Allocution de Rumina Velshi au symposium ICRP 2021+1

Discours

Introduction

Bonjour,

Avant de commencer, j’aimerais reconnaître que nous nous trouvons aujourd’hui sur les territoires ancestraux communs et non cédés des Nations Musqueam, Squamish et Tsleil‑Waututh.

Je souhaite en premier lieu lancer la séance d’aujourd’hui, et mon allocution, en posant quelques questions. Qu’est-ce que ça veut dire, être sûr? Comment procède-t-on pour déterminer si des mesures sont suffisamment sûres? À quel moment un risque raisonnable devient-il un risque déraisonnable? Qui prend cette décision?

Pour ce qui est des substances et de l’énergie nucléaires au Canada, ces questions relèvent de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. La CCSN est l’organisme de réglementation nucléaire du Canada, et elle est dirigée par la Commission, avec l’appui de plus de 800 membres de personnel scientifique, technique et professionnel. Nous réglementons le cycle de vie intégral des installations et activités nucléaires au Canada.

La Commission est un tribunal administratif quasi judiciaire indépendant, établi de façon à minimiser toute influence inappropriée du gouvernement.

La Commission rend des décisions en matière d’autorisation et sur des questions importantes visant le cadre de réglementation. Nous avons notamment le devoir de remettre en question les titulaires de permis, les promoteurs et notre propre personnel afin de protéger les personnes et l’environnement des dangers potentiels liés aux matières et substances nucléaires.

En tant que Commission, notre travail consiste à prévenir les risques déraisonnables – pour les personnes, pour l’environnement et pour la sécurité nationale du Canada. La gestion du risque, c’est notre affaire.

Aujourd’hui, je souhaite souligner la mesure dans laquelle nos hypothèses non formulées – les valeurs et l’éthique, la tolérance au risque et la spécialisation de chacun – influencent nos décisions et nos actions. De plus en plus, on demande aux spécialistes de justifier leur réflexion et leurs recommandations. La confiance du public à l’égard de l’expertise est menacée. Il est essentiel que nous fassions tous des efforts concertés pour répondre aux besoins du moment.

Je m’exprimerai sur la manière dont les organisations internationales, comme la CIPR, et les organismes de réglementation, comme la CCSN, peuvent être plus transparents en ce qui concerne leur réflexion et peuvent contribuer à bâtir la confiance dans leurs recommandations, décisions et actions.

Je donnerai également mon opinion sur les objectifs clés de la révision du système de radioprotection de la CIPR, et sur les possibilités qu’offre cette révision d’y intégrer des facteurs locaux, comme le savoir autochtone, afin de parvenir aux meilleures recommandations possibles sur le plan de la surveillance et de la réglementation. De plus en plus, nous devons garder à l’esprit qu’on s’attend à ce que nous adoptions une approche plus holistique du processus décisionnel – au‑delà de la science seulement – pour répondre aux besoins de ceux que nous servons.

Qu’est-ce que ça veut dire, « être sûr »?

Permettez-moi de revenir à ma question originale. Qu’est-ce que ça veut dire, être sûr?

La sûreté, c’est un terme relatif. C’est subjectif, et ça dépend de notre propre perspective du risque, c’est-à-dire que, lorsqu’elles sont confrontées à un même risque, différentes personnes ne verront généralement pas ce qui est sûr de la même façon. La sûreté absolue, ça n’existe pas.

Imaginez un véhicule roulant à 100 kilomètres à l’heure. Sur une route de campagne, c’est beaucoup trop vite. Mais sur l’autoroute? C’est normal. En fait, il pourrait être dangereux de rouler plus lentement dans ce contexte.

Les vaccins ne doivent pas être administrés sans faire d’abord l’objet d’essais rigoureux et, comme toute autre intervention médicale, ils ne sont pas sans risque. Mais devant le spectre de la COVID-19, les vaccins sont sûrs. Je reviendrai plus tard à la COVID-19, mais je le répète : ce qu’il faut retenir est que la sûreté absolue n’existe pas. La « sûreté » est un terme relatif.

Notre propre loi habilitante, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, ne définit pas ce qui est « sûr ». Alors comment peut-on déterminer ce qui est « sûr »?

Qu’est-ce que le risque?

Nous réalisons une évaluation du risque. Nous comparons les résultats, en fonction des meilleurs renseignements disponibles et du contexte dans lequel nous travaillons.

La formule traditionnelle du risque est la suivante : « incidence fois probabilité = risque ». Le risque est le produit de la probabilité qu’un événement survienne multipliée par les conséquences entraînées par cet événement.

Mais après avoir fait ce calcul, comment décide-t-on de ce qui constitue un risque raisonnable ou un risque déraisonnable?

C’est là que les valeurs et l’éthique entrent en jeu. Le calcul du goût du risque – soit le risque que nous sommes prêts à assumer – est en définitive le résultat de nos valeurs, de notre éthique et de notre situation personnelle.

Comment les valeurs et l’éthique orientent-elles nos actions?

La CCSN a pour mandat de prévenir tout « risque déraisonnable ». Implicitement, ce mandat signifie que les commissaires doivent analyser des points de vue et des renseignements conflictuels en fonction de leurs valeurs et de leur éthique.

Et ce point est très important : nous ne sommes pas des machines destinées à calculer et à établir de simples seuils. Chaque commissaire enrichit la discussion par son expérience et ses perspectives uniques.

Et nous avons été confrontés à ces enjeux au fil du temps. Dans le contexte du processus décisionnel en matière de réglementation, la science n’est qu’un aspect parmi tant d’autres à prendre en compte.

Il me vient en tête un exemple qui date de 2011.

Bruce Power, un titulaire de permis qui exploite l’une des plus grosses centrales nucléaires au monde, a demandé l’autorisation de transporter 16 générateurs de vapeur déclassés en Suède pour y être recyclés.

Si les générateurs de vapeur avaient tenu dans un colis de transport approuvé, la Commission n’aurait même pas eu besoin de rendre une décision, mais puisqu’ils ont la taille d’un autobus scolaire, des arrangements particuliers devaient être pris.

Chaque générateur de vapeur pesait 100 tonnes. Toutefois, les substances radioactives elles-mêmes représentaient moins de quatre grammes et une radioactivité plus faible qu’un stimulateur cardiaque à pile nucléaire historique.

Toutes les doses estimées – qu’il s’agisse de celles aux membres du public qui passaient à proximité des générateurs de vapeur en voiture ou à pied, au conducteur du véhicule ou à l’équipage du navire durant le transport du Canada jusqu’en Suède – étaient bien inférieures aux limites réglementaires, et même négligeables dans le cas du public.

Toutes les ouvertures des générateurs de vapeur ont été soudées, faisant du générateur sa propre enceinte de confinement et son propre blindage.

Le dossier technique était parfaitement rationnel. La Commission a déterminé que le transport pouvait être réalisé en toute sûreté.

Mais cette décision a été rendue à la suite d’une audience de la Commission qui a compris 77 intervenants dont les intérêts étaient variés – et dont bon nombre croyaient réellement que le transport représentait un danger, que le processus d’autorisation était inapproprié et que l’approbation de cette expédition pouvait mener à de nombreuses autres expéditions.

Le personnel de la CCSN a été convoqué devant des conseils municipaux et des comités parlementaires pour expliquer la décision de la Commission.

Les préoccupations se sont multipliées au sujet de la contamination de l’eau potable, des risques d’accidents maritimes ou d’accidents de la route ainsi que des approches concernant la réduction des déchets nucléaires.

En fin de compte, Bruce Power a décidé de ne pas aller de l’avant malgré l’autorisation de la Commission. Leur décision s’est fondée sur les préoccupations du public – et non la science.

Les préoccupations au sujet de la radioactivité sont compréhensibles. La radioactivité est peut-être l’un des dangers les plus préoccupants qui soit – j’avancerais que c’est justement parce que les gens la connaissent peu. Elle n’est pas concrète.

J’en arrive à cette conclusion parce que ces générateurs de vapeur étaient loin d’être les seules marchandises dangereuses transportées par voie maritime. En 2009, 481 000 tonnes d’essence ont été transportées par les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint‑Laurent. Et pas seulement de l’essence.

Près de 21 000 tonnes d’acide sulfurique. 3 200 tonnes d’engrais. 14 000 tonnes de biocarburants. Et 638 000 tonnes de carburants routiers et d’huiles de pétrole s’y sont ajoutées.

Et ces marchandises présentent toutes des possibilités beaucoup plus importantes de catastrophes. Assorties de très peu de cas d’urgence.

Alors, quel aspect de cette expédition particulière – 1 600 tonnes d’acier dont 64 grammes étaient irradiés (autrement dit, quatre millionièmes d’un pourcent) – a provoqué un tel niveau d’inquiétude?

Je pense que, pendant trop longtemps, nous avons ignoré l’anxiété et les perceptions qui sont liées au nucléaire. Nous les avons simplement balayées du revers en disant qu’elles n’étaient « pas scientifiques ».

Et lorsque j’ai commencé à rédiger cette allocution, c’est à cette situation que je revenais constamment pour réfléchir à la manière dont les valeurs et l’éthique nous motivent.

D’après moi, l’une des valeurs qui sous-tendent ces préoccupations était en définitive liée à la pensée antinucléaire. Mais au-delà de cette pensée, vous pouvez dégager d’autres valeurs appuyant les préoccupations : la protection de l’environnement; l’eau potable propre; la croyance que ceux qui génèrent les déchets devraient les gérer eux-mêmes; la sûreté; la sécurité.

Par cet exemple, je souhaite insister sur l’importance d’exprimer clairement la justification de nos décisions et de notre réflexion – en termes de valeurs et d’éthique – en tant que méthode clé pour favoriser la confiance du public et pour permettre aux gens de nous accompagner dans notre processus décisionnel. Pour ça, il faut transcender la science et entrer dans le domaine des valeurs et des facteurs qui influencent les décisions quotidiennes des gens. Il s’agit rarement d’un simple calcul mathématique du risque.

Nous devrions nous efforcer de démontrer de quelle façon nos décisions tiennent compte des valeurs des personnes affectées. Peut-être que la Commission aurait pu démontrer, dans sa décision sur les générateurs de vapeur, qu’elle partageait bon nombre des valeurs soutenant les préoccupations – par exemple l’importance de l’eau potable propre – et que les données probantes sur lesquelles la décision était fondée avaient été filtrées en fonction de ces valeurs.

De plus en plus, je réfléchis à la nécessité à la fois de mieux documenter nos recommandations en tant que spécialistes – et de mieux expliquer pourquoi nous formulons ces recommandations. Encore une fois – du point de vue des valeurs et de l’éthique.

La raison pour laquelle cette notion m’interpelle de plus en plus représente une menace grandissante au sein de la société : la désinformation et la mésinformation.

La menace de la désinformation et de la mésinformation

La mésinformation a bien entendu été mise de l’avant lors d’événements récents comme la pandémie de COVID‑19 et le conflit en cours entre la Russie et l’Ukraine.

Durant les premiers mois de la pandémie de COVID-19, 90 % de la population canadienne se renseignait en ligne sur la COVID-19. Parmi ces gens, un nombre marquant d’utilisateurs, soit 96 %, ont affirmé avoir vu des renseignements qu’ils estimaient être trompeurs, et 40 % des répondants ont admis avoir cru des renseignements qui ont par la suite été prouvés faux.

Au fil de la pandémie, la mésinformation est devenue une menace plus manifeste pour la santé de la population, sous la forme de mésinformation sur les vaccins. Le consensus scientifique est clair : la vaccination est la meilleure arme contre la COVID-19.

La mésinformation a gagné plus de terrain au sein de la population au fur et à mesure que les recommandations à l’égard des vaccins changeaient au fil du temps. Les vaccins ont d’abord été considérés comme un moyen de prévenir l’infection, mais il est devenu évident au fil du temps que, bien qu’ils ne préviennent pas l’infection, ils demeuraient la meilleure option pour prévenir les conséquences graves.

Au Canada, les événements entourant le vaccin AstraZeneca ont compliqué les choses encore davantage. Alors que des anecdotes circulaient sur le fait que le vaccin causait des caillots sanguins, l’orientation a changé, et on a recommandé de donner le vaccin AZ seulement aux personnes à moindre risque compte tenu des conséquences. En fin de compte, l’administration de ce vaccin a été en grande partie abandonnée au Canada.

Malheureusement, certaines personnes en ont conclu que les vaccins n’avaient pas été adéquatement éprouvés, et les gens sont devenus plus hésitants à se faire vacciner – sous l’influence de la désinformation et de la mésinformation.

Il manquait clairement quelque chose dans cette situation : la reconnaissance de l’incertitude. Les scientifiques travaillaient à toute allure pour mettre au point des traitements et des vaccins. Des données probantes du monde réel alimentaient la politique publique et les interventions de santé publique en temps réel. Et ça a porté fruit.

Je pense au Dr Michael Ryan, directeur exécutif chargé du Programme de gestion des situations d’urgence sanitaire de l’Organisation mondiale de la santé, qui déclarait ceci au tout début de la pandémie : « Si vous attendez d’être certains d’avoir raison avant d’agir, vous ne gagnerez jamais... La vitesse l’emporte sur la perfection. »

Voilà ce que je veux dire quand je parle de l’importance d’être clairs en ce qui concerne les valeurs qui sous-tendent nos recommandations et décisions. Dans le contexte de la COVID, il était prioritaire d’intervenir de toute urgence.

Il va de soi que, dans l’expression de nos valeurs, nous devons aussi être ouverts et honnêtes au sujet de l’incertitude.

Au cours des dernières années, la CCSN s’est particulièrement efforcée de déterminer comment bâtir et maintenir la confiance dans un contexte informationnel désorganisé. Ce que certains ont surnommé « l’infodémie ».

Nous sommes revenus à l’importance de faire preuve de clarté lorsque nous rendons un jugement de valeur.

Cela signifie exprimer clairement que nous comprenons que les notions de risques « raisonnables » et « déraisonnables » sont des jugements de valeur, fondés sur l’opinion de spécialistes, bien entendu, mais aussi sur nos expériences diverses et notre sensibilité à l’égard du contexte.

À la CCSN, nous réorientons notre attention sur la mobilisation à long terme des principales parties intéressées et nous élargissons nos activités de relations externes dans les collectivités visées par les décisions rendues par la Commission.

Et bâtir la confiance – en expliquant sur quoi nos décisions sont fondées – est au cœur de ce travail.

Le fait de communiquer le fondement de nos décisions – de même que la science sur laquelle ces décisions reposent – permet aux gens de comprendre la pensée sous-jacente. Cela les informe des considérations dont nous tenons compte.

Cela leur donne les outils nécessaires pour bien réfléchir lorsqu’ils peuvent être confrontés à de la désinformation et de la mésinformation.

Et ceux qui souhaiteraient propager de la désinformation et de la mésinformation auront davantage de difficulté à motiver les renseignements qu’ils fournissent.

Il s’agit d’un aspect clé de la manière dont nous pouvons mieux outiller la population et lutter contre la mésinformation et la désinformation.

Et aujourd’hui, je vous lance ce même défi. Expliquez votre façon de penser.

Exprimez vos incertitudes.

Je me réjouis de l’engagement de la CIPR à encourager le fait de consigner et de documenter la manière dont les jugements de valeur et d’éthique ont alimenté les recommandations. C’est précisément dans cette direction que nous devons aller.

Expliquez aux gens comment vous êtes parvenus à votre décision, votre recommandation ou votre action.

Accompagnez-les.

La désinformation et la mésinformation sont des obstacles auxquels nous sommes tous confrontés en tant que scientifiques, organismes de réglementation et praticiens. Nous ne pouvons pas ignorer ce problème. Si nous restons silencieux, d’autres prendront la place.

Optimisation et remise en question de nos hypothèses antérieures

 

Lorsque je réfléchis à la manière de lutter contre la désinformation et la mésinformation, en particulier en communiquant notre pensée, je crois qu’une partie du travail consiste à faire de l’introspection.

Notre capacité de prendre la bonne décision est intimement liée à la communication de notre pensée, de nos hypothèses et de nos valeurs. Cela nous permet de remettre en question nos réflexes – ce qui signifie généralement répéter les pratiques antérieures.

Lors de l’élaboration de cette allocution, j’ai donc commencé à réfléchir aux trois principes fondamentaux du système de radioprotection : la justification, l’optimisation et la limite de doses.

Je souhaite maintenant aborder l’optimisation – un domaine où j’estime que nous devons remettre en question nos hypothèses antérieures.

Comme vous le savez, d’après le processus d’optimisation de la protection, il est attendu que la probabilité que surviennent des expositions, le nombre de personnes exposées et l’ampleur des doses individuelles devraient être maintenus au niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre, compte tenu des facteurs socioéconomiques.

Le réexamen de nos hypothèses antérieures nécessite de poser des questions qu’on préférerait éviter. Par exemple : le principe ALARA est‑il encore la meilleure référence?

L’inclusion de cette question dans la publication de lancement de l’examen du système de radioprotection m’encourage.

La bonne chose à faire n’est probablement pas d’abandonner complètement ce principe, mais plutôt d’y incorporer des nuances. Il est important de tenir compte d’un vaste éventail de facteurs lorsque nous déterminons si une activité est optimisée, en particulier dans un contexte de soins de santé, mais aussi de façon générale.

Du point de vue des organismes de réglementation, je reconnais que nous n’avons pas toujours assidûment appliqué une méthode graduelle. Cela est attribuable en partie à ce que semble exiger le principe ALARA : une dose au niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre. Cette notion sous‑entend qu’une dose acceptable dépend de l’objectif et des effets. Mais c’est difficile à déterminer. La révision du système de radioprotection pourrait bénéficier d’une orientation plus claire quant à ce que nous voulons dire par « qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre ». Les organismes de réglementation doivent également approfondir leur réflexion sur la portée des facteurs lorsqu’ils examinent le caractère raisonnable d’une dose.

Je trouve encourageant le plan de travail du Groupe de travail 114, qui comprendra l’examen d’approches utilisées dans d’autres domaines liés à la toxicologie. À mon avis, d’autres domaines pertinents pourraient comprendre la réglementation des pesticides – un domaine où des facteurs semblables d’évaluation de la « dose appropriée » sont très importants – de même que la réglementation des produits pharmaceutiques.

Je pense également que le temps est venu de se demander si la rigueur considérable de nos approches à l’égard de la réglementation a exacerbé la peur du rayonnement?

Même si de l’incertitude demeure au sujet du risque par rapport aux effets stochastiques de la radioexposition, nous avons beaucoup appris au fil du temps, et nous continuons d’apprendre.

En tant que scientifiques, praticiens et décideurs, nous devons être sensibles à l’autorité de nos déclarations.

La révision du système de radioprotection représente le moment idéal pour déterminer si notre approche stricte a exacerbé la peur qui émane de documentaires récents comme Panique à la centrale : Three Mile Island.

Le cas de Three Mile Island est un excellent exemple de risque minimal combiné à une mauvaise communication qui entraîne des préoccupations et des craintes importantes du public relativement à la sûreté.

La peur du rayonnement et de l’ampleur considérable présumée de ses effets devrait nous pousser à revoir notre approche et notre façon de parler du rayonnement.

À l’avenir, il sera important pour la CIPR et les organismes de réglementation de ses États membres de se pencher sur le rôle du savoir traditionnel – ou du savoir autochtone – au sein du processus décisionnel. Les recommandations, par exemple celles d’organisations comme la CIPR, sont bien entendu fondées sur la science. Mais de concert avec les hypothèses qui sous-tendent la science, l’incorporation du savoir traditionnel est nécessaire pour aider les décideurs en matière de réglementation à bâtir la confiance et à veiller à ce que la sûreté tienne compte des besoins de différents bassins de population.

Pour la CCSN, l’établissement de relations et de la confiance auprès des peuples autochtones constitue une priorité, tandis que le Canada poursuit ses efforts de réconciliation.

La CCSN a publié un cadre stratégique sur le savoir autochtone, qui établit de quelle façon ce savoir devrait être pris en compte dans notre analyse des renseignements et dans les processus décisionnels.

De plus, nous procédons à la signature d’un cadre de référence pour la mobilisation à long terme des Nations et communautés autochtones avec lesquelles nous souhaitons tisser des liens.

Il est essentiel de mobiliser les personnes affectées par nos décisions – pour bâtir la confiance, pour veiller à refléter les meilleurs renseignements disponibles et pour nous permettre de mieux comprendre les préoccupations et les réticences.

Conclusion

Pour conclure, permettez-moi de revenir sur les messages clés que j’aimerais que vous reteniez.

D’abord, il est plus important que jamais que l’orientation soit claire en ce qui concerne l’éthique, les valeurs, les normes sociales et les hypothèses qui appuient nos recommandations et nos décisions. La clarté de la communication scientifique et du processus décisionnel contribuera à bâtir la confiance en nos décisions en tant que professionnels et en tant qu’organismes de réglementation.

Il ne doit y avoir aucun doute que, dans toutes nos décisions, les avantages l’emportent sur le risque.

Ensuite, la clarté de notre communication – y compris nos hypothèses trop souvent non formulées – est essentielle pour lutter contre la désinformation et la mésinformation. En tant que communauté professionnelle, nous ne pouvons pas ignorer cette discussion. La prise de mesures s’impose d’un bout à l’autre du processus, et cela commence par nous, en expliquant notre pensée et nos actions. De façon claire et complète.

Enfin, il est temps de faire de l’introspection au sujet du système de radioprotection, en particulier en ce qui concerne l’optimisation. Nous devons prendre le temps de nous demander si nous avons contribué à la peur que les gens ressentent au sujet du rayonnement.

Je termine par un appel à l’action. Pendant trop longtemps, les scientifiques et les décideurs ont eu recours à des expressions comme « d’après les meilleures données probantes disponibles », et n’ont pas su reconnaître systématiquement l’incertitude. Là où l’incertitude existe, nous nous en remettons souvent à nos valeurs et à notre éthique pour motiver notre décision.

En tant que professionnels, nous devons à nous-mêmes et aux personnes que nous servons d’expliquer plus clairement comment et pourquoi nous en arrivons à nos décisions et nos recommandations. Dans l’avenir, nous devrions faire de ces explications notre devoir professionnel commun.

Je vous remercie d’avoir pris le temps de m’écouter ce matin, et je vous invite à poser vos questions et à formuler vos commentaires.

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