadienne de criminologie et de justice pénale = Canadian Journal of Criminology and Criminal Justice. 46(5), p. 621-630.
    « nos données ont démontré, une fois de plus, que l’ECNS est un outil valable pour le classement initial par niveau de sécurité des délinquantes fédérales, nous cherchons à améliorer la conception et la mise au point d’un outil de classement initial sexospécifique pour les femmes afin de renforcer la sécurité du public, du personnel et des délinquantes. »

  14. Blanchette, K. (2005). Field-test of a gender-informed security re-classification scale for female offenders. Thèse de doctorat. Université Carleton.
    « Cette échelle a été élaborée à partir d’un échantillon de délinquants de sexe masculin, mais on a aussi évalué favorablement sa fiabilité, sa validité et son utilité pratique auprès d’échantillons de délinquants autochtones et de délinquantes. »

  15. Gobeil, R. (2011). Utilisation de l’Échelle de classement par niveau de sécurité pour les délinquants de sexe masculin. Rapport de recherche R-257. Ottawa : Service correctionnel du Canada.
    « Les résultats appuient l’utilisation continue de l’ECNS pour les délinquants autochtones. »

  16. Barnum, G., et R. Gobeil (2012). Revalidation de l’Échelle de classement par niveau de sécurité pour les délinquantes autochtones et non autochtones. Rapport de recherche R-273. Ottawa : Service correctionnel du Canada.
    « les résultats de la présente étude appuient l’utilisation continue de l’ECNS comme composante du processus de classement initial par niveau de sécurité des délinquantes autochtones et non autochtones ».

  17. Rubenfeld, S. (2014). Validation de l’Échelle de classement par niveau de sécurité repondérée pour les délinquantes. Rapport de recherche R-289. Ottawa : Service correctionnel du Canada.
    « Dans l’ensemble, la repondération des éléments de l’ECNS a légèrement amélioré l’échelle pour les délinquantes non autochtones, mais a eu un effet moindre pour les délinquantes autochtones. »

  18. Helmus, L-M., et T. Forrester. (2014). Évaluation du risque, évaluation des facteurs statiques, validité prédictive, délinquants autochtones, délinquantes. Rapport de recherche R-309. Ottawa : Service correctionnel du Canada.
    « De plus, le sommaire du risque de l’EFS (ainsi que les sous-échelles) est lié aux cotes d’autres mesures du risque, comme l’échelle d’ISR-R1, l’Échelle d’ISR de substitution et l’ECNS (qui comprend deux sous-échelles, soit l’adaptation au milieu carcéral et le risque pour la sécurité). La constatation voulant que le Dossier sur la gravité des infractions était plus étroitement lié à la sous-échelle du risque pour la sécurité de l’ECNS que le Dossier des antécédents criminels est logique puisque cette sous-échelle de l’ECNS est liée au risque pour le public (p. ex. gravité de l’infraction). »

  19. Thompson, J., et K. Wardrop (2018). Examen de la fiabilité et de la validité de l’Échelle de réévaluation du niveau de sécurité pour les délinquantes. Rapport de recherche R-412. Ottawa : Service correctionnel du Canada.
    « Les délinquantes autochtones étaient généralement plus jeunes et plus susceptibles d’avoir été déclarées coupables d’infractions figurant à l’annexe 1 de la LSCMLC ou d’homicides, et d’avoir obtenu une cote de sécurité initiale supérieure d’après l’ECNS. »
     
  20. Bedard, T. (2019). Évaluation des délinquantes : Les variables sexospécifiques peuvent-elles améliorer la prédiction? Mémoire de maîtrise. Université Carleton.
    « L’Échelle de classement par niveau de sécurité (ECNS) est utilisée par le Service correctionnel du Canada (SCC) pour le classement des délinquantes; elle ne tient pas compte du sexe. » « Pour les délinquants autochtones, cependant, les comparaisons officielles de la fonction d’efficacité du récepteur (ROC) ont indiqué que la différence des valeurs de la surface sous la courbe (AUC) entre les échelles tenant compte du sexe et l’ECNS n’était pas statistiquement significative. »

Ce que cela signifie

Les études empiriques menées à ce jour sur l’ECNS démontrent sa validité prédictive au fil du temps et pour diverses sous-populations. L’ECNS demeure un outil efficace dans le cadre du processus d’évaluation initiale des délinquants, qui permet de déterminer le niveau de sécurité initial de ces derniers. Il est important de continuer à évaluer scientifiquement les outils d’évaluation et les processus de prise de décision à mesure que les populations de délinquants et le milieu carcéral évoluent. Les travaux ne doivent donc pas s’arrêter à ces 20 études publiées et il faudra continuer à évaluer la validité de l’ECNS régulièrement et pour différents groupes de délinquants. Il faudrait également envisager d’orienter la recherche sur la fiabilité, la validité et l’utilité pratique des outils d’évaluation dans le but d’évaluer l’efficacité des interventions correctionnelles et l’apport d’un soutien communautaire à diverses populations. 

Pour de plus amples renseignements

Veuillez communiquer avec la Direction de la recherche par courriel.
Vous pouvez également consulter la page des Publications de recherche pour obtenir une liste complète des rapports et des sommaires de recherche.

Préparé par : Larry Motiuk et Leslie-Anne Keown

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