Introduction

Titre officiel : Réaliser et soutenir l’équité en matière d’emploi : un cadre transformatif. Rapport du Groupe de travail sur l’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi : Introduction

Auteure : Professeure Adelle Blackett, MSRC, Ad E, Présidente du groupe de travail

Une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale…

Constitution de l’Organisation internationale du Travail, 1919

Tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales…

Déclaration de Philadelphie, Annexe de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail, rédigée à Montréal, 1944

Nous sommes tous inéluctablement pris dans un réseau de relations mutuelles, liés par un destin commun. Tout ce qui affecte directement quelqu’un nous affecte tous indirectement. Pour une raison étrange, je ne peux jamais être ce que je devrais être jusqu’à ce que vous soyez ce que vous devriez être.

Révérend Martin Luther King Jr., 1968

La compréhension amène la sagesse. La sagesse amène la justice. Et pour avoir la justice, nous ne devons jamais oublier comment ceux qui sont vulnérables voient le monde. Je n’oublierai jamais les gens qui m’ont appris à voir le monde à travers leurs yeux.

L’honorable Rosalie Silberman Abella, 2009

Le mandat du groupe de travail

[Traduction] Nous avons l’occasion de rendre la Loi sur l’équité en matière d’emploi transformatrice […] car elle aide le Canada dans son ensemble à se percevoir lui-même.

Fondation canadienne des relations raciales, présentation au GTELEME, 3 juin 2022

L’équité en matière d’emploi se veut une approche proactive au regard de la réalisation et du maintien de l’égalité réelle au travail. Nous devons tous et toutes être de la partie.

Il y a près de 40 ans, l’unique commissaire de la Commission royale sur l’égalité en matière d’emploi, alors juge, maintenant ancienne juge de la Cour suprême du Canada, l’honorable Rosalie Silberman Abella, a expliqué l’urgence de son approche proactive et typiquement canadienne.

La Loi sur l’équité en matière d’emploi est entrée en vigueur en 1986. Elle a été considérablement révisée en 1995. Le cadre fédéral de la Loi sur l’équité en matière d’emploi se compose de la Loi sur l’équité en matière d’emploi et des programmes qu’elle couvre :

Les modifications introduisant la production de rapports portant sur la transparence salariale sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021.

Le cadre fédéral de la Loi sur l’équité en matière d’emploi couvre quatre groupes « désignés », appelés « groupes visés par l’équité en matière d’emploi » dans le présent rapport :

En juillet 2021, on a demandé au Groupe de travail sur l’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi (GTELEME) de conseiller le ministre du Travail sur la façon de moderniser et de renforcer le cadre fédéral de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. L’examen porte sur la Loi sur l’équité en matière d’emploi et les programmes qui y sont rattachés, et met l’accent sur quatre secteurs qui structurent le présent rapport :

Le groupe de travail a fait l’objet d’un ordre d’interruption des travaux du 16 août 2021 au 14 janvier 2022.

Le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi n’a pas été examiné aux intervalles réguliers de cinq ans prévus dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Des aspects ont été examinés et révisés à quelques reprises au cours des 37 dernières années dans le cadre d’examens parlementaires ou sénatoriaux, d’un examen interne par un conseil mixte de gestion dans la fonction publique et d’examens portant sur les minorités visibles.

C’est la première fois depuis l’adoption de la Loi qu’un groupe de travail indépendant et sans liens de dépendance avec le gouvernement est mis sur pied en vue d’effectuer un examen exhaustif de l’ensemble du cadre d’équité en matière d’emploi.

L’importance de ce moment

Cette déclaration ne surprendra personne : nous n’avons pas encore réalisé l’équité en matière d’emploi.

Une telle déclaration devrait interpeller tout le monde. Cependant, il est presque devenu évident qu’en dépit de l’objectif déclaré de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, à savoir la réalisation de l’égalité en matière d’emploi, celle‑ci reste perçue comme un noble idéal.

Notre groupe de travail a entendu un message clair et net : l’équité en matière d’emploi n’est pas optionnelle pour le Canada. Pour qu’une société aussi diversifiée que la nôtre s’épanouisse, nous devons accorder la priorité à l’atteinte et au soutien de l’équité en matière d’emploi.

Des lois fédérales plus récentes sur l’équité – la Loi canadienne sur l’accessibilité et la Loi sur l’équité salariale – brisent l’inertie grâce à des engagements fermes et à des échéanciers qui visent à réaliser un Canada sans obstacle et à réaliser et maintenir l’équité salariale. Le présent rapport vise à faire de même, c’est‑à‑dire à recentrer notre attention sur ce qui est nécessaire pour faire de la réalisation et du soutien de l’équité en matière d’emploi une réalité.

Le moment est particulièrement important. Au moment de la soumission du présent rapport, le chômage atteignait des niveaux historiquement bas – 5 % en janvier 2023. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser de côté quiconque veut travailler : nous avons littéralement besoin de tout le monde.

Notre groupe de travail a été mis sur pied alors que le Canada prenait conscience de la découverte de milliers de tombes anonymes d’enfants autochtones victimes d’abus dans les pensionnats, héritage du colonialisme. L’engagement en faveur de la vérité et de la réconciliation, ainsi que l’adoption de la Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ont résolument engagé le Canada sur la voie nécessaire de l’autodétermination des Autochtones.

Notre groupe de travail a été formé pendant la pandémie de COVID-19, dans le cadre d’un appel à une réflexion approfondie sur la manière de nous reconstruire. La pandémie a forcé une profonde reconnaissance de la vulnérabilité humaine et des disparités raciales chez ceux qui prédominent dans les emplois à risque, souvent mal rémunérés, mais essentiels. À maintes reprises, nous avons entendu des groupes dire que la pandémie avait eu des répercussions inégales sur la population canadienne, et que les groupes visés par l’équité en matière d’emploi étaient particulièrement touchés. Par exemple, les sondages de l’Association des femmes autochtones du Canada révèlent que la COVID-19 a eu un « impact significatif » sur la vie professionnelle des femmes autochtones ainsi que des personnes bispirituelles, transgenres et de diverses identités de genre, en raison de la perte d’emplois, de la réduction des heures de travail et des responsabilités en matière de garde d’enfantsNote de bas de page 1. D’autres intervenants étaient d’accord :

[Traduction] Les personnes les plus durement touchées par la pandémie de COVID-19 ont été celles qui avaient déjà le plus de difficultés avant son arrivée. Dans le cas d’une pandémie mondiale comme la COVID-19, ce désavantage n’a fait que s’aggraver et a eu un effet disproportionné sur les Autochtones, les Noirs et les personnes racisées, ainsi que sur les immigrants racisés, les nouveaux arrivants, les migrants et les personnes ayant un statut d’immigration précaire, en particulier pour de nombreuses femmes faisant partie de ces groupes.

Congrès du travail du Canada, mémoire présenté au GTELEME, 28 avril 2022

Notre groupe de travail a été convoqué alors que le monde émergeait de la sombre année du bilan racial sur l’ampleur du racisme anti-Noirs dans nos sociétés. Le mouvement #MoiAussi a mis en évidence le refus de considérer la violence sexuelle – y compris le harcèlement sexuel en milieu de travail – comme une norme cachée. Le Secrétaire général des Nations Unies, reconnaissant une pandémie d’inégalités dans le monde, a appelé à un nouveau contrat social mondial comme seul moyen de « reconstruire un monde plus égalitaire et durable »Note de bas de page 2.

Mais au lieu de cela, il y a eu des réactions négatives. L’ampleur du découragement que nous avons entendu était une source de réelle préoccupation.

En ce moment crucial pour la société, ce rapport choisit de mettre l’accent sur une vision, que le Canada a acceptée lorsqu’il a signé la Constitution de l’Organisation internationale du Travail en 1919, après la guerre dévastatrice de 1914‑1918, et qu’il a renouvelée vers la fin d’une autre grande guerre, en 1944, par l’intermédiaire de l’annexe constitutionnelle de l’OIT, la Déclaration de Philadelphie : une paix durable ne peut être obtenue que par la justice sociale.

À une époque où il est trop facile de cultiver la haine, ce message peut difficilement être plus significatif et urgent.

Au Canada, nous avons l’occasion, voire la responsabilité, de diriger en cultivant la justice sociale grâce à une inclusion équitable.

Nous devons aller au-delà d’une vision excluante de l’équité en matière d’emploi. Il faut le dire haut et fort. La vision est celle de l’inclusion équitable. Nous devons cesser de penser en termes de « nous » et de « eux » et présumer que certaines personnes n’ont pas ou ne peuvent pas avoir leur place sur la base de l’un des motifs de discrimination protégés par les lois sur les droits de la personneNote de bas de page 3, ou que notre société peut simplement continuer à marginaliser les gens, à les stéréotyper dans certains emplois ou à les exclure complètement du marché du travail.

L’inclusion équitable signifie que chacun d’entre nous a sa place dans les milieux de travail canadiens. L’inclusion équitable consiste à définir une vision de notre pays qui est plus grande que chacun d’entre nous, mais qui nous concerne tous. L’équité en matière d’emploi consiste à rendre les milieux de travail meilleurs et plus inclusifs pour nous tous et toutes.

Le groupe de travail est reparti convaincu de l’importance de ce travail pour l’ensemble de notre pays – notre économie ouverte et notre société démocratique et inclusive. Ce rapport propose un cadre de transformation pour réaliser l’équité en matière d’emploi au Canada et la soutenir.

Ce que symbolise l’équité en matière d’emploi

Au Canada, le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi est une pierre angulaire symbolique de la façon dont nous avons abordé l’équité dans nos sociétés et, plus particulièrement, dans le monde du travail. Il est à un certain niveau symbolique parce qu’il ne couvre qu’un peu moins de 8 % (7,6 % en 2020) de l’ensemble de la population active canadienne.

Tableau I.1 : Couverture totale du cadre d’équité en matière d’emploi, 2020
Année Total pour le cadre d’équité en matière d’emploi Total pour la fonction publique fédérale Administration publique centrale Organismes fédéraux distincts Employeurs du secteur privé sous réglementation fédérale comptant plus de 100 employés Programme de contrats fédéraux (PCF) Population active totale du Canada en date d’octobre 2020 (15 ans et plus)
2020 1 538 406 Environ 7,6 % de l’effectif total 300 450* Un peu moins de 1,5 % de l’effectif total 231 176 69 274 735 790 **
3,6 % de l’effectif total
502 166***
Un peu moins de 2,5 % de l’effectif total
20 327 900****

Toutefois, notre groupe de travail s’est fait dire à maintes reprises que les initiatives en matière de droits du travail et de droits de la personne prévues dans les lois et les politiques fédérales peuvent avoir une influence démesurée, bien au‑delà de la couverture réelle du cadre fédéral de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, et partout au Canada.

L’équité en matière d’emploi est particulièrement symbolique parce qu’elle touche l’ensemble de l’effectif qui est censé représenter les Canadiens – sa fonction publique fédérale et bon nombre des secteurs principaux qui nous unissent.

La vision conjointe syndicale-patronale pour la fonction publique du Canada :

Une fonction publique de classe mondiale et représentative de la population canadienne, définie par son effectif diversifié et son milieu de travail accueillant, inclusif et encourageant, qui tient compte du contexte en évolution des droits de la personne au Canada et qui se consacre à l’innovation et à l’obtention de résultats.

Créer une fonction publique diversifiée et inclusive : Rapport final du Groupe de travail conjoint syndical-patronal sur la diversité et l’inclusion, 2017.

L’équité en matière d’emploi, à son meilleur, est l’inclusion équitable : l’appartenance qui vient avec le fait de nous voir – nous tous et toutes – représentés de manière significative dans la fonction publique fédérale et dans l’ensemble des secteurs de compétence fédérale. Il s’agit de sentir, lorsqu’on entre dans une banque ou un bureau de passeports, lorsqu’on prend l’avion ou lorsqu’on suit les nouvelles, que tous sont les bienvenus, que les stéréotypes sont remis en question, que tout le monde a les mêmes chances de s’épanouir au travail.

Pourquoi l’équité en matière d’emploi est-elle proactive?

Durant l’une des consultations tenues dans le cadre du présent rapport, la présidente de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et ancienne commissaire canadienne aux droits de la personne, Edith Bramwell, a rappelé que le processus fondé sur les plaintes pour des questions liées à l’équité en matière d’emploi dans des domaines comme le droit du travail et les droits de la personne représente l’hôpital après l’accident.

Nous sommes tout à fait d’accord. L’équité en matière d’emploi n’a pas été conçue pour être l’hôpital après l’accident. Pour le travailleur inuit dans une communauté nordique éloignée, pour le travailleur racisé handicapé dans une grande région métropolitaine, pour le travailleur trans philippin qui est arrivé au Canada il y a deux ans, la discrimination peut provenir de multiples directionsNote de bas de page 4. Ces personnes veulent entrer sur le marché du travail et contribuer de façon significative. Nous devrions tous vouloir faire plus que simplement tenter de les aider à survivre à des accidents prévisibles.

Une approche proactive en matière de droit à l’égalité structure les intersections, en veillant à ce que les règles qui s’appliquent à tous soient mises en œuvre pour prévenir les accidents et permettre à tous les travailleurs du Canada de compter sur une inclusion équitable.

Nous savons qu’une refonte est requise pour réduire les risques; nous savons que certaines règles sont nécessaires et doivent être mises en œuvre et surveillées pour prévenir les blessures – à l’aide de carrefours giratoires, de pistes cyclables protégées, de trottoirs larges et accessibles, de limites de vitesse renforcées et de feux de circulation sonores – pour rendre une gamme de modes de circulation sûrs pour chacun d’entre nous. Bon nombre de ces refontes ont été rendues possibles parce que les personnes les plus concernées ont été consultées en bonne et due forme sur ce dont elles avaient besoin pour circuler en toute sécurité.

Ce rapport se concentre donc dans une large mesure sur l’élimination des obstacles à l’accès. L’élimination des obstacles – comme le trottoir élargi qui est idéal pour les personnes en fauteuil roulant, et celles qui utilisent une canne de mobilité, et celles qui se promènent avec une poussette pour bébé, et celles qui marchent tranquillement à l’heure du dîner avec des collègues – permet de faire de la place pour chacun d’entre nous. L’équité en matière d’emploi, dans ce qu’elle a de meilleur, permet aux personnes d’entrer sur le marché du travail, à tous les niveaux, et pas seulement dans les emplois pour lesquels elles sont stéréotypées. Cela nous rend plus forts.

Les lois sur l’équité en matière d’emploi sont conçues pour fonctionner de la sorte – il s’agit d’une approche proactive qui se concentre sur l’élimination des obstacles à l’égalité réelle qui peuvent être raisonnablement prévus ou qui ont été cernés, afin de faire de la participation équitable à la population active une réalité pour tous.

Enfin, l’équité en matière d’emploi est un reflet symbolique significatif du Canada à l’échelle mondiale. Le Canada compte l’une des populations les plus diversifiées sur le plan racial et ethnique au monde. Le Canada s’est fait le champion des politiques internationales féministes et a fait preuve de leadership en matière d’accessibilité. Le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi et la notion d’égalité réelle qui en découle ont exercé une influence considérable sur les lois et les politiques du monde entier. L’équité en matière d’emploi n’aspire à rien de moins qu’à favoriser la paix en cultivant résolument la justice sociale. Cette vision devrait être transformatrice.

L’équité en matière d’emploi se veut transformatrice

Le travail est l’un des aspects les plus fondamentaux de la vie d’une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L’emploi est une composante essentielle du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien‑être sur le plan émotionnel. C’est pourquoi, les conditions dans lesquelles une personne travaille sont très importantes pour ce qui est de façonner l’ensemble des aspects psychologiques, émotionnels et physiques de sa dignité et du respect qu’elle a d’elle‑même.

Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.) [1987] 1 RCS 313, 1987 CSC 88, au par. 91 (l’opinion dissidente du juge en chef Brian Dickson, confirmée par la suite par la Cour suprême du Canada)

Le droit de travailler dans la dignité est fondamental. La plupart des gens passent la plupart de leurs heures d’éveil au travail. Les liens en milieu de travail ont le potentiel de renforcer une démocratie diversifiée.

En adoptant une loi fédérale sur l’équité en matière d’emploi, le Canada a entrepris de transformer ses milieux de travail.

En tant que pays, nous avons peut-être oublié notre histoire de discrimination et de ségrégation légales ou de fait dans notre société qui, pour certains groupes visés par l’équité en matière d’emploi, s’est poursuivie jusque dans les années 1960.

Pourtant, le Canada comprend depuis longtemps l’exclusion historique et la nécessité de transformer le milieu de travail. Considérons que le premier programme d’équité en matière d’emploi au Canada est né des recommandations de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme mise sur pied par le gouvernement fédéral en 1963Note de bas de page 5. Son objectif était de remédier à l’exclusion et de transformer la fonction publique fédérale en faisant en sorte que les francophones aient un accès équitable à tous les postes de la fonction publique fédéraleNote de bas de page 6. Célébrer les identités de groupe et s’assurer qu’elles sont équitablement représentées est une source de force et une base solide sur laquelle construire la justice sociale en milieu de travail, ainsi que des sociétés cohésives, ouvertes et démocratiques.

Bien avant les travaux de la Commission royale de 1963 et jusque dans les années 1970 et 1980, les groupes en quête d’équité et méritant l’équitéNote de bas de page 7 se sont rendu compte que les lois antidiscriminatoires ne constituaient pas une réponse suffisante aux profonds courants d’inégalité et d’exclusion en milieu de travail qui découlaient notamment du colonialisme auquel font face les nations autochtones sur leurs propres terres, de l’esclavage et la ségrégation subis par les Noirs, et les antécédents d’exclusion, de discrimination et de sous-représentation vécus notamment par les femmes, les personnes handicapées, les communautés 2ELGBTQI+ et les personnes racisées au CanadaNote de bas de page 8. Des politiques et des lois en matière d’emploi ont été élaborées en tenant compte du point de vue de ces groupes.

En 1984, la Commission royale sur l’égalité en matière d’emploi a été chargée « d’enquêter sur les moyens les plus efficaces et équitables de promouvoir les chances d’emploi, d’éliminer la discrimination systémique et d’assurer à tous les mêmes possibilités de prétendre à un emploiNote de bas de page 9 ». La commissaire Abella a mené de vastes consultations et a signalé que de nombreuses personnes appartenant à des groupes ayant subi des formes historiques de marginalisation étaient laissées de côté, en dépit de leurs capacités et de leurs vastes contributions potentielles. L’inclusion réelle de tous en milieu de travail était trop importante pour être laissée à des initiatives volontaires inefficaces. Les lois sur les droits de la personne étaient axées sur la lutte contre la discrimination et reposaient sur des approches réactives, fondées sur les plaintes. Mais les approches antidiscriminatoires – les hôpitaux après l’accident – n’étaient pas de taille, compte tenu du degré de complexité de la discrimination systémique.

Bien qu’il existe des précédents importants aux États-Unis en ce qui concerne la lutte proactive contre la discrimination systémique, il y a également de bonnes raisons de prendre ses distances avec le concept américain « d’action positive », qui s’est enlisé dans une polémique entourant la notion de « discrimination à rebours » et a mené à une approche rigide en matière de quotas. Soyons clairs : le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi n’impose pas de quotas, et la notion de « discrimination à rebours » ne fait pas partie du droit canadien en la matière ni du cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

Remettre en cause les mythes de l’action positive : des idées influentes qui ne sont pas les nôtres

L’influence des idées américaines entourant l’action positive sur la compréhension qu’a le public canadien de l’équité en matière d’emploi mérite que l’on s’y attarde. Nous le répétons : le droit américain n’est pas le droit canadien. La Cour suprême du Canada a été extrêmement claire depuis l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés. Le droit canadien en matière d’égalité en général, et les mesures d’équité en matière d’emploi en particulier, ont évolué très différemment de ceux des États-Unis, et ce, en toute connaissance de cause. Bien que les développements aux États-Unis fassent souvent l’objet d’une attention médiatique considérable et que le présent rapport examine les développements les plus pertinents, il est essentiel de ne pas s’approprier les développements du droit ou des tribunaux américains. Nous avons travaillé dur pour bâtir une vision de l’égalité réelle à travers la Constitution canadienne qui nous permet de prendre en compte notre propre histoire et de créer des espaces inclusifs.

L’idée américaine de « discrimination à rebours » a particulièrement retenu l’attention. Elle est si souvent évoquée dans le discours courant que de nombreuses personnes ne reconnaissent pas qu’elle ne fait pas partie du droit canadien en matière d’égalité réelle. D’ailleurs, elle ne fait pas partie du droit international en matière de droits de la personne. Même certains universitaires américains ont montré que la croyance selon laquelle la discrimination à rebours est un problème urgent ne se vérifie pas dans la pratique aux États-Unis : à mesure que les femmes et les minorités raciales sont intégrées sur les milieux de travail aux États-Unis, « l’accès des hommes blancs aux meilleurs emplois augmenteNote de bas de page 10 ».

L’équité en matière d’emploi : une contribution typiquement canadienne

Au lieu de cela, l’honorable Rosalie Silberman Abella a introduit le concept « d’équité en matière d’emploi » pour remédier aux obstacles discriminatoires qui empêchent les membres des groupes « concernés » – c’est-à-dire les Autochtones, les femmes, les minorités visibles et les personnes handicapées – de faire valoir tout leur potentiel. Il fallait adopter une approche pouvant donner lieu à des changements proactifs et substantiels. Elle a reconnu que « les lois concrétisent les engagements » :

[La recherche de l’équité en matière d’emploi] doit servir à déterminer et à éliminer, un par un, les obstacles discriminatoires. Ce que l’égalité en matière d’emploi préconise c’est l’accès à une gamme de possibilités pour permettre à chacun et chacune de réaliser pleinement son potentiel.

Juge Rosalie Silberman Abella, commissaire, Égalité en matière d’emploi : rapport d’une commission royale, octobre 1984, à la page 3

Le rapport Abella a fait œuvre d’innovation. Ce travail essentiel a fait de la législation sur l’équité en matière d’emploi une contribution canadienne à la compréhension de la discrimination systémique et à l’exigence de mettre en place des mécanismes proactifs pour éliminer les obstacles à la réalisation de l’égalité en matière d’emploi.

Le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi vise à aider les employeurs à atteindre une représentation équitable des employés faisant partie des groupes visés par l’équité en matière d’emploi et à soutenir l’équité en matière d’emploi.

En 1981, une organisation représentant les travailleuses, Action travail des femmes, a déposé une plainte pour violation des droits de la personne contre un employeur fédéral, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne. Six ans plus tard, dans une décision charnière, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y avait discrimination systémique au CN et a établi un plan d’équité en matière d’emploi afin de combattre cette discrimination et de transformer le milieu de travail; elle a appliqué la notion de l’égalité réelle des chances qui ressort du rapport de la Commission royale sur l’égalité en matière d’emploi de 1984Note de bas de page 11.

L’arrêt a établi qu’il existait une discrimination profondément enracinée à l’égard des femmes au CN. Mais l’équité en matière d’emploi, tenant compte de l’accent mis sur la discrimination systémique et la réalisation de l’égalité réelle, nous amène à dépasser l’accent mis sur l’intention, et à dépasser la présomption selon laquelle chacun a les mêmes possibilités d’emploi. L’équité en matière d’emploi vise à réaliser et à maintenir une inclusion juste et équitable en milieu de travail.

Le juge en chef Dickson, exprimant l’opinion unanime de la Cour suprême du Canada, s’est donc attaché à modifier le contexte du milieu de travail pour l’avenir :

[I]l est essentiel de s’attaquer aux anciens régimes discriminatoires et de les détruire afin d’empêcher à l’avenir la résurgence de cette même discrimination.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) [1987] 1 RCS 1114, à la page 1145.

La Cour suprême du Canada a mis en place un plan d’équité en matière d’emploi pour que la proportion de femmes cols bleus reflète la proportion de femmes occupant des emplois similaires dans l’ensemble du pays « le plus tôt possibleNote de bas de page 12 ».

Le plan de mise en œuvre confirmé par la Cour comportait deux éléments clés :

Fait crucial, la Cour suprême du Canada a également souligné qu’il n’y avait rien d’arbitraire à fixer les objectifs et les échéanciers comme l’avait fait le Tribunal des droits de la personne, car ils correspondaient à la moyenne nationale des femmes occupant des emplois non traditionnels.

Le plan prévoyait également une surveillance réglementaire : la Cour a confirmé l’obligation de présenter des rapports trimestriels à la Commission canadienne des droits de la personne.

La Cour suprême du Canada a défini les fondements de l’approche fondée sur l’égalité réelle : l’équité en matière d’emploi contribuerait à remettre en cause les stéréotypes, par le simple fait que des personnes considérées comme étant incapables d’effectuer le travail occupent les emplois.

Pour que les attitudes stéréotypées changent, il ne suffirait pas d’embaucher occasionnellement une ou deux femmes. Trop souvent, ces femmes sont traitées comme des exceptions ou sont stéréotypées comme des figurantes purement symboliques. D’une manière ou d’une autre, n’y a‑t‑il pas une meilleure façon de dire qu’un groupe n’a pas sa place dans ce milieu de travail?

Il était plutôt nécessaire de créer une « masse critique » du groupe visé par l’équité en matière d’emploi dans ce milieu de travail sous-représentatif. Pour ce faire, il fallait agir, à la fois pour mettre fin aux pratiques qui créent des obstacles et pour introduire des objectifs chiffrés.

Au fil des décennies, nous avons largement oublié l’importance de l’élimination des obstacles pour une mise en œuvre réussie de l’équité en matière d’emploi. C’est dommage, car l’élimination des obstacles correspond au trottoir élargi susmentionné – elle fait de la place pour les groupes d’équité en matière d’emploi, et pour nous tous et toutes. Ce rapport vise à réaffirmer le rôle central de la suppression des obstacles dans la mise en œuvre de l’équité en matière d’emploi.

Pour créer une masse critique et lutter contre les stéréotypes, il est nécessaire que les programmes d’équité en matière d’emploi aillent bien au-delà de l’embauche et abordent les conditions d’emploi tout au long du cycle de vie du milieu de travail. La Cour suprême du Canada s’est montrée très pragmatique quant à la forme que devrait prendre l’équité en matière d’emploi. Le juge en chef Dickson a demandé qui évaluerait les groupes visés par l’équité en matière d’emploi ayant peu d’ancienneté, qui risquerait davantage d’être mis à pied, et qui risquerait de servir de bouc émissaire, comme s’il volait l’emploi d’une autre personne?

Nous pensons que ces questions sont fondamentales. Dans de nombreux cas, le « qui » a été perdu de vue. Pourtant, nous le savons depuis le début : l’équité en matière d’emploi ne se réalisera tout simplement pas sans une consultation sérieuse des personnes les plus concernées.

Et de nos jours, les groupes visés par l’équité en matière d’emploi sont très clairs à ce sujet : rien à propos de nous, sans nous. Tant de personnes nous ont dit qu’elles souhaitaient avoir la possibilité d’être authentiquement elles-mêmes au travail. Comment le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi peut-il amener les acteurs du monde du travail à se parler, de manière constructive et en toute bienveillance, sur la meilleure façon de nous permettre à tous d’exceller au travail et tout au long de notre vie professionnelle?

L’équité signifie l’égalité réelle

L’égalité réelle offre un remède contre l’exclusion et une recette pour l’inclusion.

Juge Rosalie Abella, Fraser c. Canada (Procureur général) 2020 CSC 28 au par. 41.

Dans le contexte de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, l’équité signifie la réalisation et le soutien de l’égalité réelle. Pour cela, une transformation est nécessaire.

L’égalité réelle est un principe constitutionnel au Canada, énoncé à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les dispositions de l’article 15 doivent être lues comme un tout :

La Cour suprême du Canada a reconnu dans sa décision marquante Andrews c. Law Society of British ColumbiaNote de bas de page 13 que favoriser l’égalité au sens de l’article 15, ou du reste de la Charte, n’a pas pour but d’éliminer toutes les distinctions. Autrement, il n’y aurait pas de place dans la Charte pour le maintien du patrimoine multiculturel, la liberté de conscience et de religion et le maintien des droits des Autochtones, entre autres. Il reconnaît également que le fait de traiter tout le monde de la même façon peut « souvent engendrer de graves inégalités », comme mentionné au paragraphe 15(2). Il a cité ce passage de l’affaire Action travail des femmes, qui citait le rapport Abella :

La discrimination […] s’entend des pratiques ou des attitudes qui, de par leur conception ou par leur voie de conséquence, gênent l’accès des particuliers ou des groupes à des possibilités d’emplois, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort […]

La question n’est pas de savoir si la discrimination est intentionnelle ou si elle est simplement involontaire, c’est-à-dire découlant du système lui-même. Si des pratiques occasionnent des répercussions néfastes pour certains groupes, c’est une indication qu’elles sont peut-être discriminatoires. Si des pratiques occasionnent des répercussions néfastes pour certains groupes, c’est une indication qu’elles sont peut‑être discriminatoires.

McIntyre J., Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 RCS 143, citant Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) [1987] 1 RCS 1114 aux pages 1138 à 1139, citant la juge Rosalie Silberman Abella, commissaire, Égalité en matière d’emploi : rapport d’une commission royale, octobre 1984, à la page 2.

L’égalité réelle continue d’ancrer le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Le cadre canadien a également eu une influence sur l’évolution du droit relatif aux mesures proactives visant à lutter contre l’inégalité au niveau international.

L’équité en matière d’emploi a constitué une avancée significative lorsqu’elle a été proposée pour la première fois, avant même l’entrée en vigueur de l’article 15 de la Charte. Cependant, nous devons cesser de faire de l’équité en emploi une exception. L’équité en matière d’emploi est l’égalité réelle en action dans le monde du travail. Elle concrétise les engagements internationaux du Canada en matière d’avancement véritable de l’égalitéNote de bas de page 14 et tient compte de la jurisprudence canadienne en matière de droits constitutionnels et de droits de la personneNote de bas de page 15.

En 2008, la Cour suprême du Canada a saisi l’occasion d’interpréter l’article 15 de la Charte et de se pencher sur ce que signifie réellement le fait que les « lois, programmes ou activités » constituent une « amélioration » au sens du paragraphe 15(2).

Dans l’affaire R. c. Kapp, des pêcheurs non autochtones ont fait valoir qu’ils avaient fait l’objet de discrimination lorsque le gouvernement fédéral a créé la Stratégie relative aux pêches autochtones afin d’accroître la participation des Autochtones à la pêche commerciale. Pour la Cour suprême du Canada, il est important de s’assurer que la loi, le programme ou l’activité comporte effectivement des améliorations plausibles et prévisibles. Ainsi, lorsqu’un programme établit une distinction fondée sur un motif protégé et a pour objet d’améliorer les conditions d’un groupe défavorisé, on considère qu’il fait progresser la garantie d’égalité réelle au sens de l’article 15. Dans ces circonstances, une « allégation de discrimination doit être rejetéeNote de bas de page 16 ». En ce sens, toutes les distinctions créées par la loi ne sont pas discriminatoires. Il ne suffit pas de montrer que la loi traite quelqu’un différemment; il faut prouver que l’impact de la loi est discriminatoireNote de bas de page 17.

De la même manière, les lois sur l’équité salariale sont mises en place pour lutter contre la discrimination systémique; elles constituent le type de programmes destinés à améliorer la situation des personnes défavorisées prévus au paragraphe 15(2) de la Charte. Mais en 2018, la majorité de la Cour suprême du Canada a conclu que l’une de ces lois engendrait de la discrimination systémique. Afin de parvenir à cette conclusion, elle a évalué si elle répondait au critère de la discrimination systémique au sens du paragraphe 15(1). À la suite de cet examen, elle a conclu que les dispositions législatives contestées avaient effectivement un effet discriminatoireNote de bas de page 18. Il était nécessaire d’améliorer la loi proactive afin de respecter les principes de l’égalité réelle.

Vers un cadre de transformation

Au-delà de l’accommodement individuel

Les employeurs « doivent intégrer des notions d’égalité dans les normes du milieu de travail. En adoptant des lois sur les droits de la personne et en prévoyant leur application au milieu de travail, les législatures ont décidé que les normes régissant l’exécution du travail devraient tenir compte de tous les membres de la société, dans la mesure où il est raisonnablement possible de le faire. »

La juge McLachlin (maintenant Juge en chef), dans l’arrêt Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU [1999] 3 RCS 3 au par. 68 (Meiorin)

L’égalité réelle dans le contexte de l’équité en matière d’emploi est une invitation à repenser la place des accommodements individuels dans le contexte d’une législation proactive conçue pour une inclusion équitable. La Cour suprême du Canada a également expliqué l’importance d’aller au-delà des accommodements individuels dans la législation générale sur les droits de la personne, dans l’affaire Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEUNote de bas de page 19, largement connue sous le nom de Meiorin. L’affaire concernait une pompière expérimentée qui avait fait son travail de façon satisfaisante dans le passé jusqu’à l’introduction d’une nouvelle norme aérobique. La norme avait été conçue sur la base des résultats obtenus par les hommes. Mme Meiorin a échoué au test destiné à vérifier si elle respectait la norme aérobique du gouvernement et a perdu son emploi. La Cour suprême a conclu à l’unanimité qu’elle avait fait l’objet de discrimination, mais l’élément clé pour les besoins du présent rapport est la manière dont la Cour a abordé la notion d’accommodements raisonnables.

Plutôt que de chercher à savoir si Mme Meiorin aurait pu faire l’objet de mesures d’adaptation individuelles, tout en laissant en place la nouvelle norme d’emploi, la Cour suprême du Canada a exigé de l’employeur qu’il examine minutieusement sa norme avant de l’appliquer. Autrement dit, la Cour a refusé de considérer la norme comme étant « neutre » et de demander à la travailleuse de s’y adapter. La Cour a cherché à s’assurer que la norme était raisonnablement nécessaire en premier lieu. Elle a déclaré que les employeurs « doivent intégrer des notions d’égalité dans les normes du milieu de travail ».

L’approche adoptée dans Meiorin est transformatriceNote de bas de page 20. Meiorin constitue également un repère jurisprudentiel pour la compréhension de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et de la limite correspondante de la contrainte excessive dans le contexte du travail –, il s’agit d’une question délicateNote de bas de page 21. Dans le contexte d’une législation proactive centrée sur l’élimination des obstacles, Meiorin offre la clarté conceptuelle nécessaire pour orienter notre compréhension de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, de l’élimination des obstacles et de la contrainte excessive dans le but d’atteindre et de maintenir l’équité en matière d’emploi. Son adéquation avec l’équité en matière d’emploi – et avec l’importance de prendre des mesures positives pour lutter contre les inégalités – est reconnue depuis longtempsNote de bas de page 22.

Discrimination par suite d’un effet préjudiciable

La reconnaissance du fait qu’un traitement identique ou neutre à première vue peut fréquemment engendrer de graves inégalités touche au cœur de l’égalité réelle.

Juge Rosalie Abella, s’exprimant au nom de la majorité, dans l’arrêt Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28 au paragraphe 47, citant Andrews c. Law Society of British Columbia [1989] 1 RCS 143, à la page 164.

L’une des décisions les plus récentes de la Cour suprême du Canada sur la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, Fraser c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 23, est le point culminant d’un long processus d’intégration de l’égalité réelle dans le droit du travail. Il s’agit d’une affaire de discrimination par suite d’un effet préjudiciable subie par des membres à temps plein de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui ont dû sacrifier leurs prestations de retraite parce qu’ils partageaient temporairement un poste. La plupart des personnes inscrites au programme de partage de poste étaient des femmes, et presque toutes ont cité les responsabilités liées à la garde d’enfants comme motif de leur participation au programme. Elles ont cherché à racheter du service ouvrant droit à pension, ce qui leur a été refusé, même si cela était légalement possible et même si les travailleurs à temps plein qui ont pris un congé non payé ont pu racheter des périodes de service à temps plein ouvrant droit à pension. Les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont décidé que l’impact disproportionné sur les femmes perpétuait le désavantage historique des femmes. Cela violait leur droit à l’égalité réelle garanti par le paragraphe 15(1) de la Charte.

L’approche à l’égard de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable n’est pas fondée sur la faute; il s’agit plutôt d’un modèle fondé sur les effets qui « examine avec un regard critique les systèmes, les structures et leurs répercussions sur les groupes défavorisés ». Le fait que l’on ait toujours procédé d’une certaine manière n’est pas une raison suffisante pour continuer à opérer de la sorte. L’objectif de l’égalité réelle est la transformation.

Certains des arrêts les plus anciens en matière de droits de la personne affirment l’importance de reconnaître les effets négatifs de la loi, y compris dans le monde du travailNote de bas de page 24. La Cour suprême du Canada, y compris dans l’arrêt Fraser, s’est référée à plusieurs reprises aux leçons tirées de l’affaire Griggs c. Duke Power Co.,401 U.S. 424 (1971) :

L’affaire Griggs c. Duke Power Co., 401 U.S. 424 (1971) a été à l’origine du rapport de la Commission sur l’égalité en matière d’emploi de 1984. Dans cette affaire, l’employeur exigeait des employés qu’ils soient titulaires d’un diplôme d’études secondaires et qu’ils passent des tests standardisés pour assumer certaines fonctions dans quatre des cinq départements de l’usine. L’affaire ne nie pas le passé ségrégatif de l’entreprise : les Afro-Américains ne travaillaient que dans le cinquième département (le département du Travail), où le poste le mieux rémunéré était moins bien payé que le poste le moins bien rémunéré dans les quatre autres départements de l’usine. Les promotions au sein des départements se faisaient en fonction de l’ancienneté. La Cour suprême des États-Unis a même reconnu que l’exigence d’un diplôme d’études secondaires et les tests d’aptitude standardisés ont été introduits en 1965, une fois que la politique explicitement ségrégationniste consistant à restreindre les Afro-Américains au département du Travail a pris fin. Les employés blancs embauchés avant le changement de politique et n’ayant pas de diplôme d’études secondaires ont conservé leur emploi. Toutefois, plutôt que d’exiger la preuve d’une intention discriminatoire, la Cour suprême des États-Unis a conclu que le titre VII de la loi américaine sur les droits civils de 1964 avait pour objet de réaliser l’égalité des chances en matière d’emploi et de supprimer les obstacles qui, dans le passé, ont favorisé un groupe identifiable d’employés blancs par rapport à d’autres employés. Selon cette loi, les pratiques, procédures ou tests neutres en apparence, et même neutres en termes d’intention, ne peuvent être maintenus s’ils ont pour effet de « figer » le statu quo des pratiques discriminatoires antérieures en matière d’emploi.

En arrivant à ce point, la Cour suprême des États-Unis a reconnu que les écoles ségréguées avaient historiquement dispensé un enseignement inférieur et que cela avait eu un impact sur les résultats obtenus dans le cadre des tests. Il était nécessaire de proscrire non seulement la discrimination manifeste, mais aussi [Traduction] « les pratiques qui sont justes dans leur forme, mais discriminatoires dans leur fonctionnement ». La clé était le besoin opérationnel : autrement dit [Traduction] « s’il ne peut être démontré qu’une pratique d’emploi visant à exclure [les Afro-Américains] est liée au rendement professionnel, cette pratique est interdite. » Non seulement le diplôme de fin d’études secondaires et les tests standardisés n’étaient pas nécessaires, il a également été établi que les personnes sans diplôme d’études secondaires qui n’avaient pas passé les tests continuaient à s’acquitter de leurs tâches de manière satisfaisante. La Cour suprême des États-Unis a estimé que la question n’était pas de savoir s’il y avait une intention discriminatoire; le gouvernement, en promulguant le titre VII [Traduction] « avait imposé à l’employeur le fardeau de démontrer que toute exigence donnée doit avoir une relation manifeste avec l’emploi en question. » La clé était [Traduction] « d’évaluer la personne pour l’emploi, et non pas d’évaluer la personne dans l’abstrait ».

Fraser est un arrêt de principe qui demande que les systèmes et les structures soient examinés d’un œil critique en raison de leur impact éventuel sur les groupes défavorisés. La jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur l’égalité réelle contient beaucoup de nuances, d’indétermination et parfois des variations importantesNote de bas de page 25. Aux fins du présent rapport, nous reconnaissons la solidité du fondement selon lequel l’égalité réelle offre une approche transformatrice de l’équité en matière d’emploiNote de bas de page 26.

Le fait de bien comprendre ce qu’est l’égalité réelle est bénéfique pour nous tous et toutes. Cependant, comme on l’explique ci-dessous, l’équité en matière d’emploi dans un monde du travail en constante évolution doit englober davantage d’aspects si nous voulons mener à bien ses objectifs de transformation.

Avant d’aborder le besoin de transformation, notre groupe de travail tient à signaler que nous allons de l’avant en nous appuyant sur de nombreux points communs dans l’engagement canadien en faveur de l’équité en matière d’emploi.

Un terrain d’entente : L’engagement en faveur de l’équité en matière d’emploi

Le présent rapport contient de nombreuses critiques.

Cependant, personne ne doit perdre de vue le message essentiel : il existe au Canada un engagement généralisé en faveur de l’équité en matière d’emploi et de sa mise en œuvre.

Tout au long des consultations, avec les employeurs, les travailleurs, les communautés concernées et les représentants gouvernementaux consultés, nous avons entendu de nombreux points de vue différents, mais tous témoignaient d’un engagement en faveur de l’équité en matière d’emploi.

Des intervenants qui se sont présentés devant nous ne considéraient pas seulement l’équité en matière d’emploi comme une contrainte, mais plutôt comme un avantage concurrentiel, pour les employeurs individuels, pour la croissance économique et pour la société canadienne dans son ensemble.

Les commentaires de la principale organisation d’employeurs, les Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF), l’ont bien résumé. Nous avons entendu que les membres de l’ETCOF croyaient en l’équité en matière d’emploi et que nos entreprises devaient être à l’image de notre pays. Encore une fois, cela ne veut pas dire que tout va bien. Mais l’ETCOF a ajouté que l’équité en matière d’emploi avait lancé un débat important, bien que parfois difficile, sur l’équité au Canada. Ce débat a suscité une prise de conscienceNote de bas de page 27.

Cela ne devrait pas être surprenant. Nous constatons une large acceptation de l’importance des approches favorisant la représentativité, que ce soit sur le plan de la représentation politique ou au sein des conseils d’administration. Le projet de loi C‑25, par exemple, prévoit que les entreprises divulguent des renseignements sur la diversité au sein des conseils d’administration et de la haute direction pour les mêmes groupes que ceux visés par la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Il exige des rapports sur tous les autres groupes qui, selon les sociétés, contribuent à une représentation diversifiée au sein de leurs conseils d’administration et de leurs équipes de la haute directionNote de bas de page 28.

En effet, l’argumentaire en faveur de l’inclusion équitable en milieu de travail a été présenté très souvent, et a été très largement reconnu par les intervenants qui se sont présentés devant notre groupe de travail; ce rapport en fait mention sans s’y attarder.

Les universitaires, les décideurs gouvernementaux, les syndicats et les employeurs, ainsi que la société civile en général, ont formulé des recommandations réfléchies au fil du temps, en mettant l’accent sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans le cadre canadien. Si les appels à la modernisation de notre droit se multiplient, nous ne devons pas perdre de vue cette constante importante : l’équité en matière d’emploi reflète des valeurs canadiennes profondément ancrées et notre engagement en faveur d’une égalité réelle là où la plupart des gens consacrent une grande partie de leur vie, c’est-à-dire au travail.

Il y a donc eu un changement dans la façon dont le Canada se perçoit lui-même, et celui-ci s’étend au‑delà du monde du travail. En outre, les statistiques du Recensement de 2021 indiquent que 24,3 % des législateurs au Canada sont des Métis, des Inuits ou des membres des Premières Nations, ce qui, bien que ne relevant pas du cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, est un signe d’espoir quant à l’émergence de l’autodétermination et de l’autonomie autochtones.

Cela signifie-t-il que nous sommes pleinement représentatifs du Canada? Certainement pas. Nous avons entendu beaucoup de frustration et avons ressenti une impatience compréhensible.

Trente-sept ans après l’adoption de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, il est difficile de concevoir qu’un cadre est resté véritablement proactif si ses objectifs n’ont pas encore été atteints de manière substantielle sur les lieux de travail qu’il couvre. Il est surprenant de constater à quel point certains emplois ne sont pas représentatifs au Canada.

Bien que ces professions échappent pour l’essentiel au cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, ces formes de ségrégation professionnelle persistante nous renseignent sur les domaines dans lesquels les groupes visés par l’équité trouvent un emploi et, par extension, sur les domaines dans lesquels ils n’en trouvent pas.

La disponibilité sur le marché du travail est un sujet complexe qui sera examiné dans les chapitres 1 et 2 du présent rapport. Mais l’essentiel est clair : à ce stade de la trajectoire du Canada, nous devrions vraiment maintenir l’équité en matière d’emploi, et non lutter pour la réaliser. Que s’est-il donc passé en cours de route et que devons-nous faire pour exploiter le potentiel de transformation de l’équité en matière d’emploi?

Que s’est-il passé en cours de route?

[Traduction] Pourquoi ne sommes-nous pas passés à la mise en œuvre? Pourquoi ne pensons‑nous pas à l’accessibilité dès le départ? Il est important de cesser de traiter les gens comme des « personnes spéciales » et de se concentrer sur l’élimination des obstacles.

Employé de la fonction publique fédérale, présentation au GTELEME, 14 juin 2022

Quelque chose s’est produit en cours de route. Pour certains, l’équité en matière d’emploi est devenue obsolète. La terminologie n’était pas adaptée à l’époque et n’était pas assez inclusive. Les difficultés liées à la collecte des données ont commencé à alourdir le processus du fait de renseignements obsolètes et peu fiables. Les processus se sont bureaucratisés. Des cases étaient cochées, mais les choses s’amélioraient-elles vraiment?

On nous l’a rappelé à maintes reprises : l’incapacité à réaliser l’équité en matière d’emploi dans les milieux de travail canadiens représente une occasion manquée pour le Canada. Nous avons également entendu un point de vue plus positif : si nous sommes déterminés à réaliser l’équité en matière d’emploi au Canada en 2023, nous y parviendrons, et cela enrichira nos milieux de travail, notre société et notre monde.

Travailleurs perdus de vue : au-delà d’un exercice de calcul

[Traduction] Cette loi n’aura la capacité de changer la culture en milieu de travail que si elle est ancrée dans des processus de développement communautaire et des structures de responsabilisation réparatrice qui favorisent l’apprentissage permanent, l’humilité culturelle et la transparence.

Réseau d’action des femmes handicapées, mémoire présenté au GTELEME, 10 juin 2022

La Loi sur l’équité en matière d’emploi dresse une liste détaillée des obligations des employeurs. Nous avons écouté les employeurs nous expliquer la manière dont ils concevaient leurs obligations lors de certaines des présentations officielles : elles se résumaient souvent à la tenue de registres et à la soumission de rapports dans un délai prescrit. Il est clair que ces obligations ont été vécues de la même manière par un trop grand nombre de travailleurs. Après une mise en œuvre de l’équité en matière d’emploi échelonnée sur plusieurs décennies, celle-ci s’est bureaucratisée. Progressivement, elle a été réduite à des chiffres plutôt qu’à l’élimination des obstacles à l’égalité réelle. Autrement dit, l’équité en matière d’emploi a été réduite à l’obtention du taux d’atteinte.

Calculer le taux d’atteinte de l’équité en matière d’emploi. Une mesure clé du rendement de l’équité en matière d’emploi est le taux d’atteinte, où la représentation des groupes désignés est comparée à leur disponibilité sur le marché du travail (DMT) respective. Le taux d’atteinte est utilisé pour identifier les écarts entre la représentation et la DMT d’un groupe désigné. Lorsque la représentation d’un groupe désigné est inférieure à la DMT, le taux d’atteinte est inférieur à 100 %. On considère que des progrès ont été réalisés lorsque l’écart entre la représentation d’un groupe désigné et la DMT se rétrécit (c’est-à-dire que le taux d’atteinte s’approche de 100 %) ou lorsque la représentation d’un groupe est égale ou supérieure à la DMT (c’est-à-dire que le taux d’atteinte est égal ou supérieur à 100 %). Un segment de l’effectif est considéré comme représentatif lorsque la représentation d’un groupe désigné est égale à sa DMT.

Programme du travail, Loi sur l’équité en matière d’emploi – Rapport annuel 2021, à la page 6

L’obtention du taux d’atteinte à l’équité en matière d’emploi est certainement une partie importante du processus. Bien que cela puisse sembler simple, la tâche devient rapidement complexe. Les exigences en matière de données peuvent représenter un lourd fardeau, du moins jusqu’à ce qu’elles soient systématisées. Le Programme du travail s’est efforcé de les rationaliser et de rendre les rapports plus simples pour les employeurs, mais cela a peut-être involontairement contribué à la perception de l’étroitesse de l’exercice de calcul mathématique. Et il est clair que l’exercice lui-même peut nécessiter beaucoup de ressources, à tel point qu’il peut sembler être la principale, voire la seule, exigence. L’élimination plus large des obstacles peut sembler, dans le meilleur des cas, une exigence secondaire.

Ce n’est pas le cas, loin de là.

La conséquence la plus importante est peut-être qu’une approche corrective conçue pour être proactive et systémique a perdu de vue les personnes au centre des initiatives : les travailleurs eux‑mêmes. En se concentrant sur les chiffres globaux et en laissant l’équité en matière d’emploi se bureaucratiser, il est devenu facile d’oublier que de vraies personnes se cachaient derrière ces chiffres.

Il est absolument fondamental de prêter attention à la qualité de vie des gens au travail.

Les institutions peuvent à la fois s’engager à augmenter la représentation des groupes visés par l’équité en matière d’emploi tout en ne soutenant pas les travailleurs au sein de ces groupes et, dans certains cas, en les poussant même vers la sortie. L’absence de soutien peut être inconsciente ou résulter d’une résistance à avoir des conversations difficiles. Cela peut avoir pour effet de réduire au silence les personnes qui font évoluer l’équité en matière d’emploi et dont dépend l’inclusion équitable.

Si nous ne prêtons pas attention au climat qui règne sur le lieu de travail, nous sacrifions des talents au profit d’un exercice de calcul sur fond de portes tournantes.

L’attention exclusive portée aux chiffres a supplanté la volonté de faire de l’inclusion équitable la norme.

[Traduction] L’équité en matière d’emploi a été tellement axée sur les chiffres que les expériences réelles des êtres humains ont été perdues de vue. Ce que nous essayons de réaliser, c’est une égalité réelle. Cela signifie une transformation fondamentale qui ne se limite pas à un simple comptage.

Association canadienne des libertés civiles, présentation au GTELEME, 3 juin 2022

Le groupe de travail a écouté attentivement les nombreuses personnes qui se sont présentées devant lui. Nous nous sommes longuement entretenus avec les employeurs et les représentants syndicaux, les réseaux d’employés des groupes visés par l’équité en matière d’emploi et ceux qui revendiquent le statut de groupe visé par l’équité en matière d’emploi, les représentants des entreprises et les groupes de la société civile, les gestionnaires de la fonction publique fédérale et d’ailleurs, les fonctionnaires du Programme du travail responsables de la mise en œuvre, et les organismes chargés de l’application de la loi. Nous avons été frappés par la force de la conviction que le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi ne doit pas être perçu comme un simple exercice de calcul, de portes tournantes et d’accommodement raisonnable individuel. Au contraire, [Traduction] « la réalisation d’une société véritablement inclusive exige une vigilance constanteNote de bas de page 30 ».

Notre groupe de travail a été surpris par le temps que certains employeurs et certains fonctionnaires semblaient consacrer à la simple production des chiffres nécessaires à l’évaluation de la représentation. Pourtant, lorsque nous avons essayé de comprendre pourquoi certains choix ont été faits et comment ils ont contribué à la réalisation de l’équité en matière d’emploi, nous n’avons souvent obtenu que très peu d’information. Les employeurs et les fonctionnaires responsables de la surveillance réglementaire que nous avons rencontrés nous ont constamment montré qu’ils se souciaient profondément de ce qu’ils faisaient. Mais ils faisaient la même chose, souvent avec des ressources limitées – voire en baisse – depuis longtemps. Certains nous ont dit à quel point ils étaient heureux que nous posions des questions fondamentales. Les travaux de notre groupe de travail ont semblé inciter les acteurs à examiner objectivement si leurs pratiques et les critères de référence utilisés nous aidaient réellement à réaliser et à maintenir l’équité en matière d’emploi.

Les données relatives à l’équité en matière d’emploi sur les écarts de représentation ne constituent pas une fin en soi; elles constituent le point de départ de conversations courageuses sur la manière de rendre les milieux de travail véritablement inclusifs.

Pour réaliser et soutenir l’équité en matière d’emploi, nous devons nous concentrer sur les systèmes, les politiques et les pratiques en matière d’emploi afin de cerner les obstacles à l’inclusion équitable. Pour ce faire, il faut élaborer et mettre en œuvre un plan pour supprimer les obstacles et corriger la sous-représentation. Nous devons refuser de perdre de vue les personnes qui composent les lieux de travail. L’équité en matière d’emploi exige que nous accordions une attention particulière au maintien en poste, à la promotion et à d’autres pratiques qui favorisent le bien-être et la progression vers des rangs supérieurs. La création d’un lieu de travail sans obstacle ne peut se faire simplement pour les travailleurs; elle doit se faire avec eux, au moyen de véritables consultations. Pour être transformatrices, les initiatives en matière d’équité, de diversité et d’inclusion au travail doivent être ancrées dans l’égalité réelle et soutenues par un engagement en faveur de la participation démocratique au travail. Ce travail exige une surveillance réglementaire soutenue et durable.

Les travailleurs métis, inuits et membres des Premières Nations, ainsi que les travailleurs d’un large éventail de groupes visés par l’équité en matière d’emploi, ont ajouté qu’il était nécessaire d’adopter une approche de l’équité en matière d’emploi qui tienne compte des traumatismes – une approche tenant compte de la spécificité de l’exclusion du marché du travail subie par le passé et de l’impact de celle-ci sur la réalisation de l’équité en matière d’emploi. L’équité en matière d’emploi ne devrait certainement pas devenir une source de traumatismes supplémentaires.

Le défi est, à certains niveaux, lié à une dissociation inutile entre l’équité en matière d’emploi et les obligations plus larges en matière de droits de la personne. Certains intervenants ont expressément demandé au groupe de travail de recommander un nouvel article de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, précisant qu’il s’agit également d’une loi quasi constitutionnelle, à l’instar de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous avons fini par comprendre à quel point il est important pour un large éventail d’intervenants de voir que la protection des droits de la personne au travail fait partie d’un ensemble complet et harmonisé garantissant que tous les travailleurs sont traités équitablement.

Pourquoi les données qualitatives sur l’expérience des travailleurs issus des groupes visés par l’équité en matière d’emploi ne constituent-elles pas un indicateur de rendement clé prévu par la Loi sur l’équité en matière d’emploi? On a dit au groupe de travail que les examens des systèmes d’emploi qui comprennent des sondages sur le climat de travail visant à mesurer le degré de confiance, de bien‑être et d’intégration en milieu de travail de tous les employés devraient être incorporés dans le cadre de l’obligation de rendre compte de l’équité en matière d’emploi.

Ces questions sont abordées tout au long du rapport.

Une mise en garde s’impose ici : cette attention portée aux données qualitatives diffère d’un appel à « l’expérience vécue » au sens large. Il est certes essentiel de connaître l’expérience des personnes sur le marché du travail et, lors de nos consultations, nous avons écouté attentivement les nombreuses idées qui en sont ressorties. Toutefois, cette notion ne doit pas être instrumentalisée; personne ne doit avoir l’impression, comme en a témoigné un cadre supérieur devant le groupe de travail, qu’il n’est là, malgré ses diplômes et son expertise, que pour fournir une expérience vécue. Laissons l’expérience vécue – de ceux qui n’ont historiquement pas trouvé de place dans nos organisations, et toutes nos expériences vécues – nous aider à envisager la réalisation et le soutien de l’équité en matière d’emploi avec empathie, en étant conscients de tout ce que nous ignorons et de tout ce que nous devons apprendre les uns des autres dans ce pays. L’équité en matière d’emploi ne sera jamais mise en œuvre uniquement grâce à la loi. Nous devons tous aborder ces enjeux de société capitaux liés à l’inclusion équitable avec ouverture d’esprit, empathie, réciprocité et bienveillance.

L’heure est à la transformation. Si les objectifs quantitatifs s’appliquent à juste titre aux groupes visés par l’équité en matière d’emploi qui sont historiquement sous-représentés, porter plus d’attention aux données qualitatives devrait permettre une élimination proactive des obstacles en milieu de travail de manière largement favorable.

La relation entre le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi et les initiatives en matière d’équité, de diversité et d’inclusion : les initiatives d’EDI fonctionnent-elles?

[Traduction] Lorsque les organisations créent des structures symboliques, et que ces structures symboliques sont connues sous le nom de « pratiques exemplaires », elles acquièrent une aura de légitimité qui fait qu’il est difficile […] de voir quand les pratiques réelles divergent des politiques et procédures officielles.

Lauren Edelman, Working Law, University of Chicago Press, 2016, à la page 15.

Un autre phénomène s’est produit. Toute une industrie s’est développée autour d’initiatives largement volontaires fondées sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI). Certaines techniques et approches d’EDI ont privilégié la formation dans les milieux de travail canadiens afin de comprendre et de traiter les préjugés inconscients au travail. Elles sont souvent considérées comme faisant partie de la « boîte à outils » de l’équité en matière d’emploiNote de bas de page 31. Mais dans quelle mesure ces mécanismes ont-ils permis d’améliorer la situation?

Une grande partie de la littérature sur l’EDI provient des États-Unis. L’intérêt porté à l’équité, à la diversité et à l’inclusion dans le contexte américain a suivi un virage jurisprudentiel qui s’est éloigné de la possibilité d’utiliser des mesures positives pour remédier à la discrimination sociétale générale et qui s’est orienté vers le soutien de la « diversité » comme justification de certaines préférencesNote de bas de page 32. Ce virage est perçu comme ayant supplanté de manière subtile, mais décisive, certains aspects de la conformité avec la loi sur les droits civils, affaiblissant ainsi le potentiel de la loi à réaliser l’équitéNote de bas de page 33. L’état précaire des décisions de la Cour suprême des États-Unis sur l’action positive a un autre effet, important lui aussi.

On dit souvent que la diversité est un fait et que l’inclusion est un choix. Mais au Canada, il y a plus, et c’est crucial : l’équité est la loi.

Le paysage juridique canadien en matière de discrimination systémique est toutefois très différent de celui des États-Unis. Comme nous l’avons vu plus haut, l’équité en matière d’emploi au Canada est ancrée dans l’égalité réelle et, par conséquent, l’équité est la loi dans les milieux de travail couverts. Alors, pourquoi y a-t-il eu un virage vers l’EDI au Canada?

La recherche sur l’efficacité réelle de certaines initiatives d’EDI est étonnamment limitée, et la documentation disponible laisse place à certaines inquiétudes. Aux États-Unis, la Select Task Force on the Study of Harassment in the Workplace de l’Equal Employment Opportunity Commission a constaté qu’en dépit de 30 années de formation en entreprise, il existe peu de preuves de l’efficacité de cette formation dans la prévention du harcèlementNote de bas de page 34. Ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas doit-il simplement être laissé au marché des idées, en particulier dans un contexte où les organisations peuvent supposer qu’il y a peu de raisons de divulguer leurs techniques gagnantes, et encore moins leurs échecsNote de bas de page 35? Et si certaines des politiques ou procédures symboliques proliférantes présentées comme favorisant l’EDI augmentaient l’arbitraire et présentaient en fait le risque de causer un réel préjudiceNote de bas de page 36?

Notre groupe de travail a appris que certains grands employeurs, y compris certaines universités, pouvaient avoir des bureaux d’EDI dotés de personnel, mais qu’ils n’avaient qu’une expérience limitée de l’analyse de l’environnement des politiques et des processus en vue de cerner les obstacles systémiques, et qu’ils n’avaient qu’une expérience limitée de la tenue de véritables consultations avec les groupes concernésNote de bas de page 37. Certains experts craignent que les initiatives d’EDI, si elles ne sont pas axées sur l’équité en matière d’emploi, donnent lieu à une « impuissance acquiseNote de bas de page 38 ». L’hypothèse implicite et troublante qui en découle semble une fois de plus être que l’équité en matière d’emploi ne sera pas véritablement réalisée – on cherche simplement à faire quelque chose, ou pire, à avoir l’air de faire quelque chose.

Les initiatives d’EDI peuvent également manquer de la rigueur procédurale que les droits à l’égalité méritent . Il était profondément préoccupant de lire les nombreux rapports sur le harcèlement au travail et les obstacles à l’emploi dans certains secteurs de la fonction publique fédérale et d’entendre tour à tour les vérificateurs et les examinateurs attirer l’attention sur les problèmes de procédure, les conflits d’intérêts et les atteintes à la vie privée. Si nous ne prenons pas soin de traiter les droits à l’égalité comme des droits de la personne et de leur accorder le sérieux qu’ils méritent, nous courons le risque de faire du tort même lorsque nous voulons bien faire.

Certains chercheurs américains ont même exprimé la crainte que la prolifération des mesures, politiques et procédures internes puisse être utilisée pour suggérer, dans les procédures judiciaires, que des mesures de diligence raisonnable sont prises. Le résultat pourrait être de limiter la responsabilité en cas de discrimination ou de harcèlementNote de bas de page 39.

Les mesures volontaires à elles seules ne suffiront pas à instaurer l’équité dans les milieux de travail canadiens. Le rapport Abella de 1984 l’a confirmé. Le rapport Bilson de 2004 sur l’équité salariale l’a réitéréNote de bas de page 40. Nous sommes d’accord : comme les mesures volontaires, de simples mesures symboliques ne nous permettront pas d’atteindre l’équité en matière d’emploi. Bien qu’il y ait beaucoup de bonne volonté, nous devons créer les conditions qui permettent aux mécanismes réflexifs de fonctionner ensemble dans le but de favoriser l’égalité réelle en milieu de travail.

Pour résumer : il n’y a rien de mal à avoir un impact symbolique positif – le virage vers l’EDI pourrait symboliser une volonté de parvenir à l’équité en matière d’emploi et des mesures pour nous aider à y parvenir. Mais le langage de l’EDI pourrait faire boule de neige. Notre groupe de travail a veillé à ce que l’accent mis sur l’EDI ne supplante pas l’exigence ferme de réaliser et soutenir l’équité en matière d’emploiNote de bas de page 41.

L’équité en matière d’emploi doit donc être plus que des initiatives d’EDI caractérisées par des employeurs agissant largement seuls; l’équité en matière d’emploi a besoin d’un engagement en faveur d’un cadre transformateur qui favorise le respect de la loi en associant l’élimination proactive des obstacles, des véritables consultations et une surveillance réglementaire .

Nous avons besoin d’un cadre transformatif pour veiller à ce que les pratiques d’EDI soutiennent le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi au lieu de le supplanter.

Un cadre transformatif : les trois piliers de l’équité en matière d’emploi

[Traduction] La pleine conformité n’est pas synonyme d’une plus grande diversité

ETCOF, mémoire présenté au GTELEME, 28 avril 2022

Dans le contexte canadien, si le respect de l’équité en matière d’emploi en est venu à signifier guère plus que la rédaction de rapports, plutôt que la réalisation de progrès raisonnables dans un délai raisonnablement prévisible, se pourrait-il que nous soyons en train de donner le feu vert à des mesures symboliques, mais largement inefficaces?

Ces préoccupations ont été réitérées par les groupes qui se sont présentés devant notre groupe de travail. Nous avons entendu à maintes reprises qu’il fallait remettre le cap de manière à évaluer l’amélioration continue – c’est-à-dire les progrès raisonnables permettant de réaliser et de soutenir l’équité en matière d’emploi.

Le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi est le point d’ancrage nécessaire pour garantir une approche fondée sur des preuves en ce qui concerne l’inclusion équitable en milieu de travail. L’accent est mis sur l’objectif des droits de la personne qui consiste à atteindre et à soutenir l’égalité réelle. Le groupe de travail a été invité, dans le contexte de l’évolution du marché du travail mondial et du risque permanent de réactions négatives, à formuler des recommandations visant à garantir que l’ancrage de l’équité en matière d’emploi résiste aux épreuves.

[Traduction] La Loi sur l’équité en matière d’emploi n’a pas pour vocation de s’attaquer à l’ensemble des inégalités créées par les forces historiques, sociétales et culturelles qui ont façonné la société canadienne. Toutefois, la Loi définit une stratégie visant à cerner les obstacles systémiques à l’égalité des résultats en matière d’emploi […] et à remplacer ces obstacles par des pratiques équitables pour tous.

Carol Agócs, Think Piece on Three Topics, document inédit préparé pour le GTELEME, 30 août 2022

L’équité en matière d’emploi était un modèle précoce de « réglementation réflexive », conçu pour encourager les employeurs et les acteurs du monde du travail en général à examiner de près leur lieu de travail et à définir les pratiques nécessaires pour le transformer. Comme l’ont reconnu Sir Bob Hepple, Mary Coussey et Tufyal Choudhury dans le contexte de la proposition d’un cadre pour la législation antidiscriminatoire britannique, on n’a jamais supposé que les employeurs pouvaient le faire seulsNote de bas de page 42. Les conditions nécessaires à l’efficacité de cette réglementation réflexive vont au-delà de l’action isolée des employeurs.

Le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi ne doit pas devenir une liste de contrôle ou une série de formulaires à remplir.

Il est temps de définir clairement ce que le cadre exige pour que l’équité en matière d’emploi soit réalisée et maintenue. Le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi repose sur trois piliers :

Figure I.1 : Les trois piliers de la Loi sur l’équité en matière d’emploi
Figure I.1 : Les trois piliers de la Loi sur l’équité en matière d’emploi: description follows
Description textuelle de la figure I.1

La figure montre trois boîtes sur un axe horizontal, reliées par des flèches allant dans les deux sens. Les cases représentent les trois piliers :

  • Mise en œuvre par l’élimination des obstacles
  • Véritables consultations
  • Surveillance réglementaire

Les trois piliers sont examinés plus en détail ci-dessous et tout au long de ce rapport, mais l’essentiel est de retenir que l’équité en matière d’emploi n’est pas une simple liste d’obligations pour les employeurs, elle requiert un cadreNote de bas de page 43 permettant d’atteindre, et de soutenir, l’égalité.

La Loi sur l’équité en matière d’emploi est une loi cruciale, qui dépend d’un cadre institutionnel solide et soutenant caractérisé par une relation équilibrée entre les trois piliers.

Au fil du temps, la mise en œuvre de la loi a été réduite à des calculs et à des accommodements individuels qui font peser sur les travailleurs sous-représentés la responsabilité de demander à être « adaptés » à la norme, sans guère se préoccuper de véritables consultations et en exerçant une surveillance réglementaire étroite et sporadique. Le potentiel de transformation nous a échappé.

En se contentant d’énumérer les caractéristiques de la loi, il a été facile de perdre de vue cette structure.

Les trois piliers du cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi sont nécessaires pour assurer la stabilité de l’équité en matière d’emploi.

Pour équilibrer le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, nous devons soutenir les trois piliers.

Des approches positives et durables pour réaliser l’équité en matière d’emploi

[Traduction] Nous avons besoin d’un leadership qui soit prêt à reconnaître la situation dans laquelle nous nous trouvons, plutôt que de brosser un tableau idyllique en manipulant les données.

Mémoire de la Communauté fédérale des minorités visibles présenté au GTELEME, 28 avril 2022

Nous le répétons : cela fait près de 40 ans que le Canada s’interroge sur l’orientation à donner à l’équité en matière d’emploi. L’équité en matière d’emploi est censée être réalisée. L’accent devrait maintenant être mis sur le maintien d’une inclusion équitable au travail. Nous n’y sommes pas encore tout à fait, et dans de nombreux cas, pour de nombreux groupes visés par l’équité en matière d’emploi, nous en sommes encore loin.

De nombreuses personnes qui ont pris la parole devant nous ont fait référence à l’appel à l’action en faveur de la lutte contre le racisme, de l’équité et de l’inclusion dans la fonction publique fédérale du greffier du Conseil privé. L’appel débute par ces mots : « il faut agir maintenant ».

Notre groupe de travail partage cet avis, et nous pensons que la manière dont nous agissons est déterminante.

Les chapitres du rapport s’articulent autour du cadre transformatif des trois piliers de la mise en œuvre par l’élimination des obstacles; de véritables consultations; et de la surveillance réglementaire. Dans les chapitres 4 à 6, le rapport examine en détail où nous en sommes et où nous devons aller pour renforcer chacun de ces piliers.

Mais avant d’aborder la manière de renforcer chaque pilier, le rapport présente trois chapitres transversaux qui guident le travail par rapport aux trois piliers : l’inclusion équitable dans un monde du travail en évolution (chapitre 1), les données pour (chapitre 2), et repenser les groupes visés par l’équité en matière d’emploi (chapitre 3). Le chapitre 7 revient sur le thème de l’inclusion équitable pour explorer certaines des implications réglementaires plus techniques d’une couverture positive et durable concernant l’équité en matière d’emploi.

En ce qui concerne la couverture et le champ d’application (chapitre 1), le rapport examine l’évolution de la main-d’œuvre canadienne depuis l’introduction du cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Il s’intéresse de près aux travailleurs découragés et aux travailleurs surqualifiés. Il pose la question de savoir si nous couvrons effectivement la main-d’œuvre canadienne. Il pose également la question de savoir si nous ne reproduisons pas des stéréotypes dans nos critères de référence.

En ce qui concerne les données pour l'équité, au chapitre 2, le rapport se penche sur les statistiques qui soutiennent l’équité en matière d’emploi, en mettant l’accent sur les motifs qui justifient l’équité en matière d’emploi : le « pourquoi » doit influer sur ce que nous faisons. Cet objectif influe sur la manière dont nous abordons la question de la protection des renseignements personnels. Il influe sur la décision de désagréger les données. Il influe sur la manière dont nous traitons la question de l’auto-identification. Et il soutient le fait de mettre de côté la disponibilité au sein de la population active dans la fonction publique fédérale au profit d’un critère de référence qui met l’accent sur l’élimination des obstacles, sur de véritables consultations et sur la surveillance. Il englobe également l’obligation de rendre des comptes au public en démocratisant l’accès aux données relatives à l’équité en matière d’emploi.

Au chapitre 3, sur le thème « Repenser les groupes visés par l’équité en matière d’emploi », nous soulignons l’importance de comprendre les groupes dans leur contexte. Nous invoquons des histoires précises qui nous aident à comprendre les obstacles à l’équité en matière d’emploi propres à chaque groupe et la manière dont nous devrions concevoir les groupes visés par l’équité en matière d’emploi en 2023 et à l’avenir. Nous soulignons à quel point il est important d’élaborer des approches positives et durables visant à réaliser l’équité en matière d’emploi pour les groupes qui en ont besoin. L’objectif du cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi est encore plus large : grâce à l’élimination proactive des obstacles, à de véritables consultations et à une surveillance réglementaire, nous travaillons à la réalisation et au soutien de l’équité en matière d’emploi. Cela nous profite à tous.

En ce qui concerne les implications réglementaires d’une couverture positive et durable de l’équité en matière d’emploi abordées au chapitre 7, nous examinons la fonction publique, les employeurs du secteur privé fédéral et le Programme de contrats fédéraux, et nous recommandons des changements pour garantir que le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi offre réellement une couverture positive et durable.

Tout au long du rapport, nous le disons et le répétons : nous devons aller au-delà du symbolique et nous concentrer sur un cadre transformatif à trois piliers qui propose des approches positives et durables pour réaliser l’équité en matière d’emploi.

Notre processus

Notre groupe de travail

Notre groupe de travail est composé de 12 personnes, dont la présidente, la professeure Adelle Blackett, et la vice-présidente, la professeure Dionne Pohler. Les membres proviennent non seulement du monde universitaire et d’importantes organisations d’employeurs et de travailleurs, mais aussi de tous les horizons de la société (annexe B). Collectivement, nous avons apporté une riche diversité d’expertises complémentaires et d’expériences vécues, rarement mises de l’avant au sein du gouvernement fédéral. Les membres ont apporté un large éventail de connaissances en matière d’équité, de droits de la personne, de statistiques, de politiques, de relations de travail et d’affaires, qui recoupent bon nombre des préoccupations qui sont au cœur du cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Les membres ont fait preuve d’engagement et de générosité tout au long de leur mandat, qui a officiellement pris fin pour tous les membres, à l’exception de la présidente, avec la fin des consultations publiques en octobre 2022. La présidente remercie la vice-présidente Dionne Pohler pour sa formidable collaboration intellectuelle et son engagement indéfectible. L’apport éclairé de tous les membres du groupe de travail a été d’une valeur inestimable. Chaque fois que nous nous sommes rencontrés, les membres ont fait preuve de bienveillance. Nous avons beaucoup appris ensemble et les uns des autres, notamment sur ce qu’est une inclusion respectueuse et équitable.

Nous avons fait de l’écoute une priorité. Faire preuve d’une grande écoute signifiait prendre le temps d’entendre ce qui se disait sur le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Faire preuve d’une grande écoute signifiait aussi se souvenir –, être attentif aux espoirs, aux préoccupations, à l’enthousiasme et à la souffrance, aux possibilités et à la frustration de ceux qui avaient le sentiment que ce qu’ils disaient avait déjà été dit, à maintes reprises, au cours des dernières décennies. Certaines personnes se sont présentées devant nous et ont déclaré qu’en dépit de leurs propres déceptions, elles voulaient améliorer le monde du travail au Canada pour leurs enfants et pour les prochaines générations. Nous avons pris conscience d’un véritable sentiment d’urgence. Les groupes et les personnes qui nous ont rencontrés voulaient savoir que notre rapport et nos recommandations feraient l’objet d’une écoute attentive et qu’ils aboutiraient à des changements significatifs.

Consultations

Les expériences doivent éclairer les politiques.

Les consultations ont donc constitué une part importante de notre travail. De nombreuses personnes et de nombreux groupes souhaitaient être entendus sur cet enjeu touchant directement leur gagne-pain, et les participants étaient prêts à faire part de leurs points de vue. Pour respecter le rythme postélectoral accéléré fixé par le gouvernement du Canada une fois que nous avons été convoqués à nouveau après l’ordre d’arrêt des travaux de cinq mois pendant les élections fédérales, notre groupe de travail a tenu 51 jours de réunions avec plus de 109 consultations de février à octobre 2022. Au total, 337 personnes ont participé aux réunions, dont 176 organisations d’employeurs et de travailleurs, représentants de la société civile, experts, ministères et organismes gouvernementaux. Le groupe de travail s’est réuni à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de tables rondes avec des universitaires du Canada et du monde entier. Nombre de ces réunions étaient des sessions plénières du groupe de travail; d’autres rassemblaient un éventail représentatif de membres du groupe de travail. Le document que nous avons préparé pour soutenir les consultations figure à l’annexe N.

Nous sommes extrêmement reconnaissants envers les nombreuses personnes qui ont tenu à nous rencontrer. Sans leurs contributions, ce rapport n’aurait pas pu être rédigé avec une telle perspective. Les points de vue importants de certaines personnes que nous avons rencontrées sont formellement référencés tout au long du rapport. Toutefois, nous tenons à souligner à quel point de nombreuses réflexions étaient riches et résonnantes – beaucoup de témoignages ont été livrés et, par conséquent, l’appel à aller de l’avant a été très puissant.

Outre ces consultations, la présidente du groupe de travail – soit conjointement avec la vice‑présidente, soit seule – a tenu un certain nombre de discussions avec des commissaires à la tête d’autres bureaux ou unités indépendants œuvrant dans le domaine de l’équité en matière d’emploi, notamment le commissaire à la protection de la vie privée, la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, la commissaire à l’équité salariale par intérim et le commissaire à l’équité salariale sortant, le commissaire à l’accessibilité ainsi que la vérificatrice générale du Canada. Ces réunions ont été extrêmement importantes pour mieux comprendre les structures institutionnelles et les possibilités de repenser la surveillance de l’équité en matière d’emploi au Canada. Nous renouvelons notre gratitude à ces personnes.

La plupart des consultations du groupe de travail ont été menées virtuellement, compte tenu de la pandémie et conformément au mandat du groupe de travail. Quelques-unes des réunions qui ont eu lieu à l’automne 2022 avec des représentants du gouvernement fédéral et des organismes responsables de la mise en œuvre ou de l’application de l’équité en matière d’emploi ou d’autres mandats relatifs à l’équité se sont déroulées en personne une fois qu’il a été jugé sécuritaire de le faire. Une liste des parties consultées figure à l’annexe D.

Ce rapport n’aurait pas été le même sans elles. Nous leur en sommes reconnaissants. Ce qui a été mis de l’avant, collectivement, fait désormais partie de la refonte de l’équité en matière d’emploi habilitée par une compréhension équitablement inclusive de l’égalité réelle.

Consultations approfondies

Dans le cadre de notre mandat, il nous a été demandé d’envisager des modifications afin de refléter les conceptions actuelles de la relation entre les « Autochtones » et l’État canadien, de réexaminer la définition des « personnes handicapées », d’examiner s’il convenait d’ajouter un groupe visé par l’équité en matière d’emploi pour les travailleurs des communautés 2ELGBTQI+ et de déterminer si les communautés noires devaient être considérées comme une catégorie distincte d’équité en matière d’emploi. Pour cette raison, nous avons entrepris des consultations approfondies avec des organisations importantes représentant chacune de ces communautés, selon le principe de « rien à propos de nous, sans nous ». Les organisations ont conclu des accords de subventions et de contributions visant à financer la production de rapports consultatifs détaillés sur des questions fondamentales liées à notre mandat. Elles se sont à leur tour adressées à l’ensemble des communautés du Canada, en anglais et en français et, dans certains cas, en langues autochtones, en langue des signes américaine et en langue des signes québécoise, dans le cadre d’une multitude d’activités telles que des sondages, des groupes de discussion et des consultations auprès d’un éventail d’intervenants, y compris des organisations d’employeurs. Elles ont également mené des sondages en ligne, effectué des recherches documentaires et validé les résultats auprès de leurs propres membres, souvent en combinant leurs forces pour atteindre plusieurs centaines de membres de leurs communautés. Chaque organisation a fait rapport au groupe de travail sur les progrès accomplis, et la plupart des rapports finaux ont été reçus par écrit ou, dans quelques cas, sous forme de présentations au groupe de travail tenues de l’été 2022 à l’hiver 2023. Compte tenu notamment des délais serrés de ce processus consultatif, le processus de consultations approfondies a été essentiel pour garantir une large contribution à l’élaboration du rapport et de ses recommandations.

Mémoires

Notre groupe de travail a lancé un appel de mémoires qui a donné lieu à plus de 400 soumissions, dont la liste figure à l’annexe F. La plupart ont été reçues avant avril 2022, mais certains rapports spécialement commandés à des groupes visés par l’équité en matière d’emploi, dont la liste figure à l’annexe E, sont arrivés tout au long de l’automne 2022 et quelques-uns jusqu’à l’hiver 2023.

Le lancement du groupe de travail semble avoir donné lieu à un certain nombre d’études et de rapports internes au gouvernement fédéral. Lorsque notre groupe de travail a rencontré le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (BDPRH du SCT), nous avons été informés que le SCT procédait à un examen du calcul de la disponibilité au sein de la population active pour la fonction publique fédérale, afin de déterminer s’il devait être conservé. Le BDPRH du SCT indique que son travail sur la modernisation des critères de référence sera reflété dans son rapport de 2021-2022Note de bas de page 45. Son délai d’achèvement initial était l’été 2022, mais il a commandé une étude externe distincte sur le calcul de la disponibilité au sein de la population active à l’automne 2022, a invité la présidente et la vice‑présidente à une réunion, et a transmis une version provisoire du rapport à la présidente du groupe de travail à l’hiver 2023. De septembre 2021 à juillet 2022, la Commission canadienne des droits de la personne a effectué un examen des systèmes d’emploi dans le cadre de l’équité en matière d’emploi, dont les résultats ont été soulignés dans un rapport publié le 8 novembre 2022. La sous-ministre championne des employés fédéraux autochtones et des femmes, Gina Wilson, nous a transmis un rapport qu’elle a commandé sur l’auto-identification daté de juin 2022Note de bas de page 46.

Recherche et collecte de données

La recherche a également été un élément central du mandat du groupe de travail. Malgré l’absence d’un directeur de recherche au sein du secrétariat et les restrictions en matière d’autorisations de voyager imposées par la pandémie, il était crucial pour nous de ne pas faire de compromis sur cette dimension du travail. Ce rapport s’est efforcé de rendre hommage aux importants travaux de recherche critiques entrepris depuis des décennies par de nombreuses personnes engagées dans la réalisation de l’égalité en milieu de travail au Canada et ailleurs. Cela a nécessité un examen minutieux. Ce rapport a cherché à offrir une occasion significative de faire le point, en vue de permettre à la société canadienne d’aller résolument de l’avant. La clé, comme nous l’ont répété les personnes qui se sont présentées devant notre groupe de travail, est de faire en sorte que le changement se produise.

Le groupe de travail a commandé à d’éminents experts quelques documents de recherche clés sur des questions fondamentales liées à son mandat. Nous avons été très sélectifs dans nos choix, afin d’éviter de dupliquer l’important volume d’études de premier plan liées à l’équité en matière d’emploi. Les sujets sont énumérés à l’annexe H et les documents sont référencés dans le présent rapport.

Compte tenu des nombreuses préoccupations exprimées quant au recours fréquent à des données obsolètes pour évaluer l’équité en matière d’emploi, notre groupe de travail a voulu s’assurer de s’appuyer autant que possible sur les données du Recensement de 2021. Statistique Canada a publié ses données sur le travail et la langue de travail tirées du Recensement de la population de 2021 le 30 novembre 2022. La dirigeante principale des données d’Emploi et Développement social Canada (EDSC), Ima Okonny, et son personnel, ainsi que les membres du secrétariat du groupe de travail, ont travaillé intensivement au cours de la première quinzaine de décembre pour permettre à la présidente du groupe de travail d’incorporer certaines de ces données cruciales nouvellement publiées dans le présent rapport.

Nous exprimons notre sincère gratitude pour l’engagement et le dévouement du secrétariat et de son directeur exécutif, Eldon Holder. Le secrétariat a apporté un soutien crucial, notamment pour programmer des consultations intensives et coordonner les contributions des intervenants de la mi‑juillet au début d’août 2021, jusqu’à ce que nous soyons totalement en pause pendant les élections, et à la reprise de février à octobre 2022, et a été en grande partie démantelé en décembre 2022. Cependant, malgré des demandes répétées au vu du mandat et des attributions du groupe de travail, le secrétariat du groupe de travail n’était pas outillé pour fournir le soutien attendu en matière de recherche juridique, et la présidente n’a pas bénéficié d’un accès indépendant à un conseiller juridique, à la différence de l’examen des normes d’emploi mené par le professeur ArthursNote de bas de page 47, à l’examen de l’équité salariale mené par le professeur BilsonNote de bas de page 48 et à d’autres examens récents, y compris les rapports du responsable de l’examen externe cités dans le présent rapport et menés notamment par l’honorable Marie Deschamps, C.C., Ad. E.Note de bas de page 49, 46 l’honorable Morris FishNote de bas de page 50 et l’honorable Louise ArbourNote de bas de page 51.

Grâce au soutien de deux assistantes de recherche en droit aux études supérieures talentueuses et dévouées, Leanna Katz, candidate au doctorat en droit canon de McGill (de septembre 2022 à avril 2023) et Béatrice Rutayisire, candidate au Juris Doctor en common law (de mai 2022 à avril 2023), la présidente a effectué une analyse approfondie de la littérature juridique et plus générale en utilisant les textes juridiques, la jurisprudence et les documents de recherche de tout le Canada et du monde entier. Nous avons appris comment les mesures spéciales visant à promouvoir l’adoption équitable étaient utilisées dans différentes parties du monde, de la France à l’Inde, de l’Irlande du Nord à l’Afrique du Sud, des États-Unis à l’Argentine. Le rapport de notre groupe de travail reflète le point de vue selon lequel les expériences du monde entier peuvent être instructives et constituer une source d’inspiration. Le Canada a joué un rôle crucial en contribuant à l’élaboration de principes d’égalité réelle et de politiques d’équité en matière d’emploi à l’étranger également. Le rapport contient des références au droit international, en particulier lorsqu’il s’agit d’observations ou de commentaires formulés par des organes de surveillance des traités internationaux sur la situation au Canada. Notre groupe de travail a également rencontré virtuellement des experts du Bureau international du Travail à Genève, qui ont expliqué que les mesures spéciales constituaient un élément important de la reprise après une pandémie.

[Traduction] L’ambiguïté et l’adaptabilité [de l’équité en matière d’emploi] sont à la fois sa force et sa fragilité. Il ne s’agit pas d’une formule fixe d’action gouvernementale transportable d’un pays à l’autre ni d’un arrangement constitutionnel ou juridique précis d’action universelle. Elle présente néanmoins une caractéristique fondamentale […] elle implique une intervention gouvernementale ciblée et délibérée qui tient compte de la réalité de la [discrimination systémique] pour traiter et surmonter les problèmes liés à la [discrimination systémique].

Juge Albie Sachs, Avant-propos, dans Race and Inequality : World Perspectives on Affirmative Action sous la direction d’Elaine Kennedy-Dubourdien (Londres : Routledge, 2006).

Le rapport contient des références sélectives au droit comparé. À ce stade de maturité du système canadien, nous voulons être particulièrement attentifs à ne pas nous contenter de « picorer » ailleurs. Une partie de la « méthode » de droit comparé utilisée dans ce rapport a consisté à rendre explicite une grande partie du chemin parcouru pour parvenir à des interprétations de ces principes qui prévalent au Canada et qui s’inspirent de l’étranger. Nous avons voulu nous assurer que l’utilisation du droit comparé et des pratiques tienne compte de l’enracinement des approches législatives dans les sociétés où elles ont vu le jour. Tout changement introduit doit tenir compte du contexte et de la possibilité qu’il puisse fonctionner très différemment selon le contexte. Cette approche reconnaît le pouvoir potentiellement émancipateur de l’expérimentation en matière de droit.

Ce rapport est en phase avec ce qui se passe dans le monde et s’appuie implicitement sur de nombreux courants contemporains, en particulier en ce qui concerne l’application de la loi.

Ce rapport ne se concentre pas sur ce qui aurait pu être fait dans l’abstrait, mais plutôt sur ce qui peut être fait concrètement et en fonction du contexte pour transformer l’équité en matière d’emploi afin de réaliser et soutenir l’égalité réelle dans les milieux de travail canadiens.

Par conséquent, ce rapport s’appuie avec prudence sur des exemples comparatifs et met l’accent sur un examen approfondi de certaines des hypothèses qui ont entouré notre propre système d’équité en matière d’emploi afin de nous encourager à prendre au sérieux la réalisation de l’égalité réelle. Un tableau des sources de droit comparé figure à l’annexe K. Nous sommes persuadés que cette approche permet d’aller assez loin dans l’application d’un modèle canadien qui a été une source d’inspiration.

Les recommandations

Enfin, tout au long du rapport, nous formulons un total de 187 recommandations qui visent à offrir une orientation globale. Elles sont souvent d’un niveau assez général, afin de laisser au gouvernement la latitude de décider, lors des consultations, de la meilleure façon de les mettre en œuvre. Dans certains cas, cependant, les recommandations sont plus granulaires et visent à se compléter mutuellement pour former un ensemble complet .

Tout a été mis en œuvre, dans le cadre du calendrier accéléré de remise de notre rapport, pour fournir des recommandations précises susceptibles d’être mises en œuvre sans recherches supplémentaires; c’est le cas de la grande majorité des recommandations. Toutefois, compte tenu de l’ampleur de l’examen, certaines recommandations sont inévitablement plus directionnelles. Toutes s’appuient les unes sur les autres et toutes dépendent d’un engagement commun à réaliser et à maintenir l’équité en matière d’emploi.

Notre groupe de travail est convaincu que la réalisation et le soutien de l’équité en matière d’emploi passent par une priorisation par l’ensemble du gouvernement de l’approche holistique proposée, axée sur l’inclusion équitable et le renforcement et la mise en équilibre des trois piliers du cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

Tout le monde doit être de la partie

Malgré l’ampleur du défi, nous sommes repartis optimistes quant aux possibilités d’apporter un changement transformateur en ce moment.

Un moment particulièrement mémorable et émouvant a été celui où un représentant syndical, qui se décrivait lui-même comme étant un homme blanc plus âgé de la classe ouvrière, dans un secteur qui avait tendance à être dominé par les hommes et très blanc, a expliqué certaines des initiatives du syndicat visant à accroître la représentation des travailleurs autochtones. Non seulement il a affirmé que le travail du groupe de travail serait crucial pour améliorer les conditions des travailleurs, mais il a également reconnu que les voix des travailleurs des groupes visés par l’équité en matière d’emploi devaient être entendues. Il a également proposé d’ajouter sa propre voix en guise de soutien.

Un deuxième exemple nous ramène en 1985, au moment où le cadre de la Loi sur l’équité en matière d’emploi a été mis en place. La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a décerné son Prix de l’étudiant exceptionnel à une étudiante introvertie, présidente de l’association étudiante et première de classe, issue de l’une des écoles secondaires les plus diversifiées de la ville. Bien sûr, ce prix était très significatif. Mais le prix principal - un emploi d’été dans ce qui était alors la Banque Toronto-Dominion - a fait toute la différence. Été après été, cet emploi l’a soutenue tout au long de ses études universitaires jusqu’à son premier poste en droit; il lui a ouvert un monde de possibilités.

Le troisième moment est celui où le chauffeur de taxi bien éduqué du Congo-Kinshasa a fait remarquer que la présidente du groupe de travail ne plaisantait pas : la valise apportée au Monastère des Augustines à Québec pour avancer dans la rédaction de ce rapport était vraiment lourde. La valise contenait plus de livres que de vêtements. Le chauffeur de taxi a refusé que la facture soit doublée en guise de pourboire supplémentaire, et a regardé la présidente droit dans les yeux comme s’il communiquait la solidarité à l’égard de ce travail nécessaire.

Nous devons continuer à élever le niveau du débat public afin qu’il soit fondamentalement compris que chacun d’entre nous doit s’impliquer en vue de construire un Canada équitablement inclusif.

Nous devons nous atteler sérieusement à la réalisation et au soutien de l’équité en matière d’emploi, au moyen d’un cadre transformateur fondé sur la mise en œuvre par l’élimination des obstacles, de véritables consultations et une surveillance réglementaire.

C’est ce travail qui transformera l’équité en matière d’emploi. Et cette tâche nous incombe à tous. Il nous faut construire des milieux de travail canadiens, avec bienveillance.

En cette période de montée de la haine, de l’intolérance et de l’exclusion à l’échelle mondiale, le Canada a un choix crucial à faire. C’est l’occasion de montrer l’importance de notre capacité, littéralement, à travailler ensemble pour favoriser l’inclusion équitable de tous.

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2024-07-05