Document d’orientation : Pratiques visant la protection du savoir autochtone confidentiel en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact

Ce document d’orientation doit être interprété et appliqué conjointement avec les autres sections du Guide du praticien sur les évaluations d’impact fédérales, notamment le document d’orientation Prise en compte du savoir autochtone en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact : Procédures concernant le travail avec les collectivités autochtones. Le lecteur est également invité à consulter le document Cadre stratégique sur le savoir autochtone pour les examens de projets et les décisions réglementaires, disponible sur le site Web de l’Agence.

1. Objectif

Ce document d’orientation est produit par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (l’Agence) et concerne la gestion du savoir autochtone confidentiel reçu lors d’une évaluation d’impact, d’une évaluation régionale ou d’une évaluation stratégique en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact (LEI).

L’Agence reconnaît que c’est un honneur de recevoir le savoir autochtone de la part des collectivités et des détenteurs du savoir, et s’engage à respecter la confidentialité de ces informations reçues à titre confidentiel. En vertu de la LEI, lorsqu’une collectivité autochtone précise qu’elle fournit un savoir autochtone spécifique à titre confidentiel, celui-ci doit être considéré comme confidentiel. Ce document fournit des conseils aux praticiens afin qu’ils respectent leurs obligations de confidentialité en vertu de la LEI et qu’ils favorisent des pratiques de bonne gouvernance pour la gestion du savoir autochtone. En vertu de la LEI, lorsqu’un savoir autochtone est fourni, il est obligatoire d’en tenir compte.

2. Introduction

L’Agence respecte la propriété des collectivités autochtones et des détenteurs de savoir et collabore avec ceux-ci pour suivre leurs protocoles de réception, d’utilisation, de stockage et de partage des informations. Le savoir autochtone confidentiel communiqué en vertu de la LEI ne sera pas divulgué dans le Registre canadien d’évaluation d’impact, et il est protégé de toute divulgation publique au moyen de demandes d’accès à l’information en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Sous réserve de certaines exceptions (voir la section 7 ci-dessous), le savoir autochtone fourni à titre confidentiel à l’Agence, à une commission d’examen, au ministre d’Environnement et Changement climatique Canada, ou à un comité établi pour mener une évaluation régionale ou stratégique ne peut être divulgué sans consentement écrit.

Bien que le savoir autochtone doit être pris en compte dans les évaluations menées par d’autres autorités fédérales concernant des projets non désignés sur des terres domaniales et à l’étranger, ce guide provisoire ne s’applique qu’aux projets désignés, aux évaluations régionales et aux évaluations stratégiques. Étant donné que les évaluations régionales et stratégiques au titre de la LEI ne sont pas liées à un promoteur particulier, les orientations destinées aux promoteurs peuvent s’appliquer au personnel de l’Agence, aux comités et à toute autre partie prenant part à une évaluation régionale ou stratégique. Les commissions d’examen indépendantes et les comités d’évaluation régionaux ou stratégiques sont censés tenir compte de ces orientations, mais peuvent élaborer leurs propres procédures de gestion du savoir autochtone confidentiel. Cela peut notamment s’avérer nécessaire lorsque la commission d’examen est organisée conjointement ou intégrée à une autre administration.

3. Protéger le savoir autochtone confidentiel

L’article 22 de la LEI stipule qu’il est obligatoire de tenir compte du savoir autochtone fourni dans le cadre d’une évaluation. En outre, lorsqu’une collectivité autochtone précise qu’elle fournit un savoir autochtone à titre confidentiel, celui-ci doit être traité comme tel (article 119).

Lorsque le personnel de l’Agence entame ses travaux avec une collectivité autochtone lors de l’étape préparatoire d’une éventuelle évaluation d’impact, il sensibilise la collectivité aux questions de confidentialité dès le départ (cela inclut la mention des exceptions décrites dans la section 7 ci-dessous). Aux fins du présent document, le terme « collectivité autochtone » désigne un groupe ou un collectif de peuples autochtones que le gouvernement du Canada considère comme représentant les titulaires de droits pouvant être affectés par un projet. 

En général, les collectivités autochtones ont leurs propres protocoles établis qui doivent être suivis pour le partage et l’utilisation du savoir autochtone par d’autres personnes. Si, toutefois, aucun protocole n’est en place, l’Agence, la commission d’examen, le comité régional ou le comité d’évaluation stratégique conviendront d’une approche avec la collectivité pour gérer la confidentialité dans les transmissions d’informations écrites et orales. Aucun savoir autochtone confidentiel ne doit être communiqué avant qu’une telle approche n’ait été formellement approuvée.

L’Agence peut informer la collectivité autochtone que des informations confidentielles détaillées peuvent ne pas être nécessaires pour l’évaluation et peut encourager la collectivité à résumer ou à généraliser les informations avant de les fournir à l’Agence, de sorte que les informations confidentielles ne soient pas incluses. Par exemple, il n’est peut-être pas nécessaire de divulguer l’emplacement précis des sites funéraires ou sacrés, mais des renseignements généraux sur la présence de tels sites dans les environs seraient utiles à l’évaluation. Le fait de ne pas divulguer les détails confidentiels peut constituer une protection du mode de vie, de la culture et des intérêts de la collectivité autochtone.

Dans le cas où une collectivité souhaite fournir du savoir autochtone confidentiel, l’Agence documentera l’approche convenue, qui sera communiquée à la collectivité autochtone pour ses archives.

En général, les discussions avec l’Agence peuvent porter sur les aspects suivants :

4. Approche relative à la confidentialité entre l’Agence et les collectivités autochtones

Comme indiqué à la section 3, lorsque l’Agence et une collectivité autochtone parviennent à un accord sur la fourniture de savoir autochtone confidentiel, l’Agence consigne le savoir et transmet le document à la collectivité pour qu’elle le conserve dans ses archives. Cette documentation formelle de l’approche aborde les points suivants :

Étant donné que le savoir autochtone confidentiel est légalement protégé par la LEI, les accords de non-divulgation (également connus sous le nom d’accords de confidentialité) ne sont pas nécessaires. Toutefois, l’Agence peut conclure un accord de confidentialité à la demande de la collectivité autochtone.

5. Commissions d’examen et comités chargés d’une évaluation régionale ou stratégique

Les commissions d’examen et les comités chargés d’une évaluation régionale ou stratégique ont des rôles uniques dans le cadre de la LEI. Par conséquent, ces organismes peuvent élaborer leurs propres procédures de confidentialité, auquel cas les sections 3 et 4 ci-dessus servent de pratiques exemplaires, et les procédures élaborées sont publiées sur la page Web de l’évaluation de projet ou de l’évaluation régionale du Registre canadien d’évaluation d’impact.

Dans les cas où la collectivité autochtone décide de fournir du savoir autochtone confidentiel à une commission d’examen (ou à un comité d’évaluation régional ou stratégique), la commission ou le comité doit respecter les dispositions de la LEI, y compris l’obligation de garder confidentielles toutes les connaissances autochtones fournies à titre confidentiel. La commission ou le comité d’examen doit prendre dûment en considération le cadre stratégique sur le savoir autochtone dans le contexte des examens de projets et des décisions réglementaires. La commission ou le comité d’examen dispose d’un pouvoir discrétionnaire quant à l’approche à adopter pour traiter le savoir autochtone confidentiel qui n’est pas mentionné dans la LEI.

Processus de transmission orale du savoir autochtone confidentiel

Les commissions d’examen élaborent des procédures d’audience et organisent des audiences publiques dans le cadre du processus d’évaluation de l’impact. Si un détenteur de savoir ou une collectivité autochtone souhaite communiquer oralement un savoir autochtone confidentiel lors d’une audience publique, la collectivité ou le détenteur du savoir doit demander une séance d’audience à huis clos. Toute demande de ce type doit être conforme aux procédures élaborées par la commission d’examen en consultation avec la collectivité autochtone. Dans un souci d’équité procédurale, une commission d’examen peut décider que d’autres parties, comme le promoteur, peuvent avoir le droit de participer à la séance à huis clos ou d’accéder au savoir. La séance d’audition à huis clos serait toutefois interdite au grand public et aux autres participants à l’évaluation d’impact. En outre, les informations partagées lors d’une séance à huis clos ne sont pas publiées dans le Registre canadien d’évaluation d’impact.

De même, si une collectivité autochtone souhaite fournir oralement un savoir autochtone confidentiel à un comité chargé d’une évaluation régionale ou stratégique, elle doit faire une demande de procédure confidentielle selon les procédures élaborées par le comité.

6. Rôle des promoteurs

Il s’agit d’une pratique exemplaire pour les promoteurs de mobiliser les collectivités autochtones et de discuter du savoir autochtone avant de soumettre la description initiale du projet. Entre autres avantages, la mobilisation précoce peut éclairer de façon opportune la conception du projet et les décisions sur ce qui devrait être inclus dans les études de référence. Par conséquent, les promoteurs devront peut-être aborder la question de la confidentialité plus tôt.

Les collectivités autochtones peuvent choisir de partager le savoir autochtone confidentiel directement avec les promoteurs et peuvent conclure avec eux des accords de confidentialité distincts de ceux conclus entre la collectivité et l’Agence. Il peut être avantageux pour les collectivités autochtones de fournir un savoir autochtone confidentiel directement aux promoteurs, en particulier lorsque ce savoir vise spécifiquement un site et pourrait éclairer la conception du projet ou l’élaboration de mesures d’atténuation.

Comme mentionné à la section 3, lors du partage du savoir autochtone avec l’Agence, les collectivités autochtones peuvent envisager des moyens de protéger le savoir en généralisant ou en résumant les informations avant qu’elles ne soient partagées, de manière à ce que les détails sensibles ne soient pas inclus. De même, une collectivité peut décider de partager des informations confidentielles exclusivement avec le promoteur (par exemple, si des informations sensibles sont importantes pour la conception du projet). Les informations sont ensuite généralisées ou résumées afin de protéger les détails confidentiels de la divulgation publique dans l’étude d’impact du promoteur. Dans ce cas, ces détails ne seront pas soumis à l’Agence ou à la commission d’examen. Par exemple, cela peut se faire en ne divulguant pas l’emplacement exact des sites où les plantes sont récoltées, tout en utilisant le savoir autochtone d’une manière qui peut être communiquée publiquement (p. ex., il y a des sites de récolte dans une zone générale et des mesures devraient être élaborées pour éviter de perturber ces zones).

La collectivité autochtone peut décider de ne pas assujettir le savoir autochtone confidentiel à une révision afin d’en supprimer les détails sensibles, et elle peut demander au promoteur de fournir le savoir autochtone confidentiel à l’Agence, à la commission ou au comité, en son nom. Dans cette situation, comme il est indiqué à la section 4, la documentation de l’approche à l’égard de la confidentialité devrait également comprendre un résumé des ententes avec le promoteur, y compris le consentement de la collectivité autochtone au partage du savoir autochtone confidentiel.

7. Exceptions permettant la divulgation du savoir autochtone

La LEI prévoit trois exceptions à l’obligation de ne pas divulguer le savoir autochtone confidentiel sans consentement écrit. Ces exceptions prévues à l’article 119 de la LEI peuvent être appliquées lorsque le savoir autochtone est fourni à titre confidentiel à l’Agence, à la commission d’examen, au comité ou au ministre. Les collectivités autochtones doivent être informées de ces exceptions lorsqu’elles envisagent de fournir le savoir autochtone confidentiel et avant qu’il ne soit partagé. L’Agence consultera toujours la collectivité autochtone avant de divulguer le savoir autochtone confidentiel en vertu d’une exception.

En vertu du paragraphe 119 (2) de la LEI, le savoir autochtone confidentiel peut être divulgué si l’une des circonstances suivantes s’applique :

  1. Le public y a accès. Avant de communiquer un savoir autochtone confidentiel en vertu de cette exception, l’Agence doit discuter avec la collectivité autochtone des connaissances qui devraient être considérées comme étant accessibles au public. Si l’Agence a l’intention de procéder à la communication, elle consultera la collectivité et lui donnera la possibilité de répondre.
  2. La divulgation est nécessaire à des fins d’équité procédurale et de justice naturelle ou pour usage dans des poursuites judiciaires. La justice naturelle et l’équité procédurale imposent aux décideurs l’obligation légale d’offrir aux personnes intéressées une occasion équitable de participer au processus avant que toute action préjudiciable à leurs intérêts ne soit entreprise. Le contenu de cette obligation légale dépendra du contexte particulier et peut avoir pour conséquence que certaines parties auront le droit d’accéder au savoir autochtone confidentiel pour prendre une décision en vertu de la LEI.
    Par exemple, le promoteur pourrait avoir accès à du savoir autochtone confidentiel afin qu’il puisse connaître les éléments de preuve utilisés dans une décision relative à son projet. D’autres collectivités autochtones pourraient avoir le droit d’accéder au savoir autochtone confidentiel si une décision prise sur la base des détails précis du savoir autochtone est susceptible d’affecter l’exercice de leurs droits ancestraux ou issus de traités.
    Si l’Agence, la commission d’examen, le comité ou le ministre estime que la divulgation du savoir autochtone confidentiel est nécessaire pour des raisons d’équité procédurale et de justice naturelle, il doit procéder à une consultation avant de procéder à la divulgation. Ces consultations incluront la collectivité autochtone et la personne ou l’entité à laquelle il est proposé de divulguer le savoir autochtone confidentiel, et porteront sur l’étendue de la divulgation proposée et les conditions éventuelles de cette divulgation. Des conditions contraignantes peuvent être imposées à la personne ou à l’entité à laquelle le savoir autochtone est communiqué.
    Lorsqu’un savoir autochtone confidentiel doit être communiqué dans le cadre de procédures judiciaires (par exemple, devant les tribunaux), l’Agence s’engage à en informer la collectivité autochtone qui a fourni le savoir en question. Elle indiquera quelle information sera communiquée, pourquoi elle doit l’être et décrira la procédure judiciaire en question. Même si le savoir autochtone est divulgué à certaines personnes ou entités en vertu de cette exception, ce savoir restera confidentiel et ne sera pas divulgué au public et aux intervenants de la procédure judiciaire qui n’ont pas besoin de le voir. En outre, toute communication sera limitée au minimum nécessaire pour assurer l’équité procédurale et la justice naturelle.
  3. La divulgation est autorisée dans les circonstances prévues par règlement. Les « circonstances prévues par règlement » font référence à d’autres exceptions qui seraient énoncées dans les règlements. À l’heure actuelle, il n’existe aucune réglementation, en place ou en cours d’élaboration, qui autorise la divulgation du savoir autochtone confidentiel.

8. Production de rapports

Dans le rapport d’évaluation, l’Agence, la commission d’examen ou le comité décrira la manière dont tout savoir autochtone reçu dans le cadre de l’évaluation a été pris en compte. Avant la publication, la collectivité autochtone ou le détenteur du savoir qui a partagé ses informations doit avoir la possibilité de commenter la manière dont ce savoir autochtone, ou un résumé du savoir autochtone, est présenté dans le rapport.

L’Agence, la commission ou le comité d’examen doit satisfaire à toutes les exigences de la LEI et respecter toute documentation ou tout accord relatif à l’établissement de procédures pour l’utilisation, la gestion des informations et le partage du savoir autochtone confidentiel.

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