Rapport annuel du Directeur des poursuites militaires 2014-15

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Lettre du Directeur des poursuites militaires au juge-avocat général

Défense nationale
Directeur des poursuites militaires
Édifice Constitution
305, rue Rideau
Ottawa (Ontario) K1A 0K2

Le 8 mai 2015

Major-général Blaise Cathcart, OMM, CD, c.r.
Juge-avocat général
Quartier général de la Défense nationale
101, promenade du Colonel By
Ottawa (Ontario) K1A 0K2

Major-général Cathcart,

Conformément à l’article 110.11 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, je suis heureux de vous présenter le Rapport annuel 2014-2015 du Directeur des poursuites militaires. Le rapport vise la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015.

Je vous prie d’agréer, Major-général Cathcart, mes salutations distinguées.

Colonel B.W. MacGregor, CD
Directeur des poursuites militaires

Canada


Message du Directeur des poursuites militaires

J’ai l’honneur de vous présenter le rapport annuel 2014-2015 du Directeur des poursuites militaires (DPM), le premier depuis ma nomination au poste de DPM le 20 octobre 2014.

Le DPM engage des poursuites en vertu du Code de discipline militaire (CDM); il agit comme conseiller du ministre de la Défense nationale relativement aux appels interjetés devant la Cour d’appel de la Cour martiale (CACM) du Canada et la Cour suprême du Canada (CSC); et fournit des avis juridiques au Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC). Le DPM remplit son mandat de manière équitable, impartiale et objective.

Les Canadiens et les Canadiennes s’attendent à ce que les forces militaires soient disciplinées et respectent le droit canadien et le droit international. Le maintien de la discipline au sein des Forces armées canadiennes (FAC) relève des responsabilités de la chaîne de commandement et est indispensable à l’efficacité opérationnelle et au succès des missions. Le système de justice militaire est conçu de manière à favoriser le maintien de la discipline et le respect de la primauté du droit. Pour atteindre ces objectifs, la chaîne de commandement doit participer de manière efficace à la procédure disciplinaire. Au cours des derniers mois, j’ai eu des rencontres avec des militaires hauts gradés de la chaîne de commandement dans diverses bases du Canada pour expliquer mon rôle au sein du système de justice militaire, pour encourager la participation de la chaîne de commandement et solliciter sa rétroaction. Ces démarches ont été accueillies très favorablement et je m’efforcerai de poursuivre dans la même voie au cours de l’année à venir.

L’an dernier, nous avons engagé des poursuites dans un grand nombre d’affaires devant la cour martiale. Nous avons également interjeté des appels, le cas échéant, et avons été l’intimé lorsque des appels ont été interjetés par des contrevenants. Parmi ces appels, nous avons été aux prises avec un nombre considérable de contestations constitutionnelles à l’égard du système de justice militaire qui ont été soulevées par des contrevenants accusé en cour martiale et à la CACM. Les procureurs militaires ont cherché à défendre les intérêts de la justice et ils ont collaboré pour résoudre ces dossiers complexes. Le personnel civil a appuyé sans relâche les poursuites et les appels.

Au cours de l’année à venir, nous continuerons à répondre aux contestations, en particulier devant la CSC dans les affaires du sous-lieutenant Moriarity et al. c Sa Majesté la Reine, du soldat Alexandra Vézina c Sa Majesté la Reine, et du sergent Damien Arsenault c Sa Majesté la Reine.

Avant de terminer, je tiens à remercier tout le personnel militaire et civil de son professionnalisme, de son travail acharné, de son dévouement et de sa persévérance. Je me réjouis à la perspective de faire progresser notre mission ensemble au cours de l’année à venir.

ORDO PER JUSTITIA

Colonel B.W. MacGregor, CD
Directeur des poursuites militaires


Introduction

Ce rapport vise la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 et il est rédigé en conformité avec l’article 110.11 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), selon lequel le DPM1 est tenu de publier un rapport annuel sur ses obligations et fonctions2. à l’intention du Juge-avocat général (JAG). Ce rapport est divisé en sections qui traitent les sujets suivants :

Mission et Vision

Notre mission

Offrir aux FAC des services de poursuite rapides, équitables et de qualité au Canada et à l’étranger.

Notre vision

« ORDO PER JUSTITIA » ou « LA DISCIPLINE PAR LA JUSTICE ». Le DPM est un intervenant clé du système de justice militaire canadien qui contribue à promouvoir le respect de la loi ainsi que la discipline, l’ordre, le bon moral, l’esprit de corps, la cohésion et l’efficacité opérationnelle.

Obligations et fonctions du DPM

Le DPM est nommé par le ministre de la Défense nationale. En vertu de l’article 165.11 de la Loi sur la défense nationale (LDN), le DPM prononce les mises en accusation des personnes jugées par les cours martiales et mène les poursuites devant celles-ci au Canada et outre mer; par ailleurs, il représente le ministre de la Défense nationale dans les appels devant la CACM et la CSC. Au cours de la dernière année, les procureurs militaires ont aussi représenté les FAC aux auditions de révision de maintien sous garde et ils ont fourni des avis juridiques et dispensé une formation au SNEFC.

Conformément à l’article 165.15 de la LDN, le DPM est assisté par des officiers de la Force régulière et de la Force de réserve qui sont avocats. Le DPM peut aussi compter sur un petit groupe très efficace d’employés de soutien civils. Nommé pour une période de quatre ans, le DPM remplit son mandat de manière juste, impartiale et objective. Bien que le DPM agisse sous la supervision générale du JAG, il exerce ses obligations et fonctions de façon indépendante. Voici certaines obligations et fonctions du DPM qui sont énoncées, entre autres, dans la LDN, les ORFC et les ordres ministériels :

  • Examiner toutes les accusations portées en vertu du CDM qui lui ont été transmises par la chaîne de commandement des FAC et décider si :
    • les accusations ou d’autres accusations fondées sur les éléments de preuve doivent faire l’objet d’un procès en cour martiale;
    • les accusations doivent être traitées par un officier ayant la compétence de juger l’accusé par procès sommaire;
    • les accusations ne doivent pas faire l’objet de poursuites.
  • Mener, au Canada ou dans des lieux de déploiement outre-mer, les poursuites dans le cadre de tout procès instruit par une cour martiale.
  • Représenter le ministre de la Défense nationale dans le cadre de tous les appels de la cour martiale à la CACM et la CSC.
  • Représenter les FAC dans le cadre de toutes les auditions de révision de maintien sous garde devant un juge militaire.
  • Fournir des conseils juridiques aux membres de la police militaire affectés au SNEFC.

Structure organisationnelle

Conformément à l’article 165.15 de la LDN, pour remplir ses obligations et s’acquitter de ses fonctions, le DPM est secondé par des avocats militaires de la Force régulière et de la Force de réserve, qui sont nommés pour agir comme procureurs militaires, et il bénéficie de l’aide d’un parajuriste et de personnel de soutien civil. L’organisation est connue sous le nom de Service canadien des poursuites militaires (SCPM). Le service est organisé par région et se compose des éléments suivants :

  • Le quartier général (QG) du SCPM est situé au QG de la Défense nationale, à Ottawa. Le QG est composé du DPM, de l’assistant du directeur des poursuites militaires (ADPM), d’un directeur adjoint des poursuites militaires (DAPM) responsable des régions de l’Atlantique et du Centre, d’un avocat chargé des appels, d’un procureur militaire responsable des politiques, de la formation et des communications, d’un conseiller juridique qui travaille directement avec le SNEFC, d’un parajuriste civil et d’un assistant juridique;
  • Les bureaux des procureurs militaires régionaux (PMR), à l’exception du bureau régional du Pacifique, sont chacun composés de deux procureurs de la Force régulière et d’un assistant juridique. Ils sont situés dans les villes suivantes :
    • Halifax (Nouvelle Écosse) (région de l’Atlantique);
    • Valcartier (Québec) (région de l’Est);
    • Ottawa (Ontario) (région du Centre);
    • Edmonton (Alberta) (région de l’Ouest);
    • Esquimalt (Colombie-Britannique) (région du Pacifique)3; and
  • Neuf procureurs militaires de la Force de réserve sont en poste à travers le Canada.

L’organigramme de l’équipe du DPM est fourni à l’annexe A.

Personnel du SCPM

Au cours de la période visée par le rapport, peu de changements ont été apportés au sein du personnel militaire du SCPM, tant au QG du DPM que dans les bureaux régionaux. Cependant, les mesures d’austérité qui se poursuivent depuis trois ans dans l’ensemble du ministère de la Défense nationale ont permis de réduire de moitié le nombre d’employés civils au QG du DPM. Ainsi, un poste de commis et un des deux postes de parajuriste ont été supprimés au cours de l’année financière 2012-2013. Par conséquent, le parajuriste qui demeure doit offrir des services de soutien aux litiges à l’ensemble de l’organisation.

Durant la période visée, le bureau du PMR de la région Pacifique a enfin obtenu le personnel de soutien administratif prévu. Cette réalité améliore grandement l’efficacité du PMR et de l’ADPM en poste dans ce bureau.

Atelier de formation juridique permanente du Service canadien des poursuites militaires - 2014

Formation, élaboration des politiques et rayonnement

Formation

À l’instar des autres avocats militaires, les procureurs militaires de la Force régulière sont nommés pour une période déterminée, habituellement de trois à cinq ans. Ainsi, la formation qu’ils reçoivent doit être liée à leur emploi actuel de procureur militaire ainsi qu’à leur perfectionnement professionnel en tant qu’officiers et avocats militaires. L’affectation relativement brève d’un officier au sein du SCPM exige un engagement continu et considérable de la part de l’organisation pour offrir à cet officier la formation officielle et l’expérience pratique nécessaires à l’acquisition des compétences, des connaissances et du jugement essentiels à un procureur militaire efficace. Dans ce même esprit, les procureurs militaires bénéficient également de mentorat par des PMR de la Force de réserve (dont beaucoup sont des procureurs de la Couronne expérimentés).

Compte tenu du nombre restreint d’employés du SCPM, la majorité de la formation nécessaire est offerte par des organisations à l’extérieur des FAC. Au cours de la période visée par le rapport, les procureurs militaires ont participé à des conférences et à des programmes de formation juridique permanente organisés par le Comité fédéral provincial territorial des chefs des poursuites pénales, l’Association du Barreau canadien et les associations provinciales qui lui sont affiliées, la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, l’Ontario Crown Attorneys’ Association, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (Québec), divers barreaux provinciaux et le Cabinet du JAG. Ces programmes ont été utiles aux FAC non seulement en raison des connaissances transmises et des compétences acquises, mais également parce qu’ils ont permis aux différents procureurs militaires de nouer des liens avec leurs collègues des services des poursuites à l’échelon fédéral et provincial.

Le SCPM a organisé son atelier de formation juridique permanente (FJP) au mois d’octobre à l’intention des procureurs militaires de la Force régulière et de la Force de réserve. Cet atelier d’une journée a lieu chaque année à l’automne, parallèlement à l’atelier annuel de FJP du JAG.

Les procureurs militaires ont également participé à diverses activités de perfectionnement professionnel, y compris le programme de formation intermédiaire des avocats militaires. Enfin, en vue d’entretenir leur niveau de préparation pour une mission sur un théâtre d’opérations dans le cadre du mandat du DPM, les procureurs militaires ont suivi de l’entraînement militaire de base incluant la familiarisation avec les armes et l’instruction sur le secourisme.

Le SCPM appuie aussi les activités de formation d’autres entités des FAC. Au cours de la période visée par le rapport, les procureurs militaires ont offert, entre autres, du mentorat et de la supervision à un bon nombre d’avocats militaires subalternes au Cabinet du JAG qui ont complété leur programme de « formation en cours d’emploi » en appuyant les procureurs dans le cadre des poursuites en cour martiale. En outre, les procureurs militaires ont fait des exposés sur la justice militaire aux avocats du JAG, ils ont donné de la formation en matière de droit pénal et de justice militaire à des membres du SNEFC, et ils ont supervisé des stagiaires en droit au Cabinet du JAG. Enfin, les conseillers juridiques qui travaillent à l’extérieur du SCPM peuvent, sous réserve de l’autorisation de leur superviseur et du DPM, participer à des cours martiales en tant que procureurs adjoints. L’objectif de ce programme est de « contribuer au développement professionnel des conseillers juridiques des unités ainsi que pour améliorer la qualité des poursuites grâce à une meilleure connaissance de la situation locale » 4.

L’annexe B contient des renseignements complémentaires sur la formation juridique que les membres du SCPM ont reçue.

Élaboration des politiques

Le DPM publie toutes les directives en matière de politique qui régissent les poursuites ou d’autres procédures (telles que les auditions de révision de maintien sous garde) effectuées par le SCPM. Le poste du responsable des politiques au sein du SCPM était vacant depuis un certain nombre d’années; le responsable de ce poste soutient les efforts d’évaluation des politiques en vigueur et fait en sorte que les directives du DPM sur les questions liées aux poursuites se traduisent par de nouvelles politiques ou d’autres outils écrits.

Les procureurs militaires jouent également un rôle dans l’élaboration des politiques relatives à la justice militaire et à la justice criminelle au Canada. Le DPM y contribue grâce à sa participation au Comité fédéral, provincial et territorial des chefs des poursuites pénales.

Rayonnement

Comité fédéral, provincial et territorial des chefs des poursuites pénales

Le DPM est membre du Comité fédéral, provincial et territorial des chefs des poursuites pénales, qui regroupe les chefs des services des poursuites du Canada dans le but de promouvoir l’assistance et la coopération à l’égard des questions opérationnelles. Le Comité s’est réuni à deux reprises en 2014. Tenue en mai 2014, la première rencontre a été organisée conjointement par le DPM et le Service des poursuites pénales du Canada (à titre de coprésident permanent). La Cérémonie des prix d’excellence nationaux décernés aux meilleurs poursuivants s’est tenue lors de cette réunion. La deuxième réunion d’une journée a eu lieu à la base des Forces canadiennes Halifax, en Nouvelle-Écosse. En plus d’aborder des questions d’intérêt commun dans le domaine des poursuites pénales, les participants ont eu la chance d’être sensibilisés aux FAC et à la façon dont celles ci collaborent avec d’autres ministères du gouvernement pour défendre les intérêts du Canada sur le plan national et à l’étranger.

Association internationale des procureurs et poursuivants

L’Association internationale des procureurs et poursuivants (AIPP) est une organisation non gouvernementale et non partisane. L’AIPP préconise des poursuites efficaces, justes, impartiales et efficientes à l’égard des infractions criminelles au moyen de normes et de principes rigoureux, dont des procédures pour éviter ou rectifier les erreurs judiciaires. L’association appuie les procureurs et les poursuivants à l’échelon international dans la lutte contre le crime organisé ou d’autres crimes graves, et prévoit des mesures d’élimination de la corruption dans l’administration publique. Le DPM participera à la vingtième Conférence annuelle et à l’Assemblée générale de l’AIPP qui se tiendra à Zurich, en septembre 2015.

Chaîne de commandement des FAC

Le système de justice militaire est conçu de manière à promouvoir l’efficacité opérationnelle des FAC en contribuant au maintien de la discipline, de l’efficience et du moral. Il assure également que la justice est administrée de manière équitable et dans le respect de la primauté du droit. Pour atteindre ces objectifs, la chaîne de commandement doit se mobiliser avec efficacité.

Le DPM reconnaît l’importance qu’il y a à entretenir des rapports de collaboration avec la chaîne de commandement des FAC, tout en respectant l’indépendance des poursuites devant la cour martiale et les appels. Ces rapports de collaboration avec la chaîne de commandement garantissent que les deux entités soutiennent la discipline et l’efficacité opérationnelle grâce à un système de justice militaire dynamique.

Durant la période visée par le rapport, le DPM a beaucoup voyagé au Canada pour observer les poursuites en cour martiale et rencontrer des officiers supérieurs de la chaîne de commandement. Ces réunions ont fourni une multitude de précieux renseignements à toutes les personnes intéressées. Le DPM poursuivra ses efforts en ce sens au cours des années à venir.

Organismes d’enquête

Le DPM reconnaît également l’importance d’entretenir des relations avec les organismes d’enquête, tout en respectant l’indépendance de chacun d’entre eux. De bonnes relations font en sorte que le DPM et les organismes exercent leurs rôles respectifs de manière indépendante, mais dans un esprit de collaboration, et contribuent à maximiser l’efficacité du SCPM en tant que service de poursuites.

Les PMR fournissent des conseils juridiques au sujet des enquêtes aux détachements du SNEFC à travers le Canada. Par ailleurs, les PMR donnent de la formation aux enquêteurs du SNEFC sur la justice militaire et les développements récents ayant trait au droit criminel. Au niveau du quartier général, le DPM a nommé un procureur militaire comme conseiller juridique de l’équipe de commandement du SNEFC à Ottawa. La prestation de services juridiques par le procureur militaire affecté en tant que conseiller juridique du SNEFC est régie par une lettre d’entente datée du 30 septembre 2013, signée par le DPM et le grand prévôt des FAC.

Gestion et technologie de l’information

Le réseau JAGNet continue d’être utilisé comme principal outil de gestion des dossiers électroniques du SCPM. Cet outil permet aux utilisateurs de gérer les informations juridiques de nature délicate en toute sécurité. Le projet du réseau JAGNet vise à instaurer une série de capacités en matière de technologie et de gestion de l’information pour permettre à l’organisation de gérer adéquatement les dossiers juridiques et les informations enregistrées et de chercher, localiser, communiquer et utiliser efficacement les informations et les connaissances juridiques qui font l’objet de restrictions d’accès dans certains cas.

Des efforts considérables ont été déployés durant la période visée par le rapport pour réaliser la pleine capacité de JAGNet comme outil de gestion d’information. De ce fait, la base de données de recherche accessible au personnel du SCPM sur le portail JAGNet du DPM a considérablement augmenté. On poursuivra les efforts en vue d’améliorer l’échange de données en ajoutant encore d’autres ressources de recherche au portail JAGNet du DPM.

Renouvellement du personnel et mesure du rendement

En tant qu’entité du gouvernement du Canada, le DPM est tenu d’optimiser l’efficacité avec les ressources disponibles et de faire un rapport sur le rendement du SCPM. Il est essentiel de disposer de l’information fiable sur le rendement pour planifier et prendre des décisions. Le DPM se fonde sur des données tirées du Système d’aide à la décision et de mesure du rendement (SADMR) pour effectuer la planification et préparer son rapport. Le tableau 1 contient des données provenant du SADMR pour le personnel du SCPM pendant la période visée par le rapport.

Tableau 1 : Données tirées du SADMR

Temps passé en service temporaire (à l’extérieur du domicile) 536 jours
Temps passé au tribunal 288 jours

Information financière

Budget de fonctionnement

Le budget du DPM est affecté principalement aux opérations, soit le soutien aux poursuites.

Au cours de la période visée, le budget du DPM était de 854 321 $. À la fin de l’année, le DPM a remis environ 83 891,84 $ en raison des dépenses liées aux poursuites qui ont été inférieures aux prévisions.

Tableau 2 : Dépenses annuelles

Types de dépenses Budget
2014-2015
Dépenses
2014-2015
Excédent (déficit)
2014-2015
Responsabilités de la Couronne (frais du témoin) 130,000.00 $ 136,478.80 $ (6,478.80 $)

Fonctionnement et entretien (F et E) – Force régulière

231,000.00 $ 183,327.455 $ 47,461.85 $
Salaires – Personnel civil 383,321.00 $ 384,837.44 $ (1,516.44 $)
Salaires – Force de réserve 90,000.00 $ 63,753.24 $ 26,246.76 $
Fonctionnement et entretien (F et E) – Force de réserve 20,000.00 $ 1,821.53 $ 18,178.47 $
Totaux 854,321.00 $ 770,429.16 $ 83,891.84 $

Instances judiciaires militaires

La nature des missions opérationnelles qui sont confiées aux FAC exige le maintien d’un niveau élevé de discipline parmi les membres des FAC. Le Parlement et la CSC reconnaissent depuis longtemps l’importance d’un CDM distinct pour guider la conduite des soldats, des marins et de la Force aérienne, et la prévision des sanctions imposées aux infractions disciplinaires. Dans les affaires MacKay c la Reine6 et Sa Majesté la Reine c Généreux7, la Cour suprême du Canada a confirmé sans équivoque la nécessité pour les tribunaux militaires d’exercer leur compétence pour contribuer au maintien de la discipline et des autres valeurs militaires connexes, question qui est d’une d’importance capitale à l’intégrité des FAC comme institution nationale.

Le CDM a pour but de favoriser l’efficacité opérationnelle des FAC en aidant les commandants à maintenir la discipline, l’efficience, le moral et à contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, pacifique et sécuritaire. Les tribunaux militaires jouent le même rôle que les cours pénales ordinaires; en d’autres termes, elles punissent les infractions commises par des militaires ou par d’autres personnes assujetties au CDM8. La doctrine canadienne reconnaît que la discipline est l’une des composantes essentielles de la culture militaire au Canada. La discipline est un facteur clé qui contribue à l’entretien des valeurs communes, la capacité de pallier aux exigences des opérations de combat, la confiance en soi et la résilience face à l’adversité et la confiance qu’inspirent les chefs. Elle permet aux personnes et aux unités militaires de réussir dans les missions où les compétences militaires ne suffisent pas9.

À ces fins, la LDN crée une structure de tribunaux militaires comme ultime recours pour faire respecter la discipline. Pami ces tribunaux, il y a les cours martiales. Les décisions de la cour martiale peuvent faire l’objet d’un appel devant la CACM qui se compose de juges civils de la Cour fédérale.

Au cours de la période visée par le rapport, les procureurs militaires ont représenté les intérêts de la Couronne dans plusieurs types de procédures judiciaires liées au système de justice militaire. Ces procédures incluaient des cours martiales, des appels interjetés à l’encontre de jugements de cours martiales et des audiences de révision de maintien sous garde10.

Cours martiales

Au cours de la période visée par le rapport, le DPM a reçu, de la part des autorités de renvoi, 93 demandes de connaître d’une ou de plusieurs accusations. Lorsqu’une demande de connaître d’une ou de plusieurs accusations est reçue, un procureur militaire est nommé pour en faire l’étude. À la suite de cette étude, des accusations sont portées devant la cour martiale, s’il y a lieu. Toujours au cours de cette période, la décision de ne pas porter d’accusations devant une cour martiale a été prise à l’égard de 33 demandes11.

Trente-cinq demandes de renvoi d’une accusation comptaient plus de 90 jours entre la date à laquelle l’accusation a été portée et celle à laquelle la demande a été reçue par le DPM. L’annexe C contient des renseignements supplémentaires sur les causes qui ont eu un retard important.

Durant la période visée par le rapport, 74 personnes ont fait l’objet de 287 accusations devant des cours martiales tenues au Canada.

Parmi les 7212 cours martiales tenues13, 61 procès ont été instruits par une cour martiale permanente (CMP), composée d’un juge militaire siégeant seul. Onze procès ont été instruits par une cour martiale générale (CMG) composée de cinq membres des FAC agissant comme juges des faits et d’un juge militaire agissant comme juge du droit. Au terme de 55 procès, les juges des faits ont prononcé un verdict de culpabilité à au moins une accusation. Des verdicts de non-culpabilité sur toutes les accusations ont été prononcés dans les 12 autres procès. Il y a eu un cas de suspension d’instance ou de retrait de toutes les accusations. L’annexe D contient des renseignements additionnels sur les accusations déposées et les résultats de chacune des cours martiales.

Une cour martiale ne peut prononcer qu’une seule sentence à l’égard d’un contrevenant, mais une sentence peut prévoir plusieurs peines. Les 55 sentences prononcées par les cours martiales au cours de la période visée comportaient 87 peines. La peine la plus fréquente était l’amende (39 amendes ont été imposées). Huit peines d’emprisonnement et huit peines de détention ont aussi été imposées par les cours. Six des 16 peines d’incarcération imposées étaient des condamnations avec sursis, ce qui signifie, dans le contexte du CDM, que le contrevenant ou la contrevenante n’a pas à purger la peine d’emprisonnement ou de détention pour autant qu’il ou elle ait un comportement exemplaire pendant la durée de sa peine.

Les procureurs du SCPM engagent des poursuites à l’égard d’infractions en violation de la LDN, y compris des infractions en vertu de l’article 130 de la LDN qui sont fondées sur des lois fédérales comme le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances14.

Les affaires suivantes qui ont été instruites par une cour martiale dans quatre grands domaines sont dignes d’intérêt :

  • infractions liées à la drogue;
  • agression sexuelle et autres infractions contre la personne;
  • fraude et autres infractions contre la propriété;
  • infractions liées au comportement.

Les causes qui suivent permettent de se faire une idée des questions abordées par les cours martiales durant la période visée par le rapport. Certaines affaires peuvent sembler mineures avant d’être perçues dans leur contexte militaire dont les quatre valeurs militaires canadiennes sont : le devoir, la loyauté, l’intégrité et le courage. La valeur d’intégrité oblige les membres des FAC à faire preuve d’un niveau exceptionnel d’honnêteté, de droiture, d’honneur et de respect des normes éthiques15. Le système de justice militaire existe partiellement pour régler les cas où l’on allègue que des membres des FAC ne se sont pas acquittés de leurs obligations normatives.

Infractions liées à la drogue

À l’instar de tous les Canadiens, les personnes assujetties au CDM sont passibles de poursuites pour des infractions en matière de drogue conformément à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Toutefois, contrairement à la population civile, les personnes assujetties au CDM sont aussi passibles de poursuites pour usage de drogue16.

Sa Majesté la Reine c caporal V. Hamel17

En novembre 2012, le caporal Hamel était un réserviste qui participait à un déploiement en Afghanistan. Il a demandé à un autre membre des FAC de lui envoyer des stéroïdes anabolisants par la poste militaire du Canada. Le caporal Hamel a indiqué à l’autre militaire comment envoyer des substances. Ce militaire a suivi les directives du caporal Hamel, et a glissé les substances demandées dans un sac Ziploc qu’il a ensuite dissimulé dans un contenant de protéines en poudre. Il s’est ensuite rendu au Centre de ressources pour les familles des militaires de Valcartier pour envoyer le colis en Afghanistan. Les articles illicites ont été découverts au cours d’une inspection de sécurité périodique des colis envoyés outre mer. Le caporal Hamel a avoué sa culpabilité à un chef d’accusation en vertu de l’article 130 de la LDN, soit l’exportation de substances, en infraction au paragraphe 6(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. À la suite d’une proposition conjointe, la CMP a condamné le caporal Hamel à un blâme et à une amende de 2 500 $ payable en dix versements mensuels égaux de 250 $.

Sa Majesté la Reine c capitaine J.P.H.E. Racine18

En octobre 2013, le capitaine Racine était au Collège militaire royal de Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec, afin de suivre un cours de conseiller en carrières militaires. À l’époque, il était le nouveau commandant du Centre de recrutement des FAC. Dans la soirée du 2 octobre 2013, en présence d’un autre membre des FAC, le capitaine Racine a allumé une cigarette de cannabis et l’a fumée. Une semaine plus tard, l’autre membre des FAC a informé le commandant du capitaine Racine que ce dernier avait consommé du cannabis en sa présence. Le commandant du capitaine Racine a imposé une mise en garde et surveillance entre le 18 octobre 2013 jusqu’au 17 octobre 2014, à la suite d’une enquête disciplinaire et de discussions entre autres avec le capitaine Racine relativement à l’infraction commise par celui-ci, qui est contraire au Programme des Forces canadiennes sur le contrôle des drogues. Le capitaine Racine a accepté d’être relevé de ses fonctions au détachement du Centre de recrutement et il a été envoyé à une unité de la Première réserve. Il a plaidé coupable devant une CMP d’une accusation de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline en vertu de l’article 129 de la LDN pour avoir consommé du cannabis contrairement à l’article 20.04 des ORFC. Il a été condamné à une réprimande et à une amende de 500 $.

Agression sexuelle et autres infractions commises contre la personne

Sa Majesté la Reine c maître de 2e classe J.K. Wilks19

L’accusé était un technicien médical qui a servi à Thunder Bay et à London, en Ontario, entre décembre 2003 et octobre 2009. Dans le cadre d’examens médicaux ou d’examens périodiques, le maître de 2e classe Wilks a procédé à des examens visuels et physiques des seins des plaignantes alors qu’il n’était pas qualifié et qu’il n’avait aucune raison médicale à cet égard. Une CMP20 a reconnu que le maître de 2e classe Wilks était coupable de 25 accusations, dont 10 accusations d’agression sexuelle, en vertu de l’article 130 de la LDN, contrairement à l’article 271 du Code criminel; 15 accusations d’abus de confiance par un officier, en vertu de l’article 130 de la LDN, contrairement à l’article 122 du Code criminel. La CMP a condamné le contrevenant à une peine d’incarcération de 30 mois; elle a ordonné le prélèvement de substances corporelles du maître de 2e classe Wilks pour une analyse génétique médico-légale; et lui a ordonné de se conformer à perpétuité à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Le contrevenant a interjeté appel de sa condamnation devant la CACM.

Sa Majesté la Reine c major D. Yurczyszyn21

Au moment de l’infraction, le major Yurczyszyn était l’officier commandant à la Base des Forces canadiennes/l’Unité de soutien de secteur Wainwright. Au cours de la soirée du 11 novembre 2012, le major Yurczyszyn était en uniforme et sous l’effet de l’alcool qu’il avait consommé volontairement. Au cours de cette soirée, il a touché le sein d’une civile sans son consentement. Il a émis des commentaires d’ordre sexuel et a essayé d’effectuer des attouchements sexuels sur une autre femme. Une CMP a jugé que sa conduite était « susceptible de jeter le discrédit sur le service de Sa Majesté » compte tenu de son grade et de sa position et a soutenu qu’il devait être considéré comme un cas subjectivement grave d’ivresse au sens de la LDN. Devant la CMP22, le contrevenant a plaidé coupable à un chef d’accusation d’ivresse aux termes de l’article 97 de la LDN et il a été trouvé coupable d’un chef d’accusation d’agression sexuelle en vertu de l’article 130 de la LDN, contrairement à l’article 271 du Code criminel. La CMP a condamné le contrevenant à une rétrogradation de major à capitaine.

Fraude et autres infractions contre la propriété

Sa Majesté la Reine c caporal M. Parent23

Le caporal Parent a soumis des formulaires pertinents pour que sa situation de célibataire soit remplacée par celle de conjoint de fait, même si les deux conjoints sont en fait séparés et ne sont pas engagés dans une union de fait. Le caporal Parent a alors demandé une indemnité d’absence du foyer malgré le fait qu’il n’était pas engagé dans une union de fait. Chaque mois, il a continué de réclamer frauduleusement des prestations pour absence du foyer en remplissant, signant et soumettant la formule générale de demande d’indemnité (CF52). Il a déclaré sur chaque demande qu’il avait engendré les dépenses réclamées, qu’il avait une personne à sa charge et qu’il n’y avait pas eu de séparation de façon délibérée au cours de la période visée par la demande. Il a frauduleusement réclamé la somme de 46 773 $. Il a plaidé coupable devant une CMP à un chef d’accusation de vol de plus de 5 000 $, en vertu de l’article 130 de la LDN, contrairement à l’article 334 du Code criminel. La CMP l’a condamné à une peine de détention de 90 jours.

Sa Majesté la Reine c sergent (retraité) G. Tardif24

Au moment des faits, le contrevenant était technicien d’approvisionnement et agissait à titre de quartier-maître de la compagnie A du 1er Bataillon Royal New Brunswick Regiment. À maintes reprises, il s’est rendu dans une station d’essence et a remis au propriétaire une ou plusieurs cartes de crédit de la flotte des FAC. Le propriétaire a facturé chaque carte de crédit sans fournir du carburant ou autre rétribution. L’accusé a pris les reçus et les a traités pour paiement comme s’il avait fait le plein d’essence. Grâce à ces transactions frauduleuses, le propriétaire a permis à l’accusé d’acheter des articles pour son usage personnel et a facturé le coût au propriétaire. En outre, l’accusé a volé des FAC environ 92 articles d’une valeur totale de 16 011,39 $. Le sergent Tardif, (retraité), a plaidé coupable devant une CMP à deux chefs d’accusation de fraude en vertu de l’article 130 de la LDN, contrairement à l’article 380 du Code criminel; et à un chef d’accusation de vol, contrairement à l’article 114 de la LDN, alors qu’il avait la garde ou la charge de biens volés. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 90 jours.

Infractions relatives à la conduite

Sa Majesté la Reine c lieutenant-colonel D.L. Miller25

Au moment des faits, la lieutenant-colonel Miller était officier dans la Force régulière. Le 20 décembre 2012, lors d’un événement de l’unité, le lieutenant-colonel Miller portait sa tunique aux couleurs de l’élément avec les décorations suivantes : officier de l’Ordre du mérite militaire (OMM); Médaille du service spécial (MSS) portant la barrette de l’OTAN; Médaille canadienne du maintien de la paix (MCMP); Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) deux; Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL); Décoration des Forces canadiennes (CD) avec une agrafe/rosette en argent; et trois mentions élogieuses du commandement. Elle n’avait pas le droit de porter ni la médaille de la FINUL, ni le MSS, ni deux des mentions élogieuses. Elle portait les médailles du FINUL et MSS sur son uniforme depuis 1997. Devant une CMP, le lieutenant-colonel Miller a plaidé coupable à trois chefs d’accusation d’un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline contrairement à l’article 129 de la LDN.

Avant de prononcer la peine, la CMP avait observé comme facteur aggravant que le lieutenant-colonel Miller avait été reconnue coupable par une CMP le 22 octobre 201226 de trois infractions, sans aucun rapport à la présente cause, mais liées à la malhonnêteté : formulation délibérée d’une fausse déclaration dans un document signé par elle à des fins officielles et deux accusations de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Ces trois condamnations étaient en rapport à de fausses déclarations que le lieutenant-colonel Miller avait fait comme quoi qu’elle avait subi le test d’aptitude physique du Programme EXPRES des FC. Pour ces infractions, elle a été condamnée à un blâme et à une amende de 3 000 $. La CMP a également soulevé le fait que le lieutenant-colonel Miller portait les médailles et les mentions élogieuses non-autorisées depuis longtemps et qu’elle avait continué de les porter après sa condamnation antérieure. À la suite de la CMP, le lieutenant-colonel Miller a été condamnée à un blâme et à une amende de 5 000 $.

Sa Majesté la Reine c caporal M. Paquette27

Au moment des faits, le caporal Paquette était en poste au 413e Escadron à la base des Forces canadiennes Greenwood en tant que technicien des systèmes aéronautiques. On l’a informé que pendant qu’il utilisait le matériel informatique du ministre de la Défense nationale, il ne pouvait pas avoir d’attente en matière de protection de sa vie privée en raison de la surveillance fréquente menée par le personnel chargé de la sécurité des fichiers et courriels. Selon un rapport produit le 31 mars 2011 par le Centre d’opérations des réseaux des Forces canadiennes à la suite d’une alerte de mot clé (préadolescent) le caporal Paquette aurait effectué des recherches sur Internet pour trouver des images de pornographie juvénile, en plus d’avoir visité des sites Web de pornographie juvénile. Au cours de ces recherches sur Internet et de ces visites sur des sites de pornographie juvénile, le caporal Paquette a volontairement visionné six images de pornographie juvénile. Ces images représentaient des jeunes filles prépubères posant devant la caméra et exhibant leurs seins et leurs organes sexuels. Devant une CMP, l’accusé a plaidé coupable aux chefs d’accusation que voici : un chef en vertu de l’article 130 de la LDN, c’est à dire le visionnement de pornographie juvénile contrairement au paragraphe 163.1(4.1) du Code criminel; et un chef d’accusation en vertu de l’article 129 de la LDN (conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline). Le contrevenant a été condamné à une peine d’emprisonnement de 21 jours. La CMP a également prononcé une ordonnance en vertu de l’article 196.14 de la LDN pour autoriser le prélèvement de substances corporelles sur le contrevenant aux fins d’une analyse génétique médico-légale; et elle a prononcé une ordonnance en vertu de l’article 227.01 de la LDN pour que le contrevenant se conforme à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels pendant 10 ans.

Sa Majesté la Reine c matelot de 3e classe W.K. Cawthorne28

Au moment des faits, le matelot de 3e classe Cawthorne était membre d’équipage du navire canadien de Sa Majesté (NCSM) Algonquin qui participait à un exercice au long des côtes d’Hawaï. Vers le 21 juillet 2012, un autre matelot est allé à sa couchette et a découvert l’iPhone du matelot de 3e classe Cawthorne entre les deux couchettes. Le marin a appuyé sur le bouton « Démarrage » de l’iPhone sur lequel une image est immédiatement apparue révélant une jeune fille âgée de moins de 16 ans et impliquée dans un acte sexuel explicite. Le marin a fait part de sa découverte à ses supérieurs. Le téléphone a été saisi par la police et a été analysé par un expert en informatique médico-légal. Le rapport a révélé que le téléphone contenait plusieurs images graphiques numériques de jeunes enfants se livrant à des activités sexuelles explicites, ou la principale caractéristique était l’image, à des fins sexuelles, d’un organe sexuel ou de la région anale d’une personne âgée de moins de 18 ans. L’accusé a été jugé par une CMG. Le 16 avril 2014, la CMG a déclaré le contrevenant coupable d’un chef d’accusation de possession de pornographie juvénile, d’une infraction chef en vertu de l’article 130 de la LDN, contrairement au paragraphe 163.1(4) du Code criminel. Il a également été reconnu coupable d’un chef d’accusation pour avoir visionné de la pornographie juvénile en vertu de l’article 130 de la LDN, contrairement au paragraphe 163.1(4.1) du Code criminel. Il a été condamné à une peine d’incarcération de 30 jours. Le juge militaire a formulé une ordonnance en vertu de l’article 196.14 de la LDN pour le prélèvement de substances corporelles du contrevenant à des fins d’une analyse génétique d’ADN médico-légale; et une ordonnance en vertu de l’article 227.01 de la LDN pour que le contrevenant se conforme à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels à perpétuité. Le contrevenant a interjeté appel de sa condamnation et l’affaire fait actuellement l’objet d’un examen en cours par la CACM.

Sa Majesté la Reine c caporal B.D. Cartwright29

Au moment des faits, le caporal Cartwright était membre de la Force régulière et de la police militaire. Le 4 décembre 2012, le caporal Cartwright a été arrêté et accusé par des membres du Service de police de London (Ontario) relativement à d’autres questions. À la suite d’une fouille consensuelle de ses effets personnels, les policiers ont découvert des cartouches marquantes colorées, à faible vitesse (munitions remplies de peinture conçues pour l’entraînement) dont il était illégalement en possession. Ces cartouches appartiennent à la Couronne et sont fabriquées exclusivement pour les FAC et sont destinées à l’usage opérationnel. Devant une CMP, le caporal Cartwright a plaidé coupable à un seul chef d’accusation d’un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline, contrairement à l’article 129 de la LDN. Il a été condamné à une réprimande et à une amende de 5 000 $, payable en versements mensuels de 150 $, à compter du 1er octobre 2014.

Sa Majesté la Reine c matelot de 3e classe L.W. Admiraal30

Au moment des faits, le matelot de 3e classe Admiraal suivait un cours à la Base des Forces canadiennes Esquimalt. Il était logé dans une caserne militaire. Le 23 août 2013, après avoir consommé une grande quantité d’alcool, l’accusé a endommagé un matelas dans une chambre non occupée en le lacérant avec un couteau. Devant une CMP, l’accusé a plaidé coupable au chef d’accusation d’avoir délibérément causé des dommages à un bien public, contrairement à l’article 116 de la LDN; à un chef d’accusation d’acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline, contrairement à l’article 129 de la LDN; et à un chef d’accusation d’état d’ivresse, contrairement à l’article 97 de la LDN. Il a reçu un blâme et une amende de 2 000 $ payable en 20 versements mensuels égaux et consécutifs à compter du 31 juillet 2014.

Appels devant la Cour d’appel de la cour martiale

Durant la période visée par le rapport, la CACM a rendu des décisions relativement à cinq appels et une requête de mise en liberté en attendant l’issue d’un appel. Quatre appels ont été abandonnés par l’appelant (deux cas par Sa Majesté la Reine et deux cas par l’accusé). Pour ce qui est des appels interjetés par l’accusé, le DSAD fournit la représentation juridique gratuitement pour les membres des FAC lorsqu’il y est autorisé par le Comité d’appel. L’autorisation n’est pas nécessaire lorsque l’accusé est l’intimé31. Au cours de la période visée par le rapport, sept nouvelles demandes d’appel ont été déposées devant la CACM. Sur les sept, cinq appels ont été interjetés par l’avocat du DSAD au nom des membres des FAC reconnus coupables et condamnés par une cour martiale; deux appels ont été présentés par le DPM au nom du ministre de la Défense nationale.

Voici un sommaire des appels devant la CACM au cours de la période visée par le rapport.

Sergent Damien Arsenault c Sa Majesté la Reine32

Le sergent Damien Arsenault a fait appel d’une décision datée du 23 avril 2013 par une CMP33 où il a été trouvé coupable de fraude à l’égard de Sa Majesté la Reine du Canada et, durant la même période, d’avoir délibérément fait de fausses déclarations dans plusieurs demandes d’indemnité signées par lui.

Ces accusations visent le paiement de 30 725 $ à l’appelant à titre de frais d’absence du foyer (FAF) à l’issue de sa mutation d’une base des Forces canadiennes à une autre, ainsi que le paiement de 3 469 $ à titre d’indemnité de vie chère en région (IVCR). Au procès, le procureur a soutenu que l’appelant avait fait plusieurs fausses déclarations chaque mois au sujet de son état civil (il était en séparation de fait) et de ses personnes à charge. Ces fausses déclarations lui ont permis de recevoir des prestations auxquelles il n’avait pas droit. L’appel reposait sur deux motifs : 1) les alinéas 117(f) et 130(1)(a) de la LDN ont une portée excessive et sont en violation de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte); 2) l’appelant avait droit à des frais d’absence du foyer (FAF), car il avait des personnes à charge au sens des dispositions législatives et des règlements applicables.

La CACM a déclaré que la contestation constitutionnelle de l’alinéa 130(1)(a) devait être rejetée en raison des décisions de la CACM dans les affaires de Sa Majesté la Reine c Moriarity/Hannah34 et de Sa Majesté la Reine c Larouche35 et que la contestation constitutionnelle de l’alinéa 117(f) était discutable parce que les accusations portées aux termes de cet alinéa sont des accusations qui remplacent l’accusation de fraude. Le jugement de culpabilité à l’accusation de fraude a entraîné le sursis des deux accusations de remplacement. Pour ce qui est de la réclamation des FAF, la CACM a déclaré que l’appelant avait fait de fausses déclarations pour recevoir des versements de FAF et d’IVCR auxquels il n’y avait pas le droit. La Cour a estimé que les enfants de l’appelant ne vivaient pas habituellement avec lui et n’étaient pas des personnes à charge selon les conditions liées à la réclamation des indemnités. Il n’était pas absent du foyer. La CACM a donc confirmé la culpabilité de l’appelant pour fraude et pour avoir fait de fausses déclarations. Par conséquent, l’appel a été rejeté. Le sergent Arsenault a porté en appel cette décision devant la CSC.

Sa Majesté la Reine c Paul Wehmeier36

M. Wehmeier est un ancien membre des FAC, et il était employé à titre d’« éducateur de pairs » civil au « centre de décompression dans un tiers lieu » dirigé par les FAC en Allemagne. Le centre a été aménagé pour aider les membres des FAC à faire la transition entre le théâtre des opérations en Afghanistan et leur réinsertion dans la société canadienne. Le 19 mars 2011, M. Wehmeier a assisté à un festival de la bière à Bitburg, en Allemagne, où il était apparemment sous l’influence de l’alcool et aurait commis des infractions contre trois membres des FAC. Dix jours après avoir signé son contrat et cinq jours après l’incident présumé, l’intimé a été renvoyé au Canada. Il a été accusé par la suite en vertu de l’article 130 de la LDN d’agression sexuelle, de voies de fait et de profération de menaces, contrairement aux articles 271 et 266 et à l’alinéa 264.1(1)(a) du Code criminel. Lors de sa comparution devant la CMG, l’intimé a présenté une demande pour réclamer un sursis des procédures en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte. Il a soutenu que la décision du DPM de porter une accusation contre un civil assujetti au CDM enfreignait l’article 7 de la Charte. L’intimé a soutenu que la conduite du DPM équivalait à un abus de procédure. Le juge militaire en chef a accueilli la demande et a arrêté les poursuites plutôt que d’accorder un sursis. Le DPM a porté cette décision en appel.

La CACM a estimé que le juge militaire en chef a commis une erreur en concluant que la conduite du DPM équivalait à un abus de procédure. La CACM a soutenu qu’au moment où le DPM reçoit une demande de transfert du dossier devant les autorités civiles, il n’est nullement tenu d’acquiescer. Par ailleurs, il n’y avait rien d’inapproprié dans le raisonnement du DPM lorsqu’il a pris la décision de poursuivre la procédure. Toutefois, la CACM a constaté que les poursuites engagées contre M. Wehmeier dans le système de justice militaire seraient arbitraires étant donné qu’elles n’auraient aucun lien avec les objectifs visés en assujettissant les civils accompagnateurs au CDM. Puisque rien ne justifie une poursuite contre M. Wehmeier dans le système de justice militaire plutôt que dans le système de justice pénale civil, la CACM a conclu que les conséquences des poursuites intentées contre M. Wehmeier devant le système de justice militaire étaient disproportionnées, qu’elles portaient atteinte à son droit à la liberté d’une manière qui n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale, en contravention à l’article 7 de la Charte. La CACM a rejeté l’appel du DPM et a jugé que le recours approprié était de mettre fin aux poursuites contre lui sans décision judiciaire. Le DPM a demandé l’autorisation d’en appeler de la décision à la CSC, mais la demande a été rejetée.

Lieutenant D.W. Watts c Sa Majesté la Reine37

Au cours d’un exercice de tir le 12 février 2010 en Afghanistan, une mine antipersonnel « mine Claymore » C19 n’a pas fonctionné correctement et la charge a été projetée en arrière et a frappé plusieurs soldats. Le caporal Baker a été tué et d’autres ont été gravement blessés. La cause de l’échec de la mise à feu n’a jamais été établie. L’appelant a été reconnu coupable par une CMG de trois chefs d’accusation résultant de cet incident. Il a été acquitté de trois autres chefs d’accusation. Il a été condamné à un blâme et à une rétrogradation au grade de lieutenant. Il a interjeté appel de ces condamnations et de cette peine. La Couronne a interjeté un appel incident de la peine.

La CACM a estimé que, compte tenu de la manière dont les accusations ont été formulées et de la définition de la tâche militaire, le juge militaire a mal défini la tâche militaire qui devait être prouvée au delà de tout doute raisonnable. La Cour a conclu que cette instruction avait entraîné une erreur irrémédiable dans l’accusation du tribunal quant aux trois chefs d’accusation dont l’appelant a été reconnu coupable. La Cour a en outre soulevé que le juge militaire avait commis une erreur dans son instruction au tribunal quant à la conséquence d’avoir nommé l’adjudant Ravensdale officier responsable du champ de tir C19. La CACM a autorisé l’appel, infirmé le verdict de culpabilité et a ordonné un nouveau procès par la cour martiale pour le quatrième chef d’accusation (avoir illégalement causé des lésions corporelles) et le cinquième chef d’accusation (négligence dans l’exécution de tâches). Le tribunal a annulé le verdict de culpabilité et prononcé l’acquittement sur le sixième chef d’accusation (négligence dans l’exécution d’une tâche). À la lumière de ces conclusions, il a été inutile de se préoccuper de l’appel incident interjeté par la Couronne contre les peines prononcées. Après avoir étudié la décision de la CACM et examiné les preuves disponibles restantes, le DPM a décidé de ne pas entreprendre un procès à l’égard des quatrième et cinquième chefs d’accusation.

Caporal-chef Laflamme c Sa Majesté la Reine38

Le caporal-chef Laflamme a interjeté appel d’une décision de la CMP datée du 18 juin 2013 selon laquelle il était coupable de deux chefs d’accusation portés en vertu de l’article 130 de la LDN, soit l’entrave à un agent de la paix, contrairement à l’alinéa 129(a) du Code criminel. L’incident impliquait l’obstruction à deux agents de la police militaire à la Base des forces canadiennes Trenton, en Ontario, au cours d’une opération RIDE (Réduisons la conduite avec facultés affaiblies partout).

L’appelant a soulevé deux motifs d’appel : 1) le juge militaire n’a pas fourni de raisons suffisantes pour justifier le rejet de la défense (découlant de la présence présumée d’un troisième agent de police au moment de l’incident); 2) le juge militaire a commis une erreur en rejetant le témoignage fondé sur l’ensemble des règles établies dans l’arrêt Browne c Dunn39, même s’il avait déjà établi que celui-ci n’était pas applicable. La Cour a estimé que le juge militaire ne pouvait pas décider de ne pas appliquer l’ensemble des règles établies dans l’arrêt Browne c Dunn et de l’appliquer ensuite dans son jugement au moment de l’évaluation de la crédibilité des témoins. Ce faisant, il était impossible d’expliquer le verdict ou de déterminer si le principe du doute raisonnable était correctement appliqué. La CACM a autorisé l’appel, infirmé les verdicts de culpabilité des deux chefs d’accusation et a ordonné la tenue d’un nouveau procès pour les deux chefs d’accusation. Le DPM a décidé que le caporal chef Laflamme ferait l’objet d’un nouveau procès fondé sur ces chefs d’accusation.

Caporal-chef D.D. Royes c Sa Majesté la Reine40

Le caporal-chef Royes a été reconnu coupable d’agression sexuelle par une CMP41. Il a été condamné à une peine d’incarcération de 36 mois42. Il a porté en appel la légalité du verdict de culpabilité et la décision du juge militaire de rejeter sa requête visant l’obtention d’une ordonnance d’annulation de l’alinéa 130(1)(a) de la LDN. L’appelant a invoqué quatre motifs d’appel : le juge militaire a commis une erreur en évaluant la crédibilité et la fiabilité des témoins; le juge militaire déplacé le fardeau de la preuve à tort en exigeant de l’appelant qu’il prouve que la plaignante avait consenti à l’activité sexuelle; le juge militaire a fait une interprétation erronée de la preuve en décidant que la plaignante était inconsciente au moment des actes sexuels; et que l’alinéa 130(1)(a) de la LDN est inconstitutionnel. La Cour a rejeté tous les motifs d’appel présentés par l’appelant, à l’exception de celui qui traite de la constitutionnalité de l’alinéa 130(1)(a) de la LDN. Cette question et l’issue de cet appel sont en suspens jusqu’à ce que la CSC rende son jugement dans l’affaire Moriarity et al.

Soldat Réjean Larouche c Sa Majesté la Reine43

Le soldat Larouche a interjeté appel d’une décision d’une CMP datée du 31 août 201244, qui l’a reconnu coupable d’infractions à l’article 130 de la LDN pour avoir pratiqué le voyeurisme, contrairement au paragraphe 162(5) du Code criminel; et pour avoir été en possession de pornographie juvénile, contrairement au paragraphe 163.1(4) du Code criminel45. L’appelant a soulevé deux motifs d’appel : l’inconstitutionnalité de l’alinéa 130(1)(a) de la LDN et le refus du juge militaire d’exclure, aux termes du paragraphe 24(2) de la Charte, les preuves recueillies après l’exécution de deux mandats de perquisition, même si le juge militaire a estimé que ces deux mandats n’auraient jamais dû être émis.

En ce qui concerne le premier motif, la Cour a confirmé le point de vue de longue date selon lequel une infraction à l’article 130 de la LDN peut faire l’objet d’un procès en vertu du CDM lorsqu’il existe un lien avec le service militaire dans sa nature et que les circonstances de sa perpétration sont susceptibles d’avoir une incidence sur la norme générale de discipline et l’efficience des Forces canadiennes. Une telle infraction doit être un délit en vertu du droit militaire au sens de l’alinéa 11(f) de la Charte et elle doit faire l’objet d’un procès devant un tribunal militaire canadien puisqu’elle concerne directement la discipline, l’efficacité et le moral de l’armée.

En ce qui concerne le deuxième motif d’appel, la Cour a estimé que le juge militaire avait omis de faire l’analyse complète et nécessaire dans les circonstances quant à la gravité de la conduite en violation de la Charte. La Cour a affirmé que le juge militaire avait accordé trop d’importance au volet de l’enquête ayant trait au maintien de la confiance dans le système de justice militaire, tout en négligeant l’importance des autres questions, en particulier du besoin de dissocier le système de justice des infractions flagrantes aux droits conférés par la Charte. Cela a amené la Cour à autoriser l’appel, à infirmer les condamnations au titre des deux chefs d’accusation dont l’appelant a été reconnu coupable et à l’acquitter de ces chefs d’accusation.

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