Faut-il négocier la paix ou tenir l’élection? La controverse entourant le scrutin présidentiel de 2019 en Afghanistan

En Afghanistan, les processus électoraux ne sont qu’une façade de démocratie, caractérisée par la manipulation et la violence ainsi que par le chevauchement d’élections organisées pour différents intérêts, toutes supervisées par une Commission électorale indépendante (CEI) incompétente. L’élection présidentielle est prévue pour septembre 2019, alors que le contentieux découlant des élections parlementaires d’octobre 2018 n’est toujours pas réglé. Comme le cabinet et le parlement sont tous les deux dysfonctionnels, l’influence de la présidence se fait sentir bien au‑delà des pouvoirs que lui confère la constitution en réalité. De nombreux observateurs internes et externes craignent que l’élection présidentielle ne nuise aux négociations de paix.

Quels sont les enjeux?

La prochaine élection présidentielle du pays – le quatrième cycle électoral depuis le renversement du régime des talibans en 2001 – devait à l’origine se tenir le 20 avril 2019. La CEI, dont l’indépendance est toute relative, a cependant décidé de la reporter à deux reprises, d’abord au 20 juillet 2019, puis ensuite au 28 septembre 2019. Le processus se déroulera donc en dehors des délais prescrits par la constitution.

L’Afghanistan a un régime politique mixte, présidentiel et parlementaire, qui penche vers le côté présidentiel. Cela est encore plus vrai en pratique qu’en théorie. Il s’agit d’un État extrêmement centralisé, bâti autour d’un puissant président chargé du pouvoir exécutif qui, entre autres, nomme tous les gouverneurs des provinces et des districts ainsi que les membres de diverses commissions soi-disant indépendantes et d’autres organismes comme la Cour suprême.

L’influence du président s’étend jusqu’à la nomination des membres des principales institutions électorales, la CEI et la Commission des plaintes électorales (CPE), qui agissent indépendamment l’une de l’autre. Conséquence du penchant du système de gouvernance afghan pour le président, les élections non présidentielles retiennent beaucoup moins l’attention que les présidentielles. Depuis les premières organisées en 2005 dans le contexte du processus de Bonn, elles ont toutes été retardées. Les dernières élections parlementaires ont été tenues trois ans et demi après la date prévue par la constitution, en octobre 2018. Les résultats préliminaires sont connus, mais les résultats définitifs se font toujours attendre, leur annonce ayant été entravée en partie par les processus complexes de plainte et d’arbitrage.

Les élections des conseils provinciaux ont été tenues avec une certaine régularité (en 2005, 2009 et 2014). Elles sont maintenant censées se dérouler en même temps que la présidentielle reportée. Les conseils provinciaux sont toutefois aux prises avec un autre problème : leurs responsabilités vis-à-vis des gouverneurs des provinces ne sont que vaguement définies d’un point de vue juridique. Les toutes premières élections des conseils de district devaient avoir lieu en même temps que les élections parlementaires, le 20 octobre 2018, mais ont été annulées encore une fois faute de moyens organisationnels.

Il est difficile d’imaginer comment toutes ces élections, auxquelles s’ajoute la complication de reporter l’élection parlementaire dans la province de Ghazni, pourraient réalistement être tenues au cours de l’été 2019. Le calendrier électoral de l’Afghanistan à long terme reste parsemé d’embûches. Le cabinet et le parlement sont presque totalement impuissants. Il n’y a pas de premier ministre. La création d’un poste de chef de l’exécutif était une mesure provisoire prise après l’élection présidentielle de 2014 pour résoudre une impasse : le principal adversaire du président Ashraf Ghani en 2014, Abdullah Abdullah, y a été nommé. Le plan était de tenir une loya jirga pour décider si le poste serait aboli ou transformé en un chef de gouvernement symbolique. Comme nombre de réformes et de mesures administratives, ce projet ne s’est jamais concrétisé.

Le parlement était déjà laissé-pour-compte à l’époque du prédécesseur de Ghani, Hamid Karzaï, qui voulait avoir la possibilité d’agir à sa guise. Le parlement doit adopter toutes les lois importantes, mais le recours immodéré aux décrets présidentiels a permis de contourner le problème. Il doit aussi approuver les décrets, mais ceux-ci traînent souvent pendant des années, entre les deux chambres ou entre le parlement et l’exécutif, tout en demeurant en vigueur. L’absence d’un tribunal constitutionnel se fait cruellement sentir. La situation s’est dégradée encore pendant le mandat prolongé du dernier parlement, au cours duquel les députés ont eu plus de difficultés que jamais à atteindre le quorum pour prendre une quelconque décision valide. Comme il peut censurer les ministres à tout moment, le parlement emploie cette tactique régulièrement en guise de représailles contre l’exécutif, avec pour principal résultat d’entraver les réunions du cabinet, ce qui en affaiblit encore davantage le rôle.

Pour beaucoup d’Afghans et plusieurs gouvernements étrangers qui soutiennent l’Afghanistan, les élections présidentielles sont les plus importantes du pays. Tout le problème vient de là. Cette opinion sous-entend que les retards que connaissent le parlement et les élections n’ont pas d’importance, alors qu’il s’agit en fait d’entorses à l’ordre constitutionnel. Cela montre bien le dysfonctionnement, l’impuissance et l’absence de souveraineté des institutions politiques afghanes, qui les fragilisent et portent atteinte à l’équilibre entre pouvoirs et contre-pouvoirs qu’exige la démocratie. Cette mise en contexte est essentielle pour comprendre les problèmes politiques actuels de l’Afghanistan.

Quel problème pose l’élection de 2019?

De l’avis de nombreux politiciens afghans et gouvernements bailleurs de fonds, particulièrement les États-Unis, la tenue de l’élection présidentielle nuirait à la conclusion d’un accord de paix avec les talibans. À l’heure actuelle, l’administration américaine cherche avec une ardeur renouvelée à conclure un accord de paix et à retirer ses troupes. Si les intervenants s’entendent en général sur le cadre pour y arriver, il leur reste à convenir des détails du retrait des troupes américaines et à obtenir des talibans des garanties que les groupes terroristes de type al-Qaïda ne seront pas autorisés à retourner en Afghanistan après la fin de la guerre. Beaucoup d’autres questions importantes, comme l’avenir du régime politique afghan, ne sont toujours pas réglées.

Si elle se déroulait correctement, l’élection présidentielle à venir renforcerait la légitimité du président élu et le régime politique en général. Ce n’est toutefois pas ce que veulent les talibans, qui exigent que le régime politique soit « réformé ». Ces positions irréconciliables compliquent les négociations. Le négociateur américain a même songé à prioriser la « paix » plutôt que les élections, ce qui a empiré la situation. Officiellement, tant que les négociations ne sont pas terminées et qu’un accord final n’a pas été conclu, l’État afghan actuel doit respecter ses propres règles.

Les négociations sèment le doute sur la date choisie à l’origine pour la tenue des élections (le 20 avril 2019), les médias ayant signalé que l’envoyé des États-Unis aurait proposé de les reporter. Après avoir maintes fois assuré publiquement que les délais impartis par la constitution seraient respectés, la CEI et le gouvernement afghan ont finalement jeté l’éponge. Le 26 décembre 2018, la CEI a annoncé le report de l’élection au 20 juillet 2019. Ce ne sera peut-être pas son dernier mot.

Ce fait nouveau en dit long sur le manque de fiabilité des institutions électorales de l’Afghanistan et du gouvernement qui les soutient, mais aussi sur les énormes pressions politiques qu’ils subissent de l’extérieur. En fait, les pressions exercées pour qu’ils se soumettent à des intérêts extérieurs caractérisent le « processus politique » depuis 2001, surtout lorsqu’il est question d’élections. Le calendrier électoral de l’Afghanistan a souvent été assujetti à celui des États‑Unis.

Les talibans n’ont pas exposé en détail le type de régime qu’ils veulent, en dehors de la « réserve concernant la charia » inscrite à l’article 3 de la constitution afghane. Il est clair qu’ils n’envisagent pas un régime parlementaire multipartite, au suffrage égalitaire, mais plutôt un régime fondé sur le principe de la choura, que certains voient comme une forme de démocratie islamique.

Les problèmes « techniques » des élections afghanes

Il est fréquemment question des problèmes techniques qui minent le processus politique, mais bon nombre de ces obstacles sont en fait de nature politique et sont difficiles à surmonter dans le paysage politique fragmenté de l’Afghanistan. Les allusions à ces problèmes servent souvent de prétextes pour reporter le scrutin.

Pendant les élections parlementaires de 2018, la CEI a exercé ses fonctions de manière lamentable. Ce processus électoral a été le pire en Afghanistan depuis le renversement des talibans. Encore une fois, il n’y avait pas de listes électorales fiables. Au cours des scrutins précédents, aucune partie du pays n’avait été privée de ses droits de représentation, mais cette fois, la province de Ghazni l’a été. Pour la première fois, une élection a dû être prolongée d’une journée parce que des centaines de bureaux de vote n’avaient pas ouvert à temps, ou du tout, le jour du scrutin. Pour la première fois depuis 2001, une élection a été tenue au moyen de bulletins de vote vérifiés de deux façons différentes. Jamais, depuis les élections de 2004, plus d’Afghans n’ont été empêchés de voter parce que des menaces pour la sécurité ont entraîné la fermeture d’environ le quart des bureaux de vote longtemps avant le jour du scrutin. Il n’y a jamais eu moins de rapports sur la façon dont le scrutin s’est déroulé dans les zones rurales, ce qui semble indiquer qu’il existe un profond fossé entre les citadins (qui ont voté) et les campagnards (qui ne l’ont pas fait). Jamais encore le chaos n’avait régné le jour même des élections; auparavant, il avait tendance à s’installer pendant la période du dépouillement et de la contestation. Enfin, la CEI n’avait encore jamais été incapable de dire combien de bureaux de vote étaient réellement ouverts.

Tous ces problèmes ne sont pas apparus soudainement en 2018. Ils découlent de difficultés qui, négligées par tous pendant plus de 18 ans, se sont aggravées les unes les autres et sont maintenant extrêmement difficiles à démêler et à résoudre. La question du report pose un dilemme, tout comme celle de la réforme du système électoral. Néanmoins, il est impossible de tout arrêter carrément et de revenir au point de départ. Les Afghans et leurs commanditaires de l’extérieur se retrouveraient simplement aux prises avec les mêmes acteurs politiques qui ont créé le problème à la base.

À la longue liste des lacunes organisationnelles s’ajoute la précarité de la situation sécuritaire dans laquelle les talibans font des gains croissants sur les plans du contrôle du territoire et de l’emprise sur la population. À lui seul, ce facteur rendrait impossible la tenue d’élections inclusives, même si les institutions électorales fonctionnaient parfaitement. Par ailleurs, 55 % des Afghans vivent sous le seuil de pauvreté et ont d’autres problèmes à régler que des élections mal tenues.

Le gouvernement a lui-même exacerbé la situation avec sa décision irréfléchie d’insister pour utiliser la technologie biométrique pour vérifier l’identité des électeurs, prise à la dernière minute en raison de pressions politiques. La CEI et la CPE ne sont pas parvenues à s’entendre sur les votes qu’il convenait de compter en fin de compte : seulement ceux qui ont fait l’objet d’une vérification biométrique ou aussi ceux qui n’ont fait l’objet que d’une vérification sur papier? Le compromis adopté pour dénouer cette impasse était louche.

Il est difficile de voir comment, avec les mêmes employés et les mêmes promesses de réforme, il serait possible d’améliorer le système électoral et son cadre juridique tout en tenant des élections. Cela est d’autant plus vrai que le dépouillement des bulletins de vote des élections parlementaires n’est toujours pas terminé. Ce qui n’a pas pu être réglé au cours des trois ans et demi qui ont précédé la tenue du scrutin parlementaire de 2018 ne le sera pas en quelques mois, parce que les problèmes sont essentiellement politiques.

Un enjeu important tient au fait que les principaux partis politiques ont appris des élections antérieures que la manipulation du vote, et non l’exercice du droit de vote, ouvre la voie à la victoire et au pouvoir. Ceux qui ont été des acteurs armés à l’un ou l’autre moment au cours des 40 dernières années de conflit n’ont pas renoncé à leur conviction que la violence armée, ou la menace d’y recourir, est un moyen pratique et efficace de s’emparer du pouvoir.

Le report de la prochaine élection présidentielle a toutefois eu un effet positif : il repousse la date au-delà de la première moitié du printemps, période pendant laquelle de nombreuses régions sont encore bloquées par la neige et où la nature pourrait priver un très grand nombre d’électeurs de leur droit de vote. Il donne aussi plus de temps aux adversaires du président pour lancer leur campagne électorale et pour améliorer leurs chances vis-à-vis le titulaire. Toutefois, ce ne serait important que si le résultat était déterminé exclusivement par le scrutin et si les irrégularités étaient l’exception, plutôt que la règle.

Qui se présentera et qui gagnera?

Il est trop tôt pour prédire les gagnants probables de la prochaine élection présidentielle. La campagne à l’investiture a pris fin en janvier 2019, plus tard que prévu, et a débouché sur plusieurs candidatures, dont celles de politiciens de haut rang. Parmi eux figurent le titulaire, le président Ashraf Ghani (Pachtoune) en quête d’un deuxième – et dernier – mandat comme la constitution l’y autorise; le chef de l’Exécutif, Abdullah Abdullah (Tadjik), et l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Ghani, Hanif Atmar (Pachtoune); Ahmad Wali Massud, Tadjik dont le frère a été assassiné par le chef de guérilla Ahmad Shah Massud; l’ancien chef du renseignement, Rahmatullah Nabil, qui est aussi pachtoune. L’origine ethnique des candidats est importante, parce qu’il s’agit d’un facteur significatif dans le processus décisionnel des électeurs et dans le réalignement des candidats en vue du deuxième tour de scrutin, si aucun candidat ne réussit à franchir le seuil de 50 % exigé au premier tour. Habituellement, c’est à ce moment-là que la course se dispute en fonction des origines ethniques.

La liste des candidats comprend aussi quelques électrons libres, comme l’ancien chef du mouvement insurrectionnel Hezb-e Islami, Gulbuddin Hekmatyar, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Zalmaï Rassoul, et l’ancien ministre de l’Intérieur et ancien gauchiste, Nur‑ul‑Haq Ulumi, qui sont tous pachtounes. Les élections antérieures ont démontré que certaines personnes se présentent uniquement pour obtenir, après les élections, un poste d’un des candidats qui parvient au deuxième tour. Ainsi, des candidats qui s’étaient retirés à la dernière minute et ont tout de même recueilli des votes, parce que leur nom figurait toujours sur les bulletins.

Deux des trois candidats en tête de liste, Ghani et Atmar, ont opté pour une équipe dont les membres sont d’origines ethniques variées. En 2014, Dostom, un Ouzbek, était le colistier de Ghani. Le cas d’Abdullah est un peu plus compliqué, parce qu’il est le fils d’une Tadjike et d’un Pachtoune, et qu’un de ses candidats à la vice-présidence est hazara alors que l’autre, quelle que soit son origine ethnique, est un allié de Dostom. Atmar, qui s’est associé à l’ancien ministre de l’Intérieur et de l’Éducation Yunus Qanooni, est aussi un dirigeant tadjik et hazara. Muhammad Mohaqqeq vise des groupes d’électeurs de trois origines ethniques : les Pachtounes opposés à Ghani, les Tadjiks et les Hazaras.

En outre, un certain nombre de personnes qui avaient annoncé leur intention de se présenter, des gens susceptibles d’engranger beaucoup de votes, se sont retirées de la course en échange de postes de haut niveau dans le gouvernement Ghani. Parmi elles figurent deux anciens chefs du renseignement, Amrullah Saleh (Tadjik) et Assadullah Khaled (Pachtoune), ainsi que l’ancien ministre de l’Intérieur Omar Daudzai (Pachtoune). Ce n’est toutefois pas parce qu’ils ont accepté un poste que leurs partisans grossiront nécessairement les rangs des électeurs de Ghani. Les nominations préélectorales sont une méthode présidentielle éprouvée pour diviser les groupes d’électeurs des principaux rivaux.

D’éventuels candidats tadjiks, comme l’ancien gouverneur de la province de Balkh, Atta Muhammad Noor, ont essayé d’utiliser cette méthode contre Ashraf Ghani en attirant des dirigeants pachtounes de régions de l’est, du sud-est et du sud de l’Afghanistan. Abdullah, qui s’est publiquement fait dire par le vieux routier Jamiati Ismail Khan, de Herat, de laisser un autre candidat du parti se présenter cette fois (Yunus Qanooni), pourrait se présenter tout de même. Pour la première fois dans l’Afghanistan d’après 2001, il est donc possible que les titulaires perdent.

Comment remporter une élection?

Il est plus important de savoir comment remporter l’élection que d’en connaître le vainqueur. La CEI et la CPE décident des résultats des élections en rejetant massivement les boîtes de scrutin qui pourraient avoir été manipulées. Les commissaires subissent donc des pressions et font l’objet de tentatives de corruption. Ils peuvent aussi essayer de favoriser les politiciens qui ont joué un rôle dans leur nomination.

Il est devenu évident, au fil des élections successives, que ceux qui exercent une emprise, même partielle, sur les institutions électorales sont en mesure de manipuler le système. Les électeurs et les votes ne comptent pas vraiment. Les électeurs ne peuvent pas savoir en fin de compte si leur vote a même été compté, ce qui contribue à réduire encore la confiance de la population envers les élections afghanes au fil du temps.

Conclusion

Une autre mauvaise élection accroîtrait encore l’instabilité du régime afghan. Les signes ne sont pas encourageants. Les élections parlementaires de 2018 étaient un test, et elles ont échoué.

Comme il a déjà été mentionné, le recours à la force ou la menace d’y recourir sont toujours possibles. L’éclatement possible d’une flambée de violence dépendra de la façon dont les élections et leurs répercussions seront gérées. Le risque augmente cependant chaque fois qu’une puissante faction armée a l’impression de s’être fait voler la victoire. Les enjeux sont plus élevés qu’au cours du récent scrutin parlementaire (le conflit était réparti entre 34 circonscriptions), mais même cette élection n’est pas encore terminée. Le régime « démocratique » de l’Afghanistan amorce un virage dangereux sur le chemin censé le mener à la stabilisation. Jusqu’ici, il n’est dans une large mesure qu’une façade de démocratie. Reste à voir si les bailleurs de fonds occidentaux continueront d’accepter cet état de fait.

La menace d’un retrait précipité des troupes américaines rend la perspective plus sombre encore. Cela risque de fragiliser davantage encore tout le système, voire même d’entraîner son effondrement. Il ne faudrait pas voir dans cet avertissement une prophétie ou un excès de pessimisme. En effet, l’Afghanistan a connu de tels effondrements dans son histoire récente, en 1973, 1978, 1992 et 1996.

La seule solution possible nécessiterait énormément de temps : il faudrait amorcer une véritable démocratisation, rajeunir les institutions et renouveler l’élite. Cela exigerait une nouvelle démarche qui ne serait pas axée sur les bailleurs de fonds et qui prioriserait les besoins et les intérêts de tous les Afghans, et non seulement ceux de l’élite. Or, même si une telle démarche était entreprise, les Afghans pourraient encore douter des intentions des Occidentaux. Il faudrait donc restaurer la confiance dans les bailleurs de fonds avant d’espérer réformer le processus électoral, entre autres, et ainsi contribuer à une démocratisation progressive.

Par ailleurs, il ne faudrait pas se fier à la génération tant vantée des jeunes instruits, parce qu’elle est empêtrée dans le même système traditionnel de favoritisme et n’est souvent que trop disposée à jouer le jeu. L’avertissement vaut aussi pour les femmes.

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