Allocution de la présidente Velshi au Symposium 2021 de l’Association nucléaire mondiale
Discours
Le 8 septembre 2021
- La version prononcée fait foi -
Bonjour à tous,
Je remercie la directrice générale Sama Bilbao y León ainsi que l’Association nucléaire mondiale de m’avoir invitée à prendre la parole aujourd’hui.
Je suis ravie de pouvoir parler d’harmonisation et de coordination internationales en matière de réglementation de l’énergie nucléaire.
Il s’agit d’une question importante et d’actualité, et c’est aussi l’une de mes priorités.
Les technologies nucléaires novatrices continuent de prendre de l’ampleur, même au cours de cette dernière année et demie tumultueuse.
L’un des principaux enseignements tirés de la pandémie est que les organismes de réglementation, en l’occurrence ceux du domaine de la santé et de l’approbation des vaccins contre la COVID 19, peuvent s’adapter rapidement à l’innovation au moment voulu.
Il faudrait s’en inspirer pour notre approche de l’innovation dans le domaine nucléaire où la coordination et l’harmonisation sont essentielles, non seulement entre les organismes de réglementation, mais aussi entre les fournisseurs et les promoteurs, pour permettre le développement et le déploiement des technologies, lorsqu’il est possible de le faire sans danger.
Il est donc plus important que jamais de tourner notre attention collective vers ces technologies.
Au Canada, la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), est l’organisme indépendant de réglementation nucléaire qui réglemente tout ce qui touche le nucléaire au Canada.
Le secteur nucléaire du Canada est l’un des plus diversifiés au monde. Il couvre l’ensemble du cycle du combustible nucléaire, à l’exception du retraitement et des armes nucléaires.
En combinant notre expérience à celle du prédécesseur de la CCSN, la Commission de contrôle de l’énergie atomique, nous autorisons et réglementons les installations et les activités nucléaires au pays depuis 75 ans.
La sûreté est notre priorité en tout temps, dans tout ce que nous faisons et dans tout ce que nous réglementons.
La CCSN a une vision audacieuse, soit celle de compter parmi les meilleurs organismes de réglementation au monde, et nous sommes guidés par quatre priorités qui nous aident à concrétiser cette vision.
Ces priorités sont :
- adopter une approche moderne de la réglementation du secteur nucléaire
- être un organisme de réglementation fiable
- exercer une influence mondiale dans le domaine nucléaire
- être une organisation agile
En tant qu’organisme de réglementation chevronné dans une nation nucléaire de niveau 1, ces priorités, combinées à notre expérience, nous ont permis de jouer un rôle de premier plan afin de promouvoir l’harmonisation et la coordination internationales de la réglementation dans le domaine de l’énergie nucléaire.
Nous savons que l’industrie cherche de nouvelles idées et technologies, et se penche notamment sur la façon de les mettre à profit dans les installations nucléaires existantes.
Dans l’immédiat, nous savons que les technologies de petits réacteurs modulaires (PRM) suscitent un intérêt croissant dans le monde entier pour diverses applications.
Par conséquent, les organismes de réglementation doivent effectuer tous les travaux préparatoires possibles afin d’être prêts pour l’innovation.
Au Canada, notre rôle à titre d’organisme de réglementation consiste à protéger le public des risques, et non des progrès.
Notre cadre de réglementation rigoureux, souple et reconnu à l’échelle internationale est un avantage considérable pour établir cette distinction.
Ce cadre établit la sûreté comme base de référence claire et immuable, mais il est neutre sur le plan technologique et axé sur le rendement, ce qui donne aux promoteurs et aux titulaires de permis la souplesse nécessaire pour satisfaire aux exigences.
Cette démarche est essentielle pour permettre le développement et l’adoption de l’innovation.
Un cadre de réglementation neutre sur le plan technologique et axé sur le rendement devrait être l’objectif de toutes les nations nucléaires, actuelles et futures.
Mais ce n’est pas la réalité de toutes les nations nucléaires, et la collaboration internationale est donc primordiale pour garantir l’adoption d’une approche harmonisée dans toute la mesure du possible.
C’est encore plus vrai pour les PRM, qui prennent de l’essor dans de nombreux pays, notamment en tant qu’outil de lutte contre les changements climatiques et pour la sécurité énergétique.
Je suis une ardente partisane de l’harmonisation dans toute la mesure du possible, car je pense qu’il s’agit d’une condition préalable au déploiement rapide, sûr et réussi des PRM dans le monde.
L’harmonisation n’est pas une nouveauté pour les organismes de réglementation nucléaire, puisqu’il existe déjà un certain degré d’harmonisation de la réglementation en ce qui concerne le transport des substances nucléaires ainsi que l’autorisation et l’homologation des colis de transport.
L’harmonisation est essentiellement une réglementation intelligente qui s’appuie sur des décennies d’expérience acquise par des organismes de réglementation chevronnés.
En tant qu’organisme de réglementation mature d’une nation nucléaire de niveau 1, nous sommes donc heureux de pouvoir tirer parti de notre réputation de longue date au sein de la communauté internationale de réglementation nucléaire pour jouer un rôle de premier plan dans le domaine des PRM.
Nous jouissons d’une voix importante au sein du Forum des organismes de réglementation des PRM et des groupes de travail de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ainsi que des groupes de travail liés aux PRM de l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN).
En 2020, j’ai eu l’honneur d’être nommée présidente de la Commission sur les normes de sûreté (CNS) de l’AIEA.
La CNS établit des normes relatives à la sûreté nucléaire, à la radioprotection, à la sûreté du transport et des déchets, ainsi qu’à la préparation et à l’intervention en cas d’urgence.
Mes collègues à la CNS ont convenu des priorités de travail afin d’établir des normes internationales harmonisées pour les PRM qui sont neutres sur le plan technologique, proportionnelles aux risques présentés et qui suffisent pour les besoins élémentaires de tous les pays.
L’harmonisation des normes internationales pour les PRM est un premier pas important vers une plus grande harmonisation au sein de la communauté de réglementation nucléaire.
Une plus grande harmonisation posera certainement des défis, et nous devons agir de manière délibérée et réfléchie. Pour cela, il faudra probablement débuter avec l’échange des examens réglementaires entre des organismes de réglementation aux vues similaires.
Notre première grande étape pour faire avancer cette harmonisation a débuté en août 2019 lors de la signature d’un protocole de coopération avec la Nuclear Regulatory Commission (NRC) des États-Unis pour guider nos efforts concertés sur les petits réacteurs modulaires.
Nous nous attachons notamment à partager des connaissances réglementaires découlant d’examens techniques de la conception, et nous explorons l’élaboration d’une orientation commune relative à l’examen des demandes de permis pour de nouvelles constructions.
Nous avons réalisé d’importants progrès dans le cadre de ce protocole – nous comparons nos pratiques, collaborons à l’examen de trois conceptions et échangeons les observations tirées des examens d’homologation américains pour une autre conception.
Nous échangeons également du personnel et préparons des rapports conjoints.
Nous avons signé un accord similaire avec l’Office for Nuclear Regulation (ONR) du Royaume-Uni en octobre 2020, et nous sommes confiants que notre travail avec l’ONR progressera aussi bien qu’avec la NRC américaine.
Des examens menés par trois organismes de réglementation chevronnés et respectés dans le cadre de ces accords, qui concluent que nous n’avons aucune réserve à l’égard de la délivrance d’un permis pour une technologie, devraient apporter beaucoup de réconfort à d’autres pays producteurs d’énergie nucléaire, en particulier aux nouveaux venus dans le domaine.
Plus le nombre d’examens réalisés et diffusés sera élevé, plus la base de référence que nous serons en mesure de créer sera utile.
Nous pourrons profiter de ces connaissances pour examiner attentivement nos cadres de réglementation afin de nous assurer que les exigences connexes sont proportionnelles aux risques présentés.
Si nous arrivons à la conclusion qu’elles n’y correspondent pas, nous pouvons nous donner comme objectif d’établir des normes internationales harmonisées acceptables pour tous les pays.
Les organismes de réglementation peuvent également travailler de concert pour établir des exigences harmonisées qui sont acceptables pour tous les pays.
En procédant de cette manière, j’espère que nous pourrons progressivement instaurer la confiance entre les décideurs politiques, les organismes de réglementation et le public afin d’en arriver à un point où même les processus d’autorisation et d’approbation pourront être harmonisés.
Au-delà de l’excellent travail que nous accomplissons actuellement sur le plan bilatéral, une dynamique se met rapidement en place à plus grande échelle dans le monde.
En décembre dernier, la CCSN et l’AEN ont organisé conjointement un atelier multisectoriel sur la réglementation de l’innovation qui portait sur les défis et les avantages de l’harmonisation du processus d’autorisation pour les technologies émergentes.
Cet atelier nous a permis d’en apprendre sur les pratiques d’autres secteurs, comme l’aviation, les transports, les finances et la médecine, ainsi que sur leur expérience en matière d’harmonisation, y compris la façon de gérer les attentes changeantes et d’adopter le bon état d’esprit.
Également en décembre, l’Association nucléaire mondiale, l’hôte de ce symposium, en collaboration avec le Groupe des propriétaires de CANDU, a publié un livre blanc sur l’harmonisation.
Ce livre blanc présente une feuille de route en trois étapes pour une évaluation et une autorisation harmonisées des PRM à l’échelle internationale.
Ce travail s’appuie sur le modèle harmonisé existant pour le transport dans le secteur nucléaire qui, comme je l’ai dit plus tôt, fonctionne très bien.
Sous la coordination de l’AEN, nous collaborons également avec les États-Unis et le Royaume-Uni à une initiative trilatérale en matière d’autorisation, avec des représentants des organismes de réglementation et des décideurs, pour choisir et examiner quelques nouvelles technologies de réacteur afin de trouver des possibilités d’harmonisation de l’autorisation.
L’AIEA et l’AEN prévoient d’ailleurs inviter des parties intéressées du monde entier à participer à des discussions sur des évaluations génériques et unifiées des technologies.
J’espère que tous ces efforts de collaboration favoriseront l’atteinte prochaine de l’objectif qui consiste à harmoniser les exigences et les approbations réglementaires dans le secteur nucléaire.
Mais l’industrie a un rôle important à jouer dans les efforts d’harmonisation.
Il ne faut pas attendre des organismes de réglementation qu’ils se réunissent pour trouver seuls une approche pratique et réaliste en matière d’harmonisation.
Pour que les organismes de réglementation puissent faire progresser cette harmonisation, l’industrie devra sérieusement réfléchir au nombre de conceptions technologiques de PRM qui sont durables, puis s’efforcer d’établir un ensemble commun de normes et de codes.
L’industrie doit également faire participer les organismes de réglementation au processus le plus tôt possible – on ne peut pas nous demander d’être prêts à examiner et à réglementer si on ne pense à nous qu’après coup.
Par ailleurs, nous avons besoin de renseignements complets. Ne pensez pas que nous pourrons prendre des décisions rapides qui tiennent compte du risque, en particulier des décisions sur une approche graduelle, si on nous fournit des renseignements qui ne sont pas complets.
Cette approche coordonnée pourrait améliorer considérablement les chances de réussite du développement et du déploiement des PRM à l’échelle mondiale.
Bien entendu, les perspectives de développement et de déploiement à l’échelle mondiale sont nulles si la sûreté n’est pas au centre des préoccupations en tout temps, car un accident nucléaire, où qu’il se produise, risque de freiner brusquement cet élan.
C’est pourquoi la volonté d’encourager une saine culture de sûreté doit émaner des hauts dirigeants et se rendre jusqu’aux travailleurs.
Les employés suivent les directives des dirigeants de leur organisation et se rangent à l’importance que les dirigeants accordent à la sûreté.
Cette approche a une incidence sur les personnes et les équipes, ainsi que sur leur attitude à l’égard de la sûreté, ce qui influence le rendement global.
Bien qu’à ce jour, l’organisme de réglementation se soit concentré principalement sur les exploitants, nous avons un rôle à jouer pour souligner l’importance des principes de la culture de sûreté auprès de tous les dirigeants et décideurs du secteur nucléaire.
Cela comprend les décideurs du gouvernement, les associations industrielles et, bien sûr, les conseils d’administration.
Il existe peu de valeurs sûres dans la vie et l’harmonisation dans le secteur nucléaire n’en fait certainement pas partie.
Nous, les organismes de réglementation, voulons nous assurer que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas être un obstacle inutile au développement et au déploiement de technologies nucléaires novatrices.
Pour réussir, il faudra évidemment que les fournisseurs et les promoteurs fassent appel rapidement aux organismes de réglementation, leur remettent des renseignements complets et fassent la démonstration de leur dossier de sûreté.
Il faudra également s’efforcer d’établir les relations et la confiance nécessaires à l’acceptation sociale des projets proposés.
La CCSN fait tout ce qu’elle peut pour promouvoir la cause de l’harmonisation, et elle est heureuse de collaborer avec d’autres organismes de réglementation nucléaire chevronnés pour contribuer à paver la voie.
Quel que soit notre rôle dans le secteur nucléaire, je mets chacun d’entre nous au défi de réfléchir à la contribution qu’il peut apporter à la promotion de l’harmonisation.
Je vous remercie de votre attention. Je répondrai à quelques questions, si le temps le permet.
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